[Désert d'Anauroch] Quête : Racines

[Voyageuse]

- Hum... je ne le connais pas personnellement, je ne saurai dire avec exactitude. J'ai entendu parler de lui par un groupe d'aventuriers asabis dont l'un venait de ce clan, il y a... presque trois ans. Et apparemment il n'était pas parmi eux depuis très longtemps. Ça pourrait coïncider, en effet...
Il avala les dernières miettes de sa préparation à base de viande et de condiments.
- Et donc... vous auriez tué ses parents ? Et vous imaginez qu'il voudrait se venger... Oui, ça pourrait se tenir.
Il soupira.
- Que ferez-vous si vous parvenez à le retrouver, et si c'est bien lui ? Il est probable qu'il ne vous porte pas dans son coeur et ne veuille qu'une chose, vous tuer...

[Kasumi]

Le rôdeur avait plusieurs fois déjà réfléchi à cette éventualité sans vraiment parvenir à se forger une idée de ce que serait sa réaction. Il répliqua tout de même avec franchise :

- Si je peux éviter de le tuer, je tenterai de le capturer pour m'assurer qu'il est bien le responsable. Non pas que je le porte davantage dans mon cœur mais j'entends ne prendre aucun risque qui pourrait nuire à mon père. Après, s'il est possible de le convaincre ou de le contraindre à lever la malédiction, j'éviterai aussi de le tuer. Je ne cherche plus la vengeance et je comprends en partie la sienne. Ce ne sera pas facile, j'en ai conscience. Je n'aurai probablement peu de marge de manœuvre. En tous cas si je ne peux pas l'intercepter hors de son clan. Se déplace-t-il souvent ?

[Voyageuse]

Le druide réfléchit.
- Il se déplace, oui. Il accompagne souvent les émissaires de son clan, ou des guerriers, lorsqu'ils partent en expédition. Il sert de guérisseur...
Il soupira.
- Mais je ne saurais vous dire s'il se trouve dans son clan en ce moment ou en expédition. Pour cela, il faudrait interroger le chef du clan. Cela dit, c'est l'un des clans les plus proches d'ici... L'un de ceux auxquels on pourrait demander un parchemin pour sauver Eärundra...

[Kasumi]

Effroyable dilemme que celui-ci : un des clans les plus susceptibles d'aider Eärundra était présentement celui avec lequel le rôdeur risquait le plus d'entrer en conflit. Et ce n'était pas le seul élément qui faisait douter le demi-elfe du bienfondé d'y chercher un parchemin. Il répondit d'un ton dubitatif :

- Dans tous les cas, je ne peux donc pas m'y présenter : les risques que le shaman me reconnaisse sont trop importants. Il pourrait volontairement chercher à me nuire en fournissant un sort qui aggraverait le cas d'Eärundra. Je ne suis pas prêt à prendre ce risque : y aurait-il d'autres clans accessibles ? Je crois que le plus urgent est de la sauver : son avis et ses idées me sont précieux et je n'aurai pas l'esprit libre tant que je la saurai en danger.

[Voyageuse]

Le druide hocha la tête.
- C'est un problème en effet. Mais il y a d'autres clans accessibles, à peu près à la même distance. Simplement, vous devez savoir que ces clans se connaissent et peuvent, s'ils ont un mage ou certains clerc parmi eux, communiquer à distance entre eux. Il est néanmoins peu probable qu'un demi-elfe à la recherche d'un parchemin attire suffisamment leur attention pour cela. A condition qu'ils ne voient pas votre aigle... ou en tout cas ne fassent pas le lien avec votre présence.
Il sourit.
- Mais le fait qu'ils se connaissent présente un avantage : vous pourrez peut-être, s'ils sont suffisamment bien disposé envers vous, vous enquérir de la présence de Huasasth dans le clan voisin... Peut-être sans mentionner son nom, pour ne pas qu'ils trouvent ça louche. C'est bien évidemment le seul shaman de son clan.

