[Everaska] Quête: Racines

[Kasumi]

En voyant le festin qui les attendait sur la table, Kasumi ne regrettait pas du tout de n'avoir pas pensé à emporter de quoi manger au bosquet. Il interpréta d'abord l'hésitation de Sylvia à se servir pour de la timidité avant de se souvenir un peu tardivement de leur pari. Dès lors, il mit tout en œuvre pour préparer une assiette copieuse à sa dulcinée, pelant les œufs, tartinant le pain de ses confitures préférées, surveillant l'infusion de son thé pour qu'elle soit idéale. Evidemment, le fait qu'ils soient les derniers à manger n'incitait pas à s'attarder outre mesure aussi il faisait lui-même honneur aux mets de choix. Ce serait probablement son dernier repas de qualité avant longtemps alors autant en profiter.

[Voyageuse]

Tous les deux étaient conscients de la nécessité de se dépêcher, aussi le petit déjeuner ne s'éternisa-t-il pas, même si Sylvia, par jeu, exigea d'être resservie plusieurs fois en thé et en lait, et demanda une quantité impressionnante de tartines.

Lors qu'ils ressortirent de la salle à manger, de fut pour trouver la quasi-totalité de la famille dans le hall. Un sac à dos de cuir usé était posé dans un angle, et Elryndel était en grande discussion avec sa mère, laquelle, les mains sur les hanches, semblait bien décidée à faire valoir son point de vue, sous le regard amusé de Tilmandil.
- Mais tu as vu le temps qu'il fait ? Tu ne vas quand même pas aller crapahuter dans les montagnes par une météo pareille. Il doit neiger là-haut ! Ce n'est pas raisonnable, à ton...
- Laisse mon âge en-dehors de ça !
- Mais voyons, Elryndel a raison, intervint Galawen. Vous disiez justement tout à l'heure que cette humidité réveillait vos rhumatismes...
- Et alors ? Ce n'est pas un peu d'arthrose qui va m'empêcher de monter à cheval tout de même ! J'en ai vu d'autre, jeune dame ! Et bien avant ta naissance !
- C'est bien là le souci, justement... maugréa la magicienne sans toutefois oser croiser le regard fulminant de l'aïeule.
- Laissez tomber, vous ne pourrez pas la convaincre ! Et je crois bien qu'elle sera plus à l'aise à chevaucher dans la neige que moi, intervint Tilmandil.
- C'est moi qui devrait y aller, soupira Elryndel.
- Tu n'es absolument pas en état, enfin ! Tu as entendu ce que disent les clercs !
- Oui, je sais... mais l'inactivité va me peser, encore...

[Kasumi]

Il était visiblement temps qu'ils arrivent à voir l'agitation qui animait le hall de la maison de maître. Kasumi commença par se tourner vers son père après avoir lancé un salut général à tous ceux qu'il n'avait pas encore croisé :

- Papa, tu dois nous faire confiance : tout ça sera bientôt fini et je vous donnerai des nouvelles aussi souvent que possible par l'intermédiaire de Galawen. Et pour ce qui est de grand-mère, je suis content qu'elle nous accompagne : j'ai pu voir à quel point elle restait une cavalière émérite. Et de toute façon elle a fait son choix. Sylvia et moi sommes prêts à vous accompagner.

[Voyageuse]

Elryndel poussa un soupir, et il vit ses épaules s'affaisser.
- Je sais bien que ce qui te pèse, lança la grand-mère sans vraiment faire d'effort de diplomatie, c'est de savoir qu'on agit, et surtout moi malgré mon âge, alors que toi tu ne le peux pas... Mais c'est comme ça, tu ne peux rien y faire à part l'accepter...
- Tu sais, on va revenir tous très vite. Il n'y a que Kasumi qui va partir explorer le désert. On sera tous comme toi, à se ronger les sangs en attendant ici sans rien savoir...
- Je sais, Tilmandil. Mais ce n'est pas facile pour autant.
Elryndel secoua la tête.
- En tout cas, j'espère que tu réussiras, Kasumi. J'espère vraiment...
On devinait, à son ton, qu'il n'en était pas parfaitement convaincu, et que son "espérance" n'était que des mots.

