[Haute-Forêt] Quête : Racines

[Voyageuse]

- Oh, je pense qu'il s'en doute, répliqua Tilmandil qui réprimait difficilement un fou-rire.
La rôdeuse lui jeta un regard noir et il s'empourpra légèrement.
- Mais bon, c'est quand même normal que vous lui disiez au-revoir...
Sylvia ne daigna pas lui répondre et reporta son regard sur Kasumi, s'adoucissant instantanément.
- Je vais lui parler... On se retrouve directement à la rivière !
Et elle se dirigea vers la maison de Gwenaël, qui se trouvait à deux pas de là.
- Viens, Kasumi, je crois qu'Eärundra va finir par s'impatienter là-bas... Ah, elle m'a dit de récupérer un peu de corde, j'imagine que tu sais où en trouver ? Ou que en as peut-être ?

[Kasumi]

Kasumi avait à peine pris garde aux paroles de Tilmandil et se tourna vers lui quelques secondes après qu’il lui ait adressé la parole en affichant une expression un peu absente. Jusque-là, il n’avait pas quitté la rôdeuse des yeux quand elle était passée devant eux puis avait commencé à se diriger vers la maison de Gwenaël. Il bafouilla un peu en prenant conscience de l’hilarité à peine contenue de son demi-frère :

- Eärundra, euh oui… Oh, je dois avoir deux longueurs de corde de vingt mètres quelque part. Mais oui, mieux vaut prévoir plus large s’il faut tracter le radeau depuis la rive ou l’y attacher solidement. Yan aura ça, viens, c’est par là.

Il commença alors à marcher dans la direction de la petite bâtisse servant de comptoir d’échange et d’entrepôt pour tout le matériel susceptible de servir lors des expéditions. Se faisant, le rôdeur se gardait bien de regarder son demi-frère en face, bien trop conscient de son regard à lui, scrutateur et lourd de sens.

[Voyageuse]

Tilmandil, pour une fois, se tut. Peut-être avait-il épuisé sa réserve de taquineries, ou peut-être craignait-il de vexer durablement le rôdeur. Plus probable...
L'abri servant d'entrepôt était vaste, et Kasumi put constater que tout y était rangé exactement comme dans ses souvenirs. Yan, du reste, était là, affable, et ne se fit pas prier pour fournir au rôdeur toute la corde dont il avait besoin. Il lui apprit aussi que Tilmandil avait tenu à payer en espèces sonnantes et trébuchantes pour le matériel emprunté, n'étant pas certain de repasser ici au retour. La communauté n'avait guère l'usage de monnaie, mais il leur fallait parfois commercer un peu pour se fournir en vêtements, étoffes, matériel et outils plus sophistiqués. Aussi avait-il accepté.

Lorsqu'ils arrivèrent à la rivière, Sylvia n'y était pas. Eärundra les attendait assise sur la rive, caressant doucement la crinière de Léo qui arborait un pansement tout neuf. Elle sourit à Kasumi, un sourire tranquille, moins taquin que celui de son demi-frère bien que ses yeux pétillent légèrement.
- Alors, combien sera-t-on pour le voyage ? Trois ou quatre ?
Elle grimaça.
- Il y a un pari en jeu, entre moi et votre frère...
Lequel se garda bien du moindre commentaire...

[Kasumi]

En arrivant à la rivière, le rôdeur fut d’abord soulagé que la druidesse ne semble pas lui en vouloir tant que cela malgré les assertions de son demi-frère. Tilmandil s’était certainement tout simplement moqué de lui. Oui - forcément - et cela valait bien mieux que l’alternative, que la jeune elfe décide de lui faire payer d’une façon plus indirecte une quelconque rancœur à son égard. Mais quand Eärundra s’adressa à lui, il comprit immédiatement qu’il avait pensé un peu trop vite. Bien qu’il se soit attendu à une riposte, la suggestion du pari les concernant, Sylvia et lui, le laissa passablement incrédule et pivoine. Il se tourna alternativement vers les deux elfes en se demandant s’ils ne se fichaient pas encore une fois de lui. Mais l’expression de Tilmandil était indéchiffrable, pouvant tout signifier et son contraire. Il s’entendit se justifier d’une voix faible comme celle d’un petit garçon pris en faute tout en pointant un regard accusateur sur Tilmandil à défaut de pouvoir soutenir celui d’Eärundra :

- Non, mais… Ça, c’est le bouquet ! On a pensé… eh bien... que quelqu’un connaissant la région où nous nous rendons serait... très utile ! Et je peux savoir qui a parié sur quoi d’abord ?

[Voyageuse]

Pour le coup, ce fut Tilmandil qui s'empourpra.
- Et bien... disons... j'ai perdu en fait.
- Je lui avais bien dit... Quand j'ai vu que vous n'étiez pas au spectacle où vous m'aviez promis une bonne place, je me suis inquiétée, il m'a répondu que vous étiez avec votre vieille amie Sylvia... Et comme vous ne reveniez pas...
- Elle m'a dit que je ferais mieux de me trouver un autre endroit pour dormir... Et qu'on serait peut-être même un de plus pour le voyage... Moi, je ne pensais pas... Vu ce que tu m'avais tenu comme discours l'autre jour, j'étais certain que tu voudrais éloigner toute tentation...
- Pffff...
- Bref, je me suis trompé. Cela dit, je suis plutôt content de m'être trompé au fond !
- Mais elle a intérêt à être compétente, votre amie !

