[Bâtiment] Domaine des DouceChute

[Galathée]

Galathée le rejoignit peu de temps après, épuisée après sa montée d'escaliers. Elle s'écroula sur le lit avec un soupir théâtral.
" Je crois que je vais bivouaquer ici en haut et ne plus jamais reparaître. Comme une ourse en ma tanière... Jusqu'à ce que ma progéniture ait un an, quelque chose comme ça."
Une fois pelotonnés sous les couvertures, ils se montrèrent un peu plus audacieux que la veille, sans aller cependant jusqu'au bout. Galathée rappela au barde que ce genre de galipettes pouvait précipiter la naissance et même si elle aspirait à plus de légèreté, le moment lui semblait mal venu compte tenu de ce qui attendait encore l'elfe en dehors du domaine.
La nuit les emporta dans ses méandres langoureux et le petit matin suivant eut des allures d'ordinaire ce qui pouvait paraître relativement extraordinaire, tout bien considéré...

[Taliesin]

Le barde ne manqua pas de remarquer ce paradoxe, d'en sourire... et d'en profiter. Il agit donc exactement comme la veille : un regard aux rayons de soleil illuminant leur chambre, un long moment à observer sa compagne endormie - ou feignant de l'être, un lever précautionneux, un baiser de conte de fées.... Un peu plus tard, tout en s'habillant, il établit mentalement son programme de la journée. De la demi-journée, plutôt : il irait d'abord passer quelques heures à l'atelier, afin de continuer à montrer sa bonne volonté à Morvan. Puis, un peu avant midi, il se rendrait au temple de Moandre : ainsi les Luméniens auraient-ils eu le temps de pousser encore un peu plus loin leurs enquêtes, et le soir serait toujours suffisamment distant pour qu'ils puissent éventuellement envisager quelque chose concernant les réjouissances chez les Sourdebouche.

[Galathée]

Son programme se déroula sans accrocs. Gregor était absent au petit déjeuner, Morvan pestait sur des obligations qu'il avait dans l'après-midi, Anselme avait envie de tirer à l'arc, mais il accepta sans broncher que Taliesin ne puisse l'aider le jour-même. Cela l'arrangeait plutôt bien, il avait l'intention de s'entraîner toute la journée pour faire — déjà — de grands progrès. Le goût de son cadet pour les flèches parut surprendre le seigneur au plus haut point et il le prévint que s'il retrouvait le moindre trait fiché dans l'une de ses statues, il lui ferait passer le goût de la discipline. Anselme promit mais Taliesin eut la certitude qu'une sculpture, quelque part, avait déjà pris un mauvais coup.
Il put gagner l'atelier, Galathée dans son ombre, dont il percevait avec de plus en plus d'acuité l'ennui. Elle était calme, stoïque, mais toute cette tranquillité ne lui convenait pas : elle avait toujours été active, que cela soit dans leur petite maison dans la Vallée du Nirvana, ou à la ferme, sans parler de son travail au fort de Luménis. Même si elle semblait contempler sa maternité prochaine avec sérénité, la grossesse en elle-même, à moins que ce ne soit l'enfermement obligatoire, ou probablement un peu des deux, lui pesait manifestement. Il devinait néanmoins que jamais elle n'oserait réellement le verbaliser.
Après le repas qu'ils partagèrent en tête à tête, devisant de choses et d'autres, évitant encore d'aborder franchement les événements des derniers mois, Taliesin put envisager de se mettre en route...

[Taliesin]

-Je vais sortir, annonça-t-il à sa compagne, embarrassé. Je dois informer mes alliés de cette fameuse soirée : bien sûr, on ne sait pas si Meloenn y participera, mais ils ont sans doute les moyens de le vérifier... Quoi qu'il en soit, je doute d'être longtemps absent : ils n'ont sûrement pas besoin de mois pour mener une filature, tandis que les chances pour que je tombe par hasard sur Baptiste dans les rues sont pour le moins infimes. Et même si cela arrivait... Le mener en lieu sûr serait probablement rapide.
Il sourit, réconfortant.
-Enfin, comme on ne peut jamais tout prévoir... Ne t'inquiète pas si je tardais à rentrer. Je le répète, je ferai preuve d'une extrême prudence. Et j'ai le pipeau.
Peut-être ne résisterait-il pas à l'envie de l'utiliser, si les Moandrins n'avaient progressé sur aucun dossier. Plus le temps passait, plus ses compagnons disparus se rapprocheraient d'une fin sinistre.

