[Bâtiment] Temple de Baine

[Mornagest]

Les premiers travaux commencèrent enfin. Il manquait, à Melandis, un sanctuaire dédié à la toute-puissance de Baine, le Dieu des Conflits et du Pouvoir, le Mal absolu que tous, sur les Royaumes, craignaient ou respectaient. Une chose était certaine : Baine ne laissait personne indifférent. Nul être n'ignorait sa puissance, ni les tourments que le Fléau réservait à ceux qui lui manquaient de respect.

Aussi, lorsque le Chancelier avait émis le souhait de faire bâtir un temple à la gloire de Baine, avait-il prévu un édifice de taille proportionnelle au pouvoir de son dieu. Les matières premières n'étaient pas encore arrivées que les tranchées furent creusées, afin de construire de solides fondations, et permettre au temple de résister aux intempéries, et aux éventuels assauts que pourraient subir la Cité du Chaos, souvent en guerre depuis sa fondation.

Néanmoins, le temple ne pourrait certainement dépasser l'ampleur du temple de Talos, dieu tutélaire de Melandis la Sombre. Le dieu des Tempêtes aurait rasé la ville sans aucune autre forme de procès, si cela avait lieu.

Les esclaves étaient nombreux, pour que le chantier soit rapidement terminé. Une bonne centaine d'hommes, de femmes, mais aussi d'enfants, oeuvraient jour et nuit afin de réaliser au plus vite les désirs du Conseil mélandien.

Tandis que les hommes creusaient, les femmes dégageaient les brouettes et chariots emplis de terre, et les enfants passaient les pioches et pelles aux travailleurs. D'autres esclaves orques, demi-orques et gobelins, travaillaient aussi, sous la haute surveillance de nombreux gardes de la cité. Il n'était pas question de laisser passer la moindre tentative de sabotage ; cela s'était déjà produit par le passé, mais ces satanés esclaves ne manquaient pas d'audace, malgré les lourdes sanctions prévues en cas d'acte criminel...

[Mornagest]

Les travaux allaient bon train, malgré la réticence des esclaves, contrée par de violents coups de fouet. Jamais encore ils n'avaient montré autant de difficulté à réaliser leur tâche, malgré une forte présence de contremaîtres et autres esclavagistes lourdement armés.

Plusieurs "accidents" furent à déplorer. Des chutes d'un échafaudage, des outils qui fracassaient malencontrueusment un crâne, des blessés suite à des bris de pierre volant dans tous les sens, pendant la taille de celles-ci... Impossible de savoir si c'était le fait du hasard, ou des crimes commis entre esclaves. Ils comptaient bon nombre de condamnés pour meurtres et autres joyeusetés, mais la prison n'avait guère adouci leurs moeurs, à en juger par leur comportement généralement très agressif.

La tension montait de jour en jour, presque d'heure en heure. Et, ce qui devait arriver, arriva. Un énorme pan de mur, mal soutenu par des fondations fragilisées - à dessein ? - s'abattit au sol, écrasant par la même occasion une dizaine d'esclaves, et, plus grave, un garde mélandien.

Une rapide enquête détermina que les fondations avaient été sabotées à coups de pioche. Evidemment, les coupables ne se dénonceraient pas...

Afin d'encourager les autres à éviter ce genre de contretemps, à l'avenir, une dizaine de femmes furent pendues haut et court, devant leurs compagnons d'infortune.

"Que cela vous serve de leçon", déclara le responsable des gardes du chantier, tandis que les condamnées s'agitaient encore, les jambes suspendues dans le vide.

[Taliesin]

[Quête : le prophète gris]

Chaque jour, après avoir quitté la Mélandienne d'Argent, Albus et Rhéa prenaient la direction du futur temple de Baine. Ils empruntaient des chemins détournés, procédaient par étapes, mais, insensiblement, se rapprochaient du chantier.

A bonne distance des soldats, feignant de s’intéresser aux divers édifices religieux jouxtant la place, ils observaient la configuration des lieux, le service d’ordre, la manière dont le travail était organisés. Bientôt, ils connurent tout de l’emploi du temps et des déplacements des esclaves.

Comme ils s’en doutaient, approcher l’un des malheureux que l’on sacrifiait à la tâche n’allait pas être facile. Depuis la découverte des sabotages et la répression qui s’en était suivie, la chose paraissait même impossible. Mais, à force de patience, ils découvrirent que la garde était un peu moins vigilante autour du campement où l’on parquait les travailleurs (il était tout proche du lieu des travaux, afin que ceux-ci puissent se mettre à l’ouvrage sitôt réveillés).

