[Everaska] Quête: Racines

[Kasumi]

Kasumi était à nouveau sous le charme : l'hilarité à peine contenue de Sylvia lui allait comme un gant. En sortant du bâtiment des douanes, le rôdeur l'entraîna pas la main dans une rue adjacente où l'activité battait déjà son plein. Le demi-elfe dut un peu hausser la voix pour être sûr d'être entendu :

- Va pour les gâteaux au miel de ce charmant pâtissier ! Je propose d'en ramener un petit sachet à grand-mère pour la remercier de son aide.

Le rôdeur ralentit l'allure une fois les premiers stands atteints afin de permettre à Sylvia de contempler les étals tout son saoul. De toute façon, l'affluence ne permettait plus vraiment de marcher rapidement. Qu'à cela ne tienne, ils avaient la moitié de la matinée pour flâner et découvrir les merveilles venues des quatre coins de Toril.

[Voyageuse]

Le marché était aussi beau que dans ses souvenirs. Brouhaha de voix, mélange d'odeurs, mille et un étals, mille et une couleurs, toutes les merveilles de Féérune et au-delà étaient exposées sous leurs yeux. Épices aux arômes étranges, fruits exotiques, plantes et fleurs inconnues, formaient une magnifique mosaïque de formes et de couleurs. Sylvia avait détaché son regard de Kasumi pour le laisser courir sur les étals, émerveillée. Elle semblait n'avoir jamais eu l'occasion de visiter un marché de ce genre. Et peut-être, d'ailleurs, n'avait-elle jamais mis les pieds dans une grande cité, même humaine. Elle n'avait pas assez de ses deux yeux pour tout voir, pas assez de ses oreilles pour tout entendre. Kasumi nota les accents chantant d'elfes venus d'ailleurs, le timbre clair des halfelins et celui, plus grave, des humains, la voix rauque de races bien plus rares comme les asabi ou même les orques, tous venus de contrées étrangères pour vendre aux elfes d'Everaska le nectar des productions de leurs peuples.
Ici et là, on marchandait, l'un pour une écharpe de soie légère comme le vent, l'autre pour une arme prétendument enchantée, un troisième pour un instrument de musique inconnu qui aurait certainement fait pâlir d'envie Tilmandil. Le barde était peut-être quelque part par ici, lui aussi, quelque part au milieu de la foule. Mais ils ne le croisèrent pas.
La petite pâtisserie où Kasumi aimait tant, autrefois, déguster des gâteaux au miel accompagnés de lait frais -ou de cidre doux lorsqu'il fut plus âgé- se trouvait désormais tout près. L'étal de cuirs était également proche, tenu par un elfe au teint étrangement basané et aux vêtements de couleurs vives, taillés pour affronter le désert.

[Kasumi]

Le temps ne semblait plus avoir cours tant il y avait à découvrir, à contempler, à appréhender. Tout d'abord simplement attentif au plaisir que sa compagne prenait à explorer le dédale de couleurs, de sons et d'odeurs que formait le marché des étrangers, Kasumi s'était rapidement pris au jeu lui aussi, laissant son regard se promener sur tel ou tel étal présentant des marchandises exotiques ou non. Il s'était arrêté une fois pour acheter quelques simples qui lui manquaient et qu'il savait ne pas pouvoir trouver lors de ses prochaines pérégrinations. Mais c'est finalement la boutique dont lui avait parlé sa grand-mère qui attira son attention. Elle semblait extrêmement bien achalandée et prometteuse. Peut-être y découvrirait-il quelque-chose que Sylvia souhaiterait acquérir... La pâtisserie serait leur étape suivante leur permettant de retrouver un peu de calme devant quelques douceurs.

- Regarde Sylvia : ça doit être la boutique pour rôdeurs qu'évoquait grand-mère ! Tu veux venir jeter un coup d'œil. Et si quelque chose te plait, je te tiens à t'en faire cadeau.

