[Haute-Forêt] Quête : Racines

[Voyageuse]

Eärundra s'était précipitée, elle aussi, sur la corde, et la tirait de toutes ses forces, bientôt rejointe par Sylvia. Leurs efforts conjugués furent probants : la tête de Léo reparut, son museau affleurant la surface pour respirer péniblement. Ils tirèrent encore un peu, le remontant autant qu'il leur était possible. Mais ils n'étaient pas assez forts pour le haler totalement hors de l'eau.
- On le tient bien... Creuse, Kasumi !
Mais le sifflement était proche, il le sentait, juste derrière lui. Restait à savoir si le serpent allait l'attaquer ou s'il avait trop peur pour cela.

[Kasumi]

Mais Kasumi n’avait pas l’intention de les laisser exposées au danger aussi, puisqu’il n’y avait plus de temps à perdre à la courser sur son terrain et qu’ils n’avaient de toutes façons besoin que de quelques minutes de tranquillité, il décida de recourir à une aide de sa déesse : aux grands maux les grands remèdes ! Après s’être assuré que Sylvia et Eärundra ne risqueraient pas d’être touchées, il adressa une courte prière à Mielikki :

Kasumi ->Enchevêtrement-> à environ 6 mètres dans la zone herbeuse.

Puis, sans attendre le résultat de son incantation, il se précipita enfin vers le trou pour récupérer sa pelle et commencer à creuser là où la terre lui apparut la plus meuble. Son intention était tout d’abord de creuser un petit dévers sous le niveau de l’eau pour que Léo puisse s’y appuyer tout en ayant pied.

[Voyageuse]

Peut-être son incantation fut-elle efficace : les sifflements, en tout cas, s'ils se faisaient toujours entendre, paraissaient différents. Peut-être plus hargneux. Et surtout leur source ne semblait plus en mouvement.
Nul autre danger ne se présenta tandis qu'il creusait, aussi vite que possible, pataugeant bientôt dans la boue puis dans plusieurs centimètres d'eau. Eärundra parlait à Léo, doucement, pour le rassurer. Mais le lion semblait à bout de force quand enfin ils parvinrent, en unissant leurs efforts, à le hâler sur la terre ferme. Il s'allongea sur le flanc, la respiration haletante. Son pansement était trempé, bien sûr. Le bruit de crécelles était toujours là, cependant, et le sortilège touchait à sa fin.

[Kasumi]

Kasumi était à bout de souffle, les bras en feu d’avoir creusé si vite et il devait présenter l’aspect d’un sauvage des marais, les chaussures et les chausses maculées de boue mais aussi ses mains et son visage par endroit. Sa tunique était en outre marbrée de sueur d’avoir déployé cette débauche d’efforts. Mais il ne se souciait guère de son apparence et de sa fatigue en cet instant : Léo était sauf. L’animal était épuisé - comme lui - et son pansement trempé laissait à penser que la blessure avait été en contact avec l’eau saumâtre mais il faisait confiance à la druidesse pour remédier à cela. Ne tenant plus quand il tenta de s’accroupir aux côté de Léo, il s’assit un peu lourdement avant d’aviser la menace du serpent, toujours latente. Sans se relever, il adressa un regard implorant à Sylvia et parla d’une voix haletante avant de retrouver son sens de l'humour :

- Je crois que le serpent est un peu en colère. Et il pourrait bien attaquer malgré tout à la fin de mon sortilège. Mais il faut que je reprenne mon souffle, juste une minute. Eärundra, je pense que Tilmandil sera ravi de vous aider à changer le pansement de Léo : il m'a confié qu'il avait trouvé l'expérience très enrichissante !

[Voyageuse]

Eärundra grimaça ce qui pouvait passer pour un sourire. Mais un pli soucieux barrait son front. L'inquiétude pour Léo, peut-être. Ou pour le serpent.
Répondant d'un hochement de tête à son regard, Sylvia avait dégainé son épée et guettait la source du bruit, prête à se défendre et défendre ses compagnons si le reptile attaquait.
Léo leva son regard d'or vers le rôdeur, puis reposa sa tête au sol.
- Parlez-lui, calmez-le, fit Eärundra à l'adresse du rôdeur en se levant après une brève hésitation, se portant aux côtés de la rôdeuse. Elle avait une tête de moins mais leurs coiffures similaires, cheveux or et cheveux roux, donnait au tableau une étrange symétrie.
La druidesse se mit à incanter, sur un ton doux, et le bruit de crécelle se modifia. S'atténua. Et finalement s'éloigna comme le sortilège lancé par Kasumi prenait fin.
- Il ne reviendra pas. Il ne nous reste plus qu'à nous occuper de mon pauvre Léo...
Elle incanta à nouveau, et Léo parut reprendre un peu de forces. Suffisamment en tout cas pour se dresser péniblement sur ses pattes un peu tremblantes.
Sylvia gardait son épée dégainée, prête à affronter tout nouveau danger.