Là, si l'on se montrait discret, il semblait possible d’approcher les esclaves sans trop de risques. Albus et Rhéa décidèrent donc de revenir aux heures de repos, et de tenter leur chance dès que l’occasion se présenterait.

[Mornagest]

[Quête : le prophète gris]

Les gardes surveillaient essentiellement les alentours du chantier, car les tentatives de sabotage ne pourraient venir que de là ; ailleurs, les esclaves n'avaient ni outils, ni matière première à façonner, donc, il leur était impossible de comploter contre le bon avancement de la construction.

Cependant, bien que l'enclos des esclaves était gardé, certains pouvaient marcher un peu plus librement, le temps d'une pause après l'unique repas de la journée. Ils disposaient d'un hectare environ, paillasses pour la nuit comprises, et ce, pour environ deux cents esclaves.

Albus et Rhéa devaient prendre un risque, pour se fondre dans la masse d'esclaves, mais cela restait possible. Leurs vêtements souillés et leurs colliers de contrôle pourrait facilement faire illusion, même s'ils étaient en meilleur état que leurs malheureux collègues.

Plutôt que de courir et risquer d'attirer sur eux l'attention des gardes, ils optèrent pour une approche discrète.

Au moment où les gardes semblaient attirés par une rixe entre esclaves, ils marchèrent d'un bon pas et purent se mêler au groupe de pouilleux. Ils étaient dans la place...

[Taliesin]

[Quête : le prophète gris]

Une fois parvenus dans le camp, Rhéa et Albus se tinrent un peu à l’écart et observèrent la manière dont les choses y étaient organisées. Organisées était d’ailleurs un bien grand mot : sitôt qu’ils avaient soupé de l’innommable gruau que leur servaient leurs gardiens, les esclaves épuisés allaient pour la plupart s’étendrent sur leurs paillasses où ils sombraient dans un sommeil profond. D’autres se réunissaient en petits groupes pour discuter ; enfin, quelques uns s’asseyaient, seuls, et demeuraient perdus dans des pensées où l’espoir et le joie paraissaient désespérément - et irrémédiablement - absents.

C’est vers l’un de ces mornes solitaires que les deux compagnons se glissèrent silencieusement. Il s’agissait d’un homme d’âge mur, maigre mais encore vigoureux, aux cheveux et à la barbe en bataille. Son visage fatigué était calme, presque paisible, et c’est cela qui avait attiré Rhéa et Albus : bien sûr, ils n’avaient aucun moyen de savoir si on pouvait lui faire confiance, mais au moins ne les effrayait-il pas, contrairement à d'autres.

Parvenus à quelques pas, Albus toussota discrètement. L’homme leva lentement la yeux vers les nouveaux venus ; Rhéa lui adressa un sourire timide.

-Bonsoir… Excuse-nous de te déranger, mais nous aimerions te parler quelques instants… Si bien sûr tu est d’accord.

[Mornagest]

[Quête : le prophète gris]

L'homme la toisa d'un air suspicieux. Que pouvait bien lui vouloir cette jouvencelle ? Lui proposer des services ? Après tout, à l'intérieur d'un enclos, ou d'une maison de passe, n'importe quel endroit était suffisamment bien pour ce genre d'activités...

"Humpf... tu m'veux quoi ? Pas d'temps à perdre, j'reprends bientôt", grogna-t-il en désignant les gardes d'un mouvement de tête.

[Taliesin]

[Quête : le prophète gris]

La jeune femme, un peu déconcertée, regarda Albus ; celui-ci lui adressa un clin d’œil et tira de sa poche une miche de pain blanc et une pomme. Pour l’esclave assis à leurs pieds, cela avait tout l’air d’un festin.

-Oh, nous voulons juste te parler ! Alors… Tu pourrais manger un morceau tout en nous écoutant, et si le repas t’a plu, peut-être accepteras-tu de répondre à nos questions…Dans le cas contraire, nous ne t’embêterons pas d’avantage : tu n’auras eu aucun ennui par notre faute, et même gagné un supplément de nourriture.

Il sourit à l’esclave, et esquissa un mouvement de tête en direction des soldats.

-Quant à eux, ils sont bien trop occupés à empêcher les rixes pour nous remarquer, et ils ne sonneront le rassemblement que dans plusieurs minutes. Alors, qu’en dis-tu ?

[Mornagest]

[Quête : le prophète gris]

L'homme regarda la nourriture avec avidité, mais suspicion. Qui étaient-ils, pour ainsi lui offrir pareil délice ? Une pomme... cela faisait si longtemps qu'il n'en avait plus croqué. Il leva les yeux vers le gnome - étant lui-même assis - et lui répondit alors :

"Marché conclu. Qu'est-ce que tu veux savoir ?", dit-il en prenant prestement les aliments, et en commençant déjà à les dévorer littéralement sur place, tout en jetant des coups d'oeil nerveux alentours, de crainte de se voir voler sa nourriture.