[Voyageuse]

L'étal était en effet extrêmement bien achalandé. On y trouvait quantité de sacs et sacoches de toute forme, de toute taille, destinés à tout usage, du grand sac de voyage qu'on porte sur le dos à la petite trousse de secours en passant par les besaces de chasse, mais aussi des carquois solides, des ceintures spécialement étudiées pour y fixer des épées, des étuis pour tout type d'armes, des gilets de cuir, des manteaux, et même des jambières et des sortes de bottes souples.
Kasumi comprit rapidement que Sylvia avait envie d'acheter tout le magasin. Ayant eu tout le loisir de contempler ses bagages ces derniers jours, il savait qu'elle avait un vieux sac à dos en toile, une sacoche à herbes de simple toile de lin également, et même si elle avait un carquois solide et un fourreau fonctionnel pour son épée, elle aurait pu, objectivement, avoir besoin de la plupart des articles de la boutique. Il était évident qu'elle ne savait lequel choisir, et sans doute hésitait-elle aussi à demander un cadeau trop cher..

[Kasumi]

Kasumi n'avait pas besoin d'être un grand devin pour remarquer que plusieurs articles avaient suscité plus d'un regard envieux de sa compagne. Le demi-elfe se pencha à son tour sur certains articles en commençant par les sacs et sacoches et son regard s'attarda aussi sur un carquois d'apparence solide mais orné de motifs elfiques délicats. Connaissant son goût pour l'arc, ce pouvait lui être utile autant que les sacs. Le demi-elfe s'approcha du vendeur pendant que sa compagne continuait d'examiner les plus jolies pièces de la boutique :

- Bonjour. J'ai pas mal voyagé y compris en Anauroch mais j'ai rarement vu tant d'articles consacrés à ma profession et celle de ma compagne. C'est vraiment impressionnant. Je comprends pourquoi ma grand-mère nous a recommandé votre étal.

Commencer par quelques compliments et placer qu'il avait des relations en ville ne pouvait pas nuire à d'éventuelles négociations mais le rôdeur était néanmoins sincère. Il espérait simplement que les articles de qualité seraient dans ses moyens. Prévoyant, il avait emmené un petit pécule de Luménis et n'en avait guère eu l'usage jusqu'ici. Mais il ne serait pas raisonnable de consacrer plus d'une cinquantaine de pièces d'or aux achats. Et encore, Sylvia le dissuaderait certainement de dépenser autant...

- Nous repartons bientôt en voyage. Vous avez certainement quelques articles à nous recommander et qui seraient utiles à une rôdeuse talentueuse.

[Voyageuse]

Il vit, du coin de l'oeil, Sylvia rougir. Le marchand, quant à lui, hocha la tête. Il était plutôt âgé, même s'il n'avait certainement pas atteint l'âge vénérable de sa grand-mère.
Il répondit d'un ton un brin ironique.
- Pour voyager, il lui faut un sac à dos. Une sacoche, aussi, pour son menu matériel, un carquois pour ses flèches, une ceinture et un étui pour son épée, un gilet de cuir pour se protéger, des bottes pour avoir chaud... Donc, finalement, un exemplaire de chaque article que je vends. Après, tout dépend de votre fortune ! Mais sachez que ce sont les meilleurs cuirs de tout Féérune et que mes prix ne sont pas négociables. S'ils ne vous conviennent pas, vous pouvez aller trouver mon concurrent, à deux rues d'ici, qui acceptera certainement de vous vendre du cuir au rabais à des prix au rabais....
La fin de la tirade avait été prononcée sur un ton sans appel. Le marchand semblait absolument sûr de son fait, et de ses articles, et sans doute la réputation acquise au fil des années lui permettait-elle de se montrer un peu plus intraitable que ses concurrents.
- Pour les sacs à dos, reprit-il, les prix vont de douze pièces d'or pour ce modèle tout à fait basique, à quarante pour ce modèle bien plus complexe et surtout magnifique. Son cuir est plus fin, donc plus léger mais tout aussi solide
Le sac en question était en effet particulièrement luxueux... et semblait néanmoins solide et fonctionnel. Le modèle basique manquait de petites poches pour ranger divers objets, mais il était fait dans un cuir solide. Il y avait trois ou quatre modèles intermédiaires, tous parfaitement solides et aux coutures et finitions soignées.
- Pour les sacoches... j'ai cette petite trousse de secours à cinq pièces d'or, cette sacoche classique à huit pièces d'or, celle-ci en vaut vingt... Les carquois sont dans les mêmes prix, les étuis pour les épées également. Les gilets... celui-ci, le moins cher, vaut dix pièces d'or, celui-là en vaut quinze, ou alors vous avez le modèle d'apparat à quarante pièces d'or... Les bottes, je n'ai guère de modèles féminins je dois le dire... Peut-être celui-ci, il vaut dix-huit pièces d'or...
Il sourit.
- Bref... Vous pouvez avoir un équipement complet pour quarante pièces d'or si vous prenez les modèles de base, sans compter les bottes... Le modèle de luxe ça ira plutôt chercher dans les... cent quarante pièces d'or ! Avec tous les prix intermédiaires...
Sylvia intervint.
- Je n'ai pas besoin d'étui ou de carquois, les miens sont solides. Et mes bottes peuvent durer encore quelques temps... Et en fait, je peux me passer de tout ça... Kasumi, je ne veux pas que tu te ruines à vouloir m'équiper !