[Kasumi]

Le teint de Kasumi se rapprocha de celui de son frère quand il comprit que c’est Eärundra qui l’avait percé à jour et non son demi-frère comme il s’y était plutôt attendu. Ainsi, c’était à elle qu’il devait également de n’avoir pas été dérangé pendant la nuit… Une bénédiction dont il ne pouvait pas décemment la remercier aussi s'en abstint-il. Le rôdeur s’était attendu à ce que la « confrontation » avec la druidesse lui soit plus difficile que celle avec son parent et il n’avait pas vraiment eu tort. Bien que plus subtile et moins directe, il avait toutefois l’impression de sentir des réprimandes fort justifiées mais masquées derrière son attitude placide. Il intervint d’un ton contrit :

- Désolé de vous avoir fait faux bond, Eärundra. J’espère que vous avez malgré tout pu apprécier la représentation de mon frère. Il n’a rien voulu m’en révéler, modeste comme il est ! Et rassurez-vous à propos de Sylvia : vous n’auriez pas pu rêver éclaireuse plus talentueuse ! Et à côté d’elle, je passe pour un citadin qui n’a jamais vu un arbre ou un animal sauvage de sa vie. J’ai toujours été davantage porté vers les disciplines martiales. Nous formi… formons un duo très complémentaire. Et cela vous fera deux rôdeurs pour le prix d’un !

Le demi-elfe arborait désormais un sourire joyeux. Depuis qu'il avait commencé à évoquer Sylvia en fait...

[Voyageuse]

Le sourire d'Eärundra était toujours aussi calme, paisible.
- On ne sera sans doute pas trop de quatre pour affronter les marais. En revanche, j'espère que nous n'aurons pas à faire monter Léo avec nous : plus nous sommes nombreux, plus la promiscuité est importante et plus il sera nerveux. Sans compter le poids qui risque d'être important...
Puis son sourire se fit taquin et elle se tourna vers Tilmandil.
- Et donc, puisque j'ai gagné... Vous vous êtes engagé à caresser Léo et à m'aider à le nourrir ce soir...
- Je sais, maugréa le barde, n'en rajoutez pas ! Et toi non plus Kasumi !
Il finit néanmoins par sourire.
- Bah, je suis sûr que j'en tirerai une belle chanson... "Comment un barde talentueux perdit un bras qui servit malencontreusement de déjeuner à un fauve"... Sauf que je ne pourrai jamais la jouer évidemment ! mais vraiment, je ne sais pas comment vous avez pu deviner...
- Oh, c'était facile vu les allusions que vous avez faite sur cette rôdeuse et ses liens avec votre frère... Vous étiez le premier à insinuer qu'il y avait anguille sous roche ! Sauf que vous n'osiez pas y croire vraiment... Alors que c'était évident qu'ils n'avaient pas sacrifié votre magnifique spectacle simplement pour échanger de vieux souvenirs...
Le barde grimaça, mais admit sa défaite de bon coeur.
- Je viens aussi, annonça subitement une voix. Celle d'Amish, un sac sur l'épaule, une expression déterminée sur les traits.

[Kasumi]

Le visage de Kasumi s’était progressivement décomposé sans qu’il n’ose intervenir dans l’échange des deux elfes. La terre entière avait-elle vu ce qu’il avait été incapable de s’avouer à lui-même ? Etait-ce si évident ou le faisait-on encore marcher ? Son duo de tourmenteurs était décidément trop espiègle et trop doué pour sa propre tranquillité. Il devait cependant reconnaître s’être attendu à ce genre de petite revanche et ce genre d’hypothèses qui faisaient un peu trop facilement mouche pour qu’il puisse envisager la moindre défense crédible. Heureusement qu’il ne serait plus seul à affronter toutes ces taquineries dans un instant. Vaincu, il fût bien prêt d’annoncer sa reddition non sans s’offusquer quelque peu du traitement qu’il subissait, espérant quelque pitié en retour :

- Non, mais vous n’avez pas fini de parler de moi comme si je n’étais pas là ? Je préfère ne pas en entendre davantage je crois…

Et son vœu fut exaucé présentement, par une diversion qu’il aurait dû prévoir si les paroles de Gwenaël lui étaient restées en tête. Seulement, avec tout ce qui s’était passé dans sa vie depuis, c’est incrédule qu’il se tourna vers l’apprentie rôdeuse qui venait de se manifester en une entrée fracassante. Décidément, c’était un peu trop d’émotions à gérer pour quelqu’un n’ayant pas fermé l’œil de la nuit. Il dut s’appuyer à un arbre pour éviter de vaciller quand il leva les yeux vers Amish, cherchant frénétiquement une réponse qui ne la vexerait pas :

- Euh… bonjour. Cela partait plutôt mal aussi chercha-t-il désespérément quelque soutien chez Tilmandil et Eärundra. En vain. Désolé Amish, je suis certain que tu nous serais très utile mais… le radeau ne pourrait pas supporter une cinquième personne en plus de Léo.

