[Désert d'Anauroch] Quête : Racines

[Voyageuse]

hrp : une carte de ce désert

Quête : Racines

Chapitre 4 : Asabis

Les montagnes enneigées et les collines verdoyantes d'Everaska n'étaient plus qu'un souvenir. La région qui s'étendait maintenant devant Kasumi et Eärundra n'était que sable et roche, pierre et terre stérile, offrant à l'oeil toute une palette de couleurs allant du jaune pâle à l'ocre foncé en passant par les rouges et les bruns. Nulle trace de verdure ou d'eau, rien qui évoque la fraicheur.
Le rôdeur eût la sensation que son aigle géant ralentissait, apparemment peu enthousiaste à l'idée de s'aventurer dans une telle région. Eärundra ne lui avait pas dit comment le faire accélérer, mais d'instinct, il devina qu'il fallait claquer des rênes comme avec un cheval. Rubis obéit, mais peut-être, au fond, n'était-ce que pour rejoindre Opale.

Ils avaient beau rester à la même altitude, le soleil de plomb semblait chauffer davantage cette région, et il avait désormais bien moins froid. En fait, la température là-haut était idéale. Mais ils volaient trop haut pour apercevoir clairement ce qui se passait au-dessous. Il lui semblait deviner quelques minuscules bouquets d'arbrisseaux, et les quelques points noir qu'il apercevait sur sa droite pouvaient très bien être une caravane de voyageurs, ou peut-être un troupeau. Il s'aperçut qu'Eärundra, devant lui, se penchait en avant pour ordonner à son aigle de descendre.

[Kasumi]

Kasumi avait la fâcheuse impression depuis le décollage de ne pas vraiment contrôler sa monture mais il pouvait au moins se rassurer qu'elles ne prennent pas d'initiatives inattendues. D'une façon générale, ce vol était moins chaotique que la première heure de vol et Kasumi put davantage apprécier le canevas qui se déroulait loin au-dessous de lui. En cet instant plus que jamais, il regrettait l'absence de Sylvia et de sa faculté d'émerveillement : nul doute que la rôdeuse aurait été absolument ravie de voir ce spectacle...

En apercevant du mouvement au sol il se demanda si la druidesse l'avait repéré elle aussi et si elle voudrait vérifier. Eärundra lui apporta la réponse presque aussitôt et Kasumi se souvint de ses conseils pour ordonner à Rubis de faire de même : il se pencha en avant et se rapprocha de son cou.

- Allez Rubis, c'est moins accueillant qu'Everaska mais on n'y restera pas longtemps.

Il avait parlé en elfique, d'instinct et doutait même que l'oiseau l'ait entendu par dessus le vent mais c'était une façon comme une autre d'établir le contact avec sa monture.

[Voyageuse]

L'oiseau parut comprendre qu'il devait descendre. Ou peut-être qu'il voulait juste suivre Opale. Toujours est-il qu'il obéit à l'ordre du rôdeur et piqua vers le sol un moment avant de se redresser. Le brusque changement d'altitude boucha immédiatement les oreilles du rôdeur, et ses oreilles devinrent douloureuses, mais moins que la première fois. Peut-être était-ce l'effet de l'infusion préparée par Eärundra.
Ils poursuivirent leur vol à une altitude beaucoup plus raisonnable, et Kasumi put constater que les petits points noirs étaient en réalité un troupeau de mammifères ressemblant vaguement à des bovins, mais en plus maigres et avec un dos étrangement bossu. Des zébus. Il ne vit pas de berger à proximité, mais ils passèrent si vite qu'il n'eût pas vraiment le temps de le chercher du regard.
Plus loin, ce fut une caravane de voyageurs qui attira leur attention. Des chariots aux tentures colorées, tirées par des dromadaires, accompagnés de quelques hommes pour encadrer leur progression. La druidesse, devant lui, ne ralentit pas et poursuivit tout droit vers l'est. Il vit un homme lever les yeux dans leur direction, les désigner à un de ses camarades, mais déjà ils s'éloignaient, trop vite pour qu'il puisse voir s'il y avait d'autres réactions.
Ils aperçurent une autre caravane, plus imposante, une bonne heure avant la fin de la journée, sans qu'Eärundra ne ralentisse. Un peu plus loin, une oasis attira son attention, petit coin de verdure paradisiaque autour d'une grande mare. C'était apparemment là qu'ils passeraient la nuit : Opale se mit à descendre en piqué, tout droit en direction de l'oasis. Kasumi ne vit personne aux alentours.