[Kasumi]

Kasumi avait à demi espéré que Ta'sslan se propose d'aller chercher lui-même le parchemin destiné à Eärundra mais peut-être était-ce trop compter sur la chance et surtout sa bonne volonté à son égard. Kasumi devait toutefois avouer ne pas vraiment connaître les us et coutumes de ce peuple qu'il avait pourtant tant combattu par le passé : une faiblesse assurément, surtout quand il s'agirait de négocier avec eux.

- Je pense que la racine pourrait me permettre de bien disposer le shaman d'un autre clan. Pourriez-vous m'en conseiller un qui ne serait pas particulièrement belliqueux envers les étrangers ? Je sais que je demande beaucoup mais je dois avouer ne pas vraiment connaître les mœurs des vôtres. Vos façons de combattre oui, mais pas de commercer. Et à combien d'extraits de racine estimeriez-vous le parchemin que je cherche ? Juste pour éviter d'insulter le shaman ou, au contraire, de me faire rouler.

[Voyageuse]

- Montrez-moi ce que vous avez, je vous prélèverai la quantité nécessaire...
Il parut hésiter un moment, puis ajouta.
- Je pourrais aussi aller moi-même chercher ce parchemin. Il existe une certaine solidarité entre druides, et je me dois de porter secours à Eärundra. En revanche, me renseigner à votre place, ça n'est pas vraiment dans mes attributions ou dans mes obligations. je pourrais le faire. Mais... ça ne serait pas gratuit.

[Kasumi]

Le rôdeur n'hésita qu'un instant avant de fouiller dans son sac à dos où il avait regroupé l'essentiel de ses trouvailles : une belle quantité sans doute bien plus qu'il n'avait consommé pour entrer au domaine des rêves. Mais il ignorait si cela suffirait à représenter un prix acceptable pour le parchemin voire davantage. Il leva un regard interrogatif vers le druide avant de répondre à sa suggestion :

- Je vous serais reconnaissant d'aller négocier le parchemin pendant que je veille à ce qui n'arrive rien à Eärundra. Est-ce qu'il y a une quantité suffisante ? Et, à supposé que je sois également intéressé par les renseignements, que demanderiez-vous en échange ?

[Voyageuse]

La bouche de l'asabi lui parut s'étirer en un sourire, et ses yeux brillèrent d'un éclat vaguement métallique.
- Le prix pour des renseignements doit être des renseignements, ça me semble logique. Il faudra donc pour commencer, en échange des questions que je poserai, que vous acceptiez de répondre à quelques-uns des miennes...
Il prit les racines d'ayahuasca, les soupesa.
- Il en faudra une bonne moitié comme prix d'un parchemin. Et j'en garderai un peu, cette quantité, ajouta-t-il en prenant le tiers de ce qu'il restait, comme paiement pour mon aide. Je sais que c'est ce qu'Eärundra me proposerait.

[Kasumi]

Le rôdeur ne chercha pas à marchander : il ne savait rien de cette racine hormis qu'elle représentait un danger et avait failli tuer son père. S'il la conservait plutôt que de s'en débarrasser, c'est parce qu'il avait aussi conscience de la monnaie d'échange qu'elle représentait. Une monnaie d'échange apte à lui attirer des faveurs comme celles que se proposaient d'accomplir le druide. C'est pourquoi il répondit sincèrement, sans se soucier de se faire arnaquer ou non : de son point de vue, le marché était plus qu'équitable s'il permettait de sauver Eärundra.

- Cela me convient. Je vais conserver le reste au cas où il puisse nous être encore utile. et je suis prêt à répondre à vos questions du moment qu'elles ne risquent pas de nuire aux miens, mes amis les premiers. Je répondrai sincèrement toutefois et je vous indiquerai les questions auxquelles je ne pourrais éventuellement pas répondre. Marché conclu ?