[Kasumi]

Kasumi dut faire un effort pour se fendre d'un sourire convaincant :

- Je n'échouerai pas. Et à mon retour, on fêtera ta bonne santé comme il se doit !

Evidemment, il ressentait moins d'assurance qu'il ne tentait d'en afficher mais il sentait que son père aurait besoin de cette lueur d'espoir quand tous auraient quitté la maison et, plus tard, quand lui-même serait parti au loin, presque hors de portée. Kasumi n'était pas doué pour les adieux et ne se sentait un peu maladroit. D'autant que son esprit était déjà tourné vers le voyage qui les attendait et l'expérience angoissante qu'il allait vivre.

[Voyageuse]

Son père n'était pas plus que lui désireux de prolonger les adieux. On le sentait éprouvé par sa maladie, et surtout très frustré de devoir dépendre d'autrui. Le fait que sa propre mère se sente plus en forme que lui n'était pas facile à vivre...
Il les accompagna simplement sur le pas de la porte, les saluant brièvement tandis qu'ils se dirigeaient vers l'écurie. Le palefrenier avait préparé leurs montures, exactement les mêmes que la veille. Celles de Kasumi et Sylvia étaient apparemment bien rentrées, d'elles-mêmes, et avaient bénéficié de bons soins à en juger par leur poil lustré. Personne ne fit le moindre commentaire sur le fait qu'il était parfaitement irresponsable de laisser des bêtes de telle valeur errer seules dans les rues...
Ils aperçurent, par une fenêtre à l'étage, Riniel qui leur faisait un signe d'adieu. L'orage s'était éloigné, mais une fine bruine glaciale l'avait remplacé. Le temps n'était pas idéal pour une chevauchée, Elryndel n'avait pas tort sur ce point. On devinait, presque à vue d’œil, la neige qui s'amoncelait sur les sommets alentours.

[Kasumi]

Le temps n'était pas idéal pour une promenade dans les cols mais il ne s'agissait de toutes façons pas d'une promenade. Le demi-elfe remonta sa capuche puis s'approcha de la monture de Sylvia pour en faire de même avec la sienne, lui dédiant un sourire et un clin d'œil avant de reprendre sa place dans la petite colonne. Le palefrenier avait pris soin de protéger les chevaux de guêtres et de tapis de selle bien chauds pour affronter les frimas du voyage. Mais Kasumi espérait tout de même qu'ils ne se retrouvent pas bloqués dans les cols avec si peu d'équipement conçu pour l'hiver.

[Voyageuse]

Ce fut Elvilith qui prit la tête de leur petit groupe, suivie par Tilmandil qui était, de loin, le moins à l'aise du groupe. Sylvia manquait de pratique mais elle était suffisamment à l'aise avec les animaux pour compenser cela par un bon contact avec sa monture.
La pluie tombait sans discontinuer, et il régnait un froid de plus en plus glacial au fur et à mesure qu'ils montaient vers les cols. La grand-mère mit cependant leurs montures au petit trot, pendant un moment, peut-être pour réchauffer les chevaux, même si le vent de la course achevait de frigorifier les cavaliers.
La pluie se transforma en neige un peu avant la mi-journée, une lieue avant qu'ils n'atteignent le col servant de frontière. Comme les autres fois, les gardes les arrêtèrent et exigèrent de vérifier qu'ils n'emmenaient aucun objet magique autre que ceux qu'ils avaient à leur arrivée, avant de les laisser poursuivre leur route.
Autour d'eux, tout était blanc, et Sylvia profita de l'arrêt à la frontière pour contempler le paysage, émerveillée. Mais Elvilith ne leur permit pas de s'arrêter bien longtemps pour ne pas refroidir les montures. Ils repartirent bien vite, suivant la route qui descendait du col avant de monter vers un autre, tout aussi haut, au-delà duquel se trouvaient les grottes où devait loger Eärundra.
- J'ai froid, murmura Tilmandil qui avait ralenti sa monture pour se laisser rattraper par les rôdeurs. Vous ne croyez pas qu'on devrait faire une pause, se chauffer une infusion, quelque chose comme ça ?