[Galathée]

" Bien sûr. Je comprends que tu sois inquiet pour eux tous... J'espère que tu auras de bonnes nouvelles."
Elle l'accompagna vers l'extérieur et la sortie du domaine.
" Et ne t'en fais pas pour moi. Comme je te l'ai dit, je t'ai attendu des mois entiers, je peux encore survivre à quelques jours... Fais ce que tu dois."
L'embrassant doucement, elle l'abandonna ensuite aux bons soins d'Alphonse, qui lui tendit son épée. La journée était claire et le barde vit tout de suite que les rues du Havre Bourgeois étaient nettement plus animées que quelques jours plus tôt. L'entrée du domaine Doucechute, protégée par son portail et plusieurs arbres, était légèrement protégée des regards, mais dès qu'il serait à l'extérieur, il devrait louvoyer entre les promeneurs, les gardes et les carrosses. Le soleil avait des désavantages...

[Taliesin]

Il demeura immobile un moment, indécis, puis finit par arrêter une stratégie. Il allait franchir les grilles, se cacher derrière un arbre, pour échapper aux regards tant d'Alphonse que des badauds, puis il se rendrait invisible. Ainsi aurait-il dix minutes pour quitter le Havre Bourgeois ou, au moins, s'approcher de ses frontières; Alors, il pourrait relever son capuchon et continuer sa route : les gens ne tenant pas à être reconnus, souhaitant au contraire se déplacer incognitos n'étaient point rares, en cette cité. Melandis avait ses avantages...
Bref, à moins d'une mauvaise rencontre - qu'il ferait tout pour éviter en se montrant extrêmement vigilant -, c'est sans encombres qu'il pourrait rallier le Temple de Moandre.

[Galathée]

Quête : Les Squelettes du Placard
Chapitre 12 : Les Pots Cassés

Revenant du Temple, Taliesin chemina dans un milieu d'après-midi tranquille. Il dut à nouveau recourir à l'invisibilité pour se cacher de la foule des beaux quartiers et son parcours fut, paradoxalement, presque plus difficile que dans l'antre des miséreux, car éviter les promeneurs tout en ne se trahissant pas d'une empreinte demandait une concentration de tout instant. Il parvient cependant à bon port sans gros soucis, sinon une éclaboussure malencontreuse sur la robe d'une damoiselle, qui en accusa le cheval d'un cavalier de passage. Profitant du couvert des arbres qui jouxtaient l'entrée du domaine DouceChute, il reprit ses couleurs et se présenta à la guérite. Quelques secondes plus tard, Alphonse lui ouvrait, le délestant de son arme. Il lui apprit que Galathée se trouvait dans l'atelier puis retourna à sa veille studieuse, un livre ouvert sur les genoux.

[Taliesin]

Il s'éloignait déjà lorsque lui revint en mémoire l'hypothèse de Gurvan. Il s'immobilisa, hésita un instant puis rebroussa chemin, revenant auprès d'Alphonse.
-Désolé de vous déranger à nouveau, mais j'aurais un service à vous demander... commença-t-il, embarrassé. Voilà... Si d'aventure se présentait aux grilles un petit ramoneur, un jeune rétameur, ou un gosse recherchant du travail... Vous serait-il possible de le retenir et de me faire prévenir ? Je comprends que ma demande paraisse incongrue... Cependant, si vous pouviez faire cela, je vous en serais très reconnaissant...

[Galathée]

Le gardien acquiesça avec une petite moue dubitative.
" Je ferai ça, messire, mais je dois dire que c'est rare... C'est risqué de faire ce genre de choses dans le coin, on ne sait jamais qu'on tombe mal... Il y a un décret qui permet d'arrêter les gosses des rues et de les emmener dans un des trois gros orphelinats de la ville. Des centres de dressage... Ils y entrent libres et sauvages et ils en sortent esclaves et obéissants. La plupart des nobles ne s'en soucient guère, mais il y a quelques vieilles matrones de bonne famille qui s'en font une croisade. Les gamins se passent le mot, en général, et on n'en voit quasiment plus. Mais si j'entends quelque chose... Je crois que je lui ouvrirai les grilles, par curiosité."
Il gratifia l'elfe d'un clin d'oeil et retourna à sa lecture.

