[Quête] Montequine

[Galathée]

" Attends, ne me détache pas, je ne veux pas qu'ils se doutent que tu es venue, dit-il en se remettant debout péniblement. Mes entraves me permettent de marcher. Pas très vite, mais ce sera suffisant."
Il soupira profondément.
" Il faudra juste que tu m'ouvres les portes... mais il est peut-être encore trop tôt pour sortir... J'ai un peu perdu la notion du temps."
Une fois debout, il alla vers le fond de la stalle à pas hésitants, où se trouvait l'auge. Il lui jeta un regard mauvais.
" Ils ne nous affament pas vraiment, mais ils ne comprennent pas que du chou cru et de l'avoine poisseuse ne suffisent pas à nos organismes. En même temps, ils ont tout intérêt à nous garder en deçà de nos possibilités. C'est moins dangereux."

[Voyageuse]

"C'est certain qu'ils ont intérêt à vous affaiblir... Et effectivement, je pense qu'il n'est pas encore très tard et qu'il vaut mieux attendre un peu. J'irai voir dehors si tout est désert. Mais en attendant, j'ai des galettes, de la viande aussi. Ça vous ferait du bien... "
Bien sûr, il ne pourrait manger avec les bras attachés ainsi, il faudrait qu'elle le nourrisse. Peut-être ne pourrait-il l'accepter, trouvant cela humiliant. Mais après tout, elle l'avait bien fait lorsqu'il était malade. Ou pouvait-elle le détacher et l'attacher à nouveau ensuite ?
"Vous aurez besoin de forces si vous voulez fuir, plaida-t-elle. Et ils ne s'attendront pas à ce que vous en ayez..."

[Galathée]

Il acquiesça, pensif. S'il se sentait humilié, il n'en dit en tout cas rien, et accepta la nourriture qu'elle lui tendait. Il paraissait de toute façon extrêmement embarrassé de la situation depuis le moment où elle était apparue. Il lui jetait de temps en temps des coups d'oeil, et son teint était peut-être empourpré. Difficile à dire à la lueur d'une unique bougie.
" Comment va Reynald ? demanda-t-il finalement d'un ton presque enjoué. Cela fait longtemps que nous ne nous sommes plus vus. Il avait l'air très inquiet pour toi..."
Un sourire se dessina furtivement sur ses lèvres, mais il le réprima.

[Voyageuse]

Pour le coup, ce fut à Astrée de rougir. Et de se mettre à bafouiller.
- Heu... et bien, je... il va bien, j'imagine.
Elle lui lança un regard noir. Faisait-il exprès de poser la question ? Savait-il ? Mais en même temps, apprendre que Reynald s'inquiétait à ce point pour elle lui faisait chaud au coeur, aussi se reprit-elle très vite.
- Il a toujours un certain don pour se fourrer dans les ennuis, et la dernière fois c'était pour avoir voulu me venir en aide... Et il a été forcé d'accepter de servir de barde domestique à son beau-frère, donc il ne doit pas être très heureux de son sort actuel, mais heureusement ça ne durera que deux mois.
Et il est toujours beau comme un dieu, ajouta-t-elle mentalement.
Bon, il ne pouvait pas savoir. Deviner, peut-être, si Reynald laissait transparaître ses émotions autant que lorsqu'il communiquait avec elle. Byron avait juste voulu lancer la conversation pour se distraire de la gêne qu'il éprouvait. Sans doute à cause de sa nudité : elle aussi aurait été gênée de se trouver nue devant un centaure, après tout.
- Vous le connaissez depuis longtemps ?

[Galathée]

Byron sourit et acquiesça, comme s'il voyait exactement ce dont elle voulait parler.
" Nous nous sommes rencontrés pour la première fois il y a sept ans, je crois. Et puis il est revenu nous voir deux fois, encore, avec son ami Tybert. Il est assez populaire auprès des dames... même s'il lui manque ce qu'il faut pour être parfaitement présentable."
Son expression s'assombrit un instant.
" Mais nous ne lui avons jamais dit la vérité sur Montequine. Il y avait d'autres chemins, à l'époque, et notre tourment... était nôtre. Il doit être furieux, à présent..."