[Kasumi]

Kasumi jugea les modèles d'apparat bien trop luxueux pour être tout à fait fonctionnel. Ils devaient être réservés aux quelques enfants de nobles qui ne partaient jamais vraiment à l'aventure mais aimaient à se montrer avec leur matériel devant leurs amis à l'auberge locale. A l'inverse, les modèles de base, quoique de qualité correcte, ne semblaient pas susceptibles de résister longtemps aux conditions extrêmes et il pourrait aisément en trouver d'aussi bonne qualité au cours de leurs voyages voire même au campement. Son examen se porta donc rapidement vers certains des articles de modèle intermédiaires, délaissant les fioritures inutiles pour se concentrer sur la robustesse des coutures et les aspects les plus pratiques comme le nombre de poches et leurs emplacements. Tout en examinant un sac à dos prometteur qui devait valoir dans les vingt-cinq pièces ou trente pièces d'or, il adressa un nouveau sourire à Sylvia :

- Pas de carquois, d'étuis ou de bottes alors, c'est noté ! C'est vrai qu'elles peuvent encore durer un petit moment et l'essentiel est que tu t'y sentes à ton aise. Je ne veux pas me ruiner mais vois ça comme un investissement pour nos futurs voyages ! Je crois que ce sac pourrait faire l'affaire. Enfin, s'il te plait. Et cette sacoche pour les simples et le matériel de soin a l'air tout à fait fonctionnelle aussi. Et une protection serait aussi une bonne idée peut-être.

Il désigna un modèle proche de celle qui leur avait été présentée comme classique, sans doute dans les dix pièces d'or avant que son œil ne se porte sur les gilets de cuir. Tous les modèles semblaient légers et robustes mais présentaient quelques variations dans les matériaux employés. De nombreux modèles semblaient assez proches, dans les vingt cinq pièces d'or sans doute. Il reporta son attention sur le marchand :

- Si nous prenions ce sac et cette sacoche, quel gilet serait accessible pour cinquante pièces d'or au total ?

[Voyageuse]

Le marchand hocha la tête d'un air appréciateur.
- Ce sac est d'excellente qualité, quasiment inusable, vous verrez. Il vaut vingt-huit pièces d'or, et la sacoche en vaut dix. Ce qui vous laisse douze pièces d'or... Mais je peux vous faire une petite ristourne sur le gilet, puisque vous achetez plusieurs articles. Vous pouvez avoir l'un de ceux-ci -il désigna les gilets qu'il avait annoncé comme valant dix et quinze pièces d'or-, ou alors... allez, c'est mon jour de bonté, je peux vous proposer celui-ci, qui vaut normalement dix-huit pièces d'or. Il me semble plus adapté à votre morphologie, mademoiselle...
Il était en outre plutôt joli : le cuir avait été teinté dans une couleur vert assez sombre, parfaitement homogène, et la découpe comportait quelques fioritures qui le destinaient nettement à une femme.

[Kasumi]

Le sac semblait effectivement de première qualité et la sacoche pourrait aisément contenir tout un bric-à-brac qu'il était toujours utile de trouver rapidement sous la main en cas de difficultés. De plus, elle était parfaitement dimensionnée pour éviter qu'elle ne soit trop encombrante. Kasumi hocha la tête en voyant le gilet que le vendeur désignait : là encore un objet de qualité qui protègerait efficacement la rôdeuse et qui plus est serait probablement du plus bel effet sur elle. Il adressa un sourire reconnaissant au marchand avant de se tourner vers sa compagne. Sylvia avait protesté pour qu'il ne se ruine pas aussi chercha-t-il à déterminer si elle jugeait que cet achat était trop conséquent ou si, au contraire, il lui ferait simplement plaisir.