[Voyageuse]

Amish ouvrit des yeux ronds d'étonnement.
- une cinquième personne ? Mais... Vous n'êtes que trois... il y a largement de la place pour moi, je ne suis pas lourde !
Ce qui prouvait finalement que non, tout le village n'était pas au courant de sa nuit avec Sylvia.
S'emportant subitement, elle ajouta.
- C'est tout ce que vous avez trouvé comme excuse ? Que je suis trop lourde ? Vous n'avez même pas le cran de dire que vous me trouvez incompétente ?
Tilmandil et Eärundra semblaient fort gênés. Mais ils n'intervinrent pas, sentant que c'était uniquement après Kasumi que la jeune adolescente en avait.

[Kasumi]

Kasumi cligna des yeux pour tenter en vain de contenir un subit mal de crâne. Voilà maintenant qu’il se retrouvait à devoir annoncer Amish que, non content de refuser son aide, il lui avait préféré celle de sa cousine. Le fait qu’elle soit plus expérimentée ne pouvait même pas plaider en sa faveur. La jeune fille interprèterait forcément cela comme une preuve supplémentaire de sa supposée incompétence. Le demi-elfe se frotta les yeux et les tempes sans plus de succès curatif avant de répondre d’un ton désolé et las :

- Amish… Pourquoi irais-je affirmer une telle idiotie ? Tu es encore jeune et un peu expérimentée mais certainement pas incompétente. J’ai été impressionné hier mais pas au point de te mettre en danger sans l’autorisation de ton père et du conclave. Alors même qu’on nous a déjà assigné un éclaireur pour cette mission. Quelqu’un avec qui j’avais déjà fait équipe.

Bon, ce dernier argument était certainement dur à avaler et à double tranchant mais il fallait bien qu’il révèle tôt ou tard la participation de Sylvia. Et tenter de désamorcer le psychodrame qui pouvait survenir à tout instant avec son arrivée.

[Voyageuse]

- Et comment vous voulez que je l'acquière, l'expérience ? On ne me laisse jamais aller nulle part !
Sylvia choisit malheureusement - ou heureusement - cet instant pour apparaître. Devinant immédiatement la situation, elle préféra prendre les devants.
- C'est moi qui les accompagne, Amish.
- Toi ? Mais... Comment tu peux me faire ça ? Tu sais très bien que je voulais y aller ! Je te l'avais dit !
- Je sais mais... Je t'avais dit, aussi, qu'ils refuseraient...
- Tu peux pas en être sûre ! Tu as pris ma place exprès pour qu'ils soient obligés de refuser !
- Non, je t'assure...
- C'est mon père qui te l'a demandé, c'est ça ? De peur que je fasse une bêtise en y allant ?
- Non, Amish, je t'assure, intervint Gwenaël, survenant à son tour sur les pas de la rôdeuse. Je viens juste d'apprendre que Sylvia accompagne Kasumi et ses compagnons...
- Ce n'est pas vrai, je ne te crois pas !
- Amish...
- Viens, ma grande, il faut que nous parlions toutes les deux. Entre femmes, ajouta Sylvia en fusillant son oncle du regard.
Et Amish, après un temps d'hésitation où elle jeta des regards fulminants à la plupart des personnes présentes -à l'exception notable de Tilmandil-, finit par accepter de se laisser entraîner à l'écart par Sylvia.
- Je suis désolé, marmonna son père dès qu'elles se furent éloignées. Je vous avais prévenus, mais... ça ne change rien au fait ! Mais ne vous en faites pas trop, Sylvia saura lui parler. c'est à peu près la seule qu'elle accepte d'écouter. Enfin, d'habitude...
Il portait une large besace qu'il tendit à Kasumi.
- De la part de ma maisonnée, pour vous ravitailler un peu.
Deux pains énormes, tout chauds et appétissants, s'y trouvaient, accompagnés d'un quart de jambon, de pots de confiture, de farine, d'orge et d'avoine.
- Oui, je sais, ça va alourdir le radeau, s'excusa-t-il à l'adresse d'Eärundra. Mais celle-ci se contenta de charger les provisions supplémentaires avec un geste de remerciement.

[Kasumi]

Le rôdeur se sentait perdre totalement pied depuis un moment déjà et les arrivées successives de Sylvia et de son oncle eurent tôt fait d’achever cette impression, renforçant davantage le quiproquo et sans doute ses chances personnelles de raisonner la jeune adolescente. Fort heureusement, il pouvait maintenant se reposer un peu sur sa cousine pour prendre le relais et le laisser sombrer dans une bienheureuse hébétude. Il ne s’était jamais senti aussi démuni et aussi idiot qu’en cet instant aussi osait-il à peine échanger des regards avec les deux elfes et Gwenaël. Les dieux trouvaient une bien ironique façon de lui faire faire pénitence pour ses débordements de la nuit. A tel point qu’il en aurait ri s’il n’avait pas eu peur de passer pour le dernier des inconséquents et tant eu à cœur de ménager Amish qu’il appréciait sincèrement malgré son attitude des plus revêches. Se sentant plus spectateur qu’acteur de ce qui se déroulait sous ses yeux accablés, il nota en un instant de lucidité incrédule que Tilmandil avait semblé échapper aux récriminations de l’adolescente. Se pouvait-il qu’en plus du reste… Non, ce serait décidément trop inénarrable… Et pourtant… Le barde n’avait-il pas spécifié que la jeune fille n’avait pas manifesté une attitude aussi acrimonieuse en sa présence ? Se pouvait-il que le charme indéniable de son demi-frère ait agi sur l’adolescente impressionnable ? Qu’elle se soit mise en tête de les accompagner coûte que coûte en raison de sa présence captivante ? Non, même les dieux ne pouvaient pas avoir ce sens de l’humour douteux. Si ? Kasumi se raccrocha au seul élément concret dans tout ce fatras émotif et répliqua d’un ton qu’il espérait refléter la gratitude qu’il éprouvait envers Gwenaël :

