[Everaska] Quête: Racines

[Kasumi]

Parfaitement détendu et propre malgré tout, le rôdeur mena sa compagne vers la salle à manger après avoir fait un détour par la chambre pour revêtir le reste de ses affaires. L'expression de Tilmandil laissait craindre un interrogatoire en bonne forme ou une kyrielles d'insinuations gênantes, le demi-elfe se concentra sur le reste de sa famille, prenant le temps de faire le tour de la table pour les saluer en dispensant un baiser sur la joue de chacun. A peine eut-il jeté un regard au repas qui les attendait qu'il se rendit compte qu'il mourrait de faim. Ils avaient bien mangé la veille au soir mais repas paraissait déjà bien loin surtout après s'être considérablement dépensés et un bon bain.

[Voyageuse]

Nul ne fit le moindre commentaire, Tilmandil se contentant de regards appuyés et vaguement moqueurs... à moins que ce ne soit qu'une illusion.
Le repas se déroula dans une atmosphère détendue. Les plats servis étaient aussi délicieux que ceux de la veille, et Sylvia, tout aussi affamée que lui, semblait s'en délecter. Les femmes parlèrent cuisine pendant un moment, la rôdeuse étant avide de deviner ce qu'il y avait dans ces recettes inconnues d'elle-même, et la grand-mère, apparemment, heureuse de partager son savoir.
Nul ne semblait vouloir faire allusion à leur rendez-vous avec le commandant de la garde ailée. Et Galawen, quant à elle, ne mentionnait pas non plus ses éventuelles démarches auprès des mages. Kasumi la devinait légèrement tendue, peut-être parce qu'elle ne savait pas comment aborder ce sujet sérieux et polémique en présence de la grand-mère...

[Kasumi]

Le demi-elfe se délectait du repas sans prêter une grande attention aux conversations ni faire d'effort particulier pour en lancer de sérieuses. Il avait noté l'expression de la compagne de son père et se doutait de son objet mais il jugeait aussi plus sage de remettre à plus tard une discussion au sujet des mages. Il ne devrait pas être trop difficile de parler à Galawen en aparté entre la fin du repas et le moment de partir à leur rendez-vous en ville. Songer à cette perspective assombrit un peu son humeur tant il était partagé entre l'espoir que le plan fonctionne pour aider au plus vite son père et le désir secret qu'il leur faille trouver un moyen qui n'empêcherait pas Sylvia de le suivre à la recherche de l'asabi.

[Voyageuse]

Comme il l'espérait, la grand-mère se leva à la fin du repas, annonçant qu'elle allait se préparer et qu'ils devraient se mettre en route dans quelques minutes s'ils ne voulaient pas être en retard à leur rendez-vous. Kasumi devinait Sylvia un peu tendue, et Riniel lui sourit avec douceur.
- Je propose que nous attendions sagement ici, fit-elle. Je vais vous faire visiter entièrement la maison et tous ses trésors, pour commencer. Je suis sûre que Kasumi n'a pas pris le temps de le faire...
- Oh, il était bien trop occupé à autre chose, intervint Tilmandil d'un air narquois.
Sylvia lui lança un regard de glace.
- Oui, vous avez raison, il vaut mieux que nous restions là, répondit-elle à Riniel. Avec un sourire qui, Kasumi le remarqua immédiatement, n'atteignait pas ses yeux. Elle savait très bien que cet entretien avec le commandant de la garde ailée pouvait conduire à une séparation d'une durée indéterminée...
Galawen terminait son thé, songeuse.

[Kasumi]

Kasumi avait dédié un sourire reconnaissant et bienveillant à sa tante pour son initiative. Visiblement, l'artiste prenait très à cœur de s'occuper de Sylvia. Peut-être devinait-elle, sous ses dehors un peu fantasques, que la rôdeuse avait besoin d'un appui, d'une amie peut-être si ses craintes venaient à se concrétiser. Il était désolé de la forcer dans une situation où elle en aurait besoin. A cause de son absence et des risques qu'il allait devoir prendre. A Tilmandil, il se contenta de dédier un regard noir et un froncement de sourcils même si le barde ne pensait sans doute pas à mal et cherchait lui aussi à détendre l'atmosphère à sa manière un peu directe.