- C'est à toi de voir, Sylvia ! Tu devrais peut-être essayer le gilet pour voir si tu te sens à l'aise avec ? Enfin, si vous l'autorisez...

[Voyageuse]

j'ai édité, désolée

Sylvia rougit, hésitante. Il était visible qu'elle avait très envie de tout cela, pourtant.
Elle finit, devant l'insistance du marchand, par essayer le gilet, qui lui allait effectivement à ravir.
- Ecoute, je veux bien que tu achètes ça mais... Mais il faudra que je trouve un moyen de te rembourser ! Bon, je trouverai, j'ai quelques idées sur la question...
Elle n'en dit pas davantage, mais son expression semblait indiquer qu'elle ne parlait pas forcément d'argent.
Elle garda le gilet sur elle, un peu comme un enfant fier de porter un vêtement tout neuf, et prit le sac et la sacoche avec mille précautions, les examinant sous toutes les coutures tandis que le marchand empochait l'argent de Kasumi..
- Je ne vais jamais oser m'en servir, souffla-t-elle. J'aurai trop peur de les abîmer.

[Kasumi]

Le rôdeur salua courtoisement le marchand pendant que Sylvia examinait leurs acquisitions :

- Je reconnais certains de ces cuirs de qualité. Peut-être serez-vous intéressé si je vous en rapportais en revenant de mes voyages ? J'ai de la famille en ville alors il n'est pas esclu que je repasse parfois...

Sylvia le détourna rapidement de sa conversation par sa remarque d'apparence anodine. Le demi-elfe se sentit rougir et s'éloigna finalement du marchand avant de répondre d'un ton ingénu :

- Ils m'ont l'air robustes alors il ne faudra pas hésiter. Et avoue qu'il serait dommage que tu ne portes pas ce gilet : ce cuir moulant te va à ravir ! On dirait qu'il a été fait tout exprès pour que tu le portes.

[Voyageuse]

Le marchand avait eu l'air vaguement intéressé par ses cuirs, mais ce n'était peut-être qu'un simple intérêt poli. Il eût en revanche la satisfaction de voir Sylvia rougir en entendant sa remarque, ce qui était bien évidemment le but recherché.
- Pfff.... je ne vais plus du tout oser le porter, maintenant !, finit-elle par s'offusquer. Pas en public, du moins !
Et elle fit mine d’ôter le magnifique gilet neuf.

[Kasumi]

Kasumi s'esclaffa et s'empara de la main de Sylvia pour la mener un peu plus loin dans la rue où il y avait un peu moins d'agitation. Il répondit alors en arborant un sourire joyeux :

- Je préfèrerais vraiment que tu le gardes... Enfin, pour le moment : je changerai probablement d'avis quand nous ne serons plus en public, justement ! Ce vert te va joliment au teint. Et il s'accorde avec tes jolis yeux d'autant plus quand tu rougis ainsi.

Son regard brillait de malice mais il ajouta d'un ton un peu moins provocateur :

- Je crois me souvenir que la boutique du pâtissier se trouve dans cette rue, juste là. Je ne sais pas pour toi mais ces emplettes m'ont ouvert l'appétit !

[Voyageuse]

Sylvia lui jeta un regard furibond lorsqu'il évoqua son teint pivoine, mais elle conserva finalement le gilet.
" J'ai faim moi aussi... Voyons donc ces petits gâteaux au miel de ton enfance, alors. Ceux de... l'amant de ta grand-mère, c'est bien ça ? conclut-elle avec un rire joyeux. Vu ta tête, tu ne le savais pas... Elle me plaît bien ta grand-mère, je crois...

La boutique en question était discrète, on ne la repérait pas vraiment si on ne connaissait pas son existence. Mais elle devait effectivement vendre les meilleurs gâteaux au miel de la ville à en juger par le nombre de clients qui se pressaient à l'intérieur. Les quelques tables présentes dans un coin de la salle étaient combles, et les clients se contentaient donc d'emporter leurs achats pour les déguster sur un banc au-dehors. Ou les ramener chez eux.

