[Quête] Dans la Campagne du Soleil

[Hubert de Maleval]

Hubert sourit.
" Bon, puisque j'ai votre accord, j'irai m'entretenir avec sa mère, Ted et Agathe pour voir comment je peux m'intégrer à son quotidien sans interférer avec ce qu'il compte déjà d'activités. Et avec elle, bien sûr. Si ça se trouve, elle m'a déjà bien assez vu comme ça."
Il avait comme un doute, mais il ne fallait jurer de rien : son expérience des enfants était plus que limitée, n'ayant eu ces dernières années que des fils de seigneur bien obéissants comme élèves.

[Taliesin]

-Je doute sincèrement que ce soit le cas. Et comme l'école et les entraînements seront suspendus durant notre trajet jusqu'à la cité, puisque nous ne ferons de véritables haltes que pour dormir, je suis certain que vous trouverez des occasions pour l'entraîner à ces moments-là.
Robert le fixa un instant.
-En parlant du voyage, je souhaitait vous poser une question. Assurer la sécurité de la colonne ne sera pas simple, il faudra maintenir toutes nos forces sur le qui-vive, les organiser au mieux, assurer une coordination parfaite entre les unités... Tout cela va évidemment réclamer des hommes d'expériences, pour finaliser la préparation de nos défenses comme pour veiller à leur bon fonctionnement. Aussi voulais-je vous demander si vous accepteriez un poste d'officier dans ce qui va devenir, officiellement, la garde de la communauté. Un poste d'officier supérieur, j'entends.

[Hubert de Maleval]

" Oh..." fit-il.
En vérité, il n'était pas complètement surpris qu'on puisse penser à lui pour superviser une partie des hommes : ça avait été son métier pendant de nombreuses années, et il avait la sensation de s'en être plutôt correctement acquitté. Mais en même temps, le fait qu'il ne se soit engagé que pour peu de temps lui paraissait suffisant pour qu'on ne lui propose rien. Aussi n'avait-il jamais réfléchi sérieusement à la question.
" Je suis... heu... honoré que vous ayez songé à moi... mais..."
Il avait l'impression qu'il devait en parler à Albérich. Et la certitude que le Luménien ne comprendrait pas pourquoi il avait besoin de son assentiment.
" Je me suis engagé à soutenir la communauté de mon mieux, dit-il finalement. Si vous pensez que je peux servir à un poste en particulier... Je le ferai avec plaisir et détermination. Reste que... je ne peux pas m'engager pour la suite... pas encore."

[Taliesin]

-Rassurez-vous, nous ne parlons bien que du trajet. Et je vous sais gré d'avoir accepté. C'est rassurant de pouvoir compter sur quelqu'un d'aussi expérimenté que vous.
Il jeta un regard en direction de l'entrée de sa tente.
-Il va y avoir,sous peu, une réunion entre conseillers, pour préparer l'assemblée de ce soir. Nous devons officiellement attendre celle-ci pour savoir si, oui ou non, nous nous mettons en route. Néanmoins, la chose étant déjà quasiment acquise, autant ne pas perdre de temps. Je songe donc à organiser, dans l'après-midi, une rencontre entre toutes les personnes concernées par la défense de notre communauté, ce qui inclura Frida et les autres rôdeurs. Pensez-vous pouvoir vous rendre disponible ?

[Hubert de Maleval]

" Bien sûr, répondit le paladin. Comme je vous l'ai dit, mon programme de la journée s'est quelque peu éclairci. Et je vais peut-être attendre de savoir quel sera mon rôle avant de promettre la lune à Ruth."
Il s'était douté que le départ était proche, mais l'entendre confirmé par un conseiller avait quelque chose d'exaltant. Il ne savait pas bien d'où venait cette impatience, mais il la prenait comme une bonne chose. L'inactivité n'avait jamais été son fort et les journées à Solarcis avaient toujours été intenses, de l'aube au coucher du soleil.