[Kasumi]

Kasumi avait pris sa mission très à cœur, touché que la druidesse lui confie la garde de son compagnon dans cet moment critique, même pour quelques instants seulement. Sans aucune crainte, il avait posé sa main sur sa crinière, tentant d’apaiser l’énorme animal par un contact qu’il devait à peine ressentir. Puis, d’une voix douce, sans vraiment se soucier des mots qu’il choisissait, il avait suivi le conseil et la demande d’Eärundra.

- Il y avait plus simple pour que tout le monde soit aux petits soins pour toi. Mais tu t’en es très bien sorti mon grand. Quelques progrès en natation à faire encore peut-être…

Avisant que les deux jeunes femmes avaient pris les choses en main, il se redressa à son tour, lentement, fatigué mais soulagé et un peu remis de ses efforts intenses malgré tout. Il se porta aux côtés de Sylvia qui surveillait les herbes hautes et murmura pour qu’elle seule l’entende :

- Cela me fait tout drôle de t’avoir à nouveau pour veiller sur moi. Mais c’est très agréable.

Puis, plus haut pour que la druidesse entende la suite :

- Il vaudrait mieux retourner sur ces rochers près de la rivière. Nous pourrons y prendre soin de votre lion et rassurer Tilmandil. Et peut-être me débarrasser un peu de toute cette boue : j’ai l’impression de peser aussi lourd que Léo !

[Voyageuse]

Le trajet de retour se déroula sans anicroche. Ils durent marcher lentement, cependant, conscients de la fatigue de Léo. Et la prudence était de mise sur ce terrain incertain. Le lion paraissait avoir peur d'avancer, et Eärundra passait son temps à le rassurer. Mais ils finirent néanmoins par déboucher en vue du radeau.
Ils le repérèrent au bruit bien avant de le voir, du reste : Tilmandil avait sorti sa flûte et jouait un air mélancolique, sans craindre apparemment d'attirer un quelconque monstre. Il s'interrompit en les apercevant, et leur lança joyeusement :
- Alors, vous en avez mis un temps ! De mon côté je vous rassure, pas de serpent de mer dans les parages, ou alors ils n'aiment vraiment pas ma musique...

[Kasumi]

Les deux rôdeurs s’étaient montrés des plus vigilants pour ne pas avoir de nouvelles mauvaises surprises mais Kasumi se relâcha en abordant la zone plus sûre autour de la rivière. Il s’était même mit à sourire en entendant Tilmandil jouer de sa flûte : son air était mélancolique mais il faisait d’autant plus ressortir son talent certain. Il répondit avec autant d’enthousiasme :

- Les serpents n’ont pas de goût pour ce genre de chose. Ça doit être parce qu’ils n’ont pas d’oreilles…

Puis, pris d’une inspiration subite et profitant qu’Eärundra et Léo n’étaient pas à portée, il glissa quelques mots à l’oreille de Sylvia :

- Il joue magnifiquement bien, non ? Son spectacle au campement devait être exceptionnel mais je ne regretterai jamais de l’avoir manqué ! J’avoue même espérer en manquer d’autres !

[Voyageuse]

Sylvia rougit mais n'osa répondre, avisant le regard goguenard de Tilmandil posé sur eux.
- J'espère que vous n'êtes pas en train de dire du mal de moi au moins ?
- Bien sûr que non...
Eärundra, pendant ce temps, tentait de convaincre Léo de monter à bord du radeau. Tilmandil se recula prudemment le plus loin possible du bord tandis que le lion se ramassait sur lui-même pour bondir. La druidesse le rejoignit aussitôt, s'efforçant de le rassurer : le fauve n'appréciait guère le très léger tangage de l'embarcation à chaque mouvement d'un des passagers.
Profitant de ce que les deux elfes avaient les yeux fixés sur Léo, Sylvia glissa sa main sous la tunique de Kasumi, l'attirant par la taille pour lui donner un baiser passionné. Ses yeux brillaient de tendresse.
- J'espère aussi, répondit-elle enfin à sa question. Parce que si tu t'avises de préférer les chants d'un barde à ma compagnie... je serais affreusement vexée !