[Voyageuse]

L'asabi hocha la tête.
- Marché conclu.
Il se leva pour aller ranger les écuelles après les avoir lavées... avec du sable tout simplement.
- Et rassurez-vous, mes questions ne nuisent pas à vous nuire ou à nuire à vos amis. Simplement à étendre mes connaissances. Et un certain nombre ne concerne que vous... Les deux premières en particulier...
Il se rassit, sa longue queue enroulée autour de lui.
- A quoi ressemble le monde des Rêves pour un demi-elfe ?

[Kasumi]

L'affirmation du druide l'avait rassuré : évoquer des questions personnelles était quelque part pus facile avec un inconnu qu'il ne risquait pas de revoir sitôt cette sombre histoire terminée. Le demi-elfe prit le temps de se replonger dans ses souvenirs avant de répondre avec sincérité :

- Cela ressemble en fait à la réalité. A ceci près qu'elle est bien plus séduisante : c'est comme s'il s'agissait d'une réalité modelée en fonction de ses désirs du moment ou profond. Un monde où il est facile de se perdre volontairement. J'y ai retrouvé certains souvenirs de mon enfance mais aussi des événements qui ne se sont jamais déroulés. Mon père, qui est un elfe de sang pur a vécu à peu près la même expérience : alors qu'il est affaibli en réalité, il avait recouvré la santé dans le monde du rêve. Et il ne voulait plus le quitter. Quant à moi, outre le bonheur de le retrouver enfin, j'y ai croisé ma compagne qui a cherché à me retenir. Je ne sais pas si c'est ma propre volonté qui était à l'œuvre ou une influence extérieure cela dit. Oh, et j'ai aussi appris qu'on pouvait modeler en partie la "réalité" en songeant à un endroit, une personne, pour se rendre auprès d'elle. Je crois que c'est le plus important : de ne pas oublier de garder le contrôle et surtout que rien n'y est réel. Sinon on n'a ni la force ni la volonté d'en ressortir.

[Voyageuse]

- Ce n'est guère différent de ce qu'il est pour un asabi, en somme. En tout cas, ça n'est pas différent de ce que j'ai pu expérimenter. La seule différence est que les shaman peuvent y rencontrer les esprits des ancêtres, à ce qu'il paraît... mais ça ne vous concerne pas. Quoique... existe-t-il un équivalent elfique pour les esprits des ancêtres ? Un monde où on pourrait les rencontrer ? Ou est-ce qu'aucun elfe ne s'est jamais penché sur la question, ne s'y est jamais intéressé ? Ca me surprendrait fort, en réalité.
Il secoua la tête.
- Je vais vous expliquer, être plus précis... Les asabis, à leur mort, se retrouvent dans le Monde des Rêves où ils sont, en quelque sorte, triés, selon leurs actes, selon les dieux qu'ils vénèrent éventuellement, avant de trouver le repos éternel. Certains y restent pour toujours, en tant qu'esprit, et ils servent de guide à nos shamans, d'autres iront retrouver le Grand Repos.... Existe-t-il quelque chose de similaire chez les elfes , ou les humains ?

[Kasumi]

La question était cette fois largement plus épineuse et abordait un thème sur lequel le rôdeur s'était bien peu souvent interrogé. Se sentant tiraillé entre ses origines elfiques et humaines sont appartenir tout à fait à aucune des cultures, le demi-elfe avait conscience de ses lacunes d'autant qu'il n'avait jamais été très féru de théologie mais il chercha tout de même à répondre au mieux de ses capacités :

- Je ne crois pas que nous disposions d'un équivalent, non. Enfin, je parle à la fois pour les humains et les elfes. Nous rejoignons généralement le plan du dieu que nous avons servi après notre mort ou en tous cas dont nous sommes le plus proche spirituellement. Cela dit, les elfes accèdent à un équivalent du monde des rêves d'après ma compréhension limitée du phénomène : Eärundra saurait davantage vous renseigner à ce sujet mais les Rêveries elfiques permettent aux vivants d'entrer en communion avec la Seldarine et par là même avec tous les autres esprits elfiques. Bien évidemment, je ne suis pas suffisamment elfe pour y avoir accès et donc vous en dire davantage.