[Taliesin]

[Quête : le prophète gris]

Le gnome, sans se départir de son sourire rassurant, jeta un regarde aux gardes. C’était de pure forme car, comme il l’avait dit, ils ne leur prêtaient aucune attention.

-Et bien, d’abord, je veux te raconter le début d’une histoire que je suis en train d’écrire. Il était une fois un homme étrange venu séjourner à Mélandis. Cet homme était issu d’une antique cité dont les habitants, de toutes les races, de toutes les origines, vivaient en bonne intelligence et se vouaient aux arts, aux sciences, aux savoirs… Mais la cité fut détruire, ses habitants furent tués ou réduits en esclavage… et certains furent emmenés dans la cité du Chaos. C’est la raison pour laquelle notre homme est venu. Alors il s’installe, mène ses recherches, mais la cité est vaste, et les esclaves nombreux ; de plus, ému par le terrible sort de ces malheureux, il décide de profiter de sa présence pour soulager leurs souffrances…

Nouveau coup d’œil aux alentours, puis le gnome reprit.

-Voilà. Je sais, tu vas me dire que c’est complètement irréaliste, qu’une telle personne ne peux exister ici, et je n’en disconviens pas. C'est une histoire, après tout. Cependant, j’aimerais pouvoir en écrire la suite. Et c’est là que j’ai besoin de ton aide, car tu disposes peut-être d’informations qui contribueraient au réalisme de mon récit. Ainsi, à ton avis, où mon personnage aurait-il le plus de chances de retrouver les derniers survivants de sa Cité Idéale, sachant qu’ils ont souvent des capacités, des compétences assez inhabituelles ? Que pourrait-il faire pour porter secours à l’ensemble des esclaves, tout en restant discret et ne mettant pas en danger ses projets ? Qui pourrait l’aider dans cette tâche ? Ah oui, et enfin, qui sont les melandiens influents dans le commerce des esclaves, et donc potentiellement détenteurs d'informations intéressantes ?

Le gnome s’interrompit, observa le visage de son interlocuteur qui avalait les dernières bouchées de son repas, puis termina son monologue.

-Je sais, cela fait beaucoup de questions, mais la moindre information susceptible de compléter mon histoire me serait précieuse, et je suis prêt à me montrer très reconnaissant envers ceux qui m'auront permis de les réunir.

Voilà. Il avait tout dit : c’était prendre un énorme risque, malgré les précautions oratoires dont il s'était entouré, mais il n’avait guère le choix s’il voulait avancer.

[Mornagest]

[Quête : le prophète gris]

L'homme toisa le gnome un long moment après qu'il ait terminé son repas. Il ne lui restait pas beaucoup de temps pour répondre, mais il tiendrait parole.

"Z'avez pensé aux fosses communes ? Vous risquez d'en croiser beaucoup là-bas. Maint'nant, pour leur parler..." Il gloussa un moment, puis se reprit.

"Sérieusement, j'en ai jamais entendu parler, de cette cité. Mais j'ai déjà vu de tout, comme esclave, ici. Suis un vieux de la vieille. Même si on n'en voit pas beaucoup par ici, ça arrive qu'ait des gens avec un drôle d'aspect... pas fait pour les travaux manuels, 'voyez ce que j'veux dire ? Plutôt précieux, le genre à bouquiner. En général ils restent pas longtemps. Soit y crèvent, soit on les envoie ailleurs, pour des tâches moins dangereuses. Je dirais... domestiques chez les nobles ? Pour les filles... bah vous voyez... domestiques, mais ailleurs quoi." Nouveau gloussement.

"Des esclavagistes... mmh... j'en connais pas personnellement, vous savez. N'importe qui peut acheter ou revendre des esclaves. Mais en général ils se terrent dans les quartiers pauvres. Ca fait pas bon genre à côté des bourges, hein ? Et.. leur porter secours. Arf... vous rêvez, là. Autant implorer Talos d'avoir du beau temps !"

[Taliesin]

[Quête : le prophète gris]

Le gnome réfléchit un instant, puis il échangea un regard avec Rhéa avant de reporter son attention sur l’esclave.

-Merci, mon ami. Tes informations sont intéressantes et m’aideront à compléter la trame de mon histoire. Cependant, n’aurais-tu pas un nom, un lieu, quelque chose de précis ? Si je reste trop vague, on se moquera de mon histoire, et je devrais en écrire une autre… Ne vois tu vraiment rien ? Où alors, ne connaîtrais-tu pas quelqu’un qui pourrait me renseigner ?