[Kasumi]

Kasumi avait ressenti une pointe d’anxiété en voyant Léo se préparer à monter sur leur embarcation qui semblait soudain plus fragile et instable que jamais. Si le lion n’appréciait déjà pas le traitement alors qu’ils étaient tout proches de la rive, les prochaines heures promettaient d’être des plus stressantes pour l’animal comme pour les « marins d’eau douce », Tilmandil le premier. Mais il devait bien reconnaître que c’était la moins mauvaise des solutions et il ne tenait à rien moins que mettre à nouveau Léo en danger.

Toutes ses réflexions s’effacèrent cependant en un instant quand il croisa le magnifique regard de Sylvia et qu’elle l’attira à elle pour un baiser d’autant plus somptueux qu’il ne s’y était pas attendu. Il lui répondit d’un ton langoureux :

- Il n’y a aucune chance ! Le plus doué des bardes ne me ferait jamais approcher des émotions que j’éprouve quand je suis avec toi. Sa voix ne serait jamais assez belle pour rivaliser avec la tienne. Et il ne pourrait jamais me montrer un spectacle plus magnifique que celui que je contemple à chaque fois que j’ose poser les yeux sur toi… Même quand tu te macules de boue en m’embrassant…

La dernière réplique était prononcée avec espièglerie mais c’était clairement une invitation. Comme il le confirma, à voix haute tout en adressant un clin d’œil à Sylvia :

- Désolé, je vais devoir vous laisser refaire le pansement de Léo pendant que je vais me changer et nettoyer tout ça. Mais je ne serai pas très long !

[Voyageuse]

Sylvia parut hésiter et lui souffla discrètement.
- Ils vont avoir du mal à croire que tu aies besoin de moi pour te changer ou te laver...
Puis, portant la main à sa joue désormais boueuse, elle sourit et ajouta, plus distinctement.
- Mais tu n'as pas tort, je dois être affreuse comme ça ! Il faut que je me lave un peu moi aussi...
Eärundra était clairement la plus sale d'entre eux, mais elle ne semblait pas s'en soucier le moins du monde. Il faut bien dire que Léo accaparait toute son attention.
- Attrape, fit Tilmandil avec un haussement de sourcil malicieux en lui lançant son sac.
- Mais ne traînez pas trop, je vais avoir besoin de votre aide...

[Kasumi]

Kasumi attrapa son sac souplement mais ne chercha pas à masquer une grimace quand il sentit un vif élancement dans ses épaules et ses bras déjà bien trop mis à contribution lors des dernières heures. Mais son expression douloureuse fut bien vite remplacée par un sourire quand il saisit la main de Sylvia pour l’entraîner sur les rochers, cherchant un abri qui les préserverait des regards des deux elfes.

- Bien joué ! Mais nous devrions rester sages et revenir vite les aider, tu ne penses pas ? Cela dit, je t’avais promis un massage hier soir… Cela ne peut que contribuer à nous redonner un peu d'allant pour la suite et on peut très bien le faire tout en se débarbouillant !

[Voyageuse]

Sylvia sourit, malicieuse.
- Je n'ai rien contre un bon massage... mais je dois d'abord me laver...
Un tournant de la rivière leur offrit justement l'abri recherché. La berge ici surplombait légèrement le niveau de l'eau, et on devinait qu'elle y était un peu plus profonde qu'ailleurs. Sylvia, sans la moindre pudeur, ôta en un tournemain ses vêtements, et sans lui laisser le temps de réagir, s'y plongea aussitôt, entièrement nue. Elle avait pied, mais il y avait suffisamment de profondeur pour qu'elle fasse quelques brasses.
- Elle est excellente... tu devrais venir en profiter...
Son ton, son regard étaient beaucoup trop innocents. Elle le provoquait, c'était évident.