[Voyageuse]

L'asabi hocha la tête.
- Je comprends... Ça rejoint l'une des questions que je m'apprêtait à vous poser, d'ailleurs, concernant votre double appartenance. Vous n'êtes pas suffisamment elfe pour avoir accès à la rêverie... et pas suffisamment humain pour d'autres choses peut-être ? On dit que vivre entre deux cultures, ainsi, est très compliqué... Qu'en pensez-vous, vous-mêmes ? Êtes-vous plutôt humain ou plutôt elfe ? Dans votre mode de vie, dans le ou les dieux que vous révérez ? Ou avez-vous trouvé un juste milieu ? Et si vous penchez plus pour l'une des deux cultures, qu'est-ce qui vous pousse dans cette direction ?

[Kasumi]

Kasumi eut besoin d'un temps de réflexion bien plus long cette fois : il ne s'attendait pas du tout à cette question et il eut bien du mal à ordonner ses idées à ce sujet. Quand le silence devint gênant face à l'asabi, il se lança toutefois :

- On dit souvent que les demi-elfes n'appartiennent pas vraiment à l'une ou l'autre culture dont il sont issus. C'est vrai, en partie. Je dois dire que mon expérience personnel et mes choix m'ont davantage orienté vers les humains : j'ai vécu la plupart de mon enfance et surtout de mon adolescence avec ma mère humaine, dans une communauté qui l'était majoritairement aussi. Je pense que cela m'a beaucoup plus influencé. Je ne rejette pas pour autant ma nature elfique et mon admiration pour les réalisations de la culture de mon père : c'est quelque part un motif de fierté. Seulement voilà, je n'ai pas la patience de mes ancêtres elfes : sans doute parce que je vieillis plus vite qu'eux. Et mes goûts m'orientent davantage vers l'humanité : je suis les enseignements de Mielikki dans ma voie de rôdeur. On l'a dit proche des demi-elfes comme moi cela dit. Et puis je dois reconnaître que j'ai toujours été plus attiré par les humaines aussi.

Il se surprit à rougir en se rendant compte d'avoir livré un détail très personnel sans l'anticiper. Mais en même temps c'était la pure vérité : en dehors de Sylvia avec qui il se voyait bien faire sa vie, il n'y avait eu que des humaines pour attirer son regard : Anoushivaran et Galathée dans une certaine mesure et Astrée avec qui il avait passé une année heureuse et tant découvert y compris sur lui-même. Il eut un léger pincement au cœur en songeant à elle et à la trahison qu'il avait commise à son encontre.

[Voyageuse]

L'asabi eût l'espèce de grimace qui correspondait à un sourire.
- Mes questions doivent vous surprendre... Mais j'ai rarement eu l'occasion de dialoguer avec un demi-elfe, ni même avec beaucoup d'elfes, et je profite de chaque occasion qui m'est donnée pour mieux comprendre le fonctionnement des êtres qui n'appartiennent pas à ma race.
Il le fixa subitement droit dans les yeux.
- J'ai une dernière question. A combien estimez-vous le prix de la vie de votre père ? A combien... de vies, par exemple ? Ou, dit autrement, que seriez-vous prêt à faire pour le sauver ? Jusqu'où iriez-vous ? Ou pas...