[Mornagest]

[Quête : le prophète gris]

L'homme renifla brièvement, puis répondit :

"Bah, j'te l'ai dit, cherche dans les maisons closes. Là tu devrais trouver des femmes qui auraient appartenu à cette cité. Les femmes esclaves sont jamais reprises ailleurs, sinon en soubrettes."

Il se gratta le menton, semblant fouiller sa mémoire. Puis il déclara enfin :

"Y a bien les thermes aussi... tu devrais trouver là-bas. Et pour les hommes, si ce sont des érudits, l'école de magie. Z'ont besoin de gens là aussi, pour recopier des textes.. ou servir de cobayes, arf."

La rixe semblait s'être calmée, plus loin. L'on pouvait voir deux cadavres d'esclaves allongés au sol, tandis que les gardes demandaient à d'autres de les emmener et de les débarasser de là.

"J'crois qu'je vais devoir m'y r'mettre. Si tu as quelque chose de plus.. ?"

[Taliesin]

[Quête : le prophète gris]

Albus fouilla dans sa poche et en tira une petite bourse de cuir qu’il lança à l’esclave. Quand celui-ci la rattrapa, elle émit un son métallique qui n’avait plus résonné à ses oreilles depuis des lustres.

-Merci pour ton aide, l’ami. Que ceci te prouve ma reconnaissance ! Ce n’est que peu de choses, je le crains. Mais cela peut être suffisant pour qu’un garde détourne le regard pendant que tu te carapates, ou au moins pour qu’on te transfère vers des travaux moins pénibles… Enfin, je suis certain que tu en feras bon usage ! Merci encore, en tout cas ! Et ne perd pas espoir. Les histoires, parfois, sont plus proches de la réalité que ce qu’on pourrait croire…

Sur ces mots, il esquissa une révérence ; Rhéa l’imita, puis tout deux s’empressèrent de s’éloigner verrs un endroit plus discret du campement. La reprise du travail était proche. Ils quittèrent la zone à la première occasion, aussi discrets que des ombres, et s'éloignèrent rapidement dans les rues avoisinnantes. Ils devaient faire leur rapport à Taliesin, avant de mener plus avant leurs recherches.

[Mornagest]

Au bout de plusieurs mois de travaux, le temple dédié à Baine fut enfin achevé. Toute la puissance féroce du Fléau se ressentait dans le moindre détails de l'architecture sombre mais splendide de l'édifice, l'un des plus imposants de la place, mais n'atteignant bien évidemment pas la stature de celui du dieu des Foudres.

Il mesurait environ dix mètres de hauteur, sur quarante de longueur. De hauts piliers supportaient le toit, tandis que les chapiteaux finements sculptés représentaient des scènes de la vie de Baine, entre son combat contre Torm, qui lui fit perdre la vie, et sa résurrection grâce à l'essence de son fils, Iyachtu Xvim, qui périt par la même occasion. Désormais, Baine règnait avec un gant de fer sur les esprits des guerriers servant le chaos.

Les lourdes portes en bois presque noir étaient elles aussi gravées, représentations diverses du Fléau, avec son arme favorite en main. Elles ouvraient sur une pièce unique, avec, en son centre, une statue d'obsidienne représentant l'avatar du Seigneur Noir. Les murs décorés de draperies rouge sombre rendaient l'atmsophère presque étouffante, même lorsque le temps était glacial.

Les prêtres de Baine, peu nombreux dans le temple, étaient plutôt discrets et n'adressaient la parole aux fidèles que si ces derniers parlaient en premier. Ils consacraient leur temps à échafauder des machinations contre le clergé de Cyric, que Baine hait au plus haut point. Nul doute que des conflits allaient éclater en ville, suite à la réalisation de ce temple...

[Garfield]

Quête: miasmes et moisissures

Le pas lourd et déterminé du demi-orque Rakdar résonnait dans le temple fraîchement bâti. Le prêtre aimait l'intérieur, démonstration de la toute puissance de Baine. Ce temple écrasait les visiteurs comme Baine écrasait les infidèles.

Seulement, l'affluence de fidèles que le clergé attendait à l'ouverture n'avait pas eut lieu. Les gens ne semblaient plus avoir peur du Seigneur Noir. Non, une nouvelle peur s'était insidueusement infiltré dans l'esprit des gens: la maladie.
Elle n'avait fait que peu de victimes jusqu'alors, mais le mot s'était vite répandu, et beaucoup de gens n'osait plus sortir de chez eux. La famille Durova avait apparemment même saisit le Conseil pour faire quelque chose.