[Kasumi]

Kasumi avait été un peu surpris qu'Eärundra évite les premiers groupes de voyageurs mais, après réflexion, cette stratégie était sensée : il était peu probable qu'ils tombent sur un groupe ayant aperçu le druide si près de la bordure du désert et mieux valait donc préserver leur anonymat avant d'avoir atteint des zones plus propices. Peut-être aussi que la druidesse avait aperçu quelque chose l'incitant à se méfier de ces caravanes. Il ne manquerait pas de l'interroger lors de la halte du soir. Celle-ci arriva plus vite qu'il ne s'y attendait comme s'il n'avait pas vu passer le temps dans cet univers monotone. Apercevant l'oasis et le mouvement d'Opale, Kasumi se pencha à nouveau sur le cou de Rubis, l'invitant et se préparant à la descente et au choc de l'atterrissage.

[Voyageuse]

L’atterrissage se déroula sans heurt -ce qui était une simple façon de parler en réalité, le choc du contact étant à peine amorti par les pattes de l'aigle-, et Kasumi put se laisser glisser au sol, les jambes un peu flageolantes d'être resté si longtemps immobile et crispé.
A une centaine de mètres devant eux se trouvait un petit bout de paradis perdu au milieu du désert : un bosquet d'arbres aux formes étranges entourait un petit étang un peu saumâtre, et l'endroit bruissait de vie, comme si tous les oiseaux du désert s'y étaient donné rendez-vous. Et pas seulement les oiseaux, d'ailleurs. Deux hommes en surgirent, suivis de quelques chèvres maigrelettes et d'un petit chien qui aboyait de toutes ses forces. Ils fixaient les aigles avec des yeux ronds et semblaient hésiter à s'approcher.
- Alors ? Comment s'est déroulé le vol ? Vous arrivez à vous faire comprendre de Rubis, on dirait !
Eärundra avait enroulé une écharpe de coton autour de sa tête, la mode locale à en juger par la tenue des deux hommes de l'oasis, et semblait parfaitement détendue.

[Kasumi]

Sachant d'expérience qu'il ne fallait pas se fier à la beauté des lieux pour baisser sa vigilance - y compris envers l'atmosphère brûlante du désert - le rôdeur releva sa capuche et se noua sa propre écharpe sur le bas du visage. Il savait que les échanges thermiques se réalisaient préférentiellement par les extrémités et qu'il fallait faire en sorte de les exposer le moins possible au soleil tout comme à l'air ambiant. Il répondit néanmoins à la druidesse :

- Le vol s'est bien passé. Notamment parce que Rubis est suffisamment intelligent pour savoir qu'il faut suivre Opale. Il désigna les deux bergers d'un léger signe de tête. Avez-vous déjà pris contact avec nos hôtes ?

[Voyageuse]

La druidesse secoua la tête.
- Non, je vous attendais...
Les bergers, apparemment, les attendaient aussi. Leur attitude était circonspecte, pour ne pas dire méfiante. L'un d'eux serrait fermement son bâton, l'autre avait glissé sa main dans un poche où il cachait peut-être des armes de jet. Ce dernier était à peine sorti de l'adolescence, et au vu de la ressemblance physique avec son aîné, il s'agissait probablement d'un père et de son fils.
Les aigles, quant à eux, étaient restés en arrière, peut-être sur l'injonction de la druidesse.
- Bonjour à vous, voyageurs venus de l'ouest... Qu'est-ce qui peut bien pousser des elfes d'Everaska à venir s'égarer dans notre désert ?
Le plus âgé des deux bergers avait parlé sur un ton dépourvu d'agressivité, mais on le sentait sur ses gardes. Et il s'adressait à Kasumi, comme s'il considérait qu'il était le responsable de leur duo.

[Kasumi]

Kasumi répondit en commençant par des paroles de salut rituelles, les seules qu'il connaissait dans la langue bédouine avant d'enchaîner en langue commune :

- Nous venons rendre visite à un vieil ami du désert. Comment est l'eau par ici ?

Si ces bergers le prenait lui aussi pour un elfe, il valait mieux ne pas les démentir : si deux elfes d'Everaska montant des aigles étaient assurément une rareté dans le désert, la présence d'un demi-elfe parmi eux serait encore plus mémorable, exactement ce qu'il entendait éviter.