[Kasumi]

Le rôdeur s'était contenté de hausser les épaules à la première remarque du druide, compréhensif de ses motivations et ne cherchant pas à les remettre en cause. Sa nouvelle question le plongea tout de même dans un certain embarras d'autant que l'asabi fixait à présent son regard sur lui. Il élimina plusieurs réponses qui lui vinrent à l'esprit et décida de prendre le parti de répondre honnêtement, sans chercher à se mentir à lui-même davantage qu'à Ta'sslan :

- C'est une question légitime je suppose. J'ai conscience que certains des êtres qui me sont le plus cher ont risqué leur vie dans cet objectif et je crois que je ne serais prêt à en perdre aucun même si cela devait sauver mon père. Ils ont choisi de l'aider et de m'aider mais je tiens trop à eux pour les mettre en danger. Mais je pressens que votre question est autre. Et donc, je n'ai aucune envie de tuer ou même de blesser qui que ce soit si un autre moyen m'est offert. Pas même ce Huasasth qui le mériterait peut-être. Mais si nous devons en venir à nous battre, je serai prêt à prendre des vies pour sauver celle de mon père ou celle de mes amis. Combien, je ne sais pas : je ne calcule pas ainsi. Mais je ne blesserai aucun innocent ou étranger à cette affaire même si ça devait aider Elryndel. Ce serait renier tout ce qu'il m'a enseigné.

[Voyageuse]

La dernière phrase arracha au druide un demi-sourire.
- Aucune vie de quelqu'un d'étranger à cette affaire ? Êtes-vous sûr ? Et si des membres du Clan des Pierres, son clan actuel, décident de vous combattre pour le protéger ? Je vous conseille de prendre le temps d'y réfléchir pendant que j'irai chercher ce parchemin. Il est probable que Huasasth ne se montre pas coopératif. Et il est probable qu'il ne soit pas seul...
L'asabi se leva, dominant Kasumi de toute sa taille. Il devait faire deux bonnes têtes -humaines- de plus que lui.
- Quoiqu'il en soit, je vais aller chercher ce parchemin. Si je prends l'aigle d'Eärundra, je devrais être là-bas ce soir, et de retour demain... Mais j'ai encore une question : racontez-moi un souvenir, n'importe lequel, qui puisse m'aider à comprendre mieux les spécificités des humains.

[Kasumi]

Kasumi avait cru en avoir fini avec les questions et était tout à soulagement du délai annoncé par l'asabi pour son retour quand il choisit de lui poser une question à laquelle il ne s'attendait vraiment pas. Une question si simple d'apparence et pourtant il était extrêmement difficile d'y répondre : comment un simple souvenir pouvait aider à définir une race entière ? Et comment ne pas en choisir un qui puisse apparaître trop extrême, qui idéaliserait trop ou au contraire donnerait une image de ce dont certains humains étaient capables parfois. Qu'elle qu'en soit la raison, un souvenir finit tout de même par s'imposer à lui et il décida de ne pas chercher plus loin mais simplement de mettre les formes pour l'amener. Pas étonnant que Tilmandil lui trouve parfois un côté barde après tout !

- C'est une longue histoire là encore mais je vais tâcher de vous en résumer les points essentiels afin de ne pas vous retarder. Une petite communauté humaine isolée en bord de forêt a subi une série de vols et a décidé de faire appel à la capitale pour qu'on enquête et qu'on attrape les bandits. L'homme - ou plutôt le demi-elfe - qu'ils ont envoyé a rapidement découvert que les bandits en question n'étaient qu'une autre petite communauté humaine dans le besoin. Des réfugiés contraint de quitter leur foyer après une guerre. Ils avaient des enfants et des personnes âgées à nourrir et n'avaient d'autre moyen de subsistance que ces rapines.

L'enquêteur s'est laissé capturer pour en apprendre davantage et a fini par comprendre en partie leurs motivations. Mais il savait aussi que la communauté qui l'avait missionné réclamerait que l'on chasse les coupables maintenant que leur repère était identifié. Il s'est donc débrouillé pour organiser une rencontre pacifique à l'insu des deux parties. Les uns vivaient dans la forêt et savaient en exploiter le bois. Les autres craignaient de s'y aventurer et préféraient cultiver des champs.

