[Lieu] Temple de Sunie

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

"Ce que je veux faire ...", commença Angèle.

Elle ne savait pas vraiment. Avoir le choix la paniquait un peu. Elle faillit demander à Soren de l'aider. Mais elle avait aussi de se débrouiller un peu. Lumenis offrait beaucoup de possibles. Restait à voir ce dont elle avait envie. Et elle en avait vaguement une idée.

"Je crois que j'aimerais retourner à la bibliothèque. Tous ces livres ... Je n'ai jamais vu ça. J'avoue que je ne me replongerai pas dans les livres de Mysteria mais ... ensuite, je ne sais pas vraiment. J'ai l'impression qu'il y a tant de choses à voir; à découvrir. Aurais-tu une idée, toi ?"

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Soren parut pensif.
" Disons que comme tu es... manostienne et juriste, un petit tour à l'assemblée me semble une bonne idée. Il faudrait que je vérifie qu'il y a une séance ces jours-ci... Ça te permettrait de voir la démocratie luménienne en action. C'est assez... chaotique, mais c'est très typique. Cela risque de renforcer ton adhérence à l'ordre, cela dit, c'est peut-être une mauvaise idée..."
Il sourit tandis qu'on leur déposait deux salades plantureuses composées de légumes de saison et de ce qui ressemblait à d'énormes crevettes rayées.
" Si tu es en mode professionnel, le palais de justice est également une étape possible. C'est un bâtiment sans le moindre intérêt architectural, mais ce n'est sans doute pas ton souci principal..."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle avait écarquillé les yeux avant de se reprendre.

"J'avais oublié que les séances de votre assemblée étaient publiques. A Manost, elles se passent toujours en vase clos. Et je peux te dire que rien n'en sort hormis les nouvelles promulgations de loi. Mais il est vrai que cela peut avoir un certain intérêt. Pour ce qui est de la peur du chaos ...Je ne peux pas devenir helmite. Au pire, je resterai tyrite. Pour le palais de justice, je verrai plus tard."

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

" La journée est bien avancée, déjà. Si tu passes la fin de l'après-midi à la bibliothèque, je peux en profiter pour me renseigner sur l'assemblée. Je doute qu'on y discute de choses vraiment formidables en ce moment mais... nous n'avons assurément pas les mêmes valeurs en la matière."
Il rit doucement.
" Pour le reste, je ne sais pas si on peut visiter la commanderie des paladins de Lathandre, mais je pense qu'elle est plutôt inintéressante. Des types séduisants mais qui se prennent au sérieux... Bof. Par contre, y'en a quelques uns dans nos murs, on a dû te le dire. Séverin est du genre belliqueux, mais tu es trop belle pour qu'il te défie. Il essaiera certainement de te séduire, cependant. Enfin, ils essaieront tous. Ça fait partie de leur métier."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Elle hocha la tête et remercia Soren. Toujours cette prévenance et cette gentillesse. Elle sourit à sa description des paladins lathandrites à l'opposé de celle qu'en avait fait Moïra. Par contre, elle n'avait pas spécialement envie de croiser le fer avec qui que ce soit, et encore moins qu'on cherche à la séduire.

"Je n'ai pas vraiment peur des paladins, dit-elle avec un petit sourire, par contre, pour ce qui est d'être séduite ... A force, je risque de devenir hermétique, pour au moins toute une vie."

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Soren secoua la tête avec un large sourire.
" On ne peut jamais se prémunir contre l'amour. On ne sait jamais d'où il va venir, sous quelle forme et quand... Les âmes les plus viles, les plus froides, les plus mortes, sont parfois surprises par une chaleur ténue, un jour, qui les envahit et les terrasse. Nous autres, Sunites, avons des annales pleines des romances les plus imprévues... On raconte ainsi l'histoire d'un nécromancien qui fut séduit par la douceur de coeur d'une nymphe qu'il avait enlevée, et pour laquelle il renonça à son immortalité magique et tomba en poussière dès le premier baiser. Ou celle de la prêtresse de Baine qui tomba éperdument amoureuse du paladin de Torm qu'elle devait sacrifier à son dieu, et qui brava toute la furie de son Temple pour l'en arracher. Ou encore celle de la femme qui avait perdu trois maris et douze enfants à la mer, une épidémie, la guerre ensuite, et qui au crépuscule de sa vie, rencontra un voisin au destin similaire, avec lequel elle vécut encore trente ans avant de retourner aux dieux. Et il y en a aussi une demi-douzaine qui traitent d'amours inter-raciales, dont la plus belle, et la plus triste, relate le relation tempétueuse entre une princesse orque et un prisonnier elfe..."
Il soupira, inspiré.
" On ne devient jamais hermétique, Angèle. Plus on essaie de l'être, Plus on est vulnérable... et plus on est démuni le jour venu."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

"Peut-être qu'aimer au bout du compte, c'est accepter de mourir un peu ...", murmura-t-elle après un léger silence.