[Taliesin]

-Il y a peu de chances que votre futur poste nuise a vos projets concernant Ruth. Nous sommes assez nombreux pour que tout le monde ne doive pas rester en permanence sur le pont : certains œuvreront en journée, alors que la colonne progressera, d'autres le soir et la nuit, lorsque nous aurons établis notre bivouac... Et, bien sûr, vous serez libre de choisir quelle fonction vous convient le mieux.
Une petite ombre se découpa sur le pan de toile servant de porte et on entendit un discret raclement de gorge.
-Tu peux entrer, Alban, fit le chevalier.
Le gamin s'exécuta aussitôt.
-Dame Frida est déjà prête, et ils allaient envoyer quelqu'un pour vous chercher, annonça-t-il.
-Bien, je vais m'efforcer de ne pas trop les faire attendre...
Robert se tourna vers le paladin.
-Je vais devoir vous laisser... Mais nous nous reverrons donc dans l'après-midi, comme convenu.
Puis, à l'enfant.
-Ne te sens pas obligé de t'occuper de l'armure en mon absence : nous pourrons reprendre cela... et bien, quand je serai disponible. En attendant, tu as quartiers libres.

[Hubert de Maleval]

Hubert salua le chevalier et se tourna vers l'enfant. Il hésita à lui proposer de terminer le harnois, mais peut-être était-ce une des rares opportunités que le gosse avait de faire autre chose de ses journées, aussi se garda-t-il bien de dire quoi que ce soit. Il verrait bien si Alban décidait, ou pas, de continuer à travailler. Il lui laissa cette latitude en revenant à sa propre armure et à son bouclier. Bien que parfaitement propre, celui-ci accusait les coups violents qu'il avait reçu la veille, et le chamois qui y figurait avait souffert. Il faudrait qu'il trouve quelqu'un pour le lui repeindre, à l'occasion. Ceci le fit songer à l'héraldiste et à la visite désastreuse qu'il lui avait rendue avec Albérich. Il fallait qu'il aille trouver l'ancien clerc pour lui parler de ce qu'il venait d'accepter. Il espérait qu'il pourrait veiller à sa sécurité malgré ses prérogatives. Ce serait sans doute compliqué, mais s'il avait des hommes de confiance sous ses ordres, il n'y avait pas de raison de s'inquiéter : il ne lui avait jamais servi personnellement de garde du corps à Solarcis, sauf lors de leurs escapades nocturnes. Mais Solarcis était une ville très sûre, dotée d'une garde irréprochable... Les Landes seraient autrement plus dangereuses et incertaines. En même temps, refuser l'offre de Robert n'aurait eu aucun sens, le chevalier n'aurait pas compris, et il se serait simplement retrouvé sous les ordres de quelqu'un d'autre, encore moins libre de veiller sur le Luménien. Mais tout irait bien. Tout irait immanquablement bien. Les gens de la communauté étaient bien organisés, Albérich n'était pas manchot, l'un dans l'autre, il n'y avait aucune raison de s'inquiéter.

[Taliesin]

-Si vous voulez, je pourrai amener votre bouclier à Ulrich pour qu'il le répare, puis à Giovanni pour qu'il refasse votre blason, dit Alban, d'un ton hésitant.
Sitôt son maître parti, il s'était rassi et avait recommencé à nettoyer l'armure, comme si aucune autre activité ne lui était venue à l'esprit. Cela ne l'avait pas empêché, cependant, d'observer discrètement le paladin.
-Je dois déjà leur porter celui de messire Robert, alors ça me dérangerait pas du tout, reprit-il.

[Hubert de Maleval]

Albérich pouvait attendre, il était de toute façon en train de potasser un texte obscur. Hubert reprit donc place près du petit garçon et continua lui aussi de nettoyer l'armure de Robert. C'était au final un échange de bons procédés.
" J'aimerais essayer de redonner forme à mon bouclier moi-même, je dois dire, mais j'aurai besoin du matériel d'Ulrich de toute façon, donc je t'accompagnerai... Par contre, je suis plutôt nul en dessin, je ne serais donc pas contre rencontrer ce Giovanni. Est-ce son métier ou son passe-temps ?"