Finalement, les deux parties avaient quelque-chose dont l'autre avait besoin mais ne se comprenaient pas assez pour s'en rendre compte. Malgré eux peut être, un accord s'est rapidement dessiné : des livraisons de bois contre de la nourriture de la laine chaude. Aujourd'hui, plutôt que de se faire la guerre, les deux communautés font du commerce et coexistent en bonne harmonie. Toutefois il a fallu la persévérance d'un demi-elfe et une bonne dose de chance pour qu'ils y parviennent.

Le demi-elfe marqua une pause, signe qu'il en avait fini. Mais avant de laisser le druide répondre, il ajouta d'un ton ingénu :

- Mais comme j'ai répondu à une question supplémentaire pour vous permettre de mieux comprendre les humains, puis-je demander à ce que vous me rendiez la pareille pour m'aider à mieux comprendre les vôtres ? Non pas que je cherche à vous retenir en vous faisant conter une histoire mais si les vôtres pratiquent le don, pourriez-vous m'amener un objet qui serait typique de votre culture et que l'on offrirait en signe de paix ou d'amitié. Si l'objet a une valeur monétaire, je vous dédommagerai, cela va de soi.

[Voyageuse]

Le druide hésita, et secoua la tête.
- Je n'avais pas annoncé à l'avance le nombre de questions, fit-il remarquer. On ne peut donc pas prétendre qu'il y en a eu une de plus... Mais quoiqu'il en soit, je n'ai rien à vous offrir. Nous ne faisons que très peu d'artisanat, en partie par manque de matière première, et je passe mon temps sur les routes donc je m'efforce de voyager le plus léger possible. Et on n'offre jamais rien en signe de paix ou d'amitié, dans mon peuple. Les asabi sont par nature méfiants et égocentriques. Ils se lient peu, font encore moins confiance, n'engagent pas leur parole et ne créent pas vraiment de liens d'amitié. En réalité, les seuls liens qui existent vraiment sont ceux du clan. Et chaque clan a ses propres symboles, des tatouages ou un bijou spécial, que tous ses membres portent. Mais ils ne le donnent pas à un étranger, à moins qu'ils ne choisissent de l'intégrer au clan. Je doute que ça vous arrive, même à titre honorifique, surtout en si peu de temps. Et moi-même, qui ne suis membre d'aucun clan, je ne porte aucune de leurs marques distinctives..."
Il sourit.
- Mais de votre histoire, je retiendrai l'importance du commerce et de l'échange dans vos sociétés. Nous les pratiquons également... mais avec moins de confiance.

[Kasumi]

Le rôdeur esquissa un sourire à son tour et répliqua d'un ton mi amusé, mi sérieux :

- J'avais pourtant compris que votre question précédente était la dernière mais soit, c'était un plaisir de vous faire un peu connaître de ma culture. Enfin, de l'une de mes cultures pour être plus exact. Et merci pour ces précisions sur votre peuple quoiqu'il en soit. Comptez-vous partir maintenant ? Je pense avoir assez de vivres et d'eau pour un jour ou deux mais Rubis aura rapidement besoin de chasser, je compte donc sur votre retour demain ! D'ici là, je vais tâcher de me faire le plus discret possible.

[Voyageuse]

- Il n'y a pas d'oasis dans les parages, mais vous avez effectivement une bonne réserve d'eau. Et je ne me fais pas de souci, vous ne vous laisserez pas mourir de faim ou de soif, votre aigle peut vous amener en peu de temps dans des endroits plus accueillants... Cela dit, je vous déconseille de sortir sauf absolue nécessité.
Il fouilla un moment dans l'angle de l'abri où étaient entreposées ses affaires, et revint avec une sorte de sac de toile de jute dans lequel il avait rassemblé ses bagages, auxquels il rajouta la racine d'ayahuasca.
- Vous pourriez avoir la visite d'un dromadaire d'ici ce soir. Un ami à moi... Je vous laisse le soin de le nourrir, vous trouvez le nécessaire là-bas. Je ferai aussi vite que possible, mais ne m'attendez pas avant demain soir. Je devrai interroger peut-être plusieurs personnes...

