[Haute-Forêt] Quête : Racines

[Kasumi]

Une malédiction qui ne serait pas d'origine divine. Un être puissant cherchant à prendre sa revanche quitte à y perdre une partie de l'essence de son être. Quelqu'un qui pourrait chercher à se venger de quelqu'un d'autre au travers de son père. Le rôdeur blêmit à mesure que le doute s'emparait de lui, gagnait en vigueur et en cohérence à mesure que certains éléments semblaient concorder. Il se tourna vers Elryndel, le teint pâle :

- Se peut-il... Se peut-il que ton mal soit lié à la malédiction qui touchait ma mère. Qui me touchait aussi jusqu'à récemment ? Se peut-il que ce soit moi qui soit en cause ? A la racine de ton mal. Depuis combien de temps es-tu souffrant ?

[Voyageuse]

Elryndel secoua la tête.
- Je ne vois pas le rapport... Ta mère te l'a transmis, à toi, par le sang, mais ça ne peut pas remonter ensuite à moi, ça n'a pas de sens...
- Bah, pourquoi pas, après tout ? Mais donc... Ça fait un an... ou même presque un an et demi que ça a commencé, il me semble ? Je veux dire, les premiers symptômes...
- Oui, c'est ça. C'était à la fin du printemps, une période chargée où j'avais suppléé à mon amie Othyë Far, j'étais chargé de recevoir les délégations commerciales des régions voisines. Des elfes de haute forêt, et même des gnolls, des nains et des humains des marches d'argent... et aussi des asabis de l'anauroch et des orques de la frontière sauvage. J'ai croisé énormément d'inconnus, n'importe qui aurait pu me lancer une malédiction. Ça a commencé tout doucement, par une faiblesse qui aurait pu être due à la fatigue.
- Puisque c'est une malédiction inconnue de nos prêtres, on peut peut-être exclure les humains et les elfes, non ? questionna Tilmandil en se tournant vers Celd.
- Probablement. Pas avec certitude...
- Ça pourrait aussi être un elfe ou un humain mais qui aurait fait appel à de la magie divine d'une autre race... ?
- Ça pourrait... à condition de trouver la personne adéquate. Mais racontez-moi tout de même votre histoire de malédiction, si vous estimez que ça peut être lié, poursuivit Celd en se tournant vers Kasumi

[Kasumi]

La mention des asabis relança les soupçons du rôdeur : après tout, n'était-ce pas un représentant de leur race qui avait si mal conseillé son père en manquant de peu de le tuer ? Mais il ne pouvait pas se fier à cette seule intuition aussi prégnante soit son aversion des créatures au sang froid. n'importe quelle faction aurait pu être à l'origine de la malédiction ou peut-être aucune d'entre elle. Il y avait de quoi se donner la migraine rien qu'en conjectures. Alors, même s'il se sentait soudain idiot d'avoir évoqué le sujet, il répondit à Celd, soucieux de ne négliger aucune piste et au moins se rassurer sur ce point :

- Je ne vais pas m'étendre sur les circonstances qui me l'ont fait contractée. Disons que c'est simplement héréditaire. Quand la malédiction m'a frappé, je ne développais aucun des symptômes de mon père. C'est même tout le contraire : il me semble que je guérissais plus vite que la normale et je n'ai jamais ressenti de fatigue ou de diminution physique particulière. Le démon qui en était à l'origine m'a même empêché de mourir à la fin de la guerre civile. Cela se passait il y a environ deux ans. Je ne me souviens plus très bien de ce qui s'est passé pendant mon long coma et c'est certainement une bonne chose mais je me suis réveillé six mois plus tard à Luménis. Libéré de la malédiction et de ses effets. Cela n'a probablement rien à voir, père a raison.