[Kasumi]

La réplique de Sylvia était de bonne guerre, Kasumi devait en convenir. Et il lui donna la satisfaction de rougir à son tour alors qu'il imaginait le pâtissier dont il se souvenait avec sa grand-mère. Mais il finit par en rire et s'emparer de la main de son amante pour la mener jusqu'à la boutique. La foule qui s'y pressait était rassurante mais ils devraient eux aussi emporter leurs achats pour les déguster au calme. Le demi-elfe avait toujours l'intention d'en offrir un sachet à sa grand-mère et ses yeux pétillèrent de malice quand il demanda à la rôdeuse d'un ton amusé :

- Tu crois qu'on devrait demander une dédicace au pâtissier ? Quand il saura à qui est destiné les gâteaux, peut-être nous consentira-t-il une petite remise !

Il n'était pas franchement sérieux, c'était une évidence avant même qu'il ne lui adresse un clin d'œil.

[Voyageuse]

Il n'eût pas à préciser à qui étaient destinés les gâteaux. Lorsqu'il le vit entrer, le pâtissier s'avança vers lui en souriant. C'était un elfe âgé, probablement de l'âge de sa grand-mère en effet. Et les deux femmes qui servaient les clients voisins lui ressemblaient suffisamment pour être, selon toute probabilité, ses filles.
- Mais c'est le fils d'Elryndel, si je ne m'abuse. Le petit-fils d'Elvylith, donc... Il y a quelques années que je ne t'ai pas vu, garnement. Mais c'est vrai que tu es devenu adulte, en fait, maintenant. Je devrais peut-être te vouvoyer ? Comment va ta grand-mère, dis-moi ? Ça fait au moins... six mois qu'elle n'est pas venue à la boutique ! Je n'aurais jamais dû lui confier ma recette, je crois...

[Kasumi]

Kasumi était surpris que l'elfe le reconnaisse après tout ce temps mais, après tout, qu'étaient quelques années pour une race aussi vénérable ? Et le pâtissier semblait encore très proche de sa famille. Le rôdeur lui dédia un sourire et répliqua d'un ton naturel comme s'ils s'étaient encore parlé la veille :

- Vous savez comment sont les enfants à grandir si vite ! Hors de question que vous vous mettiez à me vouvoyer, ça me ferait trop drôle. Et désolé de ne pas être passé plus tôt mais je viens juste d'arriver en ville. Quant à ma grand-mère, elle se porte très bien et pense à vous aussi. C'est elle qui m'a rappelé à votre bon souvenir, en fait. J'imagine que c'est parce que vos gâteaux au miel sont toujours aussi succulents ? Je souhaiterais vous en prendre deux sachets. Un pour Elvylith et un pour ma compagne et moi-même.

[Voyageuse]

Il lui sembla que les deux sachets tendus par le pâtissiers étaient davantage pleins que ceux des autres clients, mais peut-être n'était-ce qu'une illusion.
- Passe le bonjour à ta grand-mère, petit... Heu, pardon, tu n'es plus un enfant. Mais je suis heureux de te revoir. Et je vous présente mes compliments, jeune damoiselle. Je vous souhaite à tous les deux un bon séjour dans notre cité enchanteresse... N'hésitez pas à revenir à ma boutique, surtout !
Déjà, de nouveaux clients accaparaient son attention, et il s'esquiva avec une grimace.

[Kasumi]

Kasumi régla l'achat, salua le pâtissier en rétorquant qu'il ne manquerait pas de passer le message et entraîna sa compagne hors de la boutique. Une fois dehors, il ne put retenir plus longtemps un éclat de rire joyeux.

- Je suis certain que grand-mère sera contente ! Mais si nous allions plutôt goûter à ces gâteaux au miel, jeune demoiselle ? Je connais un petit square tranquille non loin d'ici et sur le chemin de la caserne. Et il doit bien nous rester une demi-heure sinon davantage.