[Voyageuse]

Astrée secoua la tête.
- Furieux, non, sûrement pas. Enfin, si, il est furieux contre les montequins. Mais il est surtout très inquiet pour vous et les vôtres. Je crois qu'il est terriblement frustré de ne pas pouvoir venir lui-même vous aider... Et je suis sûre qu'il aurait su quoi faire beaucoup mieux que moi, d'ailleurs. Il a plus l'habitude des situations difficiles...
Elle soupira.
- Mais je vous promets que je ferai tout ce qui me sera possible pour vous venir en aide, ajouta-t-elle avec un sourire qui aurait voulu être confiant. D'abord, vous allez sortir de là. Et ensuite on trouvera un moyen de mettre fin à... ces horreurs.
Elle lui tendit quelques fraises des bois.
- Est-ce que vous pourriez me raconter... Comment tout ça a commencé ?

[Galathée]

" Je n'étais pas né, dit-il avec un haussement d'épaules gêné. Et je ne suis pas shaman, ce n'est pas mon rôle de préserver la mémoire de mon peuple... Ce que je sais c'est qu'autrefois, les centaures et les humains ont été amis. Il y a longtemps. Et puis il s'est passé quelque chose qui a grippé nos relations et après un temps de guerre, nous nous sommes évités. Puis des contacts sporadiques ont repris, des échanges commerciaux, je suppose... ça a duré des années et des années... et puis, il y a trente ans environ, les humains ont réalisé combien nous étions potentiellement utiles... Il y a plusieurs versions qui circulent... Les uns disent que des Mélandiens, habitués de l'esclavage, sont venus vivre à Montequine et ont ouvert les yeux des autres... D'autres disent qu'il a suffi d'humains sûrs de leur supériorité raciale... Après tout, nous sommes à moitié bêtes, et nos coutumes ne sont pas toujours faciles à comprendre... ou à respecter. On dit aussi qu'un jeune centaure avait alors été blessé par un lion des cavernes et que les Montequins l'avaient secouru et soigné. Pour les remercier de leurs soins, il a désiré les aider... Il a participé aux moissons, à la cueillette des fruits, aux vendanges... A partir de là, peut-être la chose était-elle trop tentante... et trop facile, je n'en sais rien. Certains disent que les centaures ont offert leurs services et que les humains les ont ensuite retenus contre leur gré. Je ne sais pas bien. Je ne peux pas croire que les choses se soient passées en douceur, cependant. Nous ne sommes pas un peuple qui plie l'échine aisément."

[Voyageuse]

C'était décidément une société très codifiée. A chacun sa place, à chacun son rôle, avec l'interdiction d'empiéter sur celui des autres. Il faudrait qu'elle essaie de s'en souvenir, de le respecter de son mieux.
"Non, vous êtes un peuple libre... C'est pour cela que j'ai du mal à imaginer comment tout ça a commencé. Peut-être le chaman de votre peuple acceptera-t-il de m'en dire plus un jour. Peut-être, effectivement, ont-ils décidé un jour de retenir contre leur gré ceux qui les aidaient. Ou ont-ils réussi à recueillir de tous jeunes centaures, de gré ou de force. C'était facile, ensuite, de leur inculquer qu'ils sont des animaux domestiques."
Elle lui sourit.
"Lorsqu'on les aura tous libérés, vous aurez la rude tâche de leur apprendre à redevenir des êtres libres. Il faudra aussi obtenir que les montequins rouvrent les failles. On a du pain sur la planche... Et il faut qu'on réussisse."
Pas d'autre choix. Même si le moyen était obscur pour le moment, ils trouveraient.
"Je devrais peut-être aller vérifier si les rues sont désertes maintenant, et vous conduire à votre chef....

[Galathée]

Byron pinça les lèvres et frissonna.
" Oui, murmura-t-il. Oui, sans doute est-ce mieux."
Il la regarda se lever avec une expression tendue sur les traits, comme s'il craignait de la voir disparaître, mais n'ajouta rien.