[Kasumi]

Kasumi ne cessait de s’émerveiller de la vision fugace mais saisissante de sa compagne entièrement dénudée. Elle savait qu’il ne pouvait s’empêcher de la regarder alors qu’elle nageait dans l’eau translucide et elle jouait merveilleusement bien avec ses émotions. Alors, juste pour voir à quel point elle était sérieuse ou simplement pour prolonger le plaisir de l’attente, il se débarrassa innocemment de ses chaussures et les plongea rapidement dans l’eau puis fit pareil avec ses chausses sans jamais la perdre du regard. Mais, désireux de ne pas prolonger la torture à laquelle il ne pouvait plus résister lui-même, il essora rapidement son vêtement et le déposa sur un rocher puis se défit de sa tunique qui masquait jusque-là la réaction que Sylvia n’avait pas manqué de provoquer une fois encore. Il plongea alors souplement avant d’émerger juste derrière elle. Puis il réduisit la distance d’un simple mouvement de brasse et l’attrapa par la taille avant qu’elle se mette en tête de lui échapper. Dès qu’il eut recouvré son équilibre sur le fond sablonneux, une main se plaça sur ses seins tandis que la seconde avait déjà trouvé – sous l’eau - une zone bien plus intime à caresser au rythme des battements de son cœur. Le rôdeur embrassa langoureusement Sylvia dans la nuque avant de murmurer d’une voix rauque :

- Oui, je suis d’accord et je ne me lasserai jamais d’en profiter…

[Voyageuse]

La rôdeuse n'avait pas essayé de s'échapper. Pas vraiment. Il sentit son corps se tendre lorsque ses caresses se firent intimes, et un gémissement de plaisir lui échappa.
- Tu sais trop bien me rendre folle de toi...
Son souffle était rauque, son coeur battait la chamade. Et elle ne chercha plus du tout, du tout, à mettre le moindre centimètre de distance entre elle et lui...

Les vêtements de Kasumi n'étaient plus si humides quand ils sortirent de l'eau. Mais il fallait bien reconnaître que leur brin de toilette avait duré... un certain temps. Trop pour qu'ils aient la moindre chance de dissimuler à leurs compagnons ce qu'ils avaient en réalité fait de leur petite escapade.
Eärundra leva les yeux d'un air passablement excédé, mais les reporta bien vite sur Léo dont elle venait apparemment de changer le pansement. Elle-même était toujours couverte de boue, à présent sèche, qui la marbrait de jolies craquelures. Tilmandil était trop inquiet de la présence du fauve pour oser la moindre plaisanterie, heureusement.
- On devrait repartir... non ? fit la druidesse en fixant Kasumi d'un air vaguement réprobateur.

[Kasumi]

Oups ! Kasumi avait renfilé ses chausses humides à la hâte et n’avait pas pris soin d’essorer ses cheveux. Mais le temps avait déjà passé alors qu’il lui avait semblé figé quand il était dans l’eau avec Sylvia. Il était bien trop tard pour le rattraper aussi fit-il profil bas quand il avisa l’expression de la druidesse. Il rougit d’autant plus en constatant qu’elle s’était occupée de Léo, probablement seule. Il se sentait passablement honteux d’avoir manqué à son devoir, se morigénant de se comporter comme un adolescent – ce que le regard d’Eärundra ne manquait du reste pas d’exprimer. Mais cela ne suffisait pas tout à fait à occulter les sentiments merveilleux, délicieux, réconfortants de sa passion et de tout ce qu’elle représentait au-delà des sensations physiques. Baissant les yeux en s’empêchant de sourire, il se saisit aussitôt de la perche et répondit d’un ton contrit :

- Bien sûr ! Vous avez raison. Sylvia et moi allons nous relayer pour la navigation pendant que vous vous occupez de Léo !

[Voyageuse]

L'elfe hocha la tête.
- Ça me semble une bonne répartition des tâches.
Et le radeau fila sur l'onde, sans autre mésaventure, toute la journée. Eärundra ne quittait pas Léo d'un pouce, et ce fut Tilmandil qui fouilla dans les provisions à la recherche d'un modeste en-cas à la mi-journée. Kasumi dut relayer un moment Eärundra auprès du fauve pour qu'elle puisse se restaurer, mais l'animal semblait relativement paisible. Il n'appréciait pas le voyage, c'était évident, mais il se tenait coi.