[Taliesin]

-Son métier. Mais il en a plusieurs. Giovanni, c'est le barde avec les cheveux longs... Il joue de la musique, comme les autres bardes, et en plus il fait de la peinture et du dessin. Il paraît qu'il est très connu, que plein de temples ont fait appel à lui pour qu'il les décore avec ses fresques. Il dit qu'il a hâte de voir... heu... "l'art des maîtres antiques" de la cité perdue. Et il a proposé de faire les enseignes des magasins, et même le portrait de tous les membres de la communauté. Ça, ça fait beaucoup rire Ted, Edgar et les autres instructeurs, parce que d'après eux, il a surtout travaillé pour les Sunites, alors ils pensent qu'il ne sait représenter que les gens tout nus. Bref, ils osent pas imaginer le résultat.

[Hubert de Maleval]

Hubert se retint de faire le moindre commentaire sur la plastique avantageuse de tous ces jeunes guerriers, laquelle n'avait sûrement rien à envier à celle du premier clerc sunite venu. Mais il pouvait les imaginer, gloussant comme de la volaille, à l'idée d'aller exhiber leurs fesses à un inconnu.
" Je suis certain qu'il ne s'agit que de rumeurs, dit-il, très sérieux. Mais s'il compte peindre tous les membres de la communauté... Il est soit très rapide, soit prêt à y passer plusieurs années... J'espère qu'il ne trouvera pas ma bestiole en deçà de son talent. De toute façon, nous ne pourrons sans doute pas nous en soucier avant le départ..."

[Taliesin]

-Sauf si vous êtes aussi rapide comme forgeron que Giovanni il l'est comme peintre. Je l'ai regardé faire quand il s'est occupé du bouclier de messire Robert, la dernière fois : il allait vraiment très vite, et c'était réussi du premier coup. Bon, j'imagine que c'est plus compliqué pour les portraits, vu qu'il y a plus de détails... Enfin, en tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il fera votre blason sans souci. Il est pas prétentieux du tout, vous verrez.

[Hubert de Maleval]

" Dans ce cas, nous verrons... Mais je ne suis pas réellement pressé, en vérité. Une bonne couche de peinture aide à protéger le métal, mais si je n'y ai pas ma chèvre, ma foi... Je doute que les créatures du marais soient très impressionnées, de toute façon."
Il reposa le morceau d'armure qu'il venait de terminer et passa au suivant. Il aurait aimé continuer à converser avec le gamin, mais tous les sujets qui lui passaient par la tête — où il avait rencontré Robert, s'il avait déjà une idée de ce qu'il aimerait voir figurer sur ses armoiries — ouvraient la porte à des réponses sinistres, renvoyant à l'horrible passé dont l'avait entretenu Edgar la veille. Or il ne voulait certainement pas rappeler ce genre de souvenirs au gosse alors qu'ils étaient paisiblement en train de briquer un harnois. Il demeura donc silencieux un moment, puis se mit à siffloter un air de sa jeunesse, tout en persévérant dans la tâche qu'ils s'étaient fixée.

[Taliesin]

Alban ne reprit pas la parole. Il était fort possible qu'il n'ose pas, mais il paraissait aussi particulièrement absorbé par son travail, qu'il accomplissait patiemment, soigneusement, malgré le caractère pour le moins rébarbatif de la tâche. Parfois, lorsqu'il avait un doute, il observait la manière dont procédait le paladin puis l'imitait. Et finalement, après un temps indéterminé, ils vinrent à bout de l'armure, désormais aussi rutilante que celle d'Hubert.
-Merci de m'avoir aidé, messire, dit le garçon en lui tendant de quoi s'essuyer les mains.

[Hubert de Maleval]

Hubert se releva pour s'essuyer les mains.
" C'était avec plaisir. Et puis je te devais bien ça."
Il jeta un oeil vers sa propre armure.
" Penses-tu que je puisse laisser mon harnois ici d'ici au départ ? Ou peut-être dans un semblant d'armurerie ? Ma tente est relativement exiguë et je m'en voudrais de gâcher tout votre travail en devant l'entreposer n'importe comment..."

[Taliesin]

-Je pense que vous pouvez la laisser sans problème. Vous voyez, elle gêne pas... Et messire Robert se doute qu'il n'y a plus de place dans votre tente, avec toutes les lettres que vous recevez...
Il se leva à son tour et alla prendre le bouclier de son maître, qu'il souleva sans difficulté apparente, hormis un léger grimacement.
-Bon, je vais l'apporter chez Ulrich. Je suppose qu'il fermera la forge que demain...

