[Désert d'Anauroch] Quête : Racines

[Voyageuse]

- Les aigles sont cachés derrière ce buisson d'épineux, là-bas, fit-elle en désignant d'un vague geste du menton un emplacement à une trentaine de mètres. Le sortilège prendra fin demain matin, peu après le lever du soleil... peut-être une heure après maximum. J'espère qu'ils seront partis avant.
Elle s'installa près du feu où Kasumi avait mis à rôtir un quartier de viande au fumet appétissant, et sortit leurs gamelles. Du côté du marigot, les deux asabis s'éloignaient le long des arbres, disparaissant à leur vue. Ils les avaient observé sans chercher à s'en dissimuler, et rentraient probablement faire leur rapport.
- J'irai me coucher dès que nous aurons mangé... Je peux demander à un rongeur d'aller les surveiller, mais il risque d'oublier la consigne avant la fin de ton tour de garde. A moins que je ne demande à Opale... mais s'ils la repèrent, un aigle, même ordinaire, n'est pas courant par ici...

[Kasumi]

Kasumi s'installa à côté d'elle et son regard se perdit dans les fourrés, dans la direction approximative du campement asabi. Il ne fut cependant pas long à donner son opinion sur la question :

- Ne prenons pas ce risque alors qu'ils sont plus vulnérables que jamais. Les asabis vont forcément associer les aigles à notre présence et ils pourraient bien tenter de les abattre, juste par principe. De toute façon, il faut se tenir prêts à se battre. A moins que je ne tente une approche diplomatique. Via des excuses ou un cadeau peut-être ?

[Voyageuse]

La druidesse grimaça.
- Je ne suis pas sûre que ça suffise. Ils ont un sens de l'honneur très pointilleux... Enfin, on devrait plutôt appeler ça fierté... Et surtout ils sont toujours prêts à se saisir du moins prétexte pour déclencher une bagarre, surtout s'ils sont sûrs d'avoir le dessus. Enfin, je dis ça... Honte à moi ! je ne devrais pas juger tous les asabis seulement selon la réputation de leur race.
Elle soupira.
- A mon avis, le mieux qu'on puisse espérer, c'est qu'ils soient fatigués ou aient bien d'autres préoccupations en tête et oublient notre présence, et l'affront éventuel. Mais si vraiment vous voulez tenter une approche diplomatique, vous pouvez essayer après tout. Ils ne sont pas tous forcément les mêmes... Des excuses, si vraiment vous leur en devez, peut-être un cadeau. Pourquoi pas. Ca prouverait que vous reconnaissez leur supériorité. S'il s'agit juste de reptilien trop fiers, ça suffira. S'il s'agit d'une bande de pillards... on peut imaginer qu'ils nous auraient attaqués de toute façon.

[Kasumi]

Le rôdeur fit une grimace : si des excuses ou un cadeau risquaient seulement de passer pour un signe de faiblesse et non de trêve, il se voyait mal surmonter sa propre fierté pour en prendre l'initiative.

- D'un autre côté, ils doivent nous prendre pour des proies faciles dans un cas ou dans l'autre alors il ne serait pas très avisé de conforter cette impression. Tant qu'ils peuvent garder un doute concernant nos forces, il y a moins de risque qu'ils passent à l'action.

C'était une attitude peut-être un peu lâche et même inconsciente de sa part mais il comptait sur la druidesse pour mettre en cause ses choix si elle le jugeait ainsi. Elle n'avait jamais hésité à affirmer ce qu'elle pensait et souvent sans fard après tout.

[Voyageuse]

Eärundra acquiesça.
- Je pense moi aussi que ça ne changerait probablement pas grand-chose... même si on ne peut pas le savoir sans l'avoir tenté. Mais je pressens que vous n'en avez pas réellement envie, et ils pourraient le sentir, et estimer qu'il s'agit davantage de couardise que d'excuses sincères. Après, tout dépend... s'ils aiment qu'on les reconnaisse supérieurs, ils apprécieront peut-être même une marque de lâcheté. S'ils aiment surtout écraser les autres, ils auront envie de nous attaquer quoiqu'on tente. Et je penche plutôt pour cette éventualité... Pour moi, il va plutôt falloir compter sur Tymora ! ET si elle nous abandonne, on aura besoin de toute notre énergie, donc... bon appétit !
Elle avait pris la viande que Kasumi avait mis à rôtir et entreprit d'en découper de généreuses tranches. Ils avaient de drôles de haricots en accompagnement, et des fruits tout aussi étrange pour dessert. C'était le meilleur repas qu'ils aient dégusté depuis un moment...