[Voyageuse]

- Tu parles de malédiction, mais si ça en était une, tu en aurais ressenti des effets négatifs, fit remarquer Celd. Or, tu n'en mentionnes pas, tu ne parles que d'effet positif. Ce peut être un sortilège, mais sans doute ne mérite-t-il pas le nom de malédiction...
- Pas faux, commenta Tilmandil.
- Mais pour en revenir à la situation présente... Une malédiction est souvent une forme de vengeance. Quelqu'un aurait-il l'envie de se venger de toi ?, demanda-t-il à nouveau à Elryndel.
- Non, je ne vois pas, je vous l'ai déjà dit.
Le sylvanien se tourna vers Tilmandil et Kasumi
- Ou de l'un de vous ? Ou d'un autre membre de votre famille ? Qui aurait commis un acte appelant une vengeance ?

[Kasumi]

Un peu échaudé par le fait que sa première intuition avait vraisemblablement été mauvaise, Kasumi hésita un moment avant de répondre. Il mettait aussi le délai à profit pour fouiller dans sa mémoire ceux qui auraient pu chercher à se venger de lui tout en ayant une chance d'identifier son père. Il avait beau se creuser les méninges mais un seul événement semblait correspondre aux dates. Même durant la guerre, il n'avait jamais été davantage qu'un soldat. Il y aurait eu mille personnes plus en vue dont un ennemi aurait souhaité se venger avant lui. Mais avant son départ...

- Pour ma part, je ne vois qu'une seule piste peut-être. C'est de l'histoire ancienne mais puisque mon père a mentionné les asabis... J'en ai tué un grand nombre juste après la mort de ma mère. Et avant d'embarquer vers le continent de l'ouest. Mais pourquoi aurait-on attendu toutes ces années si c'était bien ça ? Et je ne crois jamais avoir eu affaire aux gnolls ou aux nains. Non, il doit y avoir d'autres explications. Je ne voudrais pas nous faire perdre notre temps en fausses pistes. Et pour toi Tilmandil ? Je suis certain que les maris jaloux et les pères furibonds ne manquent pas mais de là à s'en prendre à notre père...

[Voyageuse]

Tilmandil grimaça.
- Je n'ai jamais séduite aucune femme gnoll ou asabi, je le jure !, tenta-t-il de plaisanter. Non, plus sérieusement, tu connais beaucoup de personnes, elfes ou humains, qui auraient assez de liens avec ces races pour pouvoir leur demander une malédiction aussi puissante ?
Elryndel intervint d'une voix affaiblie.
- Si vraiment c'est une malédiction... je pense qu'il faut creuser la piste des asabis. Après tout, ce sont eux qui ont tenté de me lancer sur la piste de cette racine. Une fausse piste...
- Leur culpabilité me semble possible, en effet. Un asabi qui aurait vu son père mourir sous tes coups aurait pu vouloir te faire subir la même perte...
- Si je réfléchis bien... je n'avais jamais vraiment eu affaire à eux auparavant. Enfin, peut-être une fois ou deux, de façon très ponctuelle. Mais depuis un an et demi je les fréquente beaucoup plus. Ce que je veux dire, c'est que ça peut expliquer qu'ils n'aient pas agi avant, si c'est bien lié à ce que tu as fait, Kasumi...
- Mais ce ne sont que des présomptions, que des suppositions, bien sûr...

[Kasumi]

Leurs pistes étaient bien minces et le demi-elfe ne voyait pas trop où elles pouvaient bien les mener d'autant qu'elles ne reposaient que sur des présomptions et des hypothèses que peu d'éléments venaient étayer. Ils étaient encore bien loin de pouvoir ranimer l'espoir d'une guérison prochaine d'autant qu'ils pouvaient fort bien partir dans une nouvelle fausse direction. Surtout s'ils cédaient à l'impulsion de vouloir agir vite. Et pourtant Kasumi pressentait qu'il serait difficile de faire patienter Elryndel beaucoup plus longtemps. Le demi-elfe répondit d'un ton morne qui peinait à masquer sa propre déception de n'avoir rien de plus concret à offrir à son père. C'était lui qui avait insisté pour retourner auprès de Celd. C'était son échec. Et pourtant il n'avait pas le droit de s'avouer vaincu, ou de baisser les bras. Pas tant que son père vivait.