[Taliesin]

Les propos du gardien le firent frissonner.
-Merci beaucoup, Alphonse, lui dit-il cependant avec chaleur.
Essayant de ne pas songer à ces orphelinats, espérant que Baptiste serait resté caché, il prit alors la direction de l'atelier. D'abord parce que c'était là que se trouvait Galathée, ensuite parce que s'il travaillait sur sa sculpture, les chances pour que le seigneur DouceChute lui refuse la permission de sortir seraient encore plus minces...

[Galathée]

Taliesin retrouva sans peine le chemin de l'atelier, croisant tout juste l'un ou l'autre serviteur qui ne s'étonnèrent pas de sa présence. Une fois rendu, il retrouva Galathée en se guidant au son de sa voix : elle était en conversation avec quelqu'un, tout au fond, au delà de plusieurs blocs de marbre et de pierre qui lui bouchaient la vue. Lorsqu'il parut, il la trouva assise sur un tabouret, devant un bloc de pierre blanche d'environ un mètre de haut, posé sur un piédestal. Une forme était en train de s'en dégager, encore imprécise. A ses côtés se trouvait un demi-elfe déjà âgé, cheveux gris cascadant sur ses épaules, mais qui paraissait encore alerte. Il sourit au barde en l'apercevant.
" Ah, voilà l'amoureux tant attendu, fit-il avec une petite inclinaison de la tête.
— Glorfindel, je te présente Tascio, le maître de l'atelier.
— Vous avez trouvé une artiste, mon ami. J'espère que même quand vous l'aurez emportée loin de Mélandis, vous continuerez à l'encourager à la taille."
Elle haussa les épaules avec une grimace embarrassée.

[Taliesin]

Il salua poliment le demi-elfe, sourit largement à sa remarque.
-Vous pouvez compter sur moi. J'ai toujours pensé que la façade de notre demeure manquait de sculptures... Je suis certain qu'en peu de temps, Galathée arrivera à en faire la plus merveilleuse de la région.
Il adressa un clin d’œil à la rôdeuse.
-Mais je ne voudrais surtout pas vous interrompre... Je vais retourner à ma propre œuvre. Vu comme la concurrence est rude, j'ai vraiment intérêt à me surpasser si je ne veux pas paraître totalement ridicule...

[Galathée]

" Oh, mais je m'en allais, je m'en allais." dit le vieil homme en se levant.
Il posa la main sur l'épaule du barde.
" Vous ne vous en sortez pas si mal, vous non plus. C'est une question de sang."
Il sourit.
" Mais si elle y prenait goût... Méfiez-vous quand même... Elle a été à terriblement mauvaise école. Un environnement aussi... surchargé n'est pas bon pour l'envol de l'âme. Une ou deux belles pièces valent mieux que des milliers... Même si l'entassement à son charme, je suppose."
Avec un autre sourire et un clin d'oeil, il s'éclipsa entre les blocs de marbre. Galathée fit signe au barde de venir prendre place sur le tabouret qu'il avait abandonné.
" J'essaie de te lire, mais je ne te connais plus assez bien... Je dirais... que tu es chagriné, mais pas complètement abattu."

[Taliesin]

Il acquiesça.
-Tu me connais davantage que tu ne le penses, car tu as visé juste.
Il hésita, puis décida de lâcher tout de suite le morceau : au moins, ce serait fait.
-Comme les autres n'avaient pas progressé dans leurs enquêtes, j'ai utilisé le pipeau, qui m'a fourni une invitation pour deux personnes à la soirée où se rend Gregor, ainsi que deux potions permettant de prendre l'apparence des invités en question. Cela veut donc dire que Meloenn sera présente... Il va falloir que j'aille là-bas avec l'un de mes alliés, afin qu'il puisse approcher la barde puis la suivre par magie, ce qui nous permettra de découvrir où se trouve son repaire.