[Voyageuse]

Astrée lui sourit avec douceur. Même s'il disait faire passer la horde avant sa propre vie, elle le devinait anxieux. Il y avait de quoi... Peur de finir ses jours en captivité, peur que son chef ne le laisse pas fuir, peur de mourir. Elle devrait peut-être passer une partie de la nuit ici, à discuter avec lui. Pour lui donner un peu d'espoir, un peu de baume au coeur.
"Je reviens tout de suite... et je vous sortirai de là, par n'importe quel moyen, ne vous en faites pas. D'ailleurs, Reynald ne me pardonnerait pas si j'échouais", tenta-t-elle de plaisanter.
Elle se dirigea vers la porte, sa bougie à la main, et vérifia que tout était silencieux avant de s'engager dans l'allée. Elle allait d'abord vérifier que le grand portail de devant ne s'ouvrait pas, tout simplement, de l'intérieur. Mais c'était peu probable. Et de toute façon, mieux valait sortir par la porte de derrière, plus discrète.

[Galathée]

Le grand portail avant ne s'ouvrait effectivement pas. Les verrous intérieurs étaient tirés, certes, mais il y avait aussi deux serrures apparentes, toutes deux fermées. La rôdeuse put donc revenir en arrière, dans le silence relatif de l'écurie, gagner la sellerie, puis la réserve de nourriture, enfin la rue. Il faisait couvert mais les lampes à huile continuaient à éclairer, vaille que vaille, la ville endormie. Astrée ne décela nulle fenêtre allumée aux alentours et la tour de guet la plus proche était trop éloignée pour les voir, sans doute, d'autant que les gardes ne scrutaient probablement que l'extérieur. Il faudrait néanmoins réfléchir à un parcours peu exposé aux rayons de lumière, s'ils voulaient ne prendre aucun risque. La rôdeuse n'entendit ni ne vit personne. Montequine semblait dormir.

[Voyageuse]

La ville était décidément un peu trop bien éclairée. Le bruit des sabots sur les pavés pourrait attirer un insomniaque curieux à sa fenêtre, ruinant ainsi leurs plans. Mais peut-être pouvait-elle tout simplement éteindre quelques-unes des lampes à huile ? Si elle attendait suffisamment, certaines s'éteindraient d'elles-mêmes. Elle pouvait sûrement aider les autres à faire de même. Si cela ne touchait que quelques lampes, en sélectionnant les plus gênantes d'entre elles, on croirait à l'effet d'un coup de vent.
Elle s'approcha donc de la plus proche des lampes, essayant de voir ce qui était possible de faire. Sinon, il lui faudrait sélectionner les ruelles les plus sombres.

[Galathée]

Les flammes étaient protégées du vent, mais les mèches pouvaient aisément glisser dans l'huile et s'éteindre sans que cela semble particulièrement étrange. C'était en tout cas ce qui était arrivé à deux des lampes déjà éteintes que la rôdeuse examina. Il lui suffit donc d'en sélectionner quelques unes sur le parcours relativement direct qui séparait l'arrière du bâtiment de la petite place à l'avant pour obtenir des zones d'ombre à la fois plausibles et utiles à son plan. Resterait cependant le son des sabots sur le pavé.

[Voyageuse]

Astrée revint vers l'immense écurie, plutôt satisfaite. Elle se glissa silencieusement dans le réserve de nourriture, traversa la sellerie, alluma sa bougie en masquant de son mieux la lumière pour revenir vers la stalle de Byron.
"C'est encore moi... On peut y aller quand vous voulez, il est tard, il n'y a plus personne et j'ai éteint quelques lampes. Il faudra longer les murs, rester dans l'ombre le plus possible. Et je vais envelopper vos sabots dans du tissu pour amortir le bruit", ajouta-t-elle en fouillant son sac. Elle devait bien avoir une ou deux paires de chaussettes, ou à défaut une vieille tunique qu'elle pourrait sacrifier.
"Enfin, si vous n'y voyez pas d'inconvénient... Et je vais vous envelopper un peu dans une couverture, si vous voulez : il fait froid dehors."
Ce qui devrait également satisfaire son besoin de pudeur. Elle persistait à souhaiter qu'ils s'enfuie avec elle, au petit matin, en sortant par la porte comme si de rien n'était. Mais on les remarquerait, fatalement, on les poursuivrait. Peut-être en effet qu'il valait mieux, pour le moment, que les montequins ne sachent pas qu'elle était là. Cela pouvait s'avérer utile plus tard.