Les histoires étaient belles. Elle en connaissait quelques unes. Et l'histoire de la prêtresse bainite et du paladin tormite éveillait un mauvais souvenir au fond de sa mémoire.

"Ce que j'entends est un beau plaidoyer. Mon amie chantait à peu près les mêmes histoires. Mais tout cela ... Qu'arrive-t-il ensuite ? La plupart des histoires que tu as cité connaissent une fin tragique. Et plus prosaïquement, que reste-t-il lorsque l'autre s'en va ? Presque rien. Il n'est restée que de l'eau de la fée du givre amoureuse d'un rayon de soleil. Et le nécromancien dont tu parles s'est changé en poussière. Et après tout cela, est-il possible que l'amour frappe une autre fois pour celui qui reste ? Regarde, ne dit-on pas que la foudre ne frappe jamais au même endroit ? J'ai eu mon tour. Et je n'ai plus envie, je crois."


Elle avait parlé doucement, avec son calme habituel. Mais ses bras croisés étouffaient le tremblement de ses mains.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Il l'observa un instant, les bras croisés, les lèvres pincées, puis lâcha un petit soupir.
" Pardonne-moi mais... je n'en crois rien. C'est le genre de choses qu'on se dit pour se prémunir de la possibilité que cela ne se produise plus... Je ne dis pas, quand on est très vieux, qu'on a beaucoup vécu, qu'on a la sensation agréable d'une plénitude avant de mourir... Mais quand l'amour a pris fin de manière tragique... A ton âge... Tu as mal, mais tu existes. Est-ce que toutes les merveilles de ton amour pour Morgan sont réduites à rien parce que tu souffres de sa mort ? Non, bien sûr ! Cela en valait la peine. On ne vit pas pour demain. On ne vit pas dans le futur. On vit dans le présent. Et le bonheur qu'on prend dans l'amour ne devrait jamais être entaché de l'angoisse de ce qui viendra, peut-être, plus tard."
Il secoua la tête.
" L'amour en vaut toujours la peine, l'amour vrai, j'entends. Même une heure, même une minute."
Son sourire revint.
" Mais je suis un Sunite. Je ne peux pas partager le point de vue de celui qui musèle ses sentiments par crainte."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle hocha la tête et décroisa les bras en silence.

"J'ai eu un pressentiment avant que Morgan parte pour la dernière fois à Melandis. Morgan le ressentait aussi. C'était plutôt étrange ... Comme si toutes les deux savions qu'elle ne reviendrait pas. Plus la date approchait, et plus elle avait peur. Et plus j'essayais de la rassurer. Elle devait partir. On avait besoin d'elle là-bas. Et plus le temps passait, plus l'impression était forte. J'ai rêvé de sa mort. Mais je ne lui ai rien dit. Chaque fois, je lui assurais qu'elle allait revenir. Je me disais que si je croyais assez fort à cela, je la protégerais. Avant de partir, elle a invité ses frères et quelques amis et leur a dit au revoir. Je n'ai rien dit. Elle a avancé en secret la date de son départ, sûrement pour que ce soit plus facile pour elle. Je le savais. Je ne lui ai rien dit. Alors que je savais ... J'aurais dû me lever, lui interdire de partir. En insistant, j'aurais peut-être eu gain de cause. Mais je ne l'ai pas fait. Tout ce que je vivais avec elle était magnifique. Et je suis restée là à faire semblant de dormir. Je n'ai pas peur. Mais en laissant partir Morgan, j'ai fermé toutes les portes."