[Galathée]

Galathée demeura silencieuse un moment et des émotions furtives passèrent sur son visage, puis elle pinça les lèvres et esquissa un sourire.
" Je sais de quel bois tu es fait. Je ne t'aimerais pas autant si tu n'étais pas ce que tu es, murmura-t-elle doucement, en tendant une main pour prendre la sienne. Je ne te demanderai rien parce que tu sais bien ce que je dirais. Et je sais que tu penseras à moi et aux enfants à venir, et à Victor."
Relevant les yeux, elle croisa son regard.
" Est-ce que... tes amis... Tu penses qu'ils pourraient nous aider ? Je veux dire... Je sais que vous avez d'autres soucis en ce moment, mais... quand vous aurez retrouvé les gens qui t'ont amené jusqu'ici... Est-ce qu'ils pourraient m'aider à quitter Mélandis ?"

[Taliesin]

-Oui, répondit-il d'un ton grave. Kerun... l'agent secret, je veux dire... Il m'a juré qu'il nous ramènerait tous les deux à Luménis. Et c'est un homme de parole, crois moi. On pourra aussi compter sur mes compagnons... et peut-être même sur mes nouveaux alliés. Enfin, le bateau qui arrivera sous peu... C'est notre meilleur moyen de rentrer rapidement chez nous.
Il serra sa main un peu plus fort.
-Je ne t'avais pas encore présenté les choses ainsi parce que... Je ne les avais pas vraiment envisagées sous cet angle. Mais si je me montre pragmatique... En les aidant, je nous aide aussi.

[Galathée]

" Je ne veux pas que tu deviennes calculateur... Ce n'est pas ce qui vivait en toi autrefois."
Elle eut un sourire doux.
" Mais c'est vrai que j'ai envie de rentrer."
Elle posa un baiser furtif sur ses lèvres.
" Je ne poserai plus de questions. Je t'ai toujours fait confiance, même dans les moments les plus sombres. Ces choses-là n'ont pas changé."
Reposant son burin, dont elle ne s'était manifestement plus servie depuis un bout de temps, elle prit appui sur son épaule.
" Veux-tu que je t'accompagne près de ta créature de bois ? J'ai bien travaillé, j'ai droit à une pause."

[Taliesin]

-Que nenni, ma mie, fit-il, soudain docte. Il faut que vous vous exerciez sans trêve ni repos, afin que vous puissiez, une fois rentrée, embellir les murs de notre maison, de notre ferme... et du château que je compte acheter.
Son regard s'était mis à pétiller.
-Allez, bien sûr que je veux ! Même s'il n'y a rien de certain, le plus probable est que mon expédition ne dure que quelques heures. Cependant, je sais qu'elle sera éprouvante. Alors passer l'après-midi à tes côtés... Cela me donnera la force de rester stoïque tout au long de la soirée.

[Galathée]

La jeune femme sourit et l'accompagna vers son élémentaire. Il était déjà bien avancé. S'il voulait lui laisser un aspect brut, quelques heures suffiraient probablement pour le terminer. Mais s'il entendait le polir puis le vernir, il lui faudrait sans doute compter la journée du lendemain. Tandis qu'il travaillait, Galathée se permit l'un ou l'autre conseil, très timides, reconnaissant qu'elle n'avait pas trouvé sa voie dans le bois et qu'elle n'était donc pas tout à fait certaine du bien fondé de ses interventions. Ils ne furent pas dérangés pendant la fin d'après-midi, tandis que la lumière déclinait au dehors. Deux autres personnes vinrent travailler sur leurs oeuvres respectives, dont un garçon qui ne devait pas avoir quinze ans, mais ils étaient suffisamment éloignés pour ne pas entendre la teneur de leur conversation. Galathée demanda à Taliesin de lui raconter un épisode lumineux des derniers mois, tout en s'excusant d'avance si cela le mettait mal à l'aise, mais elle avait envie de tout savoir sur ce qui leur était arrivé, à lui et à Victor, et son silence, même si elle le comprenait, lui pesait légèrement.