Rakdar s'était longuement interrogé sur la maladie. Cela ne pouvait être un signe de Baine. Baine aimait semer la discorde parmi les hommes, et la maladie les enfermait chez eux, empêchant tout contact, rendant impossible querelles, complots et trahisons. Et maintenant, les fidèles désertaient le temple. Selon les échos qu'il avait reçu, les autres temples souffraient de la même absence de fidèles.

Drapé dans sa cape, il se dirigea vers la sortie du temple. Il fallait prendre des mesures, et ce n'était pas en restant en contemplation que les choses allaient avancer.

[Galathée]

Quête : Les Squelettes du Placard
Chapitre 9 : Sauvetages (suite)

HRP : mes excuses d'avance si je raconte n'importe quoi, mais j'ai pas trouvé de plan de cette zone... On dira que c'est dans une géographie de Mélandis parallèle...

Quittant l'ombre du Temple de Kossuth, Guéric et Taliesin parvinrent aux abords du Temple de Baine. Il jouxtait les sanctuaires de Shar et Beshaba, qu'il écrasait de sa noirceur. Malgré un aspect militaire peu engageant, son architecture était remarquablement travaillée, ses proportions calculées pour terrifier, et les quelques courageux qui osaient en franchir le seuil volontairement devaient avoir d'excellentes raisons de s'infliger pareil calvaire. Deux grandes oriflammes noires, marquées du poing de Baine, flanquaient les larges portes, cachées dans l'ombre des chapiteaux sculptés que soutenaient de monstrueuses colonnes.
Taliesin se souvenait qu'à l'époque de son passage tumultueux dans la ville, ce Temple n'était encore qu'un chantier où crevaient les esclaves...

[Taliesin]

Encore une preuve que ce qu'il avait provoqué n'avait en rien changé la situation à Mélandis. Non, cela l'avait juste empirée ailleurs...
Ne pas y penser. Ne pas s'attarder, non plus, à observer l'effroyable édifice.
La mission, juste la mission.
Prenant soin de rester aussi éloigné que possible du temple, comme le faisaient la quasi totalité des autres badauds, il entreprit de le contourner en direction des écuries. Contrairement à Guéric, qui pouvait recourir quasiment instantanément à ses dons de dissimulation, il lui faudrait trouver un coin tranquille pour se lancer un sort d'invisibilité.
Un sort qui ne durerait qu'une dizaine de minutes.
Parviendrait-il à rallier le point de rendez-vous dans ce délai ?
Mystère... Mais, dans le pire des cas, les cachettes ne devaient pas manquer, à l'intérieur...

[Galathée]

Ils trouvèrent aisément le repli dont ils avaient besoin, l'un pour devenir invisible, l'autre pour profiter de l'ombre, sous le porche d'un vendeur de potions pour l'heure fermé. Les écuries du Temple bainite s'ouvraient sur le côté droit du bâtiment, au-delà d'une arche de pierre qui figurait des corps en armure, enchevêtrés d'une manière étrange, figurant lutte, extase et souffrance. Un clerc bardé de fer surveillait les allées et venues depuis les fentes de son casque, mais son aspect sévère était tempéré par une attitude relâchée. Deux chariots franchirent l'arche et le clerc contrôla les documents que les cochers lui présentaient. Il jeta un oeil à l'arrière de l'un des deux, et c'est le moment dont profita Guéric pour s'élancer vers l'intérieur. Taliesin suivit rapidement.
Une fois l'enceinte franchie, il se retrouva dans une cour de taille moyenne, au sol maculé de terre, dont la partie droite paraissait dédiée aux chevaux, et la gauche à la forge et à l'armurerie. Il devait veiller à l'endroit où il posait les pieds, sous peine de laisser des traces visibles dans la poussière, mais il y avait suffisamment de pavés découverts pour se dessiner une trajectoire discrète. En traversant l'espace ouvert en direction de la porte qu'il avait repérée sur le plan, il nota qu'un groupe de clercs venaient de démonter et étaient accueillis par une petite délégation menée par un prêtre manifestement haut gradé. Tous les regards étaient tournés dans leur direction, aussi la progression était relativement aisée. Jusqu'à la porte, bien sûr, qui, si elle n'était pas gardée, était fermée. Si Guéric l'avait déjà franchie, Taliesin n'en savait rien. Un clerc manqua le bousculer puis rentra à l'intérieur, claquant la porte derrière lui.