- Imaginons que ce sont bien les asabis qui sont à l'origine de tout ça : où cela nous mène-t-il ? Y en a-t-il un plus puissant que les autres qui t'aurait approché ? Comment pourrions-nous le retrouver ?

[Voyageuse]

- C'est le shaman, souffla Tilmandil. Grand-mère a dit qu'il y avait un shaman avec leur délégation, que c'est lui qui t'avait conseillé cette plante...
- Peut-être... Il était là aussi il y a un an et demi. Je ne sais pas s'il est puissant, il était très discret quand je l'interrogeais sur lui-même. Il m'a dit qu'il accompagnait la délégation un peu comme l'aurait fait un clerc, pour soigner les plaies du voyage... mais aussi par curiosité envers les elfes. Maintenant que j'y réfléchis, il a voulu me parler en tête à tête, sous le prétexte de rencontrer un elfe de plus pour mieux nous comprendre. Ça pouvait n'être qu'un faux prétexte. Et ensuite, je l'ai revu chaque fois que leur délégation passait par là, il s'enquérait de ma santé, de l'évolution de mon mal. Et un jour il m'a indiqué cette racine... parce que les prêtres avaient réussi à stabiliser ma maladie mais ne savaient pas la guérir...
- Peut-être justement parce que la maladie n'évoluait plus...
Celd se tourna vers Kasumi.
- Combien en as-tu tués ? Considères-tu que leur mort à tous était justifiée ? Et... si l'un d'eux avait un fils, aurait-il pu considérer que tu aurais... assassiné son père. Sans raison valable ?

[Kasumi]

Kasumi se sentait dépassé par l'aversion qu'il ressentait pour les asabis et craignait qu'elle ne puisse le rendre aveugle à d'autres pistes. Mais les éléments révélés par ses parents étaient pour le moins troublants sinon suspects. Le rôdeur fut arraché à ses pensées par la question de Celd et il mit quelques instants avant de répondre d'un ton sincère :

- La haine n'a pas besoin de raisons valables surtout et il s'agit là de la mort d'un parent. Je n'ai pas tenu de compte mais j'en ai tué des dizaines, peut-être cinquante, je ne sais pas. Je ne suis pas certain que cela ait de l'importance. Je les ai traqué dans leurs dunes, il n'étaient donc pas immédiatement menaçants et il est possible que certains n'aient pas participé à l'attaque de mon village mais ils portaient tous les couleurs du même clan. Et tous ceux que j'ai tué étaient des guerriers armés. Même les guetteurs que j'ai éliminé pour pouvoir infiltrer leurs défenses. Je ne cherche pas à me justifier auprès de vous. Ma réaction était sans doute excessive après la mort de ma mère. Il pourrait en être pareil pour celui qui s'en est pris à Elryndel.

[Voyageuse]

- La haine entraîne toujours des excès, la vengeance appelle la vengeance en un cercle sans fin...
Celd restait parfaitement impassible. Le père de Kasumi, en revanche, s'était redressé sur son brancard, le teint pâle.
- Je me souviens maintenant..., souffla-t-il. Il m'avait interrogé sur ma famille, je lui avais parlé de toi, de ta mère... C'est comme ça qu'il a dû m'identifier... Mais comment est-ce qu'il a pu me lancer une malédiction ? Je ne l'ai pas vu incanter !
- Une malédiction ne se lance pas forcément avec une incantation. Elle peut se transmettre à travers de la nourriture, un objet... Et les forces divines des asabis sont suffisamment différentes des vôtres pour que personne ne détecte rien.

[Kasumi]

Kasumi s'était contenté de hocher la tête, un peu penaud de ce qu'il interprétait comme une remontrance parfaitement justifiée de la part de Celd. Les éléments semblaient toutefois converger en un canevas crédible. Et ils n'avaient aucune autre piste à suivre. Même celle du génie semblait aussi hasardeuse que de poursuivre un shaman asabi dans son désert avec un elfe souffrant qui plus était.