[Kasumi]

Le rôdeur affirma qu'il ne bougerait pas de l'abri sauf en cas de danger : il avait bien trop conscience des risques de se faire à nouveau surprendre par les créatures monstrueuses qui rôdaient bien trop près à son goût. Il n'avait pas envie de subir le même sort que la druidesse ou encore de la mettre en danger en attirant des créatures hostiles jusque dans cet abri. S'installant un peu plus au fond de la grotte, il posa une question qui le turlupinait mais d'un ton un peu incertain, craignant sans doute de paraître un peu ridicule :

- Je prendrai soin de votre ami, n'en doutez pas... Mais dîtes-moi... Cela peut vous paraitre ridicule mais est-ce qu'Eärundra est consciente de ce qui l'entoure dans son état actuel. C'est juste pour savoir. Si cela peut la rassurer que je lui parle et surtout si je dois éviter de me promener en petite tenue dans l'abri !

[Voyageuse]

Le druide hésita, puis secoua la tête.
- A ma connaissance, elle n'est pas consciente de ce qui l'entoure. En tout cas, je ne perçois rien en elle... mais je peux me tromper, bien sûr...
Il sourit.
- Mais vous êtes bien trop pudiques, vous autres elfes et humains. Vous imaginez peut-être qu'elle n'a jamais vu un corps nu ?
Avec un petit rire, il chargea son sac sur son épaule et sortit de leur abri de sable, retrouvant les aigles dans la petite cuvette artificielle. Il acheva de décharger les bagages de Kasumi et Eärundra, laissant au rôdeur le soin de les ranger, et se contenta de son sac de jute qu'il amarra soigneusement avant de s'installer aussi bien que possible en selle, équilibrant sa longue queue de son mieux. La selle n'était décidément pas conçue pour un corps reptilien.
Et sur un dernier signe de la main, il s'envola.

[Kasumi]

Kasumi suivit l'asabi dehors pour l'aider à délester les deux aigles. Même s'il ne se sentait pas encore tout à fait à l'aise avec les oiseaux géants, il ne ressentait plus de crainte à se trouver à portée de bec. Plusieurs jours de vol et quelques frayeurs aussi lui avait appris à leur faire confiance à défaut de créer un vrai lien avec eux.

Le demi-elfe s'était retenu de tirer la langue au druide après sa remarque sur sa pudibonderie supposée mais il n'avait certainement pas l'intention de lui donner raison. Il lui adressa toutefois un sourire et se fendit de quelques encouragements en guise d'au-revoir :

- Soyez prudent : je compte sur vous pour me ramener ce parchemin. D'ici là je m'occuperai au mieux de votre cachette.

Il attendit que Ta'sslan ait décollé avant d'entreprendre de ranger soigneusement les bagages dans le petit espace couvert. Cela aurait le mérite de l'occuper pendant quelques minutes puis il ferait en sorte de préparer une cuvette d'eau pour Rubis. Malgré cela, la journée promettait d'être longue. Sans parler la nuit et de la journée du lendemain...

[Voyageuse]

Le rangement de ses maigres bagages ne lui prit guère de temps. il y avait là des provisions, un peu d'eau, du bois et un peu de matériel en tout genre. La provision d'eau ne suffirait pas, mais il avait son pipeau magique qui pourrait lui en procurer autant que de besoin, à condition d'être patient.
Puis la longue attente commença. Il voyait Rubis, dehors, tentant vainement de se protéger du soleil en se mettant au plus près possible de l'abri, jusqu'à tendre son cou pour le rentrer à l'intérieur. Il trouvait visiblement le temps très long, surtout en l'absence d'Opale. Il finit par se reculer, et Kasumi comprit qu'il s'apprêtait à s'envoler. Peut-être juste pour chasser. C'était difficile à savoir... L'après-midi était bien avancé déjà, et c'était effectivement l'heure où, d'habitude, ils commençaient à chercher à repérer un lieu d'atterrissage...