- Je ne sais vraiment plus comment vous remercier pour toute votre aide. Nous avons à peine eu le temps de faire connaissance mais je peux déjà vous affirmer que vous m’avez fait une très forte impression. Vous êtes un modèle de générosité ! J’espère que nous aurons vite l’occasion de nous revoir et que vous me laissiez l’occasion d’amender une partie de ma dette d’honneur envers vous.

Le rôdeur tendit sa main pour serrer celle de son aîné dans une poignée sincère.

[Voyageuse]

Gwenaël serra la main tendue d'une poigne ferme.
- Nous nous reverrons sans doute, du moins je l'espère... Je compte sur vous pour prendre bien soin de ma nièce. Je ne devrais pas dire ça, je sais qu'elle est parfaitement capable de se débrouiller. Elle me le répète... presque aussi souvent qu'Amish en fait. Mais tout de même, je préfère savoir qu'elle est en bonne compagnie.
A la réflexion, il ne semblait pas y avoir le moindre sous-entendu dans ses propos. Impression qui se confirma encore lorsqu'il ajouta.
- Quoiqu'il en soit, je pense que c'est une bonne chose pour vous qu'elle se soit proposée comme guide. Elle connaît un peu le secteur. Elle avait bien proposé ses services à votre père mais il avait déjà son propre guide... Et je pense que son obsession pour cette racine lui faisait sous-estimer les risques. Ce qui n'est pas votre cas. Soyez prudents... Et revenez-nous sans dommage.
Il sourit.
- Ah, et ne vous en faites pas pour Amish, vraiment. Je sais que son attitude est déroutante pour qui ne la connaît pas... ce besoin constant de faire ses preuves, de montrer qu'elle est capable... et ce fichu caractère... mais on y est habitués, vous savez. Tout rentrera dans l'ordre. Même si je reconnais qu'elle y va vraiment fort cette fois-ci. Et qu'elle m'agace parfois beaucoup...

[Kasumi]

Cet échange simple avec l’oncle de Sylvia avait suffi à apaiser le mal de tête diffus qui avait assombri l’humeur de Kasumi. Même sans cela, il ne pouvait qu’afficher une expression amicale et souriante à Gwenaël pour toute la bienveillance dont il faisait preuve à leur égard. Le demi-elfe comprit bien vite que Tilmandil avait une fois de plus réussi à le berner quant aux doutes que pouvait nourrir l’homme concernant sa relation avec sa nièce. A bien y réfléchir, le barde n’avait peut-être eu que des soupçons lui aussi mais avait réussi à lui arracher bien plus de confidences qu’il n’aurait voulu en ne faisant que prêcher le faux pour savoir le vrai. Maudit manipulateur ! Kasumi se sentait toutefois un brin malhonnête envers Gwenaël de ne pas révéler pourquoi Sylvia s’était proposée de le suivre mais c’était à elle de lui en faire part si elle le jugeait nécessaire ou même souhaitable, après tout. Il se contenta donc d’apporter tout le réconfort possible à son interlocuteur sans commettre d’indélicatesses de la sorte.

- Sylvia est largement capable d’affronter tous les périls. Je vous l’assure en tant que son ancien compagnon d’armes. Nous avons déjà veillé l’un sur l’autre et j’ai toute confiance en elle. Cela ne m’a jamais pesé de lui rendre la pareille. C’est même un réel soulagement de pouvoir m’appuyer sur elle pour cette expédition. Quant à Amish, je vous assure que son attitude ne me gêne pas. J’en suis passé par ce qu’elle traverse ou à peu près. Et je suis convaincu qu’avec un père tel que vous pour la guider, elle finira pas devenir une rôdeuse d’exception. Je serais d’ores et déjà flatté de l’emmener en mission si celle qui nous occupe était moins dangereuse et aléatoire. Peut-être pourrai-je vous rendre ce service à tous les deux après mon retour ?

[Voyageuse]

Gwenaël sourit.
- Nous en reparlerons à notre retour. Mais... Supporter ma fille en mission, avec son caractère actuel, est une torture que je ne souhaite à personne ! Sur ce, je vous laisse à vos préparatifs. Bonne route à vous !
Et le rôdeur s'en fut en direction du campement qu'on devinait à peine, non loin de là.