[Kasumi]

Kasumi estima qu'il leur faudrait encore au moins deux heures à cette allure avant d'espérer pouvoir se réfugier dans les grottes. Dans ces conditions, la proposition de Tilmandil méritait d'y réfléchir. Il était évident qu'il ne faisait pas la comédie et un arrêt d'une demi heure ne les retarderait pas tant que cela. Le rôdeur voulait tout de même prendre l'avis d'Elvilith plus habituée à ces conditions climatiques avant d'appuyer son idée. Avisant une branche de sapin copieusement surchargée, il réunit à assez de neige entre ses paumes et, sans prévenir, l'envoya avec une précision mortelle verts le visage de l'elfe.

- Oui, tu as bien besoin d'un peu de thé maintenant ! Désolé mais c'était trop tentant !

[Voyageuse]

Tilmandil se contenta d'une grimace, mais ne parut rien trouver à répondre, ce qui en soit était un signe qu'il n'allait pas très bien.
Elvilith, avertie par les éclats de voix, s'était retournée et les toisait d'un air vaguement irrité.
- Qu'est-ce que vous faites, tous les deux ? vous avez passé l'âge des batailles de boules de neige il me semble ! Vous n'avez pas assez froid comme ça ?
- Je demandais juste à Kasumi s'il était possible de faire une pause... et d'avaler quelque chose de chaud, intervint Tilmandil d'une voix bien moins assurée qu'à l'ordinaire. Pour se réchauffer.
La grand-mère parut hésiter.
- Avec le temps qu'il fait, on va devoir avancer de plus en plus lentement. On en a bien pour trois heures avant d'arriver...
Elle regarda Tilmandil avec attention, et plissa les yeux.
- J'imagine que quelque chose de chaud te ferait du bien, en effet. Mais on ne trouvera pas facilement du bois sec, ou alors peut-être en cherchant au milieu des sapins en contrebas... Et les chevaux risquent de prendre froid à rester immobile sous la neige. Il faudrait s'abriter... Et je ne vois guère que le bois de sapins. Les premières grottes sont trop loin encore...

[Kasumi]

Kasumi s'en voulut immédiatement et se sentit un peu bête en lisant la réaction rien moins qu'enjouée de Tilmandil. Se sentant franchement coupable à la réponse du barde à sa grand-mère, il se proposa immédiatement pour aller chercher du bois.

- On devrait trouver un peu de combustible sec sous les branches des sapins. Evidemment, ce bois n'est pas l'idéal pour entretenir un feu mais ce n'est pas notre intention. Je veux bien m'en charger si vous voulez bien faire marcher les chevaux en attendant.

[Voyageuse]

Sylvia, Kasumi et Tilmandil démontèrent pour s'engager sous le couvert des sapins. C'était un réel soulagement de ne plus être aveuglés par les flocons qui tombaient sans discontinuer. Le bois sec était rare, néanmoins, à peine de quoi allumer un minable petit feu, mais ils s'y employèrent et finirent par obtenir quelques flammes. Juste suffisantes pour faire chauffer une gamelle d'eau pour une infusion.
Pendant ce temps, Elvilith, toujours à cheval, avait fait un large détour pour trouver un point d'accès plus praticable pour les chevaux. Elle les rejoignit, suivie des trois autres montures, alors que l'eau commençait enfin à bouillir, et mit pied à terre à son tour avec une légère grimace.
- Elryndel n'as pas tort, ce n'est plus tout à fait de mon âge. Saleté de rhumatismes...
Elle observa Sylvia qui jetait dans l'infusion quelques feuilles de thym, de serpolet et de camomille.
- Ajoute un peu d'Eucalyptus, si ça ne te dérange pas. C'est bon en prévision des refroidissements. Ça ne fera de mal à personne.
Elle désigna Tilmandil d'un léger mouvement du menton.
- Quant à moi, j'ajouterais deux ou trois choses dans ma tasse au dernier moment, je crois... Mais qui ne vous seront pas utiles, à vous, avant quelques dizaines d'années...