Il attendit que sa grand-mère soit sortie pour tourner enfin son attention vers Galawen :

- Galawen, avez-vous pu réfléchir à ce dont nous avions discuté hier ? Bien sûr, cela n'est pas pressé et il faut d'abord connaître la réponse du commandant mais je serais plus apaisé de savoir que nous avons peut-être d'autres options...

[Voyageuse]

Galawen hocha la tête.
- J'ai fait un petit tour chez mes collègues spécialisés en divination... Ils estiment que le cas est complexe.
Elle soupira.
- Nous n'avons pas avec certitude le nom de l'asabi, ni même la certitude que c'est bien lui qui a lancé la malédiction. Toutes les informations dont nous disposons sur lui sont relativement peu fiables, même sa description physique. Ils pourraient les vérifier, par leurs pouvoirs, c'est ce qu'ils nous conseillent. Mais chaque question posée coûte un bras... Et si on pose directement la question de savoir où se trouve cet asabi, en se contentant de nos informations parcellaires, on risque de ne pas avoir de réponse fiable...

[Kasumi]

Les nouvelles apportées par Galawen n'étaient pas encourageantes mais ce n'était pas une surprise non plus. Le rôdeur fit la moue : il était hors de question de poser des questions en pure perte en tout cas pas tant qu'il existait des solutions plus fiables d'obtenir ces informations. Toutefois, il sentait bien que la mage avait besoin de soutien et que ce n'était pas auprès de sa belle-mère qu'elle en trouverait. Il n'abandonnerait donc pas pour autant cette piste et cette occasion pour la compagne de son père de se sentir utile à sa guérison :

- Peut-être serait-il plus facile de retrouver le contact d'Eärundra si on parvient à la convaincre de donner des informations précises à l'un de vos collègues. Mais nous ne pourrons le faire que si le commandant de la garde nous refuse ce que nous lui avons demandé.

[Voyageuse]

Galawen opina de la tête.
- Alors attendons le résultat de votre entrevue de tout à l'heure...
Elle hésita un instant, et poursuivit.
- Je pourrais entrer magiquement en contact avec Eärundra pour lui demander des informations... Mais je ne crois pas être la mieux placée pour cela. Surtout que le sortilège ne nous donne que trente mots chacune pour nous exprimer, ça risque d'être trop peu...
Elle secoua la tête.
- Mais inutile de tirer des plans sur la comète. nous en reparlerons tout à l'heure...

[Kasumi]

Kasumi lui adressa un sourire encourageant avant de répondre d'un ton sincère :

- Je pense aussi que nous en saurons plus tout à l'heure pour aider Elryndel. Je suis certain que vous nous aiderez beaucoup quelle que soit la méthode que nous emploierons. Si on devait utiliser les aigles, votre capacité à communiquer à distance serait tout aussi primordiale que vos contacts à l'école des mages.

Puis, sentant venir l'heure du départ, il se tourna vers Sylvia et reprit d'un ton songeur :

- Je ne pense pas en avoir pour longtemps...

Emu malgré lui, il l'enlaça avec tendresse sans vraiment se soucier des elfes encore présents.

[Voyageuse]

Sylvia se serra fort contre lui. Un peu impressionnée, peut-être, de rester seule dans une maison dont elle ne connaissait pas vraiment les habitants, même si Riniel semblait vouloir la prendre sous son aile.
La grand-mère reparut à cet instant, vêtue de pied en cap, armée de sa canne... qui semblait vraiment être là davantage pour le décorum qu'avoir une réelle utilité. Ou comme arme peut-être, après tout ?
Tilmandil récupéra son manteau laissé dans le hall, tout comme celui de Kasumi.
- Allons-y... Et haut les coeurs ! lança-t-il gaiement. Ce qui obligea de fait Sylvia à lâcher enfin sa prise sur Kasumi, avec un soupir.
- Revenez-nous vite !
La grand-mère prit la tête, peu désireuse de perdre du temps en adieux, et se dirigea vers la porte.

[Kasumi]

Kasumi déposa un baiser sur le front de Sylvia quand il fut vraiment temps de se séparer. Il lui adressa un sourire un peu triste avant de rejoindre son demi-frère et sa grand-mère qui avait déjà pris de l'avance, confirmant que sa canne n'était en rien une nécessité. Arrivant à la hauteur de Tilmandil, il tendit la main pour récupérer son manteau et osa le regarder dans les yeux, s'attendant à y trouver une expression un brin moqueuse.