Eärundra, Tilmandil et Kasumi durent attendre quelques minutes encore avant que Sylvia ne reparaisse. Seule. Elle sourit à Kasumi, et fixa un bref moment Tilmandil d'un air songeur, avant de lancer son sac à bord du radeau.
- Elle est furieuse, commenta-t-elle finalement avec un haussement d'épaules. Mais elle s'en remettra...
- Allons-y alors, lança Eärundra en grimpant la première à bord de l'embarcation qui tangua très légèrement. Elle y saisit une longue perche de bois qu'elle tendit à Kasumi.
- A vous l'honneur de diriger l'embarcation... Du moins c'est ce qui a été convenu à l'unanimité lors de la préparation du radeau... Elle échangea un sourire entendu avec Tilmandil. Votre ami Yan nous a expliqué que la plupart des cours d'eau que nous allons emprunter n'ont que très peu de fond, et que cette gaffe devrait suffire pour pousser le radeau et nous diriger. Mais... cela requiert une certaine force, parait-il.
- Il exagère ! Je m'en suis déjà servie !
Sylvia monta à son tour à bord, et Kasumi eut la sensation qu'elle s'installait volontairement le plus loin possible de la druidesse.

[Kasumi]

Kasumi ne put s’empêcher d’observer le regard qu’adressa sa compagne à Tilmandil. Etait-ce une confirmation de ce qu’il soupçonnait ? Une conséquence de la conversation que Sylvia avait eue avec Amish ? Ce n’était pas vraiment le moment de s’interroger là-dessus alors qu’ils étaient enfin parés pour le voyage. Peut-être Sylvia s’en ouvrirait à lui plus tard… Prudemment, leurs sacs avaient été regroupés au centre de l’embarcation pour éviter toute chute malencontreuse. Il n’était pas possible de les arrimer plus efficacement mais cela ne s’avèrerait normalement pas nécessaire étant donné l’absence de rapides sur ce tronçon de la rivière.

Le rôdeur s’était saisi de bonne grâce de la perche : il n’était pas dupe qu’il faudrait certainement un temps d’adaptation à leur petit groupe pour fonctionner en symbiose ou à tout le moins pour que des liens de camaraderie se forment alors autant tenter de briser la glace en attirant l’attention sur lui et en répondant d’un ton léger et enjoué :

- Je vous remercie de m’avoir désigné ! J’adore ce genre d’activités. Mais comme je suis partageur, je vous laisserai essayer à tour de rôle. Surtout Tilmandil qui se doit de vivre toutes les expériences de la vie de rôdeur s’il veut pouvoir les mettre en chanson. Sylvia et moi en connaissons déjà la plupart alors ce ne serait pas juste que nous vous en privions. En route ! Pour sûr que ça va me changer des caraques luméniennes mais au moins ça devrait un peu moins secouer.

Ce faisant, il se mit aussitôt à l’œuvre en essayant de se souvenir des leçons de Yan en matière de navigation.

[Voyageuse]

La formation de rôdeur, hélas, comportait trop peu de leçons de navigation, ils durent rapidement en convenir. Et ni la formation de druide, ni celle du barde, n'étaient meilleures. Eärundra, mince et svelte, semblait ressentir d'instinct les jeux du courant, et poussait avec sa perche juste à bon escient, souplement et avec précision. Mais elle manquait de la force nécessaire pour avancer efficacement. Tilmandil manquait de force, lui aussi, et il avait surtout une fâcheuse tendance à accentuer les remous du courant au lieu de les contrer. Il leur fit deux ou trois fois faire des tours complets sur eux-même avant que Sylvia ne lui prenne la perche des mains, exaspérée. La rôdeuse, quant à elle, si elle avait moins de difficulté qu'Eärundra à peser sur la gaffe, avait tendance à donner des coups trop brusques qui déstabilisaient leur chargement. Et Kasumi devait bien admettre qu'il ne faisait guère mieux. Sur le plan de la force brute, il était celui d'entre eux qui avait le plus de facilité à manier le radeau. Mais ses coups de perche manquaient de souplesse, eux aussi, et obligeaient ses compagnons à s'accrocher de leur mieux et à surveiller leur chargement lorsqu'il s’apprêtait à user de l'instrument de navigation. Au moins ne leur faisait-il pas faire de demi-tour impromptus...
Non, décidément, la navigation n'était pas de tout repos. Mais ils avançaient, néanmoins, à un bon rythme. Lorsque leurs estomac se mirent à crier famine, Eärundra, qui avait au moins le mérite de conduire souplement à défaut d'avancer, prit la perche afin de leur laisser le loisir de déjeuner tranquillement d'un peu de pain et de jambon, sans crainte de mouvements brusques. Elle céda ensuite sa place à Kasumi et ils reprirent de la vitesse.
Le soleil déclinait lorsqu'ils aperçurent, non loin, les ruines d'une tour. Probablement celle indiquée sur la carte. Juste derrière se devinait le marécage. Léo, arrivé avant eux, revenait à leur rencontre en trottinant sur la berge, peut-être à la demande d'Eärundra. Tout à leur effort de navigation et à la nécessité de garder l'équilibre lors des subites embardées, ils n'avaient guère eu le loisir de discuter. Une chose était certaine, cependant : ils avaient tous les bras en compote...