[Kasumi]

Pendant que Sylvia s'occupait de faire infuser la préparation, le demi-elfe s'approcha des chevaux pour vérifier leurs jambes et tenter de détecter tout signe annonciateur d'élongation ou de réchauffement anormal. Par un tel temps, une blessure était vite arrivée et ses conséquences pouvaient s'avérer dangereuses en montagne, même à quelques heures seulement de la ville.

- Tilmandil, évite de rester immobile, ça te refroidirait les pieds. Par les cieux, je crois que je n'avais plus marché dans la neige depuis cet épisode avec le yéti qui voulait m'adopter...

[Voyageuse]

Tilmandil s'était accroupi près du feu, et grimaça en entendant l'injonction de son demi-frère. Il n'avait visiblement aucune intention de se lever pour marcher Toutefois, ses dernières paroles éveillèrent son attention.
- Un yéti qui voulait t'adopter ? Toi ? Non mais je sais que tu es plus poilu qu'un elfe, mais de là à tenter un yéti...
- C'est quoi, un yéti ?, questionna Sylvia.
- Raconte-nous donc, pendant que ça finit d'infuser...
- Et ne t'en fais pas trop pour les chevaux. Eärundra saura les soigner... mais c'est une bonne habitude, c'est vrai.

[Kasumi]

Kasumi se tourna vers son demi-frère et sa compagne en fouillant dans sa mémoire. Il commença son récit d'un ton enjoué :

- En fait, je me souviens maintenant qu'il s'agissait d'une femelle. L'un de nos chevaux s'était gravement blessé à la jambe et je ne voulais pas l'abandonner à son sort pendant que... ma compagne allait chercher un clerc au village le plus proche.

Il avait hésité juste une seconde. Evoquer Astrée devant Sylvia n'était pas encore naturel, loin de là mais il se reprit en racontant la suite : comment il était resté seul pendant plusieurs jours en pleine montagne, pris dans une tempête. Puis comment la créature d'une taille impressionnante - il l'avait décrite avec précision pour que Sylvia s'en fasse une idée - avait emporté le cheval puis lui jusqu'à sa caverne. Il avait eu la frayeur de sa vie mais le yéti la lui avait sauvé. Et l'avait même nourri à son étrange façon avant de le laisser repartir.

[Voyageuse]

Sylvia avait écouté avec une attention passionnée, sans paraître réagir en aucune façon lorsqu'il évoqua Astrée. Tilmandil, lui, semblait prendre des notes mentales, peut-être pour cette fameuse chanson dont il parlait sans jamais en donner la teneur...
Le récit dura juste le temps nécessaire pour que les herbes infusent, et leur grand-mère se chargea de les servir pendant que Kasumi répondait aux questions enthousiastes de sa compagne. Elle-même ajouta, comme annoncé, une pincées d'herbes mystérieuses dans sa tasse, qu'elle laissa infuser un peu plus longtemps.
Les chevaux s'étaient approchés eux aussi, soufflant par les naseaux, à la recherche d'un peu de chaleur. Mais leur feu était si petit que vouloir se réchauffer à ses flammes était presque illusoire. Du reste, Tilmandil continuait à frissonner, en dépit de la couverture qu'Elvilith lui avait installé d'autorité sur les épaules.

[Kasumi]

Quoiqu'il puisse en dire, Kasumi était ravi de l'attention de Tilmandil et bien plus encore du regard brillant de la rôdeuse. Mais le barde l'inquiétait tout de même un peu à greloter ainsi. Il s'approcha de lui et lui conseilla de laisser un peu ses mains sur sa tasse de thé pour se réchauffer les doigts.

- J'ai quelques tuniques chaudes en plus dans mon sac. Je peux t'en passer une si tu veux. J'aurai peur que tu me ressembles encore plus devant Sylvia mais te voir greloter me fait de la peine. Je suis prêt à prendre le risque !

[Voyageuse]

Tilmandil grimaça.
- Je te remercie, mais je n'ai pas envie d'enfiler une de tes tuniques trop larges pour moi qui me feraient ressembler à un homme des bois ! Et puis, pour enfiler une de tes tuniques il faudrait que je me déshabille... et c'est bien la dernière chose qui me fasse envie à l'heure présente.
- Tu peux toujours garder une couverture en chevauchant, suggéra Sylvia.
- Non, sinon il n'en aura plus de sèche pour dormir, objecta la grand-mère.
- J'en ai prévu deux...
- Ah, je comprends mieux la taille de ton paquetage !