[Voyageuse]

- L'eau est abondante et l'ombre agréable. Si vos intentions ne sont pas hostiles, vous êtes les bienvenus en ce havre de fraîcheur.
Les quelques mots de salutations dans leur langue avait détendu les deux bergers. Ils leur firent signe de les suivre à l'ombre des arbres. Derrière eux, les deux aigles s'envolèrent pour venir se poser au coeur de l'oasis, sous le regard médusé des deux bédouins.
- Et quel est donc cet ami que vous cherchez ?
- Son nom est Ta'sslan. C'est un sage asabi.
Les deux hommes grimacèrent de concert.
- Nous ne fréquentons guère cette engeance. Ils sont généralement beaucoup plus au nord, en bordure de la Plaine des Pierres Dressées.
- Il faut vous rapprocher de l'Azirrhat, c'est là-bas que vivent la plupart des tribus asabi. Mais c'est quasiment à l'autre bout de l'Anauroch. Un secteur que les bédouins préfèrent éviter.
- Mon ami voyage dans tout le désert. il ne reste pas dans les régions de prédilection de son peuple. Et il n'est pas réellement membre d'une tribu.
Les deux hommes ouvrirent des yeux ronds. Apparemment, ils n'en avaient jamais entendu parler.
- Nous ne connaissons que le sud. Des plaines du Saiyaddar jusqu'à la Lame. Nous sommes de simples bergers. Mais avec l'arrivée de la nuit, peut-être viendra-t-il des caravanes de voyageurs susceptibles de mieux vous renseigner.

[Kasumi]

Kasumi baissa un instant son foulard pour adresser un sourire aux deux bergers.

- Merci pour ces informations. Pour ce soir, nous serons heureux de partager l'eau et l'ombre de cet oasis avec vous. Peut-être volerons-nous vers le nord demain, si le vent nous porte dans cette direction et que l'ombre nous favorise.

Le demi-elfe s'efforçait de retenir les informations dispensées par le berger et de se dresser une carte mentale de la zone. Ce n'était pas facile de s'y retrouver lui qui avait aussi voyagé plus au nord pas depuis des années. A l'époque, il avait surtout suivi les traces de ses proies sans vraiment se soucier de géographie. Pour cette fois, il allait falloir davantage prêter l'oreille aux indices s'il voulait remporter son jeu de piste avec les asabis. Au moins allaient-ils pouvoir remplir leurs gourdes et faire boire les aigles. Il allait falloir leur ordonner de ne pas toucher aux chèvres également sinon la cohabitation pacifique avec les bédouins pourrait vite tourner court.

[Voyageuse]

Les aigles ne les avaient pas attendus pour boire. ou peut-être qu'Eärundra leur en avait donné l'autorisation après tout. Mais il ne semblaient pas s'intéresser aux chèvres, qui, de leur côté, ne s'approchaient pas à moins d'une vingtaine de mètres. La druidesse leur avait probablement expliqué...
- On va décharger nos bagages et leur laisser un moment quartier libre pendant qu'on se choisit un coin d'oasis pour y dormir, murmura Eärundra, suivant son regard. Je leur ai dit de ne pas toucher à ces chèvres. Mais il n'est pas exclu, hélas, qu'ils s'attaquent à d'autres bêtes dans les parages...
Elle grimpa lestement sur Opale et déchargea en un tournemain les sacs qui tombèrent au sol, laissant le soin à Kasumi d'en faire autant de leur côté.

Les bergers les avaient salués de quelques paroles aimables et étaient retournés à leur troupeau, paissant sous l'ombre bienfaisante des arbres.
- Ils ont raison lorsqu'ils disent que les asabis se trouvent pour la plupart à l'autre bout du désert. Ils sont quasiment à l'extrémité nord-est alors que nous sommes au sud-ouest. Mais celui que nous cherchons se trouvait en plein centre du désert, près de la limite sud de la Plaine des Pierres Dressées, lorsque je l'ai vu la dernière fois. C'est à deux jours de vol d'ici. Cela dit, en deux mois, il a très bien pu s'avancer jusqu'aux contreforts des Monts Cimeterre qu'on voit là-bas, ajouta-elle en lui désignant une chaîne de montagne, au loin sur l'horizon est. C'est là-bas qu'il va falloir commencer à interroger sérieusement des personnes, en ayant de bonnes chances de trouver quelqu'un qui l'ait croisé, pour peu qu'il vienne du nord. Nous y serons demain soir...
Elle soupira.
- J'espère sincèrement que nous n'aurons pas à aller jusqu'à l'Azirrhat. Nous en aurions pour une demi-veille au minimum en volant du matin au soir, peut-être même une veille entière, j'ai du mal à évaluer. Mais ça m'étonnerait que votre shaman soit allé si loin, alors qu'il était, il y a peu de temps encore, près d'Everaska. A moins bien sûr qu'il ait pu se téléporter.