[Kasumi]

Mais il n'était pas prudent de laisser l'aigle apparaître au grand jour. Du moins pas tant qu'il serait seul à défendre cette position et ne pourrait pas la quitter. Le rôdeur s'approcha donc jusqu'à l'aigle et lui servit une provision de grain, la quantité qu'il avait vu Eärundra lui donner quand il ne pouvait pas trouver à manger.

- Désolé mon grand mais tu vas devoir te contenter de ça pour ce soir. Et aussi de ma présence. Je sais que tu préfèrerais être avec Opale mais tu n'es pas le seul à qui ta compagne lui manque !

Espérant qu'il avait compris, le rôdeur se noua un foulard sur la tête et sortit dans la dépression tâchant de tenir compagnie à l'aigle mais aussi de déterminer s'il pouvait discrètement dresser une toile sans abîmer les parois de sable de la dépression. Il serait facile de la camoufler au regards extérieurs en y dispersant un peu de sable et cela protègerait un peu Rubis de la chaleur du soleil qui commençait lentement à décliner.

Quand il en aurait fini, le demi-elfe avait l'intention de jouer un peu de la flûte des sirènes. Tant pour la quantité d'eau vitale que cela prodiguerait - lui évitant de puiser plus que de raison dans ses réserves limitées - que pour l'occupation en elle-même et le besoin de rompre un peu le silence oppressant.

La soirée, il savait déjà comment il l'occuperait sous réserve toutefois que rien ne vienne perturber ses plans. Il s'était dégoté un morceau de bois parfait pour ce qu'il avait imaginé. Une façon d'espérer en l'avenir et en la mission de Ta'sslan et de rendre hommage à la druidesse qui l'accompagnait à ses risques et périls. Bon, il était probable qu'une certaine rôdeuse au tempérament de feu n'apprécie pas cette initiative mais il était confiant sur sa faculté à se faire pardonner le cas échéant.

[Voyageuse]

La dépression artificielle dans laquelle il se trouvait était vaste, ses parois extrêmement friables, et l'aigle bien trop grand. Une simple toile de tente, même étendue au maximum, ne suffirait pas à le couvrir. Tout au plus pourrait-il abriter sa tête. Mais l'ombre qui commençait à s'étendre lui permettait déjà de s'abriter un peu de la chaleur, qui ne serait d'ici deux ou trois heures qu'un lointain souvenir.
L'aigle parut comprendre qu'on ne l'autorisait pas à s'envoler, et resta picorer son grain, l'air plutôt tristounet -ou peut-être était-ce une interprétation fausse ? Il baissa sa tête pour la poser brièvement sur l'épaule de Kasumi, et but un peu de l'eau qui s'écoulait du pipeau.
Rien ne vint les déranger. Il ne semblait pas y avoir âme qui vive dans les environs. Ni animal en fuite, ni monstre agressif. Le silence seul, oppressant. Et la nuit tomba peu à peu.

[Kasumi]

Kasumi était plutôt ravi du succès rencontré avec Rubis : il avait réussi à le convaincre de ne pas se montrer - pour l'instant en tous cas - et ils avaient somme toute partagé un petit moment de complicité. Autant pour ne pas laisser l'aigle seul que pour ne pas le demeurer lui-même, le demi-elfe décida de s'installer dehors. Il avait entamé son ouvrage sous la lumière déclinante puis sous la voûte céleste se piquetant des premières étoiles.

Le froid - bientôt - le força à battre en retraite vers l'abri et allumer un feu. N'ayant quasiment rien mangé depuis la veille hormis l'étrange préparation épicée du druide, le demi-elfe se restaura cette fois plus volontiers, ayant quelque peu repris espoir de sauver Eärundra et peut-être de réussir sa mission. Après avoir mangé, il alla vérifier que Rubis se portait bien puis il rentra à nouveau, mettant une dernière touche à sa nouvelle création avant de s'endormir dans ses couvertures, trop fatigué pour assurer un tour de garde.