Lorsque le soleil commença à baisser à l'horizon, ils avaient rejoint l'un des bras de la Nouria et se trouvaient désormais au coeur du marécage. De multiples canaux de toute taille s'offraient à leur vue, menant parfois à des lacs ou à d'autres bras du fleuve. Il y en avait des dizaines, beaucoup plus que les quelques-uns dessinés sur leur carte, et il était difficile de savoir à l'avance s'ils allaient dans la bonne direction. Il leur fallait continuer à se diriger vers le nord, alors que le fleuve les entraînait à l'ouest. il leur faudrait donc, tôt ou tard, prendre l'un des canaux. Et Sylvia plissait les yeux, hésitante.
- Je pense qu'il faudrait prendre l'un des canaux les plus larges... Celui-ci, par exemple. De toute façon, ils communiquent tous plus ou moins, il suffira de garder la direction qu'on veut. Simplement, certains sont envahis par des algues, des lentilles d'eau, des nénuphars, qui risquent de gêner notre progression.
Elle soupira.
- Il va falloir trouver un endroit où passer la nuit. On peut essayer de dormir sur le radeau, peut-être. Enfin, sauf Léo. On croise parfois des bandes de terre qui ont l'air stables. Il suffit de ne pas en bouger....

[Kasumi]

Le rôdeur réfléchit un moment puis se mit à lutter contre le courant pour diriger leur embarcation dans le canal désigné par Sylvia. Peut-être n’était-ce pas le plus court mais ils n’avaient aucun moyen de le savoir de toute façon. L’essentiel était de maintenir leur cap tout en choisissant les passages offrant assez de courant et assez vaste pour ne pas favoriser les engorgements de végétation. Celui qu’elle avait choisi semblait pour le moment répondre à ces critères. Il répondit d’un ton confiant bien qu’il sache pertinemment qu’il prenait un risque, mais nécessaire et calculé :

- Oui, dès que nous trouverons un endroit stable, nous nous arrêterons pour la nuit. Et si possible un où Léo pourra un peu se dégourdir les pattes sans risque et évacuer de sa frustration.

[Voyageuse]

Il leur fallut progresser encore un bon moment le long du canal, tandis que le soleil déclinait à leur gauche. Parfois, une branche secondaire en partait, d'un côté ou de l'autre, mais la voie qu'ils suivaient semblait aller dans la bonne direction. De part et d'autre, les berges envahies de hautes herbes sèches ressemblaient à ce sol traître où Léo s'était embourbé. Au-delà se trouvaient des arbres, majestueux. Ils crurent trouver leur bonheur en voyant la bande d'herbes s'amincir, du côté est du canal, mais celle-ci fit place à une sorte de mangrove : des arbres immenses plongeant leurs racines directement dans les eaux bourbeuses. Nul sol ferme pour que Léo puisse y dégourdir ses pattes.
Eärundra commençait à envisager de laisser Léo sur le radeau tandis qu'ils iraient s'installer sur les épaisses branches qui les surplombaient, s'attirant un regard ébahi et inquiet du barde, lorsqu'enfin, sur l'autre berge, une bande de terre sèche et ferme s'annonça. Ce fut Sylvia qui la repéra la première et la leur désigna avec soulagement. Elle n'était large que de quelques mètres, bordée de lande herbeuse. Les arbres, de ce côté-ci, n'étaient qu'une ligne barrant l'horizon.

[Kasumi]

Dans leur situation, ils ne pouvaient pas se montrer difficiles quant à leur lieu de bivouac et Kasumi se rassura même en se disant que le temps passé à trouver un endroit convenable leur avait permis de continuer à progresser dans la bonne direction, rattrapant peut-être un peu de leur retard accumulé lors de leurs haltes de la journée. Il fit part de sa bonne humeur en mettant pied à terre, espérant que ce bon sentiment serait communicatif :

- Parfait, parfait : Tilmandil, ça va t’en faire des histoires à raconter ! Après la tour hantée, voici une excellente occasion de passer la nuit comme un authentique homme des marais ! En plus, il ne pleut pas : on a de la chance !

Toutefois, le rôdeur était cette fois échaudé et bien décidé à vérifier si les hautes herbes ne cachaient pas quelque serpent endormi par la fraîcheur avant de laisser Léo et Tilmandil débarquer.

- Voyons, qui veut faire quoi ? Je vais inspecter ces hautes herbes pour voir si la place n’est pas déjà prise mais il reste à trouver un bon emplacement pour notre campement, ramasser un peu de bois sec, allumer le feu, arrimer solidement le radeau avant d’en débarquer ce dont nous aurons besoin pour la nuit. Tout un programme !