[Kasumi]

Lorsqu’il aperçut les ruines de la tour qui devait être leur escale pour la nuit, le rôdeur en eut presque les larmes aux yeux. Après les efforts dépensés sans compter de la nuit précédente, les réserves physiques du demi-elfe étaient épuisées bien avant la fin de la journée de navigation. Il avait l’impression que nager contre le courant toute la journée n’aurait pas réclamé plus d’efforts. Pour la dernière manœuvre devant les ramener à proximité de la rive, il céda la perche à Sylvia en lui adressant un sourire las tandis qu’il fixait une longueur de corde à l’avant du radeau dans le but de le tracter pour achever d’arrimer leur embarcation. Une fois qu’il serait à quelques mètres de la berge, il avait l’intention de sauter sur la rive et de fixer l’autre extrémité de la corde à la première souche d’aspect solide. Inutile d’espérer échouer une embarcation de ce poids qui plus est sur une terre à priori partiellement meuble. Pour redonner du baume au cœur à la petite troupe, il tenta une plaisanterie :

- Bienvenue au meilleur établissement à une journée de navigation à la ronde ! Reste à espérer qu’il restera assez de chambres de libre et que les draps seront propres ! Pour ce qui est du repas, je veux bien m’en charger à la limite. Dès que j’aurai retrouvé des sensations dans les bras ! Pour le prix du séjour, je suis certain que nous pourrons tenter de le troquer contre un spectacle du barde le plus talentueux de tous les marais.

[Voyageuse]

Sa plaisanterie fut saluée par des rires... qui ne s'éternisèrent pas, quand ils ne paraissaient pas un peu forcés. Sylvia paraissait aussi épuisée que lui, et Tilmandil ne valait guère mieux. Seule Eärundra paraissait relativement fraiche et dispose.
- Je m'occuperai du feu, annonça-t-elle. Vous tenez à peine sur vos jambes, ne le niez pas... Donc vous allez tous vous installer tranquillement à l'intérieur -oui, même vous Sylvia. Vous pouvez éventuellement éplucher quelques légumes s'il vous reste de la force dans les doigts, mais je me charge du bois.
Ce dernier ne serait sans doute pas trop difficile à trouver : ils venaient de dépasser un petit bosquet sur leur droite, et de nombreux roseaux et joncs parsemaient les abords du marécage. Du reste, celui-ci était loin d'être une étendue homogène. Petits bosquets signalant un bout de terre ferme, roseaux plongeant dans l'eau croupie, et même d'immenses palétuviers, au loin, plongeant leurs racines directement dans les canaux qui sillonnaient le secteur.
Une fois que le radeau fut suffisamment près du bord, la druidesse sauta lestement à terre, et entreprit de nouer autour d'un tronc brisé l'extrémité de la corde que Kasumi lui tendait... tout en résistant aux assauts affectueux de Léo, fortement soulagé de la revoir les deux pieds sur terre.

[Kasumi]

Kasumi tendit discrètement sa main à Sylvia pour l’aider à franchir la distance entre le radeau et la rive. Certes, la rôdeuse n’en avait certainement pas besoin mais le demi-elfe lui adressa un clin d’œil destiné à lui faire comprendre que cette simple petite attention n’était qu’une excuse pour lui prendre innocemment la main et la garder quelques instants dans la sienne. La journée avait été longue de ce point de vue aussi, leur devoir et leur attention constante les empêchant de la moindre manifestation complice. Comme pour détourner l’attention des deux elfes, il s’exprima un peu plus fort que nécessaire :

- Allez, vous avez entendu notre chef, allons inspecter cette tour puis nous nous occuperons d’installer les couchages. Tilmandil, tu veux bien nous passer les sacs avant de descendre ?

Profitant de leur isolement tout relatif, il chuchota à l’oreille de Sylvia :

- Je connais quelques techniques de massage si jamais tu as des crampes ou des contractures.

[Voyageuse]

Sylvia avait pris la main du rôdeur en rosissant légèrement... mais sa dernière réplique la fit rougir jusqu'aux oreilles. Elle lui jeta un regard scrutateur, se demandant certainement s'il entendait autre chose que des massages, mais n'osa rien dire, se contentant d'une vague grimace en désignant Tilmandil d'un signe de tête.
Celui-ci, du reste, paraissait hésiter sur la conduite à suivre.
- Partez devant explorer les lieux, finit-il par dire. Après tout, c'est à ça que ça sert, un rôdeur, non ? Moi je me charge de décharger les bagages !
Ce qui était un moyen comme un autre de leur ménager un petit moment de tête à tête. Sans doute devinait-il que c'était ce qu'ils souhaitaient...

[Kasumi]

Kasumi dédia à Sylvia un sourire joyeux et un regard pétillant de malice mais il se mit lui aussi à rougir en comprenant que Tilmandil cherchait à leur ménager un moment d’intimité. Sans oser le regarder, il répondit d’un ton un peu contrit :

- Fais attention : la rive est boueuse ! On n’en a que pour une minute ou deux sauf si cette tour est plus grande qu’elle n’y parait...