[Galathée]

" Je vous en prie... fit le centaure à mi-voix. Mais je crains de ne pas pouvoir lever les pieds."
Ses jambes étaient entravées deux à deux et Astrée dut s'agenouiller pour lui emballer les sabots. Une fois cela fait, Astrée put prendre la tête de leur équipage et ils s'engagèrent dans la travée centrale de l'écurie. Le centaure avançait lentement, son pas était heureusement étouffé, et il réprimait le son de sa respiration profonde. Il s'engagea à sa suite dans la sellerie et dut se pencher pour passer sous la porte de la réserve.

[Voyageuse]

Astrée, avec un sourire amical, l'enveloppa dans une couverture avant de sortir. Pour le protéger du froid avant tout, mais aussi pour préserver sa pudeur. Elle aurait dû y songer avant... Elle y aurait pensé pour un humain, certainement, et elle avait un peu honte de ne pas l'avoir fait immédiatement.
Elle s'avança seule dans la rue, vérifiant que personne ne s'y trouvait, jetant un oeil aux fenêtres au-dessus de sa tête, écoutant attentivement, avant de lui faire signe de la suivre. Elle le guida jusqu'à la petite place où se trouvait le centaure roux. Sheldon. Juste avant d'arriver, elle expliqua à voix basse.
"Il ont dû faire en sorte qu'il ne puisse pas parler... Vous voulez que je vienne avec vous pour lui ôter son baillon, pour que vous puissiez parler librement, ou vous préférez y aller seul pour éviter que ma présence... l'indispose ?
Elle grimaça.
"J'ai l'impression qu'il hait tous les humains..."
Il ne leur restait plus qu'à contourner le coin du bâtiment pour l'apercevoir. Ce serait certainement un crève-coeur, pour Byron, de voir son chef dans cette posture.

[Galathée]

Elle vit l'éclair de reconnaissance dans ses yeux au moment elle lui glissa la couverture sur les épaules, puis la grimace d'embarras déformer son visage. Il se glissa ensuite sur ses traces, les sens aux aguets, posant chaque sabot avec circonspection sur le sol.
" Ils me l'ont montré, déjà, deux fois, fit Byron à voix basse. C'est une vision... très difficile pour moi. J'aimerais que tu sois là."
Il frissonna sous sa couverture.
" Sheldon va se montrer agressif, immanquablement... Il ne faut pas t'en effrayer. Cela fait partie de son rôle... J'espère que tu auras l'occasion de le connaître vraiment, plus tard..."
Son regard passa au-dessus de l'épaule de la rôdeuse, jusqu'à la petite place et la silhouette immobile.
" Peut-être... peut-être peux-tu rester mais sans le regarder. Si tu ne le regardes pas, il se sentira moins humilié. Il sait que tu l'as vu, déjà, bien sûr, mais peut-être... peut-être... je ne sais pas... si tu gardes les yeux baissés... c'est une marque de respect..."

[Voyageuse]

"D'accord, murmura Astrée. Je vais essayer... d'ignorer qu'il est captif. De ne pas regarder. Enfin, juste ce qu'il faut pour lui enlever ce qu'ils lui ont mis sur la tête, mais ensuite je garderai les yeux baissés... J'espère qu'il aura suffisamment de sang-froid, malgré sa colère, pour rester discret. Allons-y."
Elle hésita cependant.
"Je les ai entendu dire qu'ils ne lui donnaient rien à boire ni à manger. Il doit être affamé. Mais j'imagine qu'il n'accepterait pas que je lui donne quoi que ce soit..."
Il faudrait déjà, pour cela, qu'elle surmonte la peur instinctive qu'il lui causait encore, et qui ressurgirait immanquablement s'il se montrait agressif. Quoique... lui faisait-il si peur à présent, au fond ? Elle éprouvait surtout de la pitié, de la compassion même. Mais c'est à coup sûr le genre de sentiment qu'il jugerait insupportablement humiliant.

[Galathée]

" Non, n'y songe même pas..." fit Byron en approchant.
Il fit un pas puis un autre sur la place, demeurant dans l'ombre. Le centaure roux les avait cependant déjà entendus car il se raidit et Astrée vit le gris s'immobiliser et frémir.
" Sheldon, c'est moi... Je suis avec une humaine qui s'appelle Astrée et..." commença-t-il d'une voix étouffée.
Il se tourna vivement vers la jeune femme et baissa le ton.
" Est-ce que tu as rencontré Maedron ? Est-ce que Maedron t'apprécie ?"