- J'imagine qu'il ne sera pas retourné sagement à Everaska après s'être assuré que tu suivais ses mauvais conseils. Mais nous devrions peut-être nous y rendre quand même. Père, je suis prêt à poursuivre cette créature dans le désert et à lui faire avouer la vérité et à la convaincre de lever la malédiction si je le peux mais je crois que tu aurais grand besoin des soins des clercs... Pour que ton état ne s'aggrave pas d'ici mon retour.

[Voyageuse]

- Sans doute, soupira Elryndel.
Il était visible qu'être contraint à l'inactivité lui pesait. Peut-être autant que la maladie elle-même. Mais il ne pourrait les suivre dans le désert, pourtant. Il en était certainement conscient.
Celd se redressa, lentement, comme un arbre qui se mettrait à pousser en accéléré.
- Je ne peux guère vous aider davantage. Le désert n'est pas mon domaine... Mais je pense que vous devez suivre cette piste.
- Si on le retrouve, il pourra lever la malédiction ?
- Certainement. Mais je ne peux vous dire par quel moyen ou à quel prix, je ne connais pas leurs pouvoirs...

[Kasumi]

Kasumi adressa un sourire timide et contrit à son père. Se rendre dans le désert n'allait pas être une partie de plaisir mais le rôle le plus difficile revenait à Elryndel qui allait devoir prendre son mal en patience sans prise sur les événements ni assurance qu'ils suivaient bien la bonne piste et non une nouvelle impasse en pure perte.

- Celd, je vous remercie pour vos sages conseils. S'il était quelque-chose que je puisse faire pour vous, je me ferai une joie de vous aider... Juste une dernière chose peut-être. Cela ne me plait pas d'abuser de votre assistance mais Eärundra a affirmé que vous auriez un certain lien avec la magie divine. Et je crois avoir contracté quelque faiblesse au contact des créatures du bosquet sombre.

[Voyageuse]

Les branches de Celd se tendirent vers lui, l'effleurant à peine.
- Oui, effectivement, tu as été touché par de l'énergie négative. Malheureusement, je ne pourrai rien pour t'aider, je ne suis pas prêtre, du moins pas vraiment au sens où vous autres l'entendez habituellement. Mais puisque vous repartez vers vos contrées, je pense que tu trouveras quelqu'un pour te soigner là-bas...
- Ceux qui soignent papa pourront t'aider, assura Tilmandil.
- Bien sûr...
Elryndel poussa un profond soupir, puis, à son tour, remercia le sylvanien pour son aide. Elle n'avait pas été à la hauteur de ses espoirs, sans doute. Mais on le sentait résigné à accepter qu'il en soit ainsi.

[Kasumi]

Kasumi dédia un nouveau sourire au sylvanien avant de se redresser à son tour.

- Vous avez raison : la plupart des effets se sont d'ores et déjà dissipés et nous n'avons pas tant que nous n'avons pas à retourner dans cet endroit maléfique, je crois que nous ne risquons plus grand chose donc je peux parfaitement attendre un peu. Voyez-vous une objection si nous nous attardons quelques heures pour nous reposer avant de reprendre la route. Peut-être serait-il plus prudent d'attendre demain matin afin de pouvoir marcher assez loin pour nous téléporter demain. Mais si vous acceptez notre présence aussi longtemps, bien entendu. Nous ne voudrions pas passer pour des visiteurs indélicats. Je dois cependant reconnaître que c'est un des lieux les plus agréables qu'il m'ait été donné de trouver dans toute ma vie.

[Voyageuse]

- Vous êtes les bienvenus dans mon bosquet aussi longtemps que vous le désirerez, voyageurs d'Everaska. Je sais que vous le respecterez et ne dérangerez pas ses habitants.
Le sylvanien recula d'un pas, se dressant à côté du chêne d'âge vénérable. Une fois immobile, il ressemblait à s'y tromper à un simple arbre.
- Au revoir, sylvanien Celd. J'ai été ravi de vous rencontrer.
Tilmandil fit une légère révérence avant de reprendre le brancard en main. ll était temps de rejoindre la branche féminine de leur équipe.