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

" Tu es paladine. Tu es une femme de devoir, de principes, tu as risqué... et tu as perdu, dit Soren avec une grimace. Mais rien ne dit que les choses doivent se reproduire. Et oui, peut-être que tu n'aimeras jamais autant que tu aimais Morgan. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y aura rien. Et oui, peut-être que le devoir passera toujours avant l'amour. Mais si c'était l'inverse, tu serais une paladine de Sunie, pas de Tyr. Tu as été appelée par un dieu bon mais sévère... et tu t'es engagée envers lui. Mais si tu ne peux trouver ton bonheur dans ce service... si tu sens en toi la déchirure de l'incomplétude, incessamment... Peut-être devrais-tu réfléchir à tes engagements, justement. Tyr ne te foudroiera pas si tu décides de faire autre chose des années à venir..."
Il soupira, leva les mains au ciel.
" Mais peut-être simplement ne pouvons-nous pas nous comprendre. Ce n'est pas forcément grave."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

"Je te comprends. Et j'aimerais que tout soit plus simple. Depuis que j'ai quitté Manost, je réfléchis. Loin de la commanderie, loin de mon frère, loin de mes engagements. Peut-être que c'est une aubaine malgré tout. Un recul nécessaire. Je ne sais pas encore ce que cela donnera. Je ne pense pas être une tyrite fanatique et austère jusqu'au bout des doigts. Je l'espère tout du moins. Parce qu'il y a eu Morgan. Je pense qu'elle a vu quelque chose derrière la paladine. Et elle m'a appris qu'il y avait quelque chose à coté du paladinat. J'aimerais ne pas me refermer totalement. Je lui dois bien cela."

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

HRP : Désolée, j'étais persuadée d'avoir répondu :s

Soren lui sourit et prit sa main par-dessus la table.
" Bien sûr que tu n'es pas une austère paladine superficielle, dont le coeur n'aurait rien à donner. Et tu as raison : il serait dommage de laisser dépérir les fleurs que ton amie a révélé en toi... Je suis certain que ce n'est pas ce qu'elle aurait voulu. Bien sûr, on ne peut vivre pour combler les désirs d'un autre, même si c'est l'être aimé, mais tu n'en parlerais pas si tu n'en étais pas convaincue, un rien, toi aussi... Et moi j'ai entendu battre ce coeur, et j'ai respiré le parfum de ces fleurs. Tu es une paladine sans armure. Je pense que cela nous dit tout ce que nous avons besoin de savoir."
Il se rassit dans le fond de sa chaise, mangea un peu de sa salade.
" Sans doute devras-tu lutter pour empêcher la fleur de se refermer. Mais la lutte, c'est le propre de ceux qui ont embrassé ta profession, n'est-ce pas ?"

[Althéa]

hrp : pas de soucis

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle sourit et s'intéressa aussi à sa plantureuse salade. Décidément, les sunites faisaient de tout plat un art.

"Paladine sans armure ... J'aime bien. Et tu as raison, ce ne sera pas facile. Je crois qu'à chaque fois que je me sentirai faiblir, je penserai à toi."

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

" Que je sois muse, pour une fois, me réjouit, dit le Sunite. Et c'est avec plaisir que je jouerai ce rôle quand tu te débattras pour garder le coeur fort."
Il était tard et Soren suggéra à Angèle qu'ils en finissent avec leur plat. Deux novices les observaient de loin, tentant de ne pas se montrer pressants, bien qu'il fut manifeste qu'ils attendaient avec impatience le moment où ils pourraient terminer leur service. Quand ils eurent vaincu leurs salades, Soren et Angèle regagnèrent les couloirs feutrés du Temple. Le Sunite déambula près d'elle, sans la toucher, amical et chaleureux, et la paladine sentait qu'il était ouvert à ce qui lui plairait. Il ne la suivit pas en dehors du temple, cependant : il faisait froid dehors, il portait juste sa robe de chambre, et il n'était pas particulièrement intéressé par les livres. Il lui souhaita une bonne après-midi, lui rappela qu'il serait heureux de l'accueillir dans ses appartements à la nuit venue, si elle s'en sentait encore l'envie, juste pour le plaisir, et la laissa rallier la bibliothèque.

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle se rendit donc à la bibliothèque. Elle marcha vite dans les rues de Lumenis pour échapper au froid. Si elle franchit assez vite les portes du bâtiment, elle marqua un temps d'arrêt à l'entrée de la salle de lecture, ébahie par le nombre colossal de livres. Là, devant ses yeux des collections entières, des constellation de pages et de pages à l'infini. De quoi se sentir toute petite. Par où allait-elle commencer ?

Ses pas la portèrent dans un premier temps du coté des livres d'astronomie. Des livres plutôt anciens, mais aussi des livres récents. Ils semblaient traiter de tout. De quoi ravir un explorateur d'étoiles amateur. Elle les contempla un long moment, faisant jouer ses doigts quelques instants sur les reliures de cuir. Mais elle ne s'attarda pas.