Ils reprirent finalement la route, Tilmandil chaudement enroulé dans une couverture, un peu réchauffés par le breuvage. A nouveau, Elvilith prit la tête de leur groupe. La neige tombait sans discontinuer, se transformant en bruine glaciale lorsqu'ils furent redescendus un peu plus bas, puis redevenant neige lorsqu'ils reprirent de l'altitude. ils finirent par parvenir dans le secteur où se trouvait les grottes, là où Eärundra s'était installée avec son lion.

[Kasumi]

Tilmandil avait été prévoyant et cela leur retirait à tous une épine du pied : gérer un barde congelé sous ce grésil n'aurait pas été l'expérience la plus agréable. Kasumi se souvint que rien ne l'avait obligé à les accompagner vers les grottes et cela ne fit que renforcer l'admiration qu'il éprouvait pour son demi-frère, caprice improbable du destin qu'il n'aurait jamais soupçonné un mois auparavant. En se tournant sur sa selle, il croisa le regard de Sylvia sous les bourrasques glaciales et se fit la réflexion que, décidément, bien des choses avaient changé dans sa vie récemment. Il lui dédia un sourire encourageant malgré les conditions climatiques atroces et dut élever la voix pour se faire entendre par dessus le vent :

- La grotte d'Eärundra est toute proche maintenant ! Nous allons pouvoir nous mettre à l'abri et nous réchauffer d'un bon feu.

[Voyageuse]

Tilmandil et Kasumi se souvenaient qu'il y avait plusieurs grottes dans cette portion de massif calcaire. Le lion se trouvait dans l'une des grottes les plus reculées, pour ne pas risquer de faire fuir d'éventuels voyageurs, mais Eärundra n'avait jamais indiqué à Kasumi si elle comptait partager la même grotte. La fois où il avait dû passer la nuit ici, ils avaient choisi une autre grotte, plus proche de la route... mais celle-ci semblait déserte pour autant qu'il put en juger. Aucun feu, en tout cas, n'en illuminait l'intérieur. La druidesse était-elle partie en expédition au loin ? Avait-elle changé de lieu de "résidence" ? Elle savait pourtant qu'ils devaient la rejoindre...
Fort heureusement, ou plutôt malheureusement, Léo vint à leur secours, bondissant soudainement sur la route. Affolé par la brusque apparition de la silhouette féline, le cheval d'Elvilith fit un écart, tandis que celui de Tilmandil se mettait à ruer, envoyant derechef son cavalier à terre. Sylvia et Kasumi eurent toutes les peines du monde à maîtriser leurs propres montures. Elvilith observa le lion avec une vague hésitation, avant de se décider à mettre pied à terre, se précipitant vers Tilmandil qui ne se relevait pas.

[Kasumi]

Kasumi aurait été soulagé de voir Léo s'il n'avait pas jailli aussi subitement, effrayant les chevaux et les surprenant tous sans exception. Il avait tourné son regard vers Sylvia avant de voir qu'elle avait tenu son assiette tout comme sa grand-mère. Mais Tilmandil avait vidé les étriers. Et il restait sur le sol enneigé. Le rôdeur démonta avec souplesse sans lâcher les rênes de sa monture et se précipita vers son demi-frère, interrogeant Elvilith d'une voix inquiète :

- S'est-il fait mal ? Tilmandil, tu vas bien ?

[Voyageuse]

Sa grand-mère leva le regard vers lui avec une grimace. Mais ce fut Tilmandil qui répondit.
- Je vais bien, ne vous en faites pas... mais punaise, ce que j'ai mal à l'épaule...
- Ne bouge pas, l'interrompit sa grand-mère en voyant qu'il tentait de se relever. Tu as peut-être des vertèbres touchées, il vaut mieux être prudent...
Elle se redressa et mit ses mains en porte-voix.
- Eärundra !
Malheureusement, sa voix ne portait pas très loin dans la tempête. Léo, comme gêné de ce qui s'était produit, avait disparu à nouveau. Peut-être pour aller chercher sa maîtresse...
- J'imagine que c'est son familier ?