En se souvenant qu’il avait tenu le même discours la veille avant le spectacle, il ne put s’empêcher de croiser le regard de Sylvia et de lui adresser un clin d’œil taquin. Satisfait de réussir à la faire rougir aussi aisément, il l’entraîna doucement par la main vers la tour avant de lui glisser à l’oreille d’un ton amoureux :

- T’ai-je déjà dit que tu es divinement belle quand tu rougis ainsi ?

Puis sans lui laisser le temps de riposter, il porta sa main à ses lèvres avant de la relâcher comme à contrecœur.

- Allons inspecter notre lit douillet, ma belle rôdeuse !

[Voyageuse]

Sylvia affichait un sourire heureux, et reprit aussitôt la main du rôdeur, bien décidée à ne plus la lâcher. Tilmandil leur tournait le dos, un peu trop ostensiblement.
La tour n'était qu'à quelques dizaines de mètres, au-delà d'une lande d'herbes hautes et sèches dissimulant imparfaitement des buissons bas d'épineux. La végétation était dense, traître, et Tilmandil allait très certainement s'entraver une demi-douzaine de fois avant de parvenir à la tour. Eärundra, en revanche, avait paru la franchir comme si de rien n'était et n'avait même laissé quasiment aucune trace de son passage.
Tour était un bien grand mot... Au-delà du premier niveau, la moitié des murs s'étaient effondrés. Il ne restait finalement, au-delà de la porte aux gonds rouillé, qu'un vaste espace circulaire au sol de pierre, avec un plafond de bois à quatre mètres au-dessus de leur tête, vermoulu mais qui semblait devoir tenir encore quelques siècles. A quelques mètres à gauche de la porte, un escalier, fermé par une trappe, menait sans doute à ce qui restait des étages supérieurs. Mais pour l'heure, un serpent de taille impressionnante d'y trouvait. Kasumi fut le premier à l'apercevoir, Sylvia ayant accepté sans trop rechigner qu'il entre le premier. Du reste, ses yeux à elle n'étaient pas encore accoutumés à l'obscurité. Le rôdeur n'eût pas vraiment le temps d'identifier l'espèce, mais ses couleurs lui évoquèrent un animal venimeux. Il siffla, dardant son regard jaune sur eux, prêt à plonger.

[Kasumi]

Juste avant de pénétrer dans la tour, Kasumi avait relâché la main chaude et douce de Sylvia pour la porter sur la poignée de son épée, en un réflexe de prudence élémentaire. Comme pour s’excuser, il avait ensuite déposé un léger baiser sur sa joue avant de franchir le seuil devant la jeune femme. Après avoir passé plusieurs secondes à inspecter les lieux et à s’habituer à la pénombre, l’attention déficiente du rôdeur fut attirée par le danger qui les attendait, défendant son territoire. Il lui fallut une seconde supplémentaire pour réagir après avoir évalué la menace létale. Et il jugea inutilement dangereux de composer avec ce genre d’espèce comme il aurait tenté de le faire avec une autre créature sauvage. Eärundra ne serait sans doute pas d’accord mais il était à des lieues de songer à la réaction de la druidesse en cet instant où il se sentait en danger.

- Un serpent !

Tout en dégainant ses deux lames, il prit les devants pour se placer devant Sylvia et tenter de prendre de vitesse le serpent venimeux, visant le reptile d’un coup de taille porté avec Etincelle. Il avait cherché à atteindre le seul organe sensible et dangereux : la tête.

[Voyageuse]

Le coup porta, Kasumi atteignit le serpent à la tête. Comme il le souhaitait. Le sang gicla, et après quelques tressautement, l'animal s'écroula, sans vie.
Sylvia n'avait pas eu le temps de réagir. Ses yeux s'accoutumant enfin à la pénombre, elle eut un sursaut en comprenant le danger auquel ils venaient d'échapper, et frissonna rétrospectivement.
Mais elle reprit bien vite ses esprits et bougonna, feignant la jalousie.
- C'est pas du jeu... Toi tu as des yeux d'elfe ! De très beau yeux, du reste... mais tu vois tout avant moi !
Elle avait repris sa main et la serra brièvement, fort, signe de l'angoisse rétrospective qu'elle devait ressentir malgré ses paroles légères.

[Kasumi]

Kasumi ne se laissa pas tromper par la contenance que cherchait à se donner Sylvia et sentit l’angoisse derrière les dehors légers de ses paroles. Paroles qui ne manquèrent pas de leur objectif si le but était de prendre une revanche sur ses propres commentaires de tantôt. Après avoir rapidement balayé le reste de la pièce du regard à la recherche d’une autre menace cachée, il reporta son attention sur la jeune femme et tenta de la rasséréner à sa façon, son regard pétillant malgré son ton faussement calme et posé :

- Mes yeux sont beaux parce qu’ils aiment ce qu’ils sont en train d’admirer. Et les tiens sont de loin les plus charmants qu’ils aient jamais contemplés. Et la remarque est valable pour tout le reste de ta personne. Je bénis mon père et ses ancêtres pour le don qu’ils m’ont fait car il y a tant de beauté à voir en toi que mes yeux n’ont pas une seconde à gaspiller, même quand il fait sombre. Même au cœur de la nuit, comme hier. Oh, comme je suis désolé de ne pas pouvoir m’abandonner à simplement te regarder encore et encore, des heures durant. Mais il faut que je me montre raisonnable pour une fois… Oh que c’est difficile !