Elle avait envie de comprendre d'où venait l'âme de Lumenis. Cet allant, cette philosophie. Et pour cela, elle voulut l'aborder par un terrain connu : les sources de son droit. Armée de plusieurs livres et de tout son courage, elle lut pendant un long moment. Elle regretta plusieurs fois de ne rien avoir apporté pour prendre des notes, essaya de se souvenir un maximum. Peu à peu, elle commença à comprendre. Et curieusement, plus elle obtint des réponses à propos de la ville plus elle commença à s'interroger à propos de Manost. Elle lut encore, parcourant rapidement lois et décrets, constituons et traités. Son esprit synthétique dépouillait, allait à l'essentiel, analysait.

Elle ne releva la tête des documents que lorsqu'on annonça la prochaine fermeture des portes. Elle avait une migraine atroce et la tête chargée de multiples questions. Elle rangea un à un les ouvrages et se dépêcha de regagner le temple. Elle hésita quelques instants, tentant d'ignorer les coups de marteau dans son crâne. Elle avait besoin de parler, de poser des questions et de réfléchir. Peut-être aussi besoin de réconfort. Elle hésita encore et regagna les appartements de Soren.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Le sculpteur était encore au travail et il l'accueillit d'un sourire radieux. Elle put constater que la silhouette d'argile qu'elle avait vu le matin même encore grossière et imprécise lui ressemblait désormais beaucoup plus clairement. Le visage, bien sûr, mais aussi les bras, les jambes, le ventre, les seins. Car Soren n'avait pas encombré sa paladine de terre du moindre drapé, de la moindre tunique, du moindre semblant d'armure. Elle était nue, rayonnante, grandeur nature, comme Angèle put le constater en s'approchant. L'expression avenante du Sunite se fendit cependant d'une grimace en la voyant de plus près. Il la fit asseoir puis partit mettre de l'eau à chauffer pour lui concocter une petite mixture propre à lui alléger les tempes. Elle l'entendit aussi héler un novice dans le couloir et l'envoyer chercher une collation en cuisine. Il ne reparut qu'avec un bol fumant qu'il lui mit d'autorité entre les mains. Il prit ensuite le tabouret en face d'elle et attendit qu'elle se décide à l'entretenir de ses découvertes, inquiétudes et autres péripéties.

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle avait regardé avec une certaine surprise son double de terre nu. La ressemblance était frappante mais elle ne put s'empêcher de la trouver belle. Née de l'argile, elle paraissait étonnamment sereine, innateignable. Étonnamment solide sous sa carapace de terre, beaucoup plus que son originale. Elle semblait mue d'une vie propre, insufflée par les mains du sculpteur. Alors, c'était cela qu'il avait vu, ce que ses mains avaient perçu ? Elle en doutait presque. Ébahie, elle se tourna vers Soren. Elle le complimenta sincèrement, espérant que son sourire dissimulerait sa migraine. Mais il ne fut pas dupe.

Assise sur son tabouret, un bol dont le fumet prometteur lui mettait l'eau à la bouche entre les mains, et son mal de crâne réduit à l'état de mauvais souvenir, elle put raconter ses investigations à Soren. Elle avait passé rapidement sur la pléthore inimaginable de livres traitant des étoiles. Puis elle s'était intéressée au droit. Elle avait cherché un long moment un livre traitant des lois régissant la cohabitation des différentes religieux. Elle avait été surprise de n'en pas trouver ou une infime partie faisant référence à des accords tacites et des principes généraux. Les principaux référencements faisaient mention de débats ayant eu lieu à l'assemblée de Lumenis. Elle s'était bien sûr reportée aux ouvrages rapportant les séances. Ils faisaient état de préconisations et de recommandations plutôt que de règles. Elle avait été perplexe. Comment une telle harmonie pouvait-elle exister sans véritables lois ? A Manost, leur absence aurait donné lieu à une anarchie complète. Du moins le pensait-elle. Mais dans la cité de la lumière, tout semblait aller de soi, s'équilibrer par la force de l'habitude. Un dieu majoritairement représenté cohabitant sans soucis avec d'autres cultes. Et l'on en faisait pas plus d'histoires que cela.