[Kasumi]

Kasumi s'inclina lui aussi devant l'arbre-parlant et le remercia une nouvelle fois de son hospitalité avant de prendre place à l'arrière du brancard. On ne pouvait pas affirmer que l'entrevue leur avait apporté une solution mais au moins y avait-il une piste sérieuse à suivre. Sans doute plus dangereuse encore que l'expédition au cœur du bosquet noir. Sans doute serait-elle parsemée d'embûches et les attendraient-on en embuscade. Mais le rôdeur y voyait néanmoins un motif d'espérer : rien n'était pire que l'inaction. Et cette fois il n'était plus question de chercher à annuler les conséquences de la machination des asabis. Non, cette fois ils remonteraient à la racine du mal en espérant la trancher. Aucun mot ne fut échangé comme à l'aller mais Kasumi se sentait plus enthousiaste qu'il y a quelques minutes plus tôt alors qu'il craignait une désillusion bien plus stérile. Et le fait de retrouver Sylvia n'y était pas pour rien non plus, il devait se l'avouer.

[Voyageuse]

Les tentes étaient montées au bord d'un petit ruisseau d'eau claire, aux limites de la partie la plus sacrée du bosquet, sur une surface herbeuse où poussaient quelques fraises des bois. Sylvia était en train d'arranger soigneusement un peu de petit bois pour allumer un feu, tandis que Galawen étudiait un parchemin... ou plutôt, se donnait une contenance en guettant leur retour. Dès leur arrivée, elle bondit sur ses pieds et se précipita vers Elryndel, espérant peut-être, contre toute logique, le trouver en meilleur état que précédemment. Sa déception était lisible sur son visage. Eärundra et Léo, comme d'habitude, avaient disparu. Sans doute étaient-ils tout proches.
Sylva tourna vivement la tête à son tour en voyant la magicienne se précipiter, et sourit à Kasumi avec douceur et tendresse.

[Kasumi]

La déception de Galawen faisait écho à la sienne, plus contenue mais tout aussi vivace. Quand elle se précipita vers son père pour le découvrir dans le même état qu'à leur départ, il chercha quelques mots d'apaisement à lui dire.

- Nous n'avons pas encore trouvé le remède mais nous avons une nouvelle destination. Maintenant que nous pensons avoir identifié la source de ce mal, ce n'est plus qu'une question de temps. Une longue route nous attend mais nous pouvons rester ici et nous reposer jusqu'à demain si personne n'y voit d'objection.

Pour les détails, il laisserait Tilmandil ou Elryndel en informer directement la mage et il serait temps de planifier leurs prochains déplacements au retour d'Eärundra. Pour l'heure, le demi-elfe se rendit auprès de Sylvia non sans lui avoir rendu son sourire.

- Je me reposerais bien cinq minutes si cette place est libre,dit-il en désignant le sol juste à côté de la rôdeuse.

[Voyageuse]

- Et bien, elle n'est pas exactement libre, répartit Sylvia avec un petit sourire en coin. Elle est réservée à mon amoureux... mais il te ressemble comme deux gouttes d'eau, maintenant que j'y pense... Mmm... en fait, je crois bien que c'est toi, d'ailleurs.
Elle sourit plus largement, mutine, et lui déposa un léger baiser sur ses lèvres, profitant de ce que les deux elfes s'affairaient autour d'Elryndel.
Mais ils ne purent profiter plus longuement de leur tête à tête : Eärundra était de retour, déjà, et se dirigea droit vers eux.
- Alors... que vous a dit Celd ? questionna-t-elle sans détour.