[Voyageuse]

Tilmandil semblait, en bon comédien, bien maîtriser les expressions de son visage : celle-ci était parfaitement neutre... Ou alors il avait déjà l'esprit tourné vers la confrontation à venir, peut-être.
- Je me suis un peu renseigné sur ce commandant Uriol, souffla-t-il à Kasumi une fois dehors. Lui et sa famille sont connus pour leur... hum... leur fierté exacerbé concernant leur race, et leur intolérance vis-à-vis des demi-elfes.
Il grimaça.
- Ça n'aide pas, bien sûr, dans notre cas... En outre, il semble avoir un contentieux particulier avec Eärundra si j'ai bien compris. Bref, on n'a pas de chance d'être tombés sur lui...
La grand-mère avait ralenti, suffisamment pour entendre la fin de la discussion.
- Je confirme, pour le passif avec Eärundra et sa mère, fit-elle avec un hochement de tête. Cela dit, je ne suis pas restée inactive de mon côté. Je suis allée discuter directement avec le soigneur des aigles...

[Kasumi]

Kasumi tiqua à la mention de la haine des demi-elfes et du contentieux avec la druidesse. Il se demanda du coup si sa présence à la convocation avait été une bonne idée. Mais peut-être cela ne changeait-il rien : le commandant était certainement bien placé pour savoir qui était le plus à même de monter les aigles dans la famille. Chercher à le lui cacher n'aurait sans doute servi qu'à lui fournir un prétexte de refuser. L'intervention de sa grand-mère le fit rougir de confusion alors qu'il se rendait compte qu'il avait occupé son temps en ville bien moins utilement que ses parents.

- Qu'as-tu appris ? Y aurait-il des aigles susceptibles de convenir à nos projets ? Et qu'a fait Eärundra ou sa mère pour lui déplaire ? Cela n'a rien à voir avec le fait qu'elle soit la fille d'un demi-elfe, quand même ?

Quand à savoir si connaître cette réponse allait les aider à convaincre le commandant s'il en avait décidé autrement, c'était là une toute autre histoire.

[Voyageuse]

- Non, ça n'a rien à voir... Je ne pense pas qu'il le sache d'ailleurs. Mais Eärundra a fait quelques incartades de jeunesse, il y a quelques décennies déjà. Elle s'est mise en tête d'apprivoiser un de leurs aigles, à qui elle a fini par rendre sa liberté. Elle s'est aussi amusée à survoler la ville sur son dos, un peu par défi je pense... Ça n'a pas plu du tout au commandant, c'est le moins qu'on puisse dire. Et comme Melith, sa mère l'a soutenue... mais en fait il y avait déjà un vieux contentieux avec sa mère...
La grand-mère sourit.
- Enfin, ce sont de vieilles histoires qui ne devraient pas interférer... mais qui expliquent qu'il ne fasse aucune confiance à Eärundra. Il vaut mieux ne pas trop faire allusion à sa présence, je pense. Quant aux aigle... Je n'ai pas appris grand-chose de plus que ce que nous avait laissé entendre le commandant. Si j'ai bien compris, il y a un aigle relativement âgé, plus ou moins mis à la retraite, dont le lié est décédé. Il y a aussi quelques jeunes aigles sans liés... mais qui ne volent qu'avec la personne avec qui ils devront construire le lien.

[Kasumi]

Ne pas parler d'Eärundra pour éviter de faire subir un affront au commandant paraissait effectivement s'imposer. Même si l'officier savait déjà quelle était leur intention et que cela pouvait tout aussi bien passer pour une manœuvre un peu hypocrite. Décidément le rôdeur doutait de parvenir un jour à arriver à la cheville de son père pour ce qui était de mener ce type de négociations subtiles et de ménager toutes les subtilités de chaque partie. Il déplorait d'autant plus que la malédiction et le renoncement l'aient trop affaibli pour mener la négociation en son nom propre. Dans une telle situation, seul son génie semblait pouvoir les mener vers l'accomplissement de leur objectif tant la tâche semblait insurmontable : un seul aigle répondait aux critères fixés par l'elfe et il était peu probable qu'il leur concède si Eärundra devait partir seule, hors de contrôle. C'est donc la mine un peu maussade qu'il suivit son aïeule quand elle pressa à nouveau le pas. Il n'aurait plus manqué qu'ils arrivent en retard pour ruiner leurs dernières chances.