[Voyageuse]

Le petit square tranquille des souvenirs du rôdeur s'avéra être devenu le rendez-vous de tous les bambins de la ville et de leurs mères, depuis qu'on y avait aménagé une foultitude de petits jeux en bois pour leur usage. Il était donc, en ce milieu de matinée, envahi par quelques dizaines de tout jeunes elfes tandis que les bancs étaient occupés par leurs mères ou grand-mères. Kasumi repéra même, à son grand étonnement, deux jeunes demi-elfes, avec leur mère, sans doute, une jeune elfe qui paraissait avoir l'équivalent d'une vingtaine d'années humaines. Peut-être leur père, humain, résidait-il en ville. Ou peut-être que non...
Toujours est-il que ça n'était pas l'endroit idéal pour un rendez-vous de jeunes amoureux. Mais les larges avenues qui menaient à la caserne, bordées d'arbres, comptaient nombre de bancs s'offrant aux citoyens désireux de se reposer un moment, et ils n'auraient aucun mal à trouver un endroit un peu plus calme.

[Kasumi]

Kasumi fut surpris de trouver le petit square aussi animé et demeura quelques instants à ses portes. Il jeta un regard attendri aux petits bambins s'égayant en poussant des cris joyeux mais stridents sous le regard protecteurs de leurs mères. Se rendant compte qu'il était resté silencieux un peu trop longtemps, il adressa un sourire timide à Sylvia et se mit même à rougir avant de lui proposer gentiment de poursuivre leur chemin.

- Il y a des bancs un peu plus loin dans l'avenue. Enfin, s'ils ne sont pas envahis par une cohorte de grand-mères fringantes appréciant elles aussi les talents cachés du pâtissier le plus célèbre d'Everaska !

[Voyageuse]

Sylvia, après un bref instant d'hésitation où elle dévisagea son compagnon en cherchant à évaluer ce qu'il voulait réellement dire, partit d'un rire cristallin.
- Tu es en train d'insinuer que ses deux filles, qui servaient avec lui, ne sont peut-être pas de la même mère ? Tu as raison, elles ne se ressemblent pas tant que ça. Il y en a même une qui ressemble un peu à ta tante, ajouta-t-elle ingénument, avant de rire de plus belle. Mais non, c'est juste que pour moi qui suis humaine, tous les elfes de lune semblent avoir un lien de parenté ! Enfin... Tous sauf toi, tout de même, conclut-elle en déposant un léger baiser sur ses lèvres.
S'éloignant du marché, ils abordaient un quartier calme, bien moins fréquenté, et Sylvia l'entraîna doucement par la main vers un banc un peu en retrait, à demi caché par un bouquet de noisetiers - qui, compte tenu de la saison, leur offraient en prime ses fruits craquants.

[Kasumi]

Kasumi répliqua d'un ton grave après que Sylvia l'ait mené jusqu'à un coin tranquille où s'asseoir :

- Par Mielikki non ! Es-tu en train d'insinuer qu'il pourrait aussi y avoir d'autres Tilmandil cachés près d'ici ? Ce serait assurément terrible ! Terriblement drôle certes mais terrible tout de même !

Puis il rit à nouveau, signe qu'il n'était pas sérieux le moins du monde et dénoua enfin le cordon fermant l'un des deux sachets. Il le présenta à sa compagne avec un sourire tout en profitant de leur proximité pour passer un bras derrière ses épaules. L'odeur des gâteaux encore chauds lui interdit de résister longtemps à la tentation d'en goûter à son tour.

[Voyageuse]

Les gâteaux étaient délicieux. Meilleurs encore que dans son souvenir. Peut-être que le pâtissier avait amélioré sa recette au fil des ans, ou peut-être que le fait de retrouver une saveur de son enfance la magnifiait. Toujours est-il que Sylvia s'extasia elle aussi sur les gâteaux, affirmant n'en avoir jamais mangé d'aussi bons. Ce qui, compte tenu de ses talents culinaires et des étranges concoctions qu'elle faisait parfois, était certainement vrai, d'autant qu'elle n'avais pas quitté une seule fois la forêt depuis l'âge de dix ans, pour autant que Kasumi se souvienne.
Personne ne faisait attention à eux ou ne s'offusquait de les voir tendrement enlacés sur un banc. Celui-ci était en fait suffisamment à l'écart pour qu'ils y soient parfaitement tranquilles, et ils purent s'échanger autant de baisers au miel qu'ils le souhaitaient, ce qui en faisait tout de même un certain nombre... Mais l'heure du rendez-vous approchant, il leur fallut bien se mettre en marche.