[Kasumi]

Kasumi avait commencé par délester et entreposer soigneusement les bagages qui encombraient Rubis. Le rôdeur avait choisi un endroit un peu en retrait du point d'eau comme lieu de bivouac pour la nuit. Il commençait à installer son couchage tout en écoutant les précisions de la druidesse. Au moins il pouvait compter sur elle pour les orienter dans ces contrées mais il espérait lui aussi sincèrement qu'ils n'aient pas à s'aventurer dans des terres qu'il connaissait bien pour les avoir parcourues mais qui étaient précisément celles où il préférait ne plus s'aventurer sans compter qu'elles étaient les plus éloignées comme l'avait noté Eärundra. La perspective de prolonger le voyage même s'il n'était pas tout à fait déplaisant jusque-là ne le réjouissait guère et il en allait certainement de même pour la druidesse séparée de Léo.

- Il est peu probable qu'il se soit téléporté. Je suis presque persuadé que nous l'avons croisé juste avant notre arrivée à Everaska avec Tilmandil. Il accompagnait une délégation asabi et je ne pense pas qu'ils comptaient voyager par magie de ce que j'ai pu voir. Alors j'espère que les nouvelles seront bonnes demain soir. Il n'est pas impossible que certains asabis se souviennent encore de moi, en dehors de celui que vous savez. Mais même sans cela, j'ai hâte de rentrer. C'est déjà formidable de pouvoir se déplacer aussi vite grâce à vous cela dit... Je n'imagine même pas le temps qu'il nous aurait fallu pour ne parcourir que la distance d'aujourd'hui.

Son ton s'était fait un peu nostalgique alors qu'il réalisait sa solitude et qu'il s'interdisait de songer à ce qu'il laissait loin derrière lui : sa nouvelle patrie, sa louve, sa famille et sa compagne retrouvée après de nombreuses années... Et tout ça pour courir après son passé. Après un passé qu'il aurait aimé laisser derrière lui.

[Voyageuse]

" C'est sûr qu'on a trouvé le moyen de transport idéal... Ne vous en faites pas, il ne nous faudra que quelques jours pour le localiser. Les nouvelles voyagent étrangement vite dans le désert. Peut-être parce qu'il y en a peu et qu'elles sont, de ce fait, plus importantes..."
Il n'y avait pas que les nouvelles qui allaient vite. Le soleil, lui, descendait à l'horizon plus vite que de coutume, et la température baissait déjà sensiblement. Le rôdeur avait suffisamment l'habitude du désert pour savoir que les nuits y étaient très fraîches et que le feu et les couvertures ne seraient pas de trop.
Tandis qu'Eärundra allumait un petit feu pour cuisiner, le rôdeur prit le temps de remplir toutes les outres qu'ils avaient emmenées en prévision des soirs où ils ne trouveraient pas d'oasis. Les bergers l'observaient de loin, sans intervenir. Il aperçut, au bout de quelques minutes, du mouvement dans le désert, en direction de l'ouest. D'autres voyageurs approchaient. Une immense caravane d'après ce qu'il put en juger. Au moins une dizaine de chariots bâchés, encadrés par plusieurs hommes, à cheval et non à dos de dromadaire. Hélas, ils provenaient de la même direction qu'eux et n'auraient sans doute guère de nouvelles à partages. Il s'agissait probablement de ceux qu'ils avaient aperçus juste avant d'arriver à l'oasis.
Les bergers parurent les ignorer ostensiblement, retournant à leurs chèvres. Les nouveaux arrivants, eux, fixaient d'un air stupéfait les deux aigles qui s'étaient installés sous un immense palmier et attendaient paisiblement, probablement leur ration de grains.