[Kasumi]

Kasumi se rendit compte qu'ils n'avaient jamais évoqué l'existence de Léo devant leur grand-mère, un coupable au vu de ce qui venait d'arriver peut-être. Il était tout de même un peu rassuré par la réaction de Tilmandil mais le barde n'était pas indemne. Le demi-elfe confia ses rênes à Sylvia pour venir s'agenouiller aux côtés de l'elfe pour l'examiner.

- Oui, c'est son familier. Depuis peu en fait. Nous l'avons aidé à l'approcher enfin, surtout Tilmandil. Il n'hésite vraiment pas à payer de sa personne concernant Léo. Et Eärundra d'ailleurs !

Il plaisantait bien sûr même si le cœur n'y était pas tout à fait : il était inquiet pour le barde mais cherchait à détourner son attention tout en observant la position de ses membres, bras comme jambe. Si l'elfe était mal retombé, il se pouvait effectivement que sa colonne ait été touchée.

[Voyageuse]

- Tilmandil m'a raconté, oui, pour le lion... Enfin, un peu. Mais donc, c'est bien celui-ci...
Rien dans la position de Tilmandil n'indiquait une quelconque anomalie au niveau des vertèbres. Mais cela ne prouvait rien après tout. Et le barde, sous le regard sévère et soucieux de la grand-mère, n'osait pas vraiment remuer.
Un bruissement dans les arbres alentours annonça le retour de Léo, qui se tint sagement un peu à distance.
- Eärundra ! lança l'aïeule avant même d'apercevoir la druidesse. Alors, c'est quoi ces manières de laisser traîner ton lion sur la route juste sur le passage d'honnêtes voyageurs ?
- Elvilith ! répliqua joyeusement la voix de l'elfe. Quelle joie de te revoir !
- Oui, c'est pour ça que ton lion agresse mon petit-fils ?
La voix de l'aïeule traduisait surtout de l'amusement. La druidesse apparut enfin entre les troncs des sapins et étreignit Elvilith avec émotion.
- Ça fait une éternité...
Tilmandil fit mine de se redresser.
- Toi, ne bouge pas ! l'avertit la druidesse. Pas avant que je ne t'ai examiné !
Elle eût une grimace en regardant Léo, qui restait un peu à l'écart, tête basse.
- D'habitude il reste loin de la route... Mais là, il a dû vous reconnaître...

[Kasumi]

S’il était persuadé que Tilmandil se tirerait indemne de la situation, le rôdeur aurait pu lui trouver un certain comique. Et, malgré son inquiétude légitime, il ne put effacer un sourire un brin amusé de son visage en saluant Eärundra sans se relever lui non plus. Il fit ensuite mine de baisser le ton comme s’il cherchait à ne pas être entendu par les femmes présentes :

– Méfies-toi, petit-frère : nous revoilà en infériorité numérique. Ce n’est pas Léo qui risque de nous soutenir même s’il semble décidément t’adorer tout particulièrement ! Le temps où nous pouvions nous la couler douce et faire tout ce qui nous chantait est maintenant révolu !

[Voyageuse]

La grand-mère et Eärundra, toutes proches, levèrent les yeux au ciel, et Tilmandil eût un pauvre sourire mais ne répondit rien. Il était pâle et semblait souffrir.
La druidesse prit le temps de l'examiner calmement, lui faisant effectuer certains mouvements, avant de conclure à une "simple" luxation de l'épaule. Il incanta brièvement, et une lumière verte jaillit de sa paume ouverte pour englober l'épaule du barde, puis son bras, puis tout son corps.
- Normalement... tout est réglé non ?
- Oui, ça va mieux, merci ! Ça m'apprendra à oublier que les chevaux ont peur des lions... Je crois qu'il est urgent que mon demi-frère me donne des cours approfondis d'équitation., répondit Tilmandil en se relevant.
- Ou ta grand-mère...
La druidesse se tourna vers Elvilith.
- Et que me vaut la chance de ta visite après toutes ces années ?
- Rien de spécial. J'avais juste envie de prendre de tes nouvelles... et de bavarder un peu...
- Et bien tu as mis le temps !
- Et de veiller sur ces jeunes gens peut-être...
Eärundra secoua la tête avec un sourire, et se tourna vers Kasumi.
- Et au fait, ces aigles ?