La grand-mère de Kasumi était déjà là, devant la porte, parlementant avec le garde en guettant avec impatience leur arrivée. Riniel était là elle aussi, et elle entraîna Sylvia vers une petite taverne tout proche, où elles pourraient siroter un thé en attendant le résultat de leur entrevue. Tilmandil les rejoignit au même moment, arrivant de la direction opposée.
On les conduisit à une petite salle d'attente, située à l'étage.
- Le commandant Uriol va vous recevoir dans quelques minutes.
Uriol... Le nom disait vaguement quelque chose à Kasumi. Il lui fallut quelques instants, fouillant se mémoire, pour se souvenir que le garde avec lequel il avait eu une légère altercation, quelques jours plus tôt, avait dit se nommer Calàndel, fils d'Uriol.

[Kasumi]

Kasumi fut soulagé de découvrir que Riniel n'avait pas manqué le rendez-vous et se faisait apparemment une joie de passer un petit moment avec Sylvia. Le rôdeur adressa un sourire rassurant à cette dernière avant de porter son attention sur sa grand-mère. L'arrivée de Tilmandil lui signala qu'il n'était pas en retard même s'il s'en était probablement fallu de peu. Qu'à cela ne tienne, les baisers sucrés qu'il avait échangé avec Sylvia valait largement cette menue angoisse.

C'était sans compter toutefois sur la mauvaise surprise qui les attendait quand le rôdeur fit le rapprochement entre le nom du commandant et le père de l'abruti qui l'avait ennuyé à la frontière. Il ne pouvait espérer que deux choses : d'une part que le père ne partage pas certaines visions du fils sur son statut d'étranger et d'autres part que l'altercation en question soit restée secrète ou n'affecte pas la décision que le commandant pourrait prendre au sujet de leur requête. Le rôdeur adressa tout de même un regard nerveux à Tilmandil puis à leur aînée.

[Voyageuse]

Ni Tilmandil, ni sa grand-mère ne pouvaient savoir ce qui tracassait le rôdeur. Mais il n'eût pas le temps de se faire indéfiniment du mauvais sang : déjà, on les introduisait dans le bureau voisin, où se trouvait un elfe aux cheveux légèrement grisonnants, simplement vêtu de cuir comme les gardes sous ses ordres, qui se leva à leur entrée. Il ressemblait comme deux gouttes d'eau à son fils... Et le regard peu amène qu'il jeta à Kasumi confirma que cette impression, hélas, ne se limitait peut-être pas qu'à l’apparence physique.

Il les salua cependant d'un signe de tête bref et les invita à s'asseoir sur trois chaises confortables, face à son bureau.
- Je suis le commandant Uriol. Et sauf erreur de la part de mes subordonnés, vous êtes Elvilith, Tilmandil et... Kasumi.
L'aieule confirma d'un hochement de tête.
- Vous avez demandé à me rencontrer, d'urgence, mais sans préciser l'objet de votre visite... Il va de soi que si vous n'étiez pas membre d'une des familles les plus influentes de la ville, vous auriez pu attendre cet entretien un certain temps.
- Cela va de soi, répondit paisiblement la grand-mère. Mais il se trouve qu'il y a urgence, justement.
- Urgence pour quoi ? Ou pour qui ?
- Urgence pour sauver la vie de mon fils, répondit-elle, toujours aussi paisiblement. Elryndel.
- J'ai entendu parler du mal qui le frappe, en effet. Mais je vois mal en quoi la garde ailée peut vous être utile.
La grand-mère parut hésiter, quêtant du regard le soutien de ses petit-fils, et ce fut Tilmandil qui, le premier, poursuivit.
- Nous avons tout lieu de songer que notre père a été victime d'une malédiction. Nous savons également qui l'a probablement lancée. Et pour le soigner, il faut donc que nous rattrapions cette personne.
- Quel rapport avec mes hommes ?
- Cette malédiction a été lancée par un shaman asabi, poursuivit calmement le barde, ignorant la question. Un ennemi de notre famille. Pour le retrouver, nous devons explorer le désert d'Anauroch. Et pour cela, nous aurions besoin... d'un moyen de déplacement efficace...
Le commandant ne fut pas long à comprendre de quoi il s'agissait, à en juger par la couleur écarlate que prit alors son visage.
- Vous rendez-vous compte... de ce que vous demandez ? Comment pouvez-vous imaginer un seul instant que ça soit possible ? Non seulement nos aigles sont notre propriété et nos montures, mais ils sont liés à ceux qui les montent ! A moins que vous ne croyiez possible d'employer pour votre propre compte les gardes d'élite de la cité ?gronda-t-il.
Tilmandil se tourna en grimaçant vers Kasumi.