[Kasumi]

Kasumi décida que ce moment en valait un autre pour prendre son courage à deux mains et il proposa à Eärundra de se charger de nourrir les deux aigles pendant qu'elle s'affairait sur leur repas à eux. C'était évidemment inverser les rôles correspondant à leurs talents respectifs - voire prendre un léger risque sans vouloir sous-estimer les talents culinaires de l'ermite - mais le rôdeur préférait ne pas constamment et complètement dépendre d'Eärundra pour ce qui concernait les aigles. Les nourrir était un bon moyen pour qu'ils s'habituent à lui. A condition de ne pas être pris pour le plat de résistance là encore...

L'approche de la caravane inquiétait un peu le demi-elfe : il ne savait rien de leurs intentions et ils étaient bien trop nombreux si elles n'étaient pas tout à fait pacifiques. C'était inévitable quand on s'arrêtait dans l'un des rares abris que comptait la région mais cela ne lui plaisait pas pour autant de partager un endroit si étriqué avec une caravane de cette importance. Une caravane qui n'était pas bédouine à première vue : ces derniers préférant de loin les chameaux ou dromadaires pour leur endurance et non les chevaux plus rapides. Kasumi vérifia discrètement qu'il portait bien ses épées même si en cas de confrontation, les aigles et la possibilité de fuir constituerait leur meilleur avantage. Heureusement le lieu de bivouac qu'il avait choisi n'était qu'à quelques mètres à peine de l'endroit où les aigles avaient élu domicile.

[Voyageuse]

Les hommes de la caravane parurent toiser avec un certain mépris les deux bergers, qui le leur rendirent bien. La présence des aigles, en revanche, semblait les fasciner. L'un d'eux se décida à aborder Kasumi, tandis qu'il s'approchait prudemment des aigles avec son sac de grains.
- Pardonnez-moi, messire... mais ces aigles sont à vous ?
- Vous faites peut-être partie de la Garde Ailée d'Everaska, non ? poursuivit l'un de ses compagnons avec enthousiasme. Il n'y a qu'eux pour avoir ce genre de monture.
- Mais non, tu vois bien qu'ils n'en ont pas l'uniforme...
- Parce que tu le connais, toi, leur uniforme ?
- Non, mais je sais qu'ils en ont un !
Un troisième homme s'approcha. Il venait de sortir de l'un des chariots et ses habits trahissait un homme aisé, peut-être un riche négociant ou un nobliau quelconque.
- Veuillez pardonner l'indiscrétion des mes hommes. Je suis Martinez, d'Eauprofonde, en route pour la Mer de Lune. Nous avons l'habitude d'effectuer cette traversée une fois ou deux par an... mais c'est bien la première fois que nous avons l'opportunité de croiser un aussi étrange équipage...

[Kasumi]

Des aquafondiens... Cela n'avait rien d'étonnant en soi et Kasumi fit un effort pour se remémorer le peu d'informations qu'il connaissait sur eux. Bien que n'étant guère éloigné de sa région natale et que son père y ait été détaché de longues années en tant qu'ambassadeur, il devait bien reconnaître qu'il n'en savait pas énormément sur leurs mœurs hormis leur goût pour le commerce mais aussi pour les secrets d'après Elryndel. A tout prendre, ce n'était pas pire qu'une rencontre avec des Zhents ou même des bédouins. A priori en tous cas...

- Enchanté, messire Martinez d'Eauprofonde. Je suis Meredith, un rôdeur. Et il n'y a nulle offense à pardonner, ne vous embarrassez pas ! Vous avez vous-même une caravane plutôt impressionnante. Mais c'est la prudence même pour qui traverse la frontière sauvage et ces contrées désertiques j'imagine.

[Voyageuse]

- Oui, il vaut mieux être nombreux et bien équipés pour ne pas attirer la convoitise des pilleurs. De nombreuses tribus bédouines rançonnent les caravanes de marchandises, dans toute la région de la Lame, ajouta-t-il d'un ton plus bas avec un coup d'oeil en direction des bergers. Il ne faut pas apparaître comme une proie facile...
- Il n'y a pas que les bédouins dont il faut se méfier... Ils ne sont pas la seule organisation de ces contrées.
La remarque valut à l'homme un froncement de sourcil contrarié. Il changea aussitôt de sujet.
- Mais dites-moi... Ces aigles ne sont-ils pas les mêmes que ceux de la Garde d'Everaska ?