[Taliesin]

Premier écueil. Mais Taliesin s'y était attendu, évidemment : franchir les portes extérieures d'un bâtiment n'était jamais évident.
Il jeta un regard en direction du rassemblement. Était-il lié à la vie quotidienne du sanctuaire ou à la cérémonie en préparation ? Il penchait pour la deuxième hypothèse et se prit à songer que le temps pressait peut-être plus encore qu'ils ne l'avaient imaginé. Quoiqu'il en soit, si ces clercs voulaient bien se donner la peine de se hâter, il aurait bientôt une opportunité de se faufiler discrètement à l'intérieur, en leur emboîtant le pas. En revanche, s'ils s'attardaient dans la cour, il lui faudrait guetter le moment propice pour franchir le battant après l'avoir ouvert par ses propres moyens.
En espérant qu'il n'y aurait personne de l'autre côté pour voir l'étrange phénomène...

[Galathée]

Mais les salutations d'usage semblaient prendre un certain temps : les nouveaux venus étaient apparemment d'un certain statut, et les hôtes mélandiens se perdaient en discours que le barde ne parvenait pas à entendre. Il eut une opportunité, cependant, venue de l'intérieur, lorsqu'un jeune clerc bloqua la porte pour laisser passer un défilé d'esclaves transportant des rafraîchissements. Le barde parvint à se glisser juste après le dernier, avant que le prêtre ne referme la porte et ne reparte juste derrière lui, forçant le barde à ne pas traîner.
Le couloir était de pierre noire, étroit mais haut de plafond, vaguement oppressant. La lumière diffusée par des lampes à huile éparses semblait un peu trouble et une odeur de brûlé, irritante, flottait dans l'air. Des tapisseries cachaient régulièrement les moellons grossiers des murs, représentant le poing de Baine sur fond de nuit.
Taliesin se souvenait que la première porte à droite menait à une armurerie, la seconde remontait vers une salle d'entraînement, et la première porte de gauche donnait sur une salle à la fonction non identifiée. C'est dans celle-ci que s'engouffra celui qui le suivait de près. L'arche suivante menait à l'escalier qui descendait dans le sous-sol et le barde l'atteignit sans difficultés. Il y avait du bruit en bas, cependant, et son invisibilité ne durerait plus très longtemps.

[Taliesin]

Même s'il ne fallait pas confondre vitesse et précipitation, l'elfe demeurait persuadé que la meilleure solution était de descendre l'escalier puis de trouver, à l'étage inférieure, un coin tranquille où se lancer un nouveau sortilège. Aussi se tint-il au sommet des marches, l'oreille tendue, tentant de déterminer ce qui se tramait en bas et, surtout, s'il lui serait possible de se faufiler sans bousculer quelqu'un ou être lui-même bousculé. Si cela semblait faisable, il n'hésiterait pas davantage, irait de l'avant. Dans le cas contraire...
Et bien, dans le cas contraire, il n'aurait d'autre choix que de rebrousser chemin, de gagner une salle déserte et d'y incanter. Ce qui ne serait assurément pas une bonne nouvelle : s'étant éloigné de sa destination, il n'était pas du tout certain qu'il pourrait la rallier en moins de dix minutes. Peut-être serait-il alors contraint d'utiliser, en cours de route, son quatrième et dernier sort d'invisibilité. Dès lors, la suite promettrait d'être beaucoup, beaucoup plus compliquée...

[Galathée]

Il dut s'écarter pour laisser passer deux novices empressés, adolescents à la mine déjà revêche, drapés dans leur robe noire et rouge. Il descendit ensuite, se faufilant dans l'austère cage d'escalier, carrée, décorée des mêmes tapisseries sombres, cette fois couvertes d'inscriptions écarlates qu'il n'eut pas le temps de déchiffrer. Arrivé au niveau inférieur, il découvrit une arche menant directement sur la grande salle. Une lumière rougeâtre, sans doute d'origine magique, baignait les lieux, mettant particulièrement en exergue un large autel de pierre obscure, trônant au sommet d'une volée de marches marbrées de taches et de trainées sombres, vestiges, sans doute, de sacrifices précédents. Alors qu'il observait la pièce à la dérobée, notant la présence d'une douzaine de clercs affairés à droite à gauche, installant des bougies, des bancs, des recueils de parchemins, le barde entendit un hurlement perçant, désespéré, provenant de quelque part sur sa droite, dans la direction approximative de la salle de torture. Aucun des prêtres présents ne parut même le remarquer. C'était un cri de femme, cependant, pas celui d'un enfant. Taliesin pouvait désormais contourner la large salle en suivant le couloir qui la bordait, jusqu'à la chapelle, ou plus loin jusqu'à la salle de torture, comme l'avait suggéré Kerun. La première porte menait sur des vestiaires et une salle d'eau, la suivante sur une pièce dont on n'avait pas mentionné l'usage sur le plan. Pour l'heure, le corridor paraissait désert.