[Voyageuse]

"Oui, c'est un ami", répondit Astrée en hochant vivement la tête. "Il m'a aidée... à sauver Reynald et mon familier. Une histoire compliquée, je vous raconterai."
Cela signifiait-il que Reynald n'était pas vraiment apprécié par Sheldon ? Cela n'était pas forcément étonnant après tout : il était sans doute du genre à préférer la froide efficacité du guerrier aux belles paroles du Sorlyn.
Elle ne quittait pas le centaure roux des yeux, frémissant de la colère qu'elle devinait en lui.

[Galathée]

Byron sourit et fit un pas de plus vers Sheldon, lequel leur tournait le dos.
" Astrée est une amie de Maedron, dit-il toujours à mi-voix. Elle veut nous aider, Sheldon. C'est la jeune femme qui m'a soigné dans les bois... Elle ignorait que les humains d'ici nous asservissaient... Elle ne nous veut pas de mal."
Le roux agita brusquement la queue et Astrée vit son corps entier se tendre. Il se relâcha cependant très rapidement. A force de tirer sur ses entraves, il s'était blessé à tous les points de frottement. Byron détourna le regard avec une grimace, incapable d'en regarder davantage.
" Je ne sais pas si tu vas pouvoir atteindre son visage... Peut-être en prenant appui sur les pieux... Il ne faut pas que tu l'enfourches, c'est très important, c'est... c'est un acte très chargé, pour notre race."
Il haussa la voix.
" Elle va essayer de te libérer le visage, Sheldon, parce qu'il faut que je te parle."

[Voyageuse]

Astrée s'approcha à son tour, hésitante. Elle grimaça en voyant les multiples blessures aux endroits où les entraves avaient cisaillé sa peau. Elle aurait pu le soigner. Mais il aurait refusé.
Elle aurait dû demander à Byron si elle pouvait parler ou s'il valait mieux qu'elle se taise. Elle opta pour la seconde solution, craignant trop de dire quelque chose d'inadéquat, ou de trahir dans son ton un sentiment de pitié. Bien sûr, elle se doutait qu'elle ne devait en aucun cas l'enfourcher. Elle aurait pu prendre appui sur Byron, peut-être, pour atteindre sa tête. Mais Sheldon aurait-il trouvé cela insultant pour son subordonné ?.
Et il était vraiment immense...
Elle prit appui de son mieux sur les piquets de bois, évitant de se trouver face à lui, préférant rester de côté où il serait plus facile d'éviter son regard. Il était difficile de se hisser sans prendre appui sur le corps du centaure, mais elle fit de son mieux pour l'effleurer le moins possible, sentant tout son corps
se tendre au moindre contact. D'une main, elle souleva le sac de toile qui lui masquait le visage, veillant à ne pas croiser son regard, et s'attaqua à son bâillon qu'elle desserra à l'arrière de sa tête.
Elle redescendit aussitôt et s'écarta, les yeux baissés, restant légèrement sur le côté sans pour autant sortir de son champ de vision.

[Galathée]

Pendant un long moment, le centaure ne dit absolument rien. Astrée entendit juste sa respiration rauque, irrégulière, et le soupir de Byron. Puis le roux parla. Mais il ne le fit pas en commun, il le fit en sylvestre, et si la rôdeuse n'en comprit pas un traître mot, elle devina les émotions violentes contenues dans ses paroles, la colère, bien sûr, mais aussi le désarroi. Byron lui répondit dans cette même langue, qui semblait pourtant tellement fluide et chantante que la véhémence de ce qui s'échangeait paraissait presque irréelle. Le chef de la harde parlait davantage que son subordonné, lequel était plus retenu dans son ton, plus renonçant, mais calme aussi, comme s'il cherchait à apaiser ce qui brûlait chez l'autre. Leur conversation se prolongea un moment, l'équilibre des paroles échangées finit par s'inverser, le roux se calma peu à peu, bien que son ton demeurât incisif.
" Approche, humaine." claqua alors sa voix, dans un commun parfait.