[Kasumi]

Les bédouins étaient en effet loin d'être les seuls dangers de ces contrées inhospitalières. Et, jusqu'à preuve du contraire, ces marchands - s'ils en étaient bien - pouvaient l'être eux aussi. Et Martinez insistait au sujet des aigles, ce qui était hélas prévisible. Décidant qu'éluder la question ne ferait qu'attiser une curiosité malvenue, le rôdeur décida de biaiser :

- Oui, les elfes d'Everaska en utilisent eux aussi. Cette espèce est originaire de leurs montagnes si je ne me trompe pas mais je ne suis pas autant expert que ma compagne et je viens moi-même de Haute Forêt. Vous y êtes peut-être déjà passé vous-même à moins que vous préfériez la contourner par le sud. Il me semble que c'est plus rapide pour une caravane telle que la vôtre.

[Voyageuse]

- Oui, nous la longeons par le sud. Et nous passons pas très loin au nord d'Everaska...
Il regarda à nouveau les aigles, fasciné.
- Je n'ose pas imaginer ce que de telles bêtes peuvent valoir...
- N'imaginez pas, cela vaut mieux, intervint Eärundra qui s'était approché à son tour.
L'homme rougit légèrement, mais n'ajouta rien.
- De toute façon, de telles bêtes ne peuvent être vendue ou volées.
- Mais ce n'est pas ce que je...
- Oh, je ne sous-entend rien, rassurez-vous. Je vous énonce simplement les faits.
- Et... que faites-vous donc dans ces contrées hostiles ?
- Nous allons rendre visite à une vieille connaissance qui vit du côté du Miroir d'At'ar.
- C'est à l'autre bout de l'Anauroch !
- Tout juste.
- Je ne saurais que vous déconseiller de survoler la mer de la soif. Les rumeurs sur la cité de Pénombre sont inquiétantes.
- J'en ai entendu parler... mais nous allons probablement contourner les Monts Cimeterre par le nord.
- Ça me semble plus sûr en effet... Je vois que vous connaissez la région, apparemment. Cela dit, si je peux vous renseigner, n'hésitez pas...

[Kasumi]

Kasumi avait tiqué lui aussi à la mention du prix des aigles. Il aurait bien répondu que ces animaux ne pouvaient être montés que par un seul cavalier, quitte à mentir, mais la druidesse s'était chargé de répondre à sa place, à son plus grand soulagement. Mieux valait ne pas laisser penser un seul instant que leurs montures pouvaient avoir une valeur marchande devant un homme près à risquer sa vie en traversant des régions inhospitalières à des fins de commerce...

La conversation avait ensuite rapidement pris un tour moins polémique et le demi-elfe abonda dans le sens du marchand plus pour orienter la conversation dans cette direction que par réel intérêt pour ces questions :

- Oui, la dernière fois que je suis venu aussi loin au sud, la cité de Pénombre avait déjà la réputation d'être une cité dirigée par des mages n'ayant que leurs intérêts obscurs à l'esprit. J'ai entendu dire que les étrangers ou les autochtones du désert n'y étaient pas les bienvenus. Depuis je l'évite comme les campements Zhents... Mais peut-être avez-vous des nouvelles plus récentes que les nôtres ?

[Voyageuse]

La mention de Zhents fit sursauter l'homme qui roula un instant des yeux affolés et baissa la voix, chuchotant.
- Ne parlez donc pas d'eux comme ça à voix haute ! Des Zhents, je veux dire... Ignorez-vous qu'ils ont des espions partout ? N'importe lequel des mes hommes pourrait en être, en réalité... Ou même ces deux bergers... Bon, ils sont clairement d'origine bédouine, mais qui dit qu'ils n'ont pas recruté aussi parmi leurs adversaires ?
Il secoua la tête.
- On voit bien que vous n'êtes pas du coin... Mais tout le sud de l'Anauroch est le terrain d'une lutte d'influence larvée... et les Zhents l'ont plus ou moins remportée, parait-il, même si personne ne s'en aperçoit puisque tout se joue par en-dessous...
Il jeta un coup d'oeil autour de lui et baissa encore d'un ton.
- Quant à la cité de Pénombre... Mieux vaut ne même pas y faire allusion, vous savez. il y a une telle puissance magique là-bas qu'on peut très bien imaginer qu'ils savent et entendent tout ce qui se dit d'eux. ils viennent du plan de l'Ombre, à ce qu'il paraît.
- On dit que ce sont les descendants des Nétherisses... murmura son acolyte.
- Oh, ce sont certainement eux, oui... Et il ne faut pas perdre de vue la puissance qu'ils avaient, jusqu'à défier les dieux ! Non, si vous voulez mon avis, mieux vaut ne pas s'approcher de ces lieux maudits... et ne même pas y faire allusion.