[Taliesin]

C'était horrible à dire, mais la nature du cri - ou, plutôt, de celle qui l'avait poussé - était une bonne nouvelle. Évidemment, il éprouvait un vif élan de compassion pour la suppliciée. Toutefois, de même qu'il ne pouvait secourir tous les esclaves de Melandis, il n'avait pas les moyens de secourir toutes les victimes des adeptes de Baine. Leur cible était le petit Luménien, uniquement le petit Luménien. Choix atroce... mais nécessaire.
Après avoir écouté un instant, pour s'assurer que personne n'était en train d'arriver dans les parages, il gagna un recoin du couloir, invisible depuis la grand salle et, aussi silencieusement et rapidement que possible, il incanta. C'était risqué, bien sûr. Cependant, ouvrir une porte et se faufiler dans une pièce peut-être occupée le lui semblait encore davantage...
Si rien de fâcheux ne se produisait, il prendrait la direction de la salle de torture. Il fallait se baser sur des certitudes, non sur des impressions. Or, en pareisl lieux, les échos étaient susceptibles de jouer de forts mauvais tours...

[Galathée]

Personne ne vint interrompre son sortilège et il put repartir. Peut-être Guéric était-il quelque part devant lui mais la difficulté, avec leur dissimulation, était qu'ils ne pouvaient pas se voir non plus. Taliesin contourna donc la grande salle par la droite, apercevant son espace sinistre de temps en temps, entre deux colonnes, au rythme des arches qui la perçaient. Il dépassa la chapelle, porte close, où il était supposé se rendre plus tard, puis gagna l'ultime pièce du couloir. L'escalier qui permettait de descendre débutait à quelques mètres de là et au moment où il atteignait la salle de torture, malheureusement fermée, un prisonnier fut amené des profondeurs. C'était un homme de grande taille, d'une cinquantaine d'années, vigoureux et sévère, qui luttait contre ses chaînes et ses geôliers sans grande efficacité mais avec morgue. Son corps ruisselait déjà de sang, marqué d'une multitude de coups de fouet, et il maudit les Bainites au nom de Helm d'une voix forte, ce qui lui valut les quolibets des trois hommes qui l'escortaient, ainsi qu'un coup de fouet supplémentaire, asséné en plein visage, qui lui arracha la paupière gauche. S'ensuivirent d'autres plaisanteries sur l'oeil d'Helm, toujours vigilant, alors que le prisonnier demeurait véhément. Grâce à son apparition, Taliesin put s'introduire dans la salle de torture : les Bainites durent en effet la maintenir ouverte pour le forcer à l'intérieur. Un clerc à moitié nu, le sourire féroce, les attendait.
" Aaaah ! Voici mon nouveau client ! Mais bienvenue !" s'exclama-t-il tandis qu'on poussait l'Helmite vers un cadre de bois et de métal qui semblait l'attendre.
Le barde eut le temps de voir que deux autres engins de torture étaient occupés dans la salle. Une femme nue était suspendue par les poignets, les épaules disloquées, au centre de la pièce. Plus loin, un homme couché sur une table sanglotait à mi-voix. Aucun enfant. Il avait l'opportunité d'avancer, au risque de se retrouver enfermé à l'intérieur, ou de reculer rapidement en abandonnant toutes ces visions derrière lui.

[Taliesin]

Sans presque hésiter, c'est la deuxième option que choisit Taliesin. Peut-être en aurait-il été tout autrement s'il avait aperçu un gosse en cette pièce sordide, que ce soit celui qu'ils recherchaient ou un autre. Peut-être aurait-il alors enfreint les consignes de Kerun, se serait-il laissé enfermer avec le bourreau et ses victimes, en se disant que les clercs officiant à proximité ne prendraient pas conscience de son intervention puisqu'il était normal que des hurlements sortent constamment de cette chambre des horreurs.
Mais ça n'avait pas été le cas et, faisant volte-face, il se dirigea vers la chapelle dans laquelle il s'engouffrerait non sans avoir, au préalable, écouté un instant à la porte.
Rebrousser chemin n'était pas chose facile. Non, laisser se perpétrer ces actes abominables le rendait malade. Et pourtant, c'était la seule solution.
S'en tenir à leur objectif. Toujours. Nier le reste.
Il était probable que le dénommé Baptiste, Luménien et fils de paladin, constitue le clou de la cérémonie. Combien de prisonniers les Bainites allaient-ils encore remonter des profondeurs de leur sanctuaire avant que n'arrive son tour ? Impossible à dire. Néanmoins, l'elfe savait déjà qu'ils n'étaient pas arrivés trop tard. Il avait même bon espoir qu'ils puissent passer à l'action avant que n'ait commencé cette "préparation" qu'avait évoquée Sedanius et dont il venait de découvrir la nature en apercevant le malheureux Helmite...