[Taliesin]

Le barde accepta volontiers mais se retrouva devant une difficulté de taille : qu'allait-il bien pouvoir lui raconter ? Il y avait eu des instants de lumière, bien sûr. Mais, la plupart du temps, ils n'avaient représenté que de brèves éclaircies au milieu des épreuves, éclaircies qui n'avaient duré que quelques heures pour la plupart, que quelques jours dans de très rares cas. Même leur retour à la ferme Desmoulins avait été assombri par ses aveux aux Merlus, par sa dénonciation à Longuehune, par sa dispute avec l'enfant... Quant au dernier jour sur Mersant, il avait été terni par l'imminence de la séparation, par les adieux douloureux...
Après un long moment de réflexion, c'est donc le séjour à Loth Imarhil qu'il narra : la bienveillance de Borgporkmiel, la rencontre avec sa sœur, l'achat du petit renard en peluche, la harpe que Victor lui avait offerte... Il n'omit rien, hormis ce qui concernait l'intérêt du mage pour la "fragmentation" du petit garçon.
Cela, il ne l'évoquerait qu'une fois Melandis loin derrière eux.

[Galathée]

Galathée se montra intéressée sans être intrusive, le laissant dérouler le récit à son rythme, comme il savait si bien le faire. Une fois passés les écueils du démarrage, elle ne l'interrompit plus et il parvint à raconter sans pour autant cesser son travail. Curieusement, même, le rythme des mots l'aida à dépasser certaines difficultés, à découvrir certaines tournures dans le bois, comme si la créativité du mot soutenait le geste. Il remarqua à peine que l'on avait allumé des lampes dans l'atelier, même si cela couvrit son oeuvre de teintes plus chaudes, tremblantes. Finalement, la rôdeuse posa la main sur son bras.
" Si tu veux parler à Morvan avant le repas, le moment est peut-être venu. Il sera ravi de ta progression... mais je doute qu'il demande à voir. Même si le travail en lui-même s'apparente à un paiement, ce n'est pas un adepte du chantage."

[Taliesin]

Il se frotta le menton, pensif.
-J'ai dit aux autres que je les rejoindrai en fin d'après-midi, et il va falloir que je me hâte si je ne veux pas être trop en retard. Cependant, tu as raison, il vaut mieux que j'aille voir Morvan pour lui demander la permission de sortir. Je ne doute pas qu'il me l'accorde, mais la démarche est quand même plus courtoise... Et je ne mentionnerai la sculpture que s'il l'évoque lui-même, pour ne pas lui donner l'impression que je m'en sers comme d'un argument pour le convaincre.
Il rassembla ses outils, prêt à les remettre à leur place.
-Sais-tu où il se trouve ?

[Galathée]

Elle se leva également, plus difficilement.
" Nous allons le traquer. A mon avis... Son bureau sera notre première et dernière étape. Ce n'est pas très loin... Il aime pouvoir prendre ses pauses dans l'atelier. Le fait qu'il ne soit pas venu est un peu inquiétant, il doit avoir des soucis avec son domaine. Sans doute Gregor sera-t-il avec lui, donc ne sois pas trop spécifique..."
Glissant le bras dans le creux de son coude, elle l'accompagna jusqu'au couloir puis lui indiqua une des premières portes sur la droite. Elle ressemblait à toutes les autres, il aurait été impossible de deviner que l'étude du maître des lieux s'y dissimulait. Galathée frappa deux petits coups secs et la voix du seigneur lui répondit, les invitant à entrer. La jeune femme décocha un clin d'oeil au barde, puis ouvrit la porte et le laissa passer devant elle. Elle entra cependant à sa suite.
Morvan était installé au milieu de statues, comme de bien entendu, derrière un grand bureau de bois rouge, presque flamboyant. Comme l'avait imaginé la rôdeuse, son fils lui faisait face et leurs expressions reflétaient une grande fatigue. Un sourire s'y dessina cependant rapidement.
" Enfin une distraction ! s'exclama le seigneur, ravi. Approchez donc, mes amis."
Au moment où il approchait, Taliesin repéra un buste de pierre blanche, juste derrière l'épaule de Morvan. Même s'il n'avait plus eu l'opportunité de se mirer récemment, il reconnut son propre portrait dans l'instant, exécuté avec une finesse de détails peu commune. Le seigneur de DouceChute suivit son regard et son sourire s'élargit.
" Ah, elle est douée, ton aimée. Très douée. Que me vaut l'honneur de votre visite ?"