[Kasumi]

Visiblement le marchand était superstitieux et Kasumi ne comptait pas le démentir. Il devait admettre que les rumeurs avaient un fond de vérité dans l'Anauroch. La magie y était ancienne et puissante et les histoires en fondaient même l'origine dans la chute des légendaires cités volantes néthérisses. Et contrairement aux adeptes des arcanes que l'on pouvait aisément croiser à Luménis aux abords de l'Université, il se murmurait que les mages locaux tiraient leurs forces de la toile de Shar et non de celle de Mystra ce qui en disait long sur leur nature profonde. Mieux valait en effet ne prendre aucun risque de s'en faire de nouveaux ennemis : leur périple serait déjà plus que largement semé d'embûches comme cela...

- Vous avez raison : il se dit que même le vent a des oreilles dans le désert. En tous cas c'est agréable de croiser des voyageurs tels que vous en ces contrées.

[Voyageuse]

- C'est un plaisir pour nous aussi. Les étrangers sont rares en ces terres... et entre voyageurs, il faut se serrer les coudes !
Il jeta à nouveau un coup d'oeil peu amène en direction des deux bédouins, qui l'ignoraient superbement. La caravane s'était installée à une extrémité de l'oasis, assez loin des bergers, mais relativement proche des aigles et de leurs cavaliers.
- Nous allons vaquer à nos occupations... J'ai un repas sur le feu, et la nuit ne va pas tarder à tomber.
Le soleil venait de disparaître à l'horizon, et la température semblait chuter à une allure vertigineuse. Les deux aigles picoraient le grain de Kasumi et semblaient s'en satisfaire. Rubis était sans doute habitué à se nourrir principalement ainsi. Ils pouvaient donc escompter que les aigles ne se mettent pas en tête de dévorer les chèvres de leurs voisins.
- Nous aussi avons un campement à installer. Il ne nous reste plus qu'à vous souhaiter une bonne nuit...

[Kasumi]

Kasumi leur souhaita lui aussi la bonne nuit, apparemment sans aucune arrière-pensée puis suivit Eärundra près de la chaleur bienfaisante chichement dispensée par leur petit feu de cuisson. Le rôdeur n'était pas très tranquille que les caravaniers se soient installés si près mais cela pouvait se justifier logiquement et l'oasis n'était de toute façon pas très étendue. Quand il fut certain qu'ils étaient seuls, le demi-elfe chuchota à l'adresse d'Eärundra :

- Auriez-vous par hasard un moyen d'espionner discrètement nos colocataires de ce soir ? Leur curiosité, surtout envers Opale et Rubis, ne m'a pas tout à fait rassuré... Oh, et appelez-moi Meredith devant eux si vous le voulez bien !

[Voyageuse]

- Meredith??? J'espère bien que vous me raconterez pourquoi vous avez pris un nom aussi... original !
Elle souriait d'un air taquin.
- Mais pour répondre à votre question... Non, je n'ai pas de moyen de les espionner. Mais je peux suggérer à Opale et Rubis de passer la nuit ailleurs si vous le jugez plus prudent. Cela dit, je ne pense pas qu'ils risquent grand-chose. Ils perdraient toute leur valeur s'ils étaient blessés, et on ne peut pas les transporter contre leur volonté, ils n'ont pas ce qu'il faut pour ça en tout cas...
Elle accentua son regard.
- Mais... c'est comme vous voulez... Meredith !
Elle semblait se retenir de rire...

[Kasumi]

Kasumi dédiait à la druidesse un regard mi-figue mi-raisin, partagé entre le même amusement qu'Eärundra et une pointe d'agacement. L'idée de déplacer les aigles ne ferait qu'afficher clairement leur méfiance et pourrait aussi bien inciter les caravaniers à s'en prendre à elle ou lui pour obtenir ce qu'ils voulaient si telle était leur intention... Non, les paroles de la druidesse suffisait pour le moment à le rassurer. Et ils seraient quatre pour être vigilants cette nuit-là. Il répondit d'un ton sérieux :

- Oh, j'aurais imaginé que vous sauriez vous déguiser ou convaincre un animal d'écouter à leur porte mais il est vrai que les druides et leurs capacités ont toujours été un mystère pour moi...