[Kasumi]

Et même si c'était probablement délicieux, le demi-elfe ne parvenait pas tout à fait à apprécier son repas et se garda bien de manger trop copieusement au risque de se trouver pris de somnolence au pire moment pendant la nuit. Eärundra ne devait pas manquer le remarquer, elle qui semblait lire à livre ouvert chez ses compagnons d'aventure. Pour tenter de détendre un peu l'ambiance pesante, Kasumi se risqua à une plaisanterie douce-amère :

- On aura beaucoup trop de viande pour l'emporter. Tu crois que les asabis apprécieraient qu'on leur cèdes nos restes en cadeau ? Cela dit, il y a de fortes chances que cela soit mal interprété et passe pour une déclaration de guerre... Comme le cadeau d'un maître à son serviteur ou une insinuation sur leur incapacité à chasser eux mêmes ou une ineptie du même acabit.

[Voyageuse]

- Hum... Non, je ne crois pas que ce soit une bonne idée ! Je les imagine bien prendre ça pour une insulte, juste pour le plaisir... Et puis on n'en aura pas de trop pour les jours à venir. Enfin, si mes conserves tiennent le coup.
La nuit tombait, et avec elle le froid, sec et piquant.
- Allez, je vous laisse le soin de trier les bagages... Réveillez-moi dans trois ou quatre heures ! Bonne nuit... enfin, bonne veille !
Sur ces derniers mots, la druidesse se dirigea vers les étranges arbres à larges feuilles. Elle avait tendu un hamac de coton entre deux d'entre eux et s'y installa confortablement. Quelques instants plus tard, elle dormait... ou plutôt, plongeait vers cet étrange état semi-inconscient que les elfes appellent rêverie.

[Kasumi]

Kasumi s’était contenté d’un sourire de circonstance pour manifester qu’il n’avait pas envisagé sérieusement d’inviter les asabis à partager leur viande. Quand Eärundra s’éloigna, il commença aussitôt à préparer les deux sacs dont ils avaient parlé mais il prenait bien garde à ne pas se laisser totalement absorbé par sa tâche : les asabis pouvaient venir les espionner ou même déclencher une attaque à tout instant et il ne tenait vraiment pas à se laisser prendre au dépourvu.

Puis sa veille commença. Le silence ne tarda pas çà devenir pesant d’autant plus que la druidesse ne faisait pas un bruit dans son état de rêverie. Une étrangeté qu’il n’avait plus eu l’occasion d’observer depuis bien des années. Le dernier elfe avec qui il avait eu l’occasion de bivouaquer dans des conditions similaires était Taliesin. En songeant à lui, il se demanda ce qu’il avait bien pu advenir de lui depuis tout ce temps : il avait semble-t-il disparu du jour au lendemain avec Galathée et il n’avait pas pu pousser plus loin son enquête à l’époque. Le désert avait la fâcheuse tendance à placer le rôdeur seul face à sa conscience et il grimaça en songeant qu’il l’avait peut-être abandonné lui aussi. Comme Astrée qu’il avait trahi sans vergogne. Comme son père il y a quelques années. Comme Sylvia qu’il avait quittée sans un mot par la même occasion. D’humeur sombre, il songea que ce ne serait peut-être pas une mauvaise chose que l’asabi qu’il avait insulté vienne réclamer un duel. A condition qu’Eärundra n’ait pas à en subir les conséquences évidemment. Il avait fait défaut à trop de personnes pour que sa conscience supporte un tel revers.

[Voyageuse]

Il ne se passait rien, et l'absence d'action rendait le silence d'autant plus oppressant. Comme si le désert aux alentours retenait son souffle dans l'attente de quelque chose qui n'arrivait pas. En toute objectivité, pourtant, il s'agissait exactement du même silence que celui des nuits précédentes. Son humeur était plus morose, c'était tout.
Il passa le relais à Eärundra sans que rien ne soit survenu. Il eût l'impression, juste une fois, d'être épié, mais sans certitude. Peut-être était-ce un asabi, peut-être un animal. Ou peut-être son imagination lui jouait-elle des tours ?

Il s'endormit à son tour, avec la promesse de la druidesse de l'avertir à la moindre alerte, mais aussi de le laisser faire un brin de grasse matinée le lendemain si tout danger était écarté.
Ce fut hélas la première promesse qu'elle tint... Il avait la sensation de venir tout juste de s'endormir lorsqu'elle lui secoua l'épaule.
- Il se passe quelque chose... ils ne dorment pas, d'après mes "espions". Et ils sont en train de prendre leurs armes...