[Kasumi]

Le rôdeur réprima un soupir à l'arrivée d'Eärundra mais ne relâcha pas la main qu'il avait saisie dans la sienne sans même y penser. Bien qu'agaçante par sa façon d'apparaître toujours sans prévenir en leur donnant l'impression de se livrer à quelque relâchement coupable, la druidesse avait raison de ne pas se laisser distraire et de les recentrer sur leur objectif même si elle aurait pu mieux choisir son moment. Et il devait probablement à Galawen de l'informer au plus vite de certaines dispositions concernant son compagnon et eux-mêmes. Le demi-elfe décida donc de ne pas tergiverser, bien décidé ensuite à profiter de quelques minutes de repos bien méritées :

- Je vais résumer mais je fais confiance à mon père et à Tilmandil pour compléter au besoin : Celd est persuadé qu'il s'agit d'une malédiction et non d'une maladie. Il a avancé l'hypothèse qu'elle pourrait être originaire d'une race peu commune ne partageant pas nos panthéons divins. Selon lui, la seule manière d'y mettre un terme est d'en trouver l'origine. Après en avoir discuté avec les autres, nous pensons que cela pourrait venir du shaman asabi qui l'a si mal conseillé. Peut-être une vengeance pour les morts que j'ai provoquées il y a quelques années ou encore tout autre chose. Je sais que cela fait beaucoup d'hypothèses et que cela parait bien mince comme piste mais Celd semblait qu'elles étaient plausibles. Et les dates des premiers contacts entre le shaman et Elryndel semblent correspondre avec le début des symptômes. Nous avons décidé de tenter de le retrouver pendant que mon père retournerait suivre ses soins à Everaska.

Restait évidemment l'épineuse question de qui l'accompagnerait dans ce nouveau périple. Le demi-elfe adressa un regard incertain en direction de Sylvia : la rôdeuse se sentirait-elle de faire partie du voyage ? Serait-ce bien raisonnable ? Et qu'en était-il d'Eärundra, alliée si utile et amie, en quelque sorte ?

[Voyageuse]

Eärundra écouta avec attention, et resta un moment silencieuse, avant de répondre, les yeux dans le vague.
- Je pense cette piste probable, moi aussi. Très probable.
Elle se tut, réfléchissant toujours intensément. Galawen avait écouté avec attention et questionna Tilmandil à mi-voix. Le barde hocha la tête. Sylvia, quant à elle, avait répondu d'un sourire à sa question muette. Elle viendrait, bien sûr.
Eärundra reprit la parole.
- J'ai des contacts là-bas. Un. Il saurait me dire où se trouve ce shaman, sans doute... à condition de le trouver, lui. Il faut que j'y réfléchisse... Je vous dirai demain.

[Kasumi]

La confiance de la druidesse rasséréna quelque peu le rôdeur et il ne fit pas grand cas de ses mystères concernant ses contacts. Il était normal qu'elle ait à fouiller dans sa mémoire et besoin d'un peu de temps pour déterminer la meilleure approche. Il était aussi évident qu'elle songeait sérieusement à les accompagner ce qui était une très bonne nouvelle : son soutien s'avérerait précieux d'autant plus si elle pouvait leur suggérer des points d'approches.

Mais par dessus tout, il était heureux que Sylvia semble considérer comme une évidence de poursuivre la route loin de tout ce qu'elle connaissait juste pour le suivre. C'était peut-être un sentiment quelque peu égoïste mais il se serait senti déchiré de devoir la laisser en arrière, ne fut-ce que pour quelques jours, ou quelques semaines plus probablement. Spontanément, il déposa un chaste baiser sur sa joue avant d'intervenir à nouveau d'un ton joyeux :

- Nous ne devons pas chasser dans le bosquet car chaque créature en fait partie intégrante. Cependant je pense que Celd ne verra pas d'objection à ce que nous récoltions quelques fruits tant que nous n'en ponctionnons qu'une partie raisonnable. Ces fraises feront un très bon dessert mais j'imagine que nous trouverons aussi quelques champignons comestibles ou légumes sauvages. Je me porte volontaire pour la récolte. Et j'accepte évidemment un second regard expert !

C'était avant tout un prétexte pour se promener un peu dans la sérénité du bosquet et il espérait que personne ne lui en tiendrait rigueur. Il avait tourné son regard vers Sylvia en rougissant légèrement et en baissant les yeux, trahissant sans doute ses pensées.