Il marqua une pause avant de reprendre d'un ton beaucoup plus léger :

- Et si vous voulez résoudre le mystère de mon choix, il faudra demander à Elryndel car c'est lui qui a choisi ce prénom, à mon plus grand dam !

[Voyageuse]

- Oui, bien sûr... Et il ne vous a jamais dit pourquoi il avait choisi ce nom ?
La druidesse secoua la tête.
- Oh, je suis sûre que vous avez une petite idée... mais si vous ne voulez rien dire, je demanderai à Elvilith, je suis certaine qu'elle se fera une joie de trahir ce secret de famille !
Une bonne odeur de soupe embaumait l'atmosphère, et la druidesse leur en servit chacun un bon bol. Il y avait également du jambon et du fromage à volonté.
Les caravaniers avaient rejoint leur groupe et ne semblaient plus se préoccuper d'eux le moins du monde. Un petit feu, à l'autre bout de l'oasis, marquait l'emplacement du bivouac des deux bergers. Et tout autour de l'oasis, on devinait un vide et un silence bien inhabituel pour qui était habitué aux mille et un bruits de la nature.

[Kasumi]

Kasumi avait fait semblant de s'offusquer, argumentant que ni Tilmandil ni Sylvia n'étaient au courant de ce lourd secret et qu'Eärundra n'avait pas le droit de trahir ainsi sa confiance. Mais la soupe, le fromage et le jambon l'avaient très rapidement détourné de ses récriminations de pure forme. Son appétit enfin satisfait, le rôdeur s'ouvrit à leur environnement immédiat, mettant quelques minutes à comprendre ce qui lui paraissait si étrange : la discrétion de la vie naturelle sinon son absence. Le calme était toutefois étrangement reposant et le demi-elfe se surprit à fermer à demi les yeux avant de se secouer pour interroger la druidesse :

- Voulez-vous instaurer des tours de garde ? Nous n'aurons pas la possibilité d'alterner aussi souvent que dans la Haute Forêt...

Les absences de Sylvia et même de Tilmandil étaient plus déstabilisantes encore que le silence de la nature et cela lui pesait particulièrement en cet instant.

[Voyageuse]

La druidesse hésita un instant, et finit par secouer la tête.
- Non. Dans l'absolu, bien sûr, ce serait une bonne chose... Mais ça vous priverait trop de sommeil. Il faut réserver ça aux nuits où nous nous sentirons vraiment trop peu en sécurité. Je ne pense pas que ce soit forcément le cas cette fois-ci. Il est évident que nous ne transportons pas d'objets de valeur, et nos aigles ne peuvent pas être volés. Et il y a trop de témoins potentiels, en outre...
Elle sourit.
- A mon avis, nous pouvons dormir sur nos deux oreilles. Enfin, surtout vous d'ailleurs, moi je me contenterai de ma transe....
La nuit était maintenant tombée, et le ciel dégagé, piqueté d'étoiles brillant comme mille pierres précieuses. la température avait fraîchi, les obligeant à enfiler pulls et manteaux. Les couvertures ne seraient pas de trop cette nuit.
- Je vais aller m'installer dans un arbre tout proche pour la nuit, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Il faut que j'en profite tant qu'il y en a...

[Kasumi]

Kasumi n'était pas tout à fait rassuré mais il se rendait à l'évidence lui aussi : il fallait préserver leurs forces - ses forces - pour les nuits à venir. Le vol de jour réclamerait en outre une pleine concentration et il ne pouvait pas miser sur ces heures d'inactivité pour récupérer de nuits trop courtes. Dans ces conditions, le demi-elfe était loin de s'abandonner à la beauté dépouillée de ce ciel éloigné de toute civilisation. Il s'autorisa tout de même un sourire au moment de répondre à la question de la druidesse :

- Je n'y vois certainement pas d'objection d'autant que je me sentirai plus en sécurité avec vous hors d'atteinte ! Profitez-en bien et bonne nuit Eärundra !

Kasumi n'avait pas l'intention de prolonger la veillée : son couchage était prêt et était de plus en plus tentant à mesure que la température chutait.