[Voyageuse]

Ils étaient attendus, apparemment : on ne les fit patienter que quelques minutes dans la petite salle d'attente.
Le commandant les reçut dans le même bureau que la veille, avec la même mine ennuyée vaguement teintée d'impatience de celui qui a plus important à faire.
Ce fut Tilmandil qui prit la parole, cette fois-ci.
- Salutations, commandant. Nous savons que votre temps est précieux, aussi vaut-il mieux aller droit au but... Avez-vous eu l'opportunité discuter avec votre soigneur au sujet d'un éventuel prêt d'aigle ?
- Oui, je l'ai vu. Il me dit qu'il y aurait peut-être un aigle susceptible de convenir... Mais il n'empêche que ce genre de prêt n'est absolument pas dans les habitudes de la garde ailée...

[Kasumi]

Kasumi sentit aussitôt qu'ils furent accueillis dans le bureau que le commandant ne leur manifestait pas une franche cordialité, bien au contraire. Il y avait fort à parier qu'il n'était pas satisfait qu'un aigle soit susceptible de convenir et que cela puisse être assimilé à un précédent fâcheux nuisible à l'aura de sa troupe d'élite. En ajoutant à cela ses opinions défavorables envers les futurs cavaliers potentiels, le débat promettait d'être rude. Le demi-elfe se sentit donc en devoir de venir appuyer son demi-frère :

- Il est évident que ce genre de faveur serait tout à fait exceptionnel et que vous pourrez compter sur notre discrétion si tel est votre souhait. Mais les circonstances le sont également sinon vous n'auriez certainement pas consenti à nous accorder cet entretien en personne. Mais je note que vous n'avez pas dit non. Devons-nous comprendre que le prêt est tout de même envisageable ? Sous conditions peut-être ?

Un seul aigle... Cela signifiait aussi que le plan de la druidesse ne pourrait pas fonctionner comme elle l'avait prévu. Qu'il faudrait s'en remettre à elle seule ou, au contraire, trouver lui-même un moyen de contrôler la monture.

[Voyageuse]

Le commandant parut hésiter, et répondit sans grand enthousiasme.
- Le soigneur ne semble pas opposé à ce genre de prêt, à ma grande surprise. Mais effectivement... Il faut que je sois certain que cela ne s'ébruitera jamais. Ce serait un précédent tout à fait fâcheux...
Il soupira.
- Et il y a une première condition non négociable : que vous laissiez une caution d'une valeur de cinq mille pièces d'or que nous vous restituerons lorsque l'aigle sera de retour sain et sauf à la volerie.
- Cela va de soi, répondit calmement la grand-mère.
- Le prêt de l'aigle en lui-même vous coûtera cinquante pièces d'or par jour... et vous devez l'avoir rapporté dans une veille au maximum.
La grand-mère hocha à nouveau la tête.
- Et avant de donner mon accord... Je veux savoir qui prendra soin de l'aigle et qui le montera.

[Kasumi]

Les conditions étaient tout à fait raisonnables bien sûr. Du reste, il n'y avait aucune raison d'ergoter et sa famille pourrait sans doute prendre ces frais en charge. Tant qu'ils n'avaient pas à perdre le dépôt que le commandant exigeait en garantie du moins. Non, le fond du problème était ailleurs et l'elfe avait su mettre le doigt dessus, démontrant une fois de plus qu'il n'était pas né de la dernière pluie. Le délai d'une veille était raisonnable mais il allait falloir espérer éviter d'avoir à suivre un jeu de piste au travers de tout l'Anauroch... Le principal écueil était que le commandant exigeait de savoir qui monterait l'aigle et il se doutait que le nom d'Eärundra provoquerait un refus catégorique. Apprivoiser une telle monture nécessitait certainement une affinité avec la nature ce qui ne laissait plus qu'un choix possible... La mort dans l'âme et sans aucun enthousiasme, il déclara :

- Si vous n'y voyez pas d'objection... ce sera moi.