Si elle avait parcouru tous ces textes sans la voir, elle aurait pu penser qu'une telle cité n'existait pas. Une utopie manifeste au delà de la mer. Elle comprenait pleinement l'attachement que lui témoignait Morgan. Et surtout, cette philosophie que semblait partager ses habitants. Une mentalité bien différente de celle de Manost. Guindée, empruntée, méfiante, ennuyeuse. Elle n'avait pas mâché ses mots. Mais elle l'aimait en dépit de cela, attachée à ses racines. Avec désormais une certaine amertume.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Soren la détrompa cependant. Luménis était pétrie de beaux principes, mais les tensions entre les différentes composantes de la société étaient bien réelles. Cependant, plus laïque que Manost, sans doute, la cité était également dominée par les militaires, les marchands et les puissants mages de l'université. Les religieux avaient donc tendance à s'allier pour conserver un certain poids plutôt que de se déchirer. Les Lathandrites étaient loin d'avoir la puissance qu'on leur attribuait : ils avaient été punis, des années plus tôt, suite à une cabale orchestrée par leur grand prêtre de l'époque, et seul le respect dû à leur dieu tutélaire bien réel les avait empêchés d'être jetés hors de la ville. Réformés, ils avaient subi les foudres de Morféa Nwalk de plein fouet et le Temple était aujourd'hui actif mais fragilisé, d'autant qu'ils n'avaient plus de représentants au conseil. Nombreux étaient ceux qui, du côté des militaires notamment, voulaient les reléguer à une position d'observateurs. Mais même sur la sellette, les Lathandrites luméniens demeuraient fidèles à leurs convictions d'ouverture et de rassemblement, et entretenaient de bonnes relations avec tous les temples et les cultes secondaires, en ce compris les Sunites ou les Tymorans. Les relations n'étaient tendues qu'avec les Helmites, peut-être parce que ces derniers estimaient leur religion et leur dieu supérieurs et espéraient supplanter Lathandre dans le coeur des Luméniens. C'était déjà une tâche illusoire à l'époque, c'était évidemment devenu complètement absurde compte tenu de la mort de leur divinité.

Bref, Soren entendait mettre Angèle en garde : s'il était vrai que les cultes ne connaissaient pas de réels conflits, leur position au sein de la société luménienne n'était pas aisée, et les assemblées et les réunions du conseil étaient souvent houleuses, sans parler des luttes d'influence qui n'avaient pas lieu dans la lumière. Si elle était tentée, elle pourrait revenir en période d'élections et respirer le bon air bienveillant et plein de rancoeurs, de rumeurs et de haines qui flottait alors... Elle ne devait pas non plus oublier que moins de trois ans plus tôt, la ville était encore soumise à un tyran sanguinaire et le nombre de morts résultant de cette période se comptait en milliers. Les gens étaient toujours pleins de merveilleuses intentions au sortir de tels drames. Peut-être les bonnes volontés s'émousseraient-elles au fur et à mesure... Sans doute, même.

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle écouta Soren avec attention, quelque peu déçue d'être ainsi détrompée. Mais la situation était réaliste, voire inévitable. Les luttes de pouvoirs étaient inhérentes aux cités et seule une direction forte et absolue à sa tête coupait court aux conflits. La suprématie des helmites en était une preuve et elle était loin de penser que Manost était le modèle à suivre. Il n'y en avait pas d'idéal, conclut-elle avec un soupir. Voir le prosélitisme autoritaire des helmites jusqu'en terre luméniennes la fit grimacer quelque peu. Personne ne gardait donc les gardiens ...

Elle voulut en savoir un peu sur la cité lumière, sur les hommes à sa tête. Elle avait bien sûr entendu parler de Gareth Maelwedd de Theobald Longuehune et de Lathiriel. Il était parfois brièvement fait mention d'Alberich Megrall. Quels rôles occupaient-ils dans tout cela ?

Elle revint à parler à Manost. Peut-être la ville connaîtrait-elle une période d'accalmie après la crise engendrée par la mort de son dieu tutélaire. Il lui semblait qu'elle ne se résorberait pas aussi bien. Lumenis s'était toujours reposée sur plusieurs dieu. La cité du vigilant n'en avait plus aucun. "Qui vivra verra.", conclut-elle en haussant les épaules avec un petit sourire.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Même s'il n'en avait jamais été proche, Soren, en bon clerc, était un peu désolé pour les Helmites. Leur prosélytisme était réduit à néant et leur temple était désormais un grand édifice glacé où soufflait le vent. De nombreux prêtres y étaient restés, n'ayant pas vraiment d'autre endroit où aller, mais le Sunite savait que certains étaient retournés en Dorrandin, sans doute pour grossir les rangs des Tormites. D'autres avaient simplement regagné la vie civile. Il n'en avait vu aucun franchir les portes du Temple de Sunie, en tout cas. Et il n'osait pas imaginer le désarroi qui devait être le leur.