[Kasumi]

Kasumi avait préféré laisser ses parents elfes intervenir quand il avait perçu l’hostilité à peine dissimulée qu’entretenait le commandant à son égard. Peut-être n’était-ce même pas dû à l’incident du poste de garde mais juste à sa nature impure… Toutefois, il savait aussi bien que l’officier qui avait besoin de l’assistance de qui dans cette affaire et ce n’était donc certainement pas le meilleur moment pour se formaliser de son attitude exécrable. Quand Tilmandil tourna un regard vers lui, il sut néanmoins que garder le silence ne serait pas la bonne solution. Il chercha ses mots avec soin et tenta d’imiter le ton calme de sa grand-mère :


- Commandant Uriol, je suis bien conscient que ce que nous sollicitons est inhabituel et difficile. Je suis moi-même rôdeur et lié à un animal et je comprends donc que ce lien est sacré. Cependant notre besoin est grand : si mon père venait à mourir, nos ennemis pourraient se targuer d’avoir porté un coup à la noblesse Everaskane. Cela ne créerait-il pas un précédent fâcheux alors que votre escouade a toujours réussi à garantir la sécurité des citoyens et des ressortissants elfes ? Peut-être est-il possible d’arriver à un compromis acceptable par tous : vos aigles peuvent-ils emmener plus d’un passager ? Certains de vos maîtres guetteurs peuvent-ils nous aider à repérer l’asabi que nous cherchons dans le cas contraire ? C’est plus des yeux de vos aigles et de leurs maîtres que d’un moyen de transport dont nous aurions besoin en réalité.

[Voyageuse]

Le commandant lui jeta un regard de glace.
- Non. Non, nos aigles ne peuvent pas emmener plus d'un homme, et non, nos guetteurs ne peuvent pas aller sillonner le désert. Cela prendrait des jours et ce n'est pas leur rôle. Ils sont là pour garder les frontières et surveiller tout ce qui se passe dans notre territoire. Pas pour aller vadrouiller en territoire ennemi. De surcroît, la présence de gardes de notre cité au-dessus de leur territoire serait interprété comme le signe d'intentions hostiles à leur encontre.
- Peut-être que si les gardes portaient des vêtements civils, on éviterait cet écueil ?
- Les gardes d'élites n'ont pas à se faire passer pour autre que ce qu'ils sont. Et de toute façon ce genre de mission de reconnaissance n'est pas dans leurs attributions. Du reste, tous les asabis se ressemblent, vus du ciel. Ils ne sauraient pas qui chercher.
Il se tourna vers la grand-mère.
- Je suis désolé de ne pouvoir vous aider davantage...

[Kasumi]

Kasumi s’était plus ou moins attendu à cette réponse et l’avait même en partie provoquée dans le but d’enchaîner sur une autre proposition qui paraitrait plus raisonnable par contraste :

- Nous comprenons que la garde ne puisse faillir à son devoir de protection des frontières… Mais peut-être n’est-il pas besoin de mobiliser des gardes en service actif.

Il marqua une courte pause avant d’enchaîner d’un ton songeur :

- Et Eärundra saurait sans doute repérer facilement l’asabi en question… N’auriez-vous pas un aigle ne s’étant pas encore lié à un cavalier ? Elle n’en aurait pas pour plus de quelques jours : elle saurait restreindre les recherches à quelques endroits seulement.

[Voyageuse]

L'officier poussa un soupir exaspéré. Kasumi nota que la mention du nom d'Eärundra avait fait luire une lueur... de colère? dans son regard.
- Nous avons des aigles non encore liés, oui, bien sûr. Mais ils sont déjà montés par ceux qui deviendront leurs liés, et nous préférons qu'ils ne soient montés que par eux, pour qu'ils s'habituent l'un à l'autre et créent peu à peu le lien...
Il planta son regard dans celui de Kasumi.
- Et il est hors de question, en particulier, qu'ils soient montés par cette... druidesse. Les dieux seuls savent quelles idées elle pourrait leur mettre en tête.