[Taliesin]

Le barde resta encore quelques secondes les yeux rivés au buste. Le talent de l'artiste, le choix du sujet... Il y avait de quoi être bouleversé. Et il l'était.
Rien d'étonnant à ce que Gregor l'ait immédiatement reconnu...
Galathée lui avait donc sauvé la vie autant que le jeune homme...
Mais rester pantois n'était guère courtois alors que le maître des lieux venait de lui poser une question. Aussi s'arracha-t-il à sa contemplation.
-Messire... Mes... affaires m'appellent à l'extérieur et je souhaitais par conséquent solliciter la permission de sortir ce soir. Je ne sais combien de temps cela me prendra exactement. Probablement quelques heures, peut-être toute la nuit...

[Galathée]

DouceChute l'observa une seconde, un éclat malicieux au coin de l'oeil, puis acquiesça avec le sourire.
" Ce n'est pas moi que tu devras convaincre, mais bien Alphonse... Toutes ces allées et venues au coeur de la nuit, ce n'est pas exactement sa tasse de thé ! Mais il n'est pas déraisonnable, tu trouveras sûrement un terrain d'entente avec lui, d'autant que Gregor menace de découcher, lui aussi."
Le jeune homme sourit avec une légère grimace.
" Tant que tu ne réveilles pas les trois quarts de la maisonnée en rentrant, tu as ma bénédiction. Mais les elfes ont le pied léger, je n'ai donc pas d'inquiétude."

[Taliesin]

Taliesin rendit son sourire au vieil homme. Évidemment, il s'était attendu à une réponse positive, mais l'entendre de vive voix le soulagea malgré tout.
[color=#FFF66]-Merci beaucoup, messire. Vous avez ma parole : je me ferai aussi silencieux qu'une ombre, et je discuterai avec Alphonse pour trouver la solution qui le dérangera le moins possible. Je ne souhaite gâcher la nuit de personne.[/color]
Il jeta un nouveau coup d’œil au buste, puis se tourna vers la rôdeuse : à moins qu'elle ne veuille ajouter quelque chose, le moment était venu de prendre congé des DouceChute.

[Galathée]

Galathée lui prit le bras, salua les DouceChute puis l’entraîna vers le couloir.
« Surtout ne dis rien, murmura-t-elle, une fois qu’ils furent en tête à tête. C’était l’élan de la perte et du manque. C’est le côté pervers de la marotte de Morvan : il apprécie ce qui est créé dans la douleur. Peut-être est-ce cathartique pour une partie d’entre nous mais… ce n’est pas son souci principal. Il croit à l’art comme expression de la souffrance. C’est malsain, même si tout le monde y gagne. »
Elle sourit.
« Et je préfère l’original de loin. »

[Taliesin]

-Il n'empêche, les meilleurs sculpteurs d'Helonna ont du souci à se faire. Même les Sunites ! Enfin, les concernant, seulement si tu fais des nus...
Il lui dédia un sourire innocent.
-Bon, malheureusement, il va falloir que j'y aille... Dieux, j'ai hâte que cette soirée parmi les nobles mélandiens soit terminée, et je prie pour qu'elle aboutisse au résultat escompté...

[Galathée]

" Moi aussi..." murmura-t-elle en l'embrassant.
Elle le poussa derrière une statue, les protégeant un instant d'éventuels regards, pour prolonger un rien leur étreinte.
" Je ne t'attendrai pas cette nuit... Sens-toi libre."
Le libérant, elle partit vers la porte.
" Je crois que je vais m'épargner le trajet jusqu'à la sortie... Il fait froid et sombre, et je suis déjà passablement fatiguée... Mais je te souhaite que tout se passe bien."

[Taliesin]

-Merci. Passe une bonne soirée. Et essaie de ne pas trop t'inquiéter : je penserai à toi, aux jumeaux, à Victor... Je pense constamment à vous et n'en deviens que plus prudent encore.
Il lui adressa un signe de la main puis, sans guère d'allant pour l'heure, prit la direction de la sortie.
Il espérait que ces réjouissances seraient relativement modérées, que les Terran de Sourdebouche étaient des gens déjà âgés connus pour ne guère aimer s'amuser - selon les normes mélandiennes - et habitués à partir tôt.
Il espérait qu'ils pourraient s'éclipser sitôt après s'être approchés de cette maudite Meloenn.
Qui vivra... verra. Dans l'immédiat, rallier le temple de Moandre.