[Voyageuse]

Sylvia se leva, rougissant légèrement. Personne d'autre, bien évidemment, ne se proposa pour l'accompagner. Ils sentirent bien quelques regards inquisiteurs tandis qu'ils s'éloignaient mais nul ne fit le moindre commentaire.
Le soleil d'automne nimbait le bosquet d'une douce lumière, tamisée par les feuillages mordorés. Les mille et un petits bruits des bois paraissaient comme amplifiés, démultipliés, magnifiés. A croire qu'il y avait plus d'oiseaux ici que dans dans un bois ordinaire, plus de feuilles agitées par la brise, plus de petits animaux se faufilant entre les herbes. Et les fruits ne manquaient pas : fraises des bois, framboises, pommes. Les champignons, également, poussaient à foison, au milieu de feuilles de mâche et d'herbes aromatiques.
Sylvia avait entrelacé ses doigts aux siens et cheminait sans parler, savourant comme lui la beauté des lieux.
" Tu dois te faire du soucis pour ton père, je vois bien, finit-elle par dire, rompant le silence.

[Kasumi]

Kasumi s'imprégnait lui aussi de la l'atmosphère vivante et apaisante à la fois du bosquet. C'était indéniablement un lieu béni, sacré, célébrant la nature dans tout ce qu'elle avait de plus beau, de plus généreux. Mais avant tout, la raison principale de son sourire était de sentir la chaleur dans sa paume et la présence à la fois troublante et rassurante de Sylvia se promenant à ses côtés. Ils ne délaissaient pas totalement leur récolte, prenant souvent la même initiative d'en cueillir un peu en passant devant quelque victuaille utile ou savoureuse. La question de la rôdeuse brisa le silence mais il était loin de lui en vouloir. Reprenant pied dans la réalité, il répliqua d'un ton sérieux mais doux :

- Oui, c'est un elfe fier : l'épreuve qu'il vit doit être terrible pour lui. Non pas qu'il répugnait à montrer ses faiblesses ou ses émotions mais il dégageait une telle aura. Je la retrouve presque éteinte, ça fait mal. D'autant que j'en suis peut-être en partie responsable. A cause de mes excès de jeunesse...

[Voyageuse]

Sylvia hocha la tête et lui serra doucement la main.
- Tu n'as pas à te sentir coupable. Tu ne pouvais pas prévoir ce qui allait se passer. Si toutefois c'est bien de ça qu'il s'agit... Tu as agi selon ta conscience, à l'époque.
Elle soupira.
- J'espère qu'Eärundra aura une idée de ce qu'on peut faire pour lever cette malédiction. Ou alors celui qu'elle connaît là-bas. Est-ce que tuer celui qui lance une malédiction peut la faire cesser ? Ou au contraire est-ce que lui seul peut l'annuler, ce qui impose de ne surtout pas le blesser ?
Passant son bras autour de sa taille, elle ajouta.
- En tout cas, je t'aiderai de mon mieux, tu peux en être certain. J'irai avec toi là-bas. Je n'ai jamais mis les pieds dans un désert, mais tu m'apprendras...

[Kasumi]

Kasumi se contentait de l'écouter, buvant les paroles de sa douce et belle compagne. Elle savait trouver les mots pour l'apaiser, qui faisaient écho en lui, elle le connaissait si bien. C'était déjà le cas dans leur jeunesse sans même qu'ils s'en rendent compte. Ça l'était encore davantage maintenant qu'ils avaient osé braver les frontières qu'ils avaient eux-mêmes dressées. Il ne savait pas comment il faudrait procéder, sans doute avaient-ils encore le temps pour s'en faire une idée, pour réunir des informations, pour mûrir leurs choix. Peut-être serait-ce affaire d'opportunité. Peut-être Lathandre, le dieu tutélaire de son nouveau foyer lui offrirait une seconde chance, lui montrerait une voie qui ne déboucherait pas sur de nouvelles effusions. Mais toutes ces questions devraient attendre demain. Devraient attendre qu'ils se soient remis en route vers leur objectif. Kasumi était simplement heureux de ne pas avoir à l'affronter seul, de s'enfoncer dans l'inconnu, certes, mais entouré des gens qu'il aimait le plus sur Toril. La dernière phrase de Sylvia le fit sourire et il répondit d'un ton bien moins nostalgique, bien plus optimiste que précédemment :