Le rôdeur avait malicieusement promené son regard sur elle comme pour appuyer ses propos avant de fixer à nouveau le regard de sa compagne avec un sourire admiratif.

[Voyageuse]

Ses paroles atteignirent leur objectif... Ou peut-être pas celui qu'il avait imaginé. Sylvia rougit copieusement sous le compliment, ce qui, sur sa peau rouquine, ne pouvait passer inaperçu. Elle rougit encore davantage lorsque ses yeux la détaillèrent... et finit par trouver une répartie.
- J'espère bien qu'au coeur de la nuit, tu ne passerais pas des heures et des heures... juste à me regarder ? Il y a tellement d'autres choses qu'on peut faire lorsque personne ne peut nous surprendre...
Elle l'enlaça avec tendresse, le fixant droit dans les yeux. il sentit que son coeur battait à une vitesse folle, mais c'est à peine s'il eut le temps de le réaliser qu'elle posait ses lèvres sur les siennes, en un baiser tendre, fougueux, interminable...

[Kasumi]

Le rôdeur s’était laissé prendre à son propre jeu, piégé pour avoir admiré la jeune femme, piégé par la sincérité de ses compliments et les réminiscences de la nuit dernière qu’ils avaient suffi à évoquer. Sylvia avait dû le comprendre et comment riposter le plus efficacement pour lui faire perdre le contrôle. Par des paroles qui le renvoyait à ses pensées sulfureuses d’abord, mais plus encore par le contact de ses lèvres, de sa bouche, de son corps chaud enlacé avec le sien. Quand la rôdeuse le libéra juste assez pour qu’il puisse reprendre son souffle, il répondit d’une voix rauque et entrecoupée :

- Serais-tu ensorceleuse, ma mie pour savoir si bien me charmer, pour être si envoutante, si désirable ? A moins que tu ne sois un avatar de Sunie en personne pour être si belle et m’inspirer tant d’amour. Oui, ça doit être ça ! Que de blasphèmes j’ai pu commettre en n’y faisant pas honneur plus tôt ! Pardonne-moi, déesse ! Oserais-je te demander de me révéler tous tes secrets si je te montre qu’il n’y a pas que mes yeux qui se réjouissent de ta présence ? Quand nous serons seuls... Il me faudra sans doute des années ou des décennies pour te découvrir mais je n’en ai cure. Mais nous devons nous montrer patients. Et commencer par aider un barde qui doit s’impatienter en ce moment même. Si nous lui faisons encore faux bond, il n'aura plus jamais confiance en moi !

[Voyageuse]

Sylvia l'embrassa à nouveau pour toute réponse.
- Je n'ai guère envie de me préoccuper de ce barde... mais plutôt de toi...
Ses mains glissaient le long de son corps, sous sa tunique, effleurant les lacets de ses chausses. Sans qu'il puisse savoir si elle avait vraiment l'intention d'aller plus loin ou si elle cherchait juste à le mettre dans tous ses états. Il ne le saurait sans doute jamais puisque les pas de Tilmandil se firent entendre au-dehors. Il eut la sensation, du reste, que son demi-frère adoptait volontairement une approche bruyante pour éviter de déranger un moment trop intime...
Sylvia se recula avec une grimace et un soupir semi-exaspéré.
- Nous ne serons pas seuls avant des lustres... Sais-tu que c'est frustrant de te voir et de ne pouvoir être dans tes bras ?
Elle avait prononcé ces paroles à voix basse, et heureusement puisque Tilmandil s'encadra presque aussitôt sur le seuil de la porte.
- Je peux entrer ? Nul danger en vue, pas de fantôme ou autres goules ?

[Kasumi]

Malgré la conscience de ne pas du tout être dans un lieu approprié pour se laisser ainsi aller. Bien qu’en sachant que Tilmandil allait arriver d’une minute à l’autre, le rôdeur sentait toute sa volonté fondre devant les attentions provocantes de Sylvia. Comme la veille au soir, comme au matin... Son regard s’était passablement embué alors que son corps s’était tendu sous les caresses savamment dispensées. A tel point que sa compagne ne pouvait pas l’avoir ignoré. Sous le coup douloureux de l’interruption et passablement troublé de ne pas parvenir à garder un semblant de contrôle même en un instant si peu propice, le demi-elfe tentait de masquer sa gêne en restant dans la pénombre de la tour. Il était bien trop conscient que le barde ne redoutait pas vraiment la présence d’un quelconque danger mais qu’il était trop fin pour exprimer crûment qu’il avait fait en sorte de ne pas les surprendre. La voix du rôdeur lui parut à lui-même discordante quand il chercha à répondre innocemment :

- Non, pas de monstre de cette sorte. Et nous avons même été assez efficaces pour attraper notre dîner de ce soir ! C’est assez spécial mais très goûteux, tu verras ! Mais je dois d’abord voir s’il reste du venin à récupérer : c’est une denrée rare qui pourrait servir à Malvina ou à Arthys.