Au delà de ça, le sculpteur n'était pas féru d'affaires politiques, mais il savait des conseillers ce que la plupart des gens en savaient. Lathiriel et Longuehune avaient été élus au lendemain de la dictature, dès que la nouvelle organisation politique de la capitale avait été déterminée. La première était directrice de l'Université de la Magie, magicienne et prêtresse d'Isis, une déesse mulhorandie, regroupant de multiples domaines dont l'amour. En cela, Lathiriel était une amie du Temple de Sunie, et Soren était fier d'avoir déjà pu la sculpter, car sa beauté était merveilleuse. Longuehune, l'amiral de la flotte et responsable du commerce, était un vieux loup de mer, du genre qui intéressait nettement moins le Sunite, mais il avait bonne réputation. Maelwedd revenait de la guerre, de son côté, et s'il était devenu conseiller en remplacement d'Albérich Megrall, sans passer par la case légitime des élections, il avait probablement de bonnes chances d'être élu au moment opportun et malgré un manque criant de bonnes manières et de diplomatie, il était sans doute utile au poste qu'il occupait. Soren ne l'aimait pas. Quant à Albérich Megrall, il était effectivement passé brièvement au conseil, quatre petits mois, et il était donc difficile de savoir ce qu'il aurait pu réaliser s'il y était resté plus longtemps. En tant que chef du culte lathandrite, il avait fait preuve d'un oecuménisme que tous les temples de la ville avaient apprécié, mais à ce niveau, son successeur n'était pas bien différent.

Quand Angèle en revint à Manost, il se fit moins bavard. Il n'était manifestement que semi-convaincu par la position d'observatrice qu'elle songeait à adopter, mais ça, elle le savait déjà... Un novice leur apporta un souper léger et ils s'installèrent devant l'âtre qui chauffait les appartements du clerc. La soirée était déjà bien avancée.

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle écouta Soren avec attention, lui posant parfois quelques questions concernant les conseillers de la ville. Pourquoi donc Alberich Megrall n'était-il resté que quatre petits mois s'il avait été apprécié de la population ? Maelwedd avait-il pris d'autorité sa place ? Et selon quel principe ? Elle essayait de comprendre l'histoire de la ville, et ses grands principes.

Bien sûr, ils n'étaient pas transposables à Manost qui resterait sûrement garante de la loi. Mais Lumenis n'était pas synonyme d'anarchie, plutôt d'un équilibre apparent. Elle avoua qu'elle réfléchissait au devenir de sa propre cité. Elle hésitait de plus en plus à en prendre sa part. Elle ne se voyait pas capable de tout réformer seule. Il connaissait ses réticences. Mais elle pouvait aider, faire taire les objections ou plaider. Dans la cité du vigilant, on se fiait à la loi ... Qu'elle connaissait presque sur le bout des doigts. Elle ne put s'empêcher de sourire mais secoua la tête. Il fallait déjà qu'elle puisse franchir les portes de la ville.

Après quelques hésitations, elle lui raconta l'expédition ratée à Melandis dont elle avait été le principal lieutenant. La trahison d'un des leur - un helmite qui n'avait pas digéré la mort de son dieu qu'elle n'avait pas pu empêcher ni même vue venir. La disparation de deux d'entre eux sur les cinq. Elle avait perdu totalement confiance en ses capacités. Elle hésitait. Elle ne voulait plus entraîner personne au fiasco.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Soren termina de lui expliquer les petites histoires luméniennes. Il se montra très évasif sur les causes de la démission d'Albérich Megrall que des soucis personnels avaient poussé à se retirer. Quant à Maelwedd, sa nomination était tombée sous le sens vu les besoins de la cité, et personne n'avait réellement grommelé, hormis les Lathandrites, mais ils n'avaient pas la possibilité de proposer un remplaçant adéquat. La guerre en Dorrandin était tombée à point nommé pour consolider la position du général : il était incontournable et personne n'avait envie de se le mettre à dos alors qu'il était à ce point nécessaire. Il était difficile mais c'était un Luménien d'une loyauté indéfectible. En cela, pourquoi s'en plaindre ?