[Hubert de Maleval]

" Je te suis." fit le paladin, en prenant le sien.
A la lumière du jour, il put encore davantage constater combien le bouclier avait souffert. Ce n'était pas une surprise : Robert avait frappé comme une brute et longtemps. Hubert devait certainement sa victoire à ce morceau de métal, qui l'avait déjà bien servi. S'il avait lâché sous les assauts du chevalier, nul doute que le paladin aurait rapidement mordu la poussière. D'où la nécessité de réparer ce matériel salvateur au plus vite... En emboîtant le pas d'Alban, il songea au harnois qu'il avait abandonné dans l'herbe à la fin du combat. C'était une chance qu'il n'ait pas d'écuyer... dans le genre mauvais exemple, on ne faisait pas mieux.

[Taliesin]

Quand ils furent parvenus dans la fournaise qu'était la forge, ils découvrirent ses trois occupants étaient en train de s'affairer sur des écus. Ils en avaient retapé quelques-uns déjà, mais l'amoncellement de ceux dont ils devaient encore s'occuper était pour le moins impressionnant.
-Je savais bien que vous finiriez par vous montrer ! fit Ulrich après les avoir salués. Regardez-moi ça... De loin les plus abîmés ! Enfin, cela ne m'étonne guère, vu le traitement qu'on leur a infligé hier...
Quant à Ludwig, il lança qu'il était devenu allergique aux boucliers et qu'il allait sous peu rendre son tablier.

[Hubert de Maleval]

Hubert ne pouvait pas le blâmer.
" Si ça ne vous encombre pas trop, je dois dire que j'aurais aimé retaper le mien moi-même... Ce n'est peut-être pas très prudent, mais j'ai toujours eu l'habitude de me charger de mon matériel et jusqu'ici, ça ne m'a pas trop mal réussi... Bon... On n'avait jamais tapé aussi fort sur mon bouclier, cela dit, je dois bien le reconnaître... J'ai bien fait de m'en procurer un de bonne qualité dès le départ."

[Taliesin]

-Bien sûr. Nous avons plus d'outils qu'il ne nous en faut, et nous veillerons à vous ménager un peu de place.
Il se tourna ensuite vers Alban.
-Pose-le tien ici. Tu pourras venir le chercher en fin d'après-midi : je te promets qu'il sera fini.
Le garçon s'exécuta, hésita un moment puis se rapprocha d'Hubert.
-Est-ce que ça vous dérange, messire, si je reste à vous regarder ? Je n'ai rien à faire, puisque messire Robert est en réunion. Mais si je vous gêne, n'hésitez pas à me le dire, je comprendrais.

[Hubert de Maleval]

" Il n'y a pas de soucis, Alban, cela ne me gêne en rien... Mais je suis loin d'être un expert... En échange, si tu peux prendre soin de ça pour moi..."
Le paladin retira sa veste qu'il confia au petit garçon avec un clin d'oeil. Il retroussa ensuite ses manches et se mit en quête d'un tablier oublié quelque part, ainsi que des outils nécessaires. Une fois équipé, il revint vers son malheureux écu et se mit au travail. Au fur et à mesure qu'il progressait dans sa tentative de rendre forme au bouclier, il prenait conscience de la violence des coups de Robert et de l'état du métal. Sans doute parviendrait-il à lui rendre un semblant d'allure, mais il fallait qu'il se fasse une raison : cet écu avait fait son temps. Ce n'était pas complètement surprenant, il l'avait depuis longtemps et avait plusieurs fois refusé d'en changer quand Béranger lui avait suggéré d'investir dans un nouveau matériel. La vérité était que son bouclier, comme son harnois et son épée, étaient l'oeuvre de son père et de ses frères aînés, et même s'ils n'étaient pas d'une qualité extraordinnaire, il y était terriblement attaché. Il avait toujours eu l'impression de pouvoir compenser leurs éventuels défauts par la force qu'il retirait de savoir qu'ils avaient été forgés avec amour, juste pour lui. S'en séparer, même s'il ne pourrait plus y déroger très longtemps, serait immanquablement un déchirement. Il jeta un oeil critique sur son travail : cet écu pouvait encore tenir un peu...