- Je sais que je peux compter sur toi. J'en suis heureux. Que tu m'accompagnes, tout simplement. C'est déjà beaucoup pour moi. Le désert est rude mais il peut être beau aussi. Je suis content de te le montrer. Mais peut-être le trouverais-je moins magnifique alors que j'aurais une autre merveille à contempler à mes côtés ? Ou est-ce l'inverse ? Mmhh, nous verrons bien...

[Voyageuse]

Elle le fit taire d'un baiser espiègle, léger, ses yeux brillant d'un sourire taquin.
- Tu dois être barde, en réalité... Ou alors c'est de famille, de savoir parler aussi bien ?
Elle ne lui laissa pas le temps de répondre, et l'embrassa à nouveau, avec tendresse. Fougue. passion.
Le soleil déclinant de fin d'après-midi créait d'étranges jeux de lumières, donnant aux lieux un aspect féérique. Et ils sentaient bien qu'ils n'en avaient pas que l'aspect, qu'ils étaient réellement magiques. Ils avaient l'impression d'être seuls au monde, au milieu d'une forêt immense, inconnue mais qui pourtant les accueillait comme s'ils étaient chez eux. Les autres, le campement, leurs soucis même, tout cela leur paraissaient presque appartenir à une autre vie, très loin d'ici. Parce qu'ici et maintenant... et bien il n'y avait qu'eux, leur amour brûlant, et la forêt bienveillante et ses milliers de petits habitants.

[Kasumi]

Mus par la même envie, ils s'étaient entraînés l'un l'autre vers le sol doux et parfumé de la forêt. Ils s'étaient dévêtus mutuellement et avec une grande complicité avec lenteur pour faire monter leur impatience, admirant et se dévoilant, leurs gestes doux et caressant, tantôt avec un brin d'impatience due à la passion, souvent avec une langueur calculée pour profiter de chaque instant, pour se gorger de la félicité, de la tranquillité, de la féérie du bosquet, de leur petit cocon personnel où ils se sentaient en sécurité, protégés, à leur place. Quand ils se furent partagés, contentant leurs désirs passionnés, il faisait presque noir mais les derniers rayons du soleil jouaient encore en multiples reflets cuivrés dans les cheveux soyeux de Sylvia. Kasumi posait sur elle un regard émerveillé, se gorgeant de sa beauté presque surnaturelle en cet instant, apaisé et heureux après leur moment de félicité. Et malgré tout... Malgré tout ce qu'ils venaient déjà partagé, le demi-elfe ne pouvait s'empêcher de laisser courir sa main dans ses cheveux et sur sa peau nu. Il n'était pas nécessaire de prononcer de mots en cet instant pour que ses gestes et son sourire disent tant et plus, parlent pour lui.

[Voyageuse]

Ils ne se rhabillèrent pas tout de suite, jouissant encore un peu de la quiétude de l'endroit, de la passion qui les animait et se reflétait dans les yeux de l'autre. Il ne faisait pas tout à fait nuit, ils avaient le temps...

La nuit était tombée lorsqu'ils rejoignirent le campement, avec leur maigre récolte. Une soupe onctueuse les attendait, et nul ne fit le moindre commentaire. Eärundra n'était pas là : Tilmandil leur apprit qu'elle ne reviendrait pas avant le lendemain. Elle n'avait pas précisé où elle comptait se rendre ni pourquoi. Peut-être voulait-elle juste parler à Celd, après tout... Quoiqu'il en soit, ils étaient parfaitement en sécurité par ici, et il ne serait pas nécessaire d'organiser des tours de garde.
Elryndel était aussi maussade qu'à l'ordinaire, le visage fermé, à demi-assis contre un tronc d'arbre. Il ne mangea guère malgré les sollicitations de sa compagne.