[Galathée]

La chapelle était plongée dans la pénombre et s'y mêlaient remugles de pourriture et de renfermé. Elle n'avait manifestement pas été utilisée depuis longtemps, mais Taliesin aperçut un autel de taille modeste, maculé, du côté gauche, à côté d'une sorte de trône de pierre noire. A droite, un fatras de bancs empilés formait comme une barrière de bois, et il vit distinctement quelqu'un bouger derrière. Si les personnes déjà cachées dans la pièce n'avaient pu le reconnaître, elles n'avaient pu ignorer l'ouverture de la porte et savaient donc qu'elles avaient été rejointes.
" Par ici..." souffla la voix d'Arion.
Un cri humain retentit, étrangement proche, et Taliesin vit que deux trous ronds avaient été ménagés dans les hauteurs du mur au-dessus de l'autel, donnant probablement directement sur la salle de torture.

[Taliesin]

Le barde grimaça. S'ils avaient eu connaissance de ce détail, cela lui aurait épargné un repérage aussi éprouvant qu'inutile et qui, de surcroît, leur avait peut-être fait perdre un temps précieux. Mais comment auraient-ils pu savoir ? Ce n'était pas exactement le genre de chose qui figurait sur des plans...
Essayant de faire abstraction de la proximité des suppliciés, regardant bien où il mettait les pieds afin de ne rien bousculer, de ne causer aucun bruit, il se dirigea vers Arion.
Avec un peu de chance, Ybarra, Kerun et Guéric seraient déjà là.

[Galathée]

Guéric, Arion et Ybarra étaient là, silencieux et immobiles, mais l'agent luménien manquait à l'appel. Ni l'elfe de lune, ni la demi-elfe ne semblaient inquiets, cependant, aussi Taliesin comprit-il que son absence était connue. Lui-même demeurait invisible mais le déplacement d'air causé par son approche attendue sembla les renseigner.
" Kerun est dans la grande salle, il va arriver..." souffla Ybarra.
Un hurlement de souffrance retentit à nouveau, et par un étrange effet acoustique, il se répercuta un moment sur les murs de la chapelle avant de s'éteindre.
" Ils ont l'air d'attendre du monde, reprit la demi-elfe. Les cuisines étaient en effervescence... Je pense que le banquet aura lieu avant les sacrifices cependant.
— Qu'est-ce qui te fait penser cela ? demanda Guéric.
— Le stade des préparatifs. Les cochons à la broche avaient déjà une belle couleur... S'ils comptent les servir dans plusieurs heures, ils perdront de leur saveur.
— Les Bainites ont peut-être mauvais goût, vu le décor." souffla le halfelin en frissonnant, tandis qu'un gémissement résonnait à nouveau.

[Taliesin]

Ne pas écouter les cris, les plaintes. Ils lui rappelaient trop de mauvais souvenirs, récents ou non. Surtout, ils le renvoyaient trop à son impuissance...
-Si vous avez vu juste, Ybarra, et je pense que c'est le cas, cela signifie que nous avons encore un peu de temps devant nous, murmura-t-il. Mais plus tôt nous pourrons intervenir, mieux ce sera. La dernière victime qu'ils ont amenée était déjà dans un sale état avant même de franchir la porte...
L'idéal serait de libérer le gosse alors qu'il était encore dans sa cellule. La porte en serait à coup sûr verrouillée, mais ce ne serait pas un problème : Guéric était plus que probablement capable de crocheter des serrures ailleurs que dans ses rêves.

[Galathée]

La porte s'ouvrit derrière eux, un instant, puis se referma. Kerun les rejoignit rapidement et les dévisagea tour à tour.
" Taliesin, tu es là ? demanda l'agent.
— Il est là, tu ne sens pas cette odeur de champignon des bois ?" s'exclama Guéric.
Le Luménien grimaça mais sourit.
" Première étape franchie, parfait, dit-il. J'ai trouvé un exemplaire du programme des festivités. Je ne l'ai pas pris, je n'en ai vu qu'un... La cérémonie doit débuter par la flagellation de deux clercs qui ont désobéi au Grand Maître, puis il y aura la décapitation d'un autre, qu'on accuse d'espionnage, si j'ai bien compris. Ensuite ils mettront à mort deux paladins helmites, un homme et une femme, puis une licorne, enfin le gosse. Le clou de leur massacre est la torture et le sacrifice d'un "invité spécial" dont la nature n'était pas mentionnée sur le document."
Un hurlement suivit d'une supplique l'interrompit.
" Taliesin, tu as pu jeter un oeil ?"