[Taliesin]

-Ma foi, on dirait que vous vous en êtes plutôt bien sorti, fit le forgeron qui s'était approché. Vous permettez que je jette un coup d’œil ?
Il examina soigneusement le bouclier puis hocha la tête, l'air appréciateur.
-Votre père serait fier de vous : pour quelqu'un qui n'a que des bases, réussir à récupérer un tel massacre est assez remarquable ! Cependant, je crois pouvoir parfaire un tout petit peu votre travail... Que diriez-vous de me le laisser un moment ? Je devrais pouvoir m'en occuper avant la fin de journée...

[Hubert de Maleval]

Les compliments du forgeron firent rougir Hubert de plaisir. Et sa proposition le soulagea grandement.
" Ce serait formidable, dit-il. Je ne voudrais pas qu'il me casse entre les mains au moment crucial. Merci. Je reviendrai en fin de journée."
En même temps, il aurait sans doute été plus prudent de s'en procurer un neuf avant de partir pour nulle part. Il hésita. Il se débrouillerait en empruntant celui d'Albérich, au pire.
Mais il était désormais trempé de sueur. Les bains chauds de Ted auraient été bienvenus mais il devinait que la file devait encore être longue. Il retourna vers Alban.
" J'espère que tu ne t'es pas trop ennuyé... Je crois que je vais aller me laver dans la mer, j'en ai besoin... Ça risque d'être moins intéressant que la forge." dit-il.

[Taliesin]

-En tout cas, la forge, c'était vraiment intéressant. J'adore regarder les gens travailler.
Il s'empourpra.
-Enfin, je veux dire... Je suis pas un fainéant, c'est pas ça ! Simplement, observer, c'est un super bon moyen pour apprendre. Alors merci de m'avoir permis de rester.
Il sourit.
-Vous préférez pas attendre le bain chaud auquel auront droit tous les instructeurs, puisque Ted, Poil de Carotte et d'autres ont perdu leur pari ? Enfin, j'ai entendu dire que les paladins avaient jamais froid... Mais je sais pas si c'est une légende ou pas.

[Hubert de Maleval]

Hubert sourit et l'entraîna hors de la forge. Le gamin lui fausserait compagnie quand il le désirait, après tout.
" Oh si, les paladins ont froid, dit-il. Mais les paladins ne tombent pas malades. Ça ne rend pas les ablutions glaciales plus agréables, mais cela les rend moins dangereuses. Cela dit, j'ai la chance d'être beaucoup moins frileux que la moyenne..."
Il haussa les épaules.
" Je n'aurais pas craché sur un bon bain chaud, c'est vrai, mais je n'ai pas non plus envie d'attendre deux heures pour pouvoir le prendre... Je vais rapidement me rafraîchir, et puis je serai de nouveau opérationnel. Si Ted et compagnie ont encore de l'énergie en fin de journée, j'irai voir si quelque chose s'organise. Mais tu as bien mérité d'en prendre un, toi aussi. Je suis certain que vu ton jeune âge, et vu la rareté de tes moments de liberté, tu aurais de bonnes chances de pouvoir y accéder très rapidement."

[Taliesin]

-Je suis pas instructeur et j'ai pas participé aux paris, alors il y a pas de raison que j'en ai un, répondit-il d'un ton distrait. Mais ça me gêne pas, j'irai à la mer comme d'habitude : même si elle est vraiment trop froide, c'est toujours mieux que rien. Et rien, c'est ce qu'on aura, dans les marais...
Il s'interrompit, hésitant, puis parut rassembler son courage.
-Je peux vous poser une question, messire ?
Et de compter aussitôt sur ses doigts.
-Les paladins, ils ont un destrier magique et des pouvoirs magiques ; ils peuvent soigner les gens et repousser les morts-vivants ; et donc, ils tombent jamais malades...
Il releva les yeux sur Hubert.
-Alors comme en plus ils savent super bien se battre... Messire, ça sert à quoi d'être un simple chevalier ? Il dois y avoir un truc qui m'échappe, mais là, comme ça, je vois pas bien quels avantages ils ont, en comparaison, et je me demande pourquoi ils ont pas fait paladin, plutôt...
Le gamin semblait fort décontenancé.