Le Sunite parut heureux qu'Angèle songe à prendre part à l'avenir manostien mais pousse des hauts cris quand elle parla de le faire "seule". Jamais il n'avait suggéré une chose pareille et l'idée que la paladine puisse l'envisager lui sembla complètement folle, bien qu'il ne doutât pas de ses compétences. Habitué à la vie en communauté, dans une cité démocratique, il se défiait de toutes les initiatives un peu trop autocratiques, même quand elles étaient inspirées par de nobles sentiments.

Enfin, il écouta le récit de la paladine, sans l'interrompre, une main posée d'abord sur son genou, puis sur son épaule. Il respecta son émotion sans s'y glisser, la laissa aller au bout de l'histoire.
" Et puis tu es venue à Luménis, le lieu des seconds départs, des secondes chances, murmura-t-il. Guérir prend du temps. Retrouver ses forces. Tu as perdu foi en certaines capacités, certes, mais tu as d'autres cordes à ton arc. Peut-être faut-il que tu t'appuies sur celles-là, qui n'ont pas souffert à Mélandis, pour réaliser que tu n'as pas démérité."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle tenta de rassurer Soren. Elle ne comptait pas agir seule mais plutôt apporter une aide logistique, en tant que juriste. Même si elle n'avait plus envie de rester passive. Il faudrait cependant rassembler des alliés, ce qui n'était pas forcément facile. Chaque culte avait plutôt tendance à tirer la couverture à soi.

Elle revint à Lumenis. Il était heureux que chaque conseiller accorde sa place aux différents cultes. Lathiriel était donc amie des arts et n'aurait jamais d'équivalent à Manost. Elle voyait mal le conseiller Lothringen ou même son frère franchir la porte d'un atelier. Elle ne put s'empêcher de sourire, amusée.

Elle finit de raconter son histoire à Soren, l'écouta lui parler. Elle finit par hocher la tête. Il subsistait beaucoup d'incertitudes. Pour ce qui était de ses capacités, elle ne demandait qu'à voir. Elle en avait assez d'avoir peur de son ombre. Elle prit la main de Soren et la garda quelques instants dans la sienne.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La nuit était tombée sur le temple et le sculpteur étouffa un bâillement. Il alla dénicher un alcool sucré dans une de ses armoires, en servit un petit verre à la paladine, puis lui proposa de battre en retraite dans la chambre, sans engagement aucun. Si elle le désirait, il pouvait aussi la raccompagner jusqu'aux appartements qui lui avaient été alloués, il fallait qu'elle se sente tout à fait libre de décider.

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Était-ce pour les émotions de la journée. Ou tout simplement parce que lui sculpteur lui avait dit que ça ne l'engageait à rien. Ou qu'elle n'arriverait pas à dormir seule. Qu'elle avait envie de donner, de partager. Et qu'elle savait que cela ne durerait pas. Pas de regrets, pas de remords. Personne ne saurait. Pour la beauté de l'éphémère, tendre et passager.

Angèle prit doucement la main de Soren dans la sienne. Mue par une certaine force, ou une faiblesse certaine, elle l'embrassa. De la suite, seul le noir de la nuit et certaines étoiles en furent les témoins.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

En s'éveillant le lendemain matin, après une nuit agitée, Angèle put constater que le réveil aux aurores n'était pas forcément la marque de fabrique des Sunites. Soren dormait comme un bienheureux, à moitié hors des couvertures et il y avait sur ses traits une expression de calme félicité. Même dans son sommeil, il gardait un visage et une posture remarquablement attirants, peut-être était-ce le fruit d'un long apprentissage, voire un critère de sélection au moment du recrutement des novices. Il ouvrit cependant un oeil dès qu'elle bougea et sourit instantanément. Apparemment, un bon amant ne pouvait pas non plus se montrer revêche aux aurores.

Il se leva le premier, nonchalamment, et ouvrit la porte pour attraper un novice empressé. Il n'en trouva point et pesta sur les libertés accordées aux jeunes dans ce culte dégénéré, avant d'adresser une prière enflammée à Sunie. Il saisit sa robe de chambre, s'emmitoufla et promit de revenir au plus vite avec le petit déjeuner... tout en avouant ne pas être certain qu'il y aurait déjà quelqu'un en cuisine. Sur un clin d'oeil, il s'esquiva, laissant Angèle s'éveiller puis réfléchir aux heures à venir.