[Voyageuse]

- Je vais m'occuper du feu. On n'aura pas de bois de qualité, il faudra s'y faire... Il y a quelques épineux, cela dit, et beaucoup d'herbes sèches. Mais le bois là-bas est trop loin pour se risquer à le rejoindre.
Sylvia analysait la situation à voix haute, tandis qu'Eärundra mettait pied à terre à son tour, suivie d'un Léo visiblement soulagé.
Tilmandil amarra le radeau, aussi solidement qu'il put, mais Sylvia ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil critique et de resserrer les noeuds. Eärundra, quant à elle, avait choisi de longer les herbes hautes, dans la direction opposée à celle qu'explorait Kasumi, sans doute avec le même objectif que lui.

L'inspection du rôdeur ne lui révéla rien d'alarmant. Il trouva des myriades d'insectes piqueurs, quelques reptiles inoffensifs, des batraciens, des oiseaux craintifs. Apparemment, la zone était sans risque.

[Kasumi]

Satisfait par le résultat de son exploration, le rôdeur s’en retourna vers le radeau pour commencer à récupérer les bagages contenant leurs couchages et leurs couvertures ainsi qu’un de ceux contenant des vivres. Il ne jugea pas nécessaire de déranger les autres pour le moment. Puisque Sylvia semblait décidée à s’occuper de réunir du combustible et que la druidesse s’occupait de Léo tout en inspectant l’autre côté de leur petite île, le demi-elfe demanda à Tilmandil de l’aider à mettre en place leur campement :

- Je vais préparer un cercle de pierres pour que le feu ne risque pas de se propager. Tu veux bien disposer nos couchages pour la nuit ? On peut le rendre plus doux avec ces herbes hautes si tu le souhaites même si le sol a l’air plutôt meuble. Si tu veux, je te montre comment procéder…

[Voyageuse]

Tilmandil se montra un élève intéressé, à défaut d'être très efficace. On voyait qu'il prenait mentalement note des explications du rôdeur, peut-être pour les glisser dans une chanson quelconque plus que pour les mettre en application.
Eärundra n'eut rien à signaler, elle non plus. Et Sylvia fut bientôt de retour avec une bonne provision de bois. Léo, lui, se dégourdissait les pattes en faisant quelques allers-retours sur leur petite bande de terre.

- Je vais vous laisser préparer le repas, fit Eärundra en observant le lion d'un air soucieux. Il ne pourra rien chasser, par ici, sans risquer de plonger dans un trou d'eau. Je vais essayer de lui trouver quelques volatiles à se mettre sous la dent. Il ne va pas forcément apprécier, cela dit. Trop d'os et pas assez de viande. Mais c'est le plus simple à attraper.
Elle saisit son arc et ses flèches et s'éloigna prudemment, aux aguets. Ils la virent bifurquer prudemment, s'aventurant au coeur des hautes herbes, et disparaître quasiment à leur vue derrière un buisson épineux. Les oiseaux ne manquaient pas : elle serait rapidement de retour.

Léo, à qui elle avait interdit les hautes herbes, finit par revenir vers eux, dépité, et se coucha près de lui. Sylvia prit en main la préparation du repas, répartissant les tâches d'un ton n'admettant aucune contestation, chose qui paraissait amuser grandement Tilmandil qui échangea quelques regards éloquents avec Kasumi. C'était à croire que la rôdeuse profitait de l'absence d'Eärundra pour tenter d'affirmer sa propre autorité, ses propres compétences.
- Et pour cette nuit, on fait comment ? questionna Sylvia une fois que tous furent absorbés dans l'épluchage des légumes. Tu veux prendre le premier tour ? ou le dernier ?

[Kasumi]

Kasumi était fier de partager une partie de son savoir avec son demi-frère et se promettait de le questionner sur ses talents quand l’occasion se présenterait. Non pas qu’il nourrisse une vocation de barde mais il avait tout simplement envie de mieux le connaître par ce biais. L’échange de sourires amusés quand Sylvia prit sur elle de leurs donner ses directives visait également – en partie - ce but. Mais en partie seulement parce que le rôdeur éprouvait surtout une certaine fierté dans l’affirmation de Sylvia, la façon dont elle organisait leur petit groupe réduit. Il s’empressait de répondre à ses demandes pour lui complaire, l’aider dans ce sens mais surtout pour lui faire plaisir. Quand elle aborda la question du tour de garde, il ne mit qu’un instant à répondre, y ayant déjà réfléchi :

- Je préfère ne rien changer : je me suis réveillé bon dernier ce matin donc il est normal que je veille un peu plus. Et je me sens tout à fait en forme pour cela. Enfin, un peu courbaturé mais bien éveillé !