[Voyageuse]

Le commandant resta quelques instants silencieux, le jaugeant du regard. Avec une once de mépris dans les yeux, peut-être, à moins que ce ne soit un effet de son imagination.
Il finit cependant par acquiescer d'un très léger signe de la tête.
- D'accord. Mais vous avez de la chance que Esnaël, le soigneur, ait parlé en votre faveur ce matin, ajouta-t-il en se tournant vers la grand-mère. Laquelle prit un air parfaitement innocent.

[Kasumi]

Kasumi n’avait pas cherché à se dérober au regard inquisiteur, peut-être par défi envers ses opinions racistes, peut-être simplement pour ne pas apparaître comme fuyant ou lâche. Il s’autorisa tout de même un sourire qui eut tout de même bien du mal à atteindre ses yeux quand il fut acté qu’ils avaient obtenu l’accord du commandant. Il demanda d’un ton parfaitement poli et égal :

- Me sera-t-il possible de faire la connaissance de votre aigle avant de l’emprunter ? Et quand accepterez-vous de le rendre disponible ? Je pense que je ne serai pas prêt avant demain pour entreprendre le voyage… Il me faut encore réunir certaines informations.

Auprès d’Eärundra pour la plupart d’entre elles mais mieux valait ne pas le préciser en présence du commandant qui n’avait du reste nul besoin de le savoir.

[Voyageuse]

- Vous pouvez aller le voir à la volerie cet après-midi, si vous le souhaitez. C'est en-dehors de la ville... mais dame Elvylith le sait très bien, ajouta-t-il avec un bref signe de tête à destination de la grand-mère.
- Et vous pouvez l'emprunter demain si vous le souhaitez, en vous rendant à la volerie. Et en laissant une caution en dépôt. Quoique... je préférerais que personne ne voie un civil enfourcher l'une de nos montures célestes. Il vaudrait mieux, je pense, que nous vous l'apportions à un endroit moins fréquenté. Un peu au-delà des frontières, par exemple...

[Kasumi]

Le rôdeur devait concéder cette dernière condition au commandant : elle n'avait rien de déraisonnable et s'envoler un peu plus loin à l'extérieur de la ville ne ferait que rallonger un tout petit peu le trajet.

- Nous déterminerons avec le soigneur le meilleur emplacement pour le lieu du rendez-vous. Je vous remercie pour votre aide inestimable, commandant.

Il était également soulagé que la volière soit hors de la ville et qu'on l'autorise à s'y rendre avant d'avoir à prendre son envol : il n'avait jamais connu ce genre d'expérience, de près ou de loin, et ça l'inquiétait de la tenter seul. Au moins pourrait-il peut-être recevoir quelques conseils des soigneurs voire bénéficier de ceux d'Eärundra quand il irait la voir pour lui annoncer la tournure des événements et en apprendre plus sur ceux qu'il devrait rechercher seul dans l'immensité désertique. La druidesse ne serait certainement pas contente, peut-être même furieuse. Mais il y avait une personne qui le serait encore moins et dont il redoutait bien plus la réaction...

[Voyageuse]

Le commandant les salua d'un bref signe de tête, l'oeil sévère.
- Nous vous remercions infiniment pour votre aide, fit Tilmandil en écho à la phrase de son demi-frère, avant que tous ne quittent le bureau.
Ils se retrouvèrent bientôt au-dehors, sous un crachin imprévu qui les obligea à s'abriter de leurs capuches. La pluie ne durerait pas, heureusement, à en juger par le petit bout de ciel bleu qu'ils apercevaient déjà.
- La volerie se trouve à la sortie est de la ville. Ça fait une petite trotte, d'ici... Voulez-vous y aller tout de suite ? Ou est-ce que tu veux passer d'abord à la maison rejoindre ta belle ? Ce n'est pas tout à fait la même direction, mais on peut prendre le temps... Et en profiter pour se prendre des montures peut-être, pour aller jusque là-bas. Cela dit, à pied c'est pas si loin non plus...

[Kasumi]

Kasumi était indécis. D'un côté il était tentant d'en apprendre le plus possible avant de rentrer l'expliquer à Sylvia mais il se rendit compte qu'il n'envisageait cette solution que pour repousser le moment de lui faire part de la mauvaise nouvelle. Autant pour la protéger que par crainte de sa réaction. C'était indigne d'elle à bien y penser et mieux valait percer l'abcès au plus tôt et profiter de leurs derniers moments ensemble avant longtemps que rentrer sur le tard et la mettre devant le fait accompli.