[Voyageuse]

Elle jeta un regard furtif vers lui, instinctivement, avant de baisser à nouveau immédiatement les yeux. D'après ce qu'elle avait pu comprendre en écoutant le ton de leur échange, le gris était peut-être parvenu à calmer un peu la colère du roux, en tout cas à lui expliquer son point de vue. Ou peut-être qu'elle se trompait.
Mais quoiqu'il en soit, elle devait se montrer parfaitement soumise et conciliante. Un peu comme lorsqu'elle était leur captive, peut-être. Ce n'était pas très difficile : le simple souvenir de la course-poursuite où il l'avait assommée suffisait à lui rappeler à quel point il était puissant, et elle-même insignifiante. C'était certainement comme cela qu'il percevait les choses, en tout cas. Enfin... sans doute. Ou peut-être pas. Mais il ne devait pas apprécier d'avoir besoin de l'aide d'une humaine, c'était certain.
Elle s'approcha lentement. Timidement, mais sans peur.

[Galathée]

Astrée n'avait regardé le roux qu'un fragment de seconde, mais elle avait vu son visage marqué par les liens et la tension, ses yeux clairs humides, les coins de sa bouche en sang, son épuisement et sa fureur lasse.
" Libère Byron si tu le peux. Ne t'avise pas de le trahir.
— Sheldon... murmura le gris.
— Maintenant rattachez-moi et partez. Vous mettez stupidement vos vies en danger."

[Voyageuse]

Sur ce point, elle était parfaitement d'accord avec lui. Mais Byron avait eu l'air de trouver indispensable d'obtenir l'accord de son chef...
- Je ne le trahirai pas, répondit-elle avec calme. Je vous le promets.
Elle se hissa à nouveau sur le pieu, s'efforçant de ne pas le regarder plus que le strict nécessaire, de le toucher le moins possible également. Elle remit le bâillon en place, un peu moins serré qu'il n'avait été, et ajusta le sac de toile sur sa tête.
Elle redescendit d'un bond et fit signe à Byron de revenir vers l'écurie. Il était inutile de s'attarder...

[Galathée]

Le centaure gris demeura immobile.
" Nous reviendrons, je te le promets..." souffla-t-il finalement, avant de suivre Astrée dans la rue.
Il paraissait accablé et ne dit rien durant tout le trajet, à la fois concentré sur la route et ailleurs dans sa tête. Ils regagnèrent l'arrière de la bâtisse, puis la réserve, la sellerie, et enfin l'écurie et le box du centaure. Il frémit une seconde avant d'en passer la porte puis s'affala dans la paille et demeura silencieux. Il se détourna, cependant, probablement gêné par l'émotion qui l'avait étreint.

[Voyageuse]

Astrée ne dit rien pendant un moment, respectant son besoin de silence. Elle s'assit simplement dans la paille non loin de lui, adossée à l'une des parois de bois, et s'occupa à ranger ses provisions dans son sac. La couverture et les "chaussettes" pouvaient bien attendre un peu.
"Byron... On va réussir. On va trouver un moyen de le sortir de là, lui et tous les autres...", finit-elle par dire doucement.
Il était inutile de lui rappeler qu'elle n'avait pas la moindre idée de comment le faire. Et puis, la priorité pour le moment était de le sortir de là, lui.
Elle se dit qu'il valait mieux rester encore un peu avec lui, bavarder un moment ou être juste une présence amicale pour qu'il se sente moins seul. Elle avait la nuit devant elle après tout.

[Galathée]

Il opina lentement du chef et poussa un profond soupir.
" Donne-moi trois jours, fit-il finalement d'une voix éteinte. Si dans trois jours, je n'ai pas réussi à gagner la confiance du débourreur, alors il faudra que tu y ailles seule..."
Il se tourna vers elle, la dévisageant un moment de ses yeux verts et fatigués.
" J'aimerais t'expliquer comment rejoindre mon peuple, au cas où... au cas où les choses ne tournent pas bien. Mais c'est un secret que tu dois promettre de garder et de ne jamais révéler à quiconque."

[Voyageuse]

"Je te le promets ! répartit spontanément la rôdeuse, avant de rougir en s'apercevant qu'elle avait fini par le tutoyer. Bon, je... je suppose que je peux vous... te tutoyer après tout..."
Elle grimaça.
"Mais ton chef m'a ordonné de te libérer... Donc je crois que si dans trois jours tu n'es pas là, je reviendrai te voir. Pour essayer de trouver un moyen de te sortir de là."
Il refuserait, sans doute. Mais elle avait bien du mal à se résoudre à le laisser en arrière...