[Voyageuse]

Sylvia se proposa bien entendu pour le dernier tour de garde, et Tilmandil décida qu'il prendrait le second. Exactement comme la nuit précédente.
Léo, le premier, aperçut la druidesse qui revenait d'un pas prudent, quelques volatiles embrochés sur une pique de bois. Il les avala en quelques bouchées, et parut bien dépité de n'avoir rien d'autre à se mettre sous la dent. Eärundra parvint à peine à en sauver quelques menus morceaux qu'elle ajouta dans la soupe. Heureusement, Sylvia avait pensé à emmener un peu de la viande du serpent de la veille. Elle profita de ce que le barde tournait le dos pour les y ajouter à son tour, coupés en dés. Il n'y verrait que du feu.

Tilmandil se mit en devoir de combattre le silence de la nuit par quelques histoires à faire frémir - d'autant plus dans le cadre qui était le leur ce soir-là. L'une d'elle parlait d'un groupe d'aventuriers perdus au milieu de marais, qui avaient voulu suivre une étrange lumière, et n'en étaient jamais revenus, dévorés par un monstre aquatique. Une autre partait du même thème, une lueur perdues dans les marécages, mais sa fin était meilleure puisque le preux paladin qui choisissait de la suivre y trouvait une ravissante déesse qu'il libérait d'un énorme dragon, et finissait par épouser. Il finit par conclure la soirée sur un air de flûte, un brin mélancolique, le même qu'il avait joué dans l'après-midi. Et il fut finalement l'heure de dormir...

[Kasumi]

Kasumi apprécia la veillée, parfaitement serein malgré l’ambiance choisie par son barde de demi-frère. Le fait que Sylvia ait pris place à ses côtés et passé un bras autour de sa taille n’était pas non plus étranger à la beauté de cette soirée simple, sous les étoiles et les multiples sons de la faune des marais, le léger et doux clapotis de l’eau dans les roseaux et de temps à autre le plongeon plus sonore de quelque animal nocturne. Tout cela semblait contribuer du récit conté avec talent par Tilmandil. Puis, à la fin de son récital, il sentit que Sylvia s’appuyait un peu plus contre son épaule et il percevait par quelques regards à la dérobée qu’elle clignait de plus en plus fréquemment des yeux. Lui-même ne se sentait pas beaucoup plus éveillé, signe qu’il valait mieux ne pas trop prolonger la soirée et commencer son tour de garde. Il ne manqua pourtant pas de féliciter sincèrement Tilmandil avant toute chose :

- C’était magnifique, vraiment. Tu es doué, petit-frère. Puisse Mielikki veiller à ce qu’aucun monstre marin ou dragon ne se mette en idée de nous barrer la route ! Il parait que leur chair est moins gouteuse que celle du serpent. Mais nous aurons le temps de voir ce que demain nous réserve. Je vais prendre le premier tour de garde.

Il se garda bien de préciser « comme hier » de peur de voir les elfes lui faire remarquer qu’il n’avait pas été des plus vigilants à cette occasion…

[Voyageuse]

Il ne leur fallut que quelques minutes pour se glisser dans leurs couchages respectifs, Sylvia le fixant avec regret alors qu'elle s'installait seule dans la couche prévue pour eux deux : elle l'avait soigneusement placée un peu à l'écart, prétextant la présence de pierres peu confortables. Elle l'observa un moment tandis qu'il montait la garde, lui souriant lorsque leurs regards se croisaient. Mais peu à peu, ses regards se firent plus rare, et elle glissa dans le sommeil.
Le marais bruissait de mille bruits, certains familiers, d'autres plus intrigants. Le rôdeur, aux aguets, percevait le léger bruissement de la terre sèche sous les pas d'un rongeur, les crissements des insectes nocturnes, le clapotis de l'eau troublé par les plongeons d'animaux de toute sorte - mais de petite taille apparemment. Un bruit inattendu, également, semblable à des sabots martelant le sol, mais qui disparut rapidement. Et quelque chose qui évoquait le bruit d'un morceau de bois frappant le sol. Et même le son de tambours assourdis. Trop loin pour être identifiés avec certitude, hélas. Eux aussi s'éteignirent peu à peu.
Le ciel s'était assombri peu à peu, les nuages masquant la lumière des étoiles. Mais heureusement, il ne semblait pas devoir pleuvoir.
Léo s'était installé un peu plus loin et levait de temps en temps la tête, le fixant de ses yeux jaunes. Puis il parut s'endormir à son tour. Ou du moins il ferma les yeux.
Peu à peu, les derniers grillons se turent, remplacés par les cris des chauve-souris qui le survolaient en zig-zag. La nuit avançait, doucement, et rien ne semblait devoir se passer.