[Kasumi]

Bien que passablement sonné par le réveil un rien brutal et bien trop précoce, les réflexes du rôdeur prirent aussitôt le dessus et il se saisit de ses armes tout en chuchotant déjà ses instructions :

- Ne restons pas là ! Prenons les sacs et gagnons les fourrés : nous nous y battrons bien plus facilement. S'ils passent à l'attaque, pense aux chameaux et à repérer tout lanceur de sort. Je me charge de leur chef et de mon "ami". Et réveille aussi Rubis et Opale si ce n'est pas déjà fait...

Il avait pris la direction des opérations sans même y penser, sans même songer qu'il n'avait pas de légitimité à contraindre la druidesse expérimentée à son plan. Déjà lui-même portait l'un de ses sacs ainsi que son arc.

[Voyageuse]

- Donc si je comprends bien, l'idée c'est de se défendre... et de tenir les aigles prêts au cas où il devienne nécessaire de fuir ? On a intérêt à veiller à ce qu'ils ne s'en prennent pas à Opale et Rubis pendant qu'on se battra dans les bois. Ou tu préfères qu'ils restent petits et invisibles jusqu'au dernier moment ? Il me faut une dizaine de secondes seulement pour les agrandir, mais il leur faudra peut-être quelques minutes pour se réhabituer à leur taille...
Tout en parlant, la druidesse avait pris l'un des sacs ainsi que son bâton. Elle parut écouter un instant, faisant signe au rôdeur de ne pas lui répondre tout de suite.
- Ils ne viennent pas tous, fit-elle après un temps de silence. Une bonne moitié du groupe apparemment.

[Kasumi]

Huit ou neuf asabis donc selon ses estimations. S’ils disposaient d’autre chose que leurs armes de mêlée, la partie risquait d’être difficile sans les aigles. Mais si ce n’était pas le cas, il serait sans doute possible de les surprendre en se cachant dans les bois pendant qu'ils vérifieraient leur bivouac et leurs bagages bien en évidence. De plus, il avait de quoi les retenir à distance une fois sous le couvert des arbres et en abattre un certain nombre facilement. Peut-être de quoi dissuader les plus téméraires et les faire renoncer à leur assaut. Il faudrait ensuite fuir, de toute façon, mais autant le faire en bon ordre et sans abandonner l’essentiel de leur matériel aux pillards.

[color=#99000]- Laissons les aigles en dehors de ça sauf si ça tourne mal ! S’ils viennent avec une attitude menaçante, nous attaquerons les premiers et les attirerons dans les bois.[/color]

La première flèche serait pour l’asabi qui l’avait menacé : peut-être cela viderait la querelle de sa substance et ferait réfléchir les autres. Sinon, il faudrait leur démontrer qu’ils n’avaient rien de proies faciles.

[Voyageuse]

Le silence était total. A l'évidence, leurs adversaires, parfaitement à l'aise dans ce milieu, étaient d'une discrétion remarquable.
Ils se dissimulèrent de leur mieux dans le petit bosquet de palmiers et d'épineux, guettant leurs agresseurs. Ils n'avaient pris que leurs sacs, laissant le reste de leurs affaires en évidence.
Ce furent non pas neuf, mais seulement trois asabis qui jaillirent soudain d'un trou dans le sable, juste à côté de leur campement, et marquèrent un temps d'arrêt en le voyant désert. L'un d'eux cria quelque chose dans une langue inconnu. Nul ne lui répondit, mais ils eurent la nette sensation qu'on se déplaçait, de l'autre côté du bosquet.

[Kasumi]

Visiblement, ils avaient bien fait de quitter leur campement bien trop exposé. Quelques instants de plus et ils se seraient retrouvés encerclés entre ce groupe d’éclaireurs et d’autres qui ne manqueraient pas d’apparaître ou avait eu l’intention de le faire.

Les mouvements de l’autre côté du bosquet réclamèrent son attention et il décida qu’attaquer les trois premiers asabis n’était peut-être pas leur meilleure option. Il n’était pas même certain de savoir reconnaître celui qui lui avait cherché noise parmi ces premiers assaillants. Mieux valait donc les laisser lambiner un peu et ne pas se faire repérer aussi vite pour ce qui était peut-être des cibles secondaires. Son intention n’avait jamais été de massacrer l’ensemble du groupe mais seulement le ou les meneurs de l’assaut. Kasumi fit signe à Eärundra de surveiller les trois premiers asabis tandis qu’il se tournait vers l’autre source de mouvement : sans doute l’assaut principal. Si toutefois les asabis faisaient mine de progresser sous le couvert des végétaux, ils allaient découvrir qu’un rôdeur et une druidesse s’y sentaient au moins autant dans leur élément que les habitants du désert.