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle avait regardé Soren endormi, un long moment sans bouger pour ne pas le réveiller. A force d'habitude, elle se levait toujours tôt. Théodora se réveillait toujours aux premières heures du jour, menant un tel chambardement dans leur chambre que qu'il n'était plus possible de refermer ne serait-ce qu'un oeil. Elle se levait aussi pour ne pas être en reste mais n'était totalement opérationnelle qu'après une bonne tasse de thé. Tant qu'on ne lui posait pas de questions ou qu'on ne l'obligeait pas à aller s'entraîner, elle savait donner le change. Aussi parvint-elle à comprendre sans mal ce que disait Soren. Il était question de petit déjeuner. Elle l'entendit pester à propos des novices peu matinaux puis le vit passer sa robe de chambre et partir.

Elle lutta contre le sommeil durant quelques minutes avant de s'asseoir sur le lit. N'aimant pas se promener toute nue, elle enfila une tunique et des braies. Elle adressa à son dieu une courte prière et se rassit sur le lit. Ses lectures de la veille l'avaient intriguée, lui donnant envie de découvrir le fonctionnement de l'assemblée.

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Une fois qu'il eut rapporté de quoi petit déjeuner des cuisines, le Sunite s'enquit de son programme. Quand elle lui annonça qu'elle avait l'intention de se rendre à l'Assemblée, il ne put s'empêcher de sourire.
" Très bien, dit-il. J'espère que tu prends des notes... ou que tu as une très bonne mémoire. L'un dans l'autre : veux-tu que je t'accompagne ? Je m'habillerai, presque discrètement, et je te promets de faire profil très bas. Même si, je dois te prévenir : les femmes, et certains hommes, se retournent généralement sur mon passage. Mais je mettrai un capuchon... ou une fausse moustache. Qu'en penses-tu ? Je pourrai t'expliquer en direct ce qui se passe... Ce sera sûrement un rien moins rasoir... heu... plus passionnant."

[Althéa]

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle sourit devant la diatribe du sunite, assez amusée et plutôt touchée qu'il propose de l'accompagner, lui qui disait n'être pas féru de politique. Pour le fait que l'on se retourne sur son passage ... Bien sûr, ce n'était pas étonnant. Et pour elle qui aimait rester discrète ... Bah, elle s'en accommoderait, non ? Après tout, c'était sur le passage de Soren que l'on se retournerait. Elle finit par hocher la tête.

"J'allais te le proposer aussi, dit-elle avec sincérité, pour les notes je pense avoir une assez bonne mémoire."

Son sourire s'élargit.

"Mais pité, pas de fausse moustache"

[Galathée]

Quête : Le hasard fait bien les choses.

" Je porte très bien la fausse moustache. En fait, je porte même très bien le sac de pommes de terre." dit-il avec emphase.
Une fois sustentés et habillés (ce qui pour le Sunite était apparemment toute une aventure qui se termina dans des tons rouge vif et des étoffes soyeuses, qui révélaient une partie non négligeable de ses pectoraux, entre autres visions anatomiques), ils partirent donc en direction de l'Assemblée. Ils dépassèrent le Temple de Lathandre, puis empruntèrent le chemin à travers le Parc qu'Angèle avait déjà arpenté plusieurs fois. Le Sunite musardait dans les parterres de fleurs, en cueillit quelques unes dont il couronna la jeune femme —*malgré ses protestations — et déclama de la poésie érotique à peine déguisée sous des dehors printaniers. Ils continuèrent ensemble jusqu'à l'Université, bifurquèrent dans la direction opposée de la Bibliothèque et cheminèrent dans les rues animées de la capitale. Comme l'avait annoncé Soren, leur petit équipage ne passait pas inaperçu et le Sunite était absolument ravi de cette attention. Il s'arrêta une fois ou l'autre pour bavarder avec quelqu'un, une jolie femme, un artiste, un clerc d'une autre obédience. Tous saluèrent Angèle avec affabilité, sauf l'une ou l'autre demoiselle dont le sourire était emprunt de circonspection jalouse. Ils arrivèrent aux abords de l'imposant et étrange Temple de Mystra, dont le dôme noir s'empourprait d'éclairs intermittents, et le contournèrent à bonne distance, passant devant le Palais de Justice, aussi austère et fonctionnel que prévu. Enfin, Angèle put découvrir l'Ambassade manostienne, un bâtiment d'allure martiale, entouré de grilles et sévèrement gardé.
Mais Soren ne s'attarda pas pour en commenter l'architecture — sans doute très peu à son goût — et l'entraîna jusqu'à l'Assemblée...