[Kasumi]

Pour tromper l’attrait du sommeil, Kasumi se relevait régulièrement pour parcourir de long en large une grande partie de leur petite île sans jamais toutefois s’engager hors de portée de vue de leur petit campement. Il était certain d’être suffisamment silencieux pour ne pas gêner les dormeurs et cela lui permettait d’observer alternativement de tous les côtés d’où pouvait provenir un danger potentiel. La marche lente avait en outre l’avantage de canaliser ses pensées et ainsi lui permettre d’anticiper mentalement les prochaines étapes de leur périple. Il n’arrivait toutefois pas à se projeter au-delà de leur découverte du bosquet où tant de réponses devraient être trouvées. Et bien d’autres pas encore probablement…

En relevant les yeux pour la centième fois probablement, il s’aperçut que le moment approchait où il pourrait céder son tour de garde à Tilmandil. Il ne se sentait pas encore tout à fait fatigué, loin de son état de la veille en tous cas. Il laissa donc passer un nouveau quart d’heure avant de se faire la réflexion que passer quelques minutes avec le barde avant de rejoindre la couche où dormait Sylvia ne serait pas forcément une expérience désagréable : Tilmandil devait se sentir passablement frustré de la difficulté à communiquer avec la présence de Léo. S’il l’écoutait quelques minutes, cela lui serait certainement profitable. En tous cas, il lui en laisserait l’occasion. Kasumi s’approcha donc silencieusement de la forme endormie du barde avec l’intention de le secouer doucement par l’épaule comme la veille.

[Voyageuse]

Tilmandil s'éveilla aussitôt, un rien ronchon, l'air de se demander où il se trouvait, avant de retrouver ses esprits et de sourire à Kasumi, s'étirant en baillant.
Il se leva silencieusement et s'éloigna d'Eärundra et de Sylvia, soucieux de ne réveiller personne : la rôdeuse dormait à poings fermés, et même si l'elfe paraissait avoir un sommeil plus léger, il ne fallait pas troubler sa méditation avant l'heure de son tour de garde.
Léo, bien sûr, dressa une oreille. Puis la tête. Il fixa Tilmandil de ses yeux d'or, causant un certain malaise chez celui-ci qui hâta subrepticement le pas.
Le marais était toujours d'un silence et d'un calme absolu.
- Alors petit frère, as-tu croisé la fée des marais ? Ou repéré le monstre aquatique ? Ne me dis pas qu'on n'a même pas une lueur dansante à se mettre sous la dent ? Non parce qu'un marécage sans lumière fantôme... ça n'existe pas, tout barde te le dira !
Kasumi devinait, à sa verve, qu'il était plus tendu qu'il ne voulait le montrer. La nuit à la belle étoile, à la merci d'un quelconque prédateur sans même l'illusion d'un abri de toile, devait l'angoisser quelque peu.

[Kasumi]

Kasumi laissa au barde le temps de se réveiller doucement en marchant à ses côtés et en lui laissant l’initiative de la conversation. Qu’il choisisse un sujet aussi sérieux que la présence de créatures hostiles en disait long sur son état de nervosité même s’il avait choisi de l’aborder sous l’angle de la dérision. Le rôdeur choisit de répondre sur le même ton pour essayer de rasséréner Tilmandil :

- Bah, la nuit est à peine entamée alors je n’ai presque rien accroché à mon tableau de chasse encore : à peine une demi-douzaine de wyvernes, deux serpents géants mais tout de même un dragon tortue de belle taille. J’ai dû me débarrasser des carcasses parce qu’elles puaient cependant ! A mon avis, ça a calmé les autres et le pire que tu auras à affronter sera Léo. Mais il t’aime bien maintenant : tu l’as soigné et il connait ton odeur alors ne crains rien ! Vois donc comment il nous observe placidement !