[Hubert de Maleval]

« Ah… Etre paladin, c’est aussi vénérer un dieu… Le prier, lui vouer sa vie, adhérer à ses préceptes… Mes pouvoirs magiques, comme tu les appelles, je les reçois de Lathandre. Je suis tenu à un code d’honneur très strict… et si je venais jamais à l’enfreindre, je serais aussitôt rejeté par mon dieu. Il ne me resterait alors plus aucun pouvoir. »
On entendait déjà le cri des mouettes et le roulement des vagues. Hubert était conscient d'être passé très près de la déchéance, autrefois. Pourtant, malgré l'expression d'une rage incendiaire, il était resté pur de coeur et de dévotion.
« Tu me diras que les chevaliers sont également tenus à un code d’honneur. C’est vrai. Mais je pense qu’ils ont davantage droit à l’erreur, peut-être… et ils sont également mieux entraînés, généralement. Un paladin est incorporé à une commanderie, sous les ordres d’un supérieur qui décide des missions à lui confier. C’est une vie moins libre, plus proche de celle des clercs que de celle des guerriers… »
La plage était en vue et il s’immobilisa une seconde. Apatride et solitaire, il était un mauvais exemple, Alban ne manquerait pas de s'en rendre compte.
« Mais je dirais qu’avant tout, un paladin est un soldat de dieu. Et les dieux connaissent ton cœur, tu ne peux pas les tromper. Je crois qu'être paladin s'apprend moins facilement... Il faut l'avoir en soi. Si tu es capable d’ouvrir ton cœur à Lathandre, réellement, parce que tu as foi en lui, et en sa parole, alors tu pourrais devenir paladin… Mais ta loyauté serait alors à lui, et non aux hommes… »
En théorie, du moins…

[Taliesin]

Si, compte tenu de la suspension des entraînements, l'affluence sur la plage devait être moins grande que d'ordinaire, cette dernière était cependant loin d'être déserte : quelques baigneurs affrontaient l'eau glacée, tandis que d'autres se séchaient près d'un grand feu.
-Je trouve déjà que c'est pas facile d'apprendre à être chevalier, alors j'ose pas imaginer ce que c'est, pour les paladins... dit Alban après un instant de silence. Mais, pour les erreurs... Faut quand même faire un truc vachement grave pour être renié par Lathandre, non ? Je n'y connais pas grand chose en dieux, mais autant j'imagine bien Helm être super sévère, autant lui...
Il réfléchit à nouveau.
-Et donc, vous appartenez à une commanderie, vous aussi ? C'est votre chef qui vous a demandé de rejoindre la communauté pour la protéger ?

[Hubert de Maleval]

" Ah..."
Hubert soupira doucement.
" J'ai commis une erreur, il y a dix ans. Comme tu l'as bien supposé, Lathandre est un dieu moins sévère qu'Helm. Il entend avant tout que ses serviteurs fassent le bien, partout où ils vont... Les règles sont alors secondaires. J'ai enfreint la loi des hommes mais pas les préceptes de Lathandre, aussi suis-je resté paladin mais j'ai été banni de Luménis. Comme c'est le siège de la commanderie, je me suis retrouvé sur les routes. J'ai eu la chance d'être accueilli à Solarcis, et aujourd'hui ici. Voilà la petite histoire."
C'était finalement assez simple à raconter à un enfant. Dire qu'il n'avait livré cette histoire qu'à quelques personnes choisies à Solarcis... Il y avait quelque chose dans l'air, indubitablement.

[Taliesin]

Alban s'était brusquement mis à rougir.
-Je... Je vous demande pardon, messire, bafouilla-t-il. Je voulais pas être indiscret, je vous jure... J'essayais juste de comprendre...
Il baissa les yeux.
-Hum, je crois que vous devez commencer a en avoir assez de mes bêtes questions. Et en plus je vous empêche d'aller vous laver tranquillement... Désolé... Merci encore pour m'avoir aidé avec l'armure, pour m'avoir autorisé à vous regarder à la forge. Et puis aussi pour m'avoir répondu. C'était très intéressant.