[Kasumi]

Kasumi poussa un soupir de soulagement en voyant que Tilmandil reprenait du poil de la bête. Décidément, Eärundra se révélait à nouveau être une alliée de grande valeur malgré ses dehors prétentieux parfois agaçants. Le demi-elfe se releva et s'épousseta les genoux avant de répondre à la druidesse d'un ton amical :

- C'est la raison de notre présence. Mais nous serions tous plus à l'aise à l'intérieur pour discuter si vous voulez bien nous accueillir dans votre charmante grotte. Sachez simplement qu'il n'y en aura qu'un seul, demain matin.

[Voyageuse]

- Qu'un seul aigle ?
Eärundra les entraîna à sa suite, chevaux compris, en direction des premières grottes.
- Laissez les chevaux dans celle-ci, ils seront bien. Bien sûr, il n'y a pas de fourrage, à moins que vous n'en ayez apporté, mais s'ils veulent gratter un peu la neige il y a encore de l'herbe dessous. Et à boire à volonté. Enfin, si vous avez mieux, vous pourrez leur donner tout à l'heure...
Elle poursuivit en direction de la grotte suivante.
- On va s'installer dans celle-ci pour ce soir. Celle où je me suis installée est trop petite pour y loger tous. On aura besoin d'un bon feu, par contre... Donc de bois. Et ensuite, vous me raconterez pourquoi il n'y a qu'un seul aigle. Non que je refuse d'y aller seule, bien sûr. C'est juste par curiosité...

[Kasumi]

Le rôdeur aida à l'installation des chevaux et jaugea qu'ils seraient au chaud à défaut d'être complètement à leur aise dans la grotte choisie par la druidesse. Mais les animaux devraient attendre avant de recevoir davantage de soins : ils devaient songer eux aussi à s'installer au chaud ne serait-ce que pour ménager la santé de Tilmandil, et d'Elvilith dans une moindre mesure. Et aussi aborder les sujets qui n'allaient pas manquer de réveiller les débats. Kasumi hésitait entre rester pour offrir lui même la primeur des nouvelles des derniers jours et se proposer pour la collecte du bois. Il tourna son regard vers la rôdeuse en répondant à la druidesse :

- Sylvia et moi allons chercher le bois pendant que vous évoquez les bons souvenirs. Ce sera moins long de vous expliquer la situation quand nous aurons tous pu nous réchauffer. Brr... Espérons que la neige cessera avant demain !

[Voyageuse]

Le bois était humide, et ils durent s'enfoncer assez profondément sous le couvert des sapins pour trouver des branches suffisamment sèches pour faire une flambée digne de ce nom. Ils firent deux voyages, pour en avoir une bonne provision pour la nuit. Entre-temps, leurs compagnons s'étaient installés aussi confortablement que possible. Il n'était pas question de pouvoir fabriquer un lit de fortune avec des branchages aussi mouillés, mais Elvilith disposait d'une espèce de paillasse relativement confortable... qui faisait fortement envie à Tilmandil. Le pauvre barde dut se contenter de quelques couvertures et fourrures fournies par Eärundra, qui, à défaut d'être très moelleuses, isolaient parfaitement du froid.
Lorsqu'ils revinrent avec leur deuxième chargement de bois, la druidesse avait fait une bonne flambée, et l'atmosphère de la grotte s'était déjà quelque peu réchauffée.
- Bon, alors... Vous n'avez pas réussi à convaincre le commandant de la garde de vous prêter deux aigles ?, questionna la druidesse lorsqu'ils furent à nouveau tous réunis, tout en mettant une gamelle d'eau à bouillir.
- C'est toujours Uriol, intervint la grand-mère.
- Ah, je vois... On peut s'estimer heureux qu'il nous en prête déjà un, j'imagine... Mais je suppose qu'il va falloir que j'aille seule à la pêche aux informations, dans ce cas...