- Je préfère que nous rentrions. Sylvia sera curieuse de voir ces aigles. Je ne crois pas qu'elle prendra bien cette nouvelle mais si ça peut lui mettre un peu de baume au cœur de nous accompagner, je préfère lui laisser le choix.

[Voyageuse]

- Et bien dans ce cas, rentrons, fit la grand-mère en haussant les épaules avec fatalisme... et un rien d'amusement.

Sylvia et Riniel les attendaient dans le petit salon de la maison paternelle. L'artiste avait sorti une toile, de la peinture, et semblait s'être mis en tête de faire le portrait de la rôdeuse, laquelle posait avec sa toute nouvelle tenue de cuir, son arc et son carquois. Mais nul ne put voir les premières esquisses : Riniel escamota la toile aussitôt qu'ils entrèrent dans la pièce, tandis que Sylvia déposait, en s'efforçant de prendre l'air le plus innocent possible, ses armes dans un coin de la pièce.
- Alors ? questionna-t-elle en se tournant vers Kasumi.

[Kasumi]

Kasumi était resté silencieux tout au long du trajet, tournant et retournant les mots qu'il avait l'intention de prononcer. Quoique puisse en dire Sylvia, il était loin d'avoir le talent de son demi-frère pour ce genre de déclarations difficiles. Tout à ses réflexions, il arborait une mine maussade en entrant dans le salon où les deux femmes avaient pris quartier. Surprendre ce qu'elles étaient en train de faire suffit toutefois à lui rendre un sourire attendri. Sylvia s'était mise en valeur pour figurer sous les coups de pinceau de sa tante et elle avait même choisi de revêtir son cadeau... Il fut touché par cette attention et séduit par l'idée du tableau. Cela permettrait assurément de rapprocher un peu plus sa tante de sa compagne ce qui serait très certainement une bonne chose pour toutes les deux. Mais la question de Sylvia, tant redoutée, le ramena au présent. Il oublia en un instant tout ce qu'il avait eu l'intention d'exprimer et dit simplement d'un ton désolé et en la regardant dans les yeux :

- Le commandant a accepté de mettre un aigle à ma disposition...

Voilà, tout était dit.

[Voyageuse]

Sylvia hocha simplement la tête, se méprenant sur le sens réel de sa phrase.
- Et bien c'est parfait ! Pourquoi est-ce que tu fais cette tête ? En fait, c'est pas plus mal qu'il n'y en ait qu'un... Eärundra va pouvoir l'utiliser pour localiser son ami druide, et elle reviendra nous dire où est celui qu'on cherche... et peut-être qu'on pourra même y aller ensemble, si ça n'est pas trop loin... !
Elle sourit, les yeux brillants.
Tilmandil eût une grimace, mais laissa à kasumi le soin de s'expliquer.

[Kasumi]

Kasumi perçut la grimace de son demi-frère mais se rendit compte que c'était à lui de briser les belles illusions de Sylvia. Il sentit sa gorge s'assécher et sa voix était faible quand il répondit sans prendre la peine de réfléchir mais avec de nombreuses hésitations :

- Non Sylvia... Le commandant ne veut pas que ce soit Eärundra qui guide l'aigle. C'est à moi d'y aller. Je... Je suis désolé.

Inutile d'enchaîner sur la suite : qu'il ne s'absenterait qu'une veille au maximum, qu'il devrait sans doute revenir les chercher après avoir trouvé le druide, qu'il restait aussi du temps avant qu'il ne doive partir et qu'ils pouvaient passer ce temps ensemble... Tout dépendait de sa réaction et il doutait que ces arguments suffisent à alléger sa peine de toutes façons.

[Voyageuse]

- Oh...
Sylvia baissa la tête.
- Ca... ça ne change rien, en fait, tu devais partir de toute façon... Je devrais plutôt me réjouir que tu ne te retrouves pas plusieurs nuits en tête à tête avec cette ensorcelante druidesse !
Elle tentait bravement de plaisanter, mais le coeur n'y était pas tout à fait.
- Mais promets-moi que tu n'iras pas t'attaquer seul à ce shaman. Tu te contentes de le repérer et de revenir me chercher, d'accord ?
- Sinon, rien n'empêche que ce soit Eärundra qui y aille, fit remarquer Tilmandil. Il suffit... de ne pas l'ébruiter.