[Voyageuse]

Comme Kasumi l'avait imaginé, des ombres s'aventurèrent dans le petit bosquet, sans toutefois s'y enfoncer profondément. Ils en longeaient la lisière en se dirigeant vers le marigot, lentement, cherchant apparemment surtout à les repérer. Ils étaient quelques-uns... mais pas aussi nombreux qu'ils s'y attendaient. Peut-être y en avait-il quelques autres, simplement restés en-dehors du bosquet.
Pendant ce temps, du côté du campement, les trois premiers commencèrent à fouiller fort peu discrètement dans leurs sacs.

[Kasumi]

Cette fois, il s’agissait bel et bien d’une agression et le rôdeur se sentit moins coupable de ce qu’il s’apprêtait à faire : il leva son arc et fit signe à Eärundra de s’apprêter à se déplacer. Il avait toute confiance sur sa capacité à le faire discrètement. Et si la druidesse voulait imiter son geste, il voulait lui en laisser le temps et surtout le choix. Il leva donc son arc, encocha une flèche puis visa, s’apprêtant à tirer sur l’un des trois pillards armés si la druidesse ne faisait pas mine de l’en empêcher. Il faudrait ensuite se déplacer, se cacher, frapper à nouveau si ce premier avertissement n’avait pas suffi à les dissuader de poursuivre leurs méfaits. Le jeu du chat et de la souris en somme sauf qu’il préférait ne pas jouer le rôle de cette dernière sinon par sa discrétion.

[Voyageuse]

Eärundra ne fit pas mine d'empêcher Kasumi de tirer, même si elle semblait hésiter à en faire de même, comme si elle doutait de la conduite à tenir.
L'asabi bougea au dernier instant et la flèche n'atteignit qu'imparfaitement son but, blessant l'asabi à l'épaule. Le projectile ne parvint pas à traverser suffisamment sa cuirasse de cuir -ou les écailles de sa peau peut-être-, pour provoquer davantage qu'une blessure légère. Il lui fallait viser soigneusement et avoir un peu plus de chance.
Quoiqu'il en soit, le groupe d'asabis réagit aussitôt, se précipitant vers eux à toute vitesse, en bonds spectaculaires. Leur vitesse de déplacement sur le sable était impressionnante. Mais dans la végétation dense du fourré, ils seraient certainement gênés. Kasumi eût le temps de tirer une nouvelle flèche et de blesser grièvement, cette fois-ci, l'asabi qu'il avait déjà pris pour cible. Eärundra se mit à incanter.
De l'autre côté du bosquet, les autres s'étaient tournés vers eux, cherchant à les repérer entre les arbres... ce qui serait certainement le cas la prochaine fois que Kasumi se redresserait avec son arc.

[Kasumi]

Kasumi se décida à prendre les devants cette fois, délaissant son arc après avoir tiré une nouvelle fois vers l’un des asabis indemnes. Si le second groupe faisait mine de mordre à l’hameçon, il tenterait de les immobiliser à l’aide du sortilège qu’il maîtrisait le mieux. Puis, il comptait bien engager le corps à corps avec les survivants du premier groupe: il laisserait ainsi plus de temps à la druidesse pour incanter et espérait les défaire rapidement et ainsi ne pas risquer d’être pris entre deux feux.

[Voyageuse]

Le second groupe, à son tour, semblait se diriger vers eux. Le sortilège de Kasumi, cependant, les ralentit nettement, à l'exception de l'un d'entre eux, un peu plus petit que les autres, qui ne semblait nullement affecté et poursuivit sur sa lancée, fonçant droit sur eux. Peut-être était-il protégé par une amulette quelconque. Ses deux compagnons, quant à eux, étaient prisonniers des enchevêtrements de racines.
Pendant ce temps, la druidesse avait achevé son incantation, et le rôdeur vit une explosion de blancheur de l'autre côté du bosquet, là où étaient probablement les asabis manquant. Il reconnut une tempête de neige... qui, à en juger par les cris de rage, avait bien atteint son but.
La dernière flèche de Kasumi avait blessé légèrement l'un des asabis, mais celui-ci ne se découragea pas pour autant. Il fut le premier à parvenir au contact, levant une lame courbe au-dessus de sa tête dans la ferme intention de fendre le rôdeur en deux. Son compagnon, arrivant juste derrière, semblait amorcer une manoeuvre de contournement, tandis que le dernier, assez grièvement blessé, gardait davantage ses distances... ou attendait une ouverture peut-être.

[Kasumi]

Kasumi n’eut pas le temps de se réjouir du sortilège fort approprié lancé par Eärundra. A peine avait-il eu le temps de constater l’effet du sien qu’il se retrouvait déjà pris par le combat. Il lâcha juste un mot à la druidesse pour lui signaler l’asabi qui avait échappé au sortilège : peut-être un lanceur de sorts et donc une cible tout à fait prioritaire. Lui avait déjà fort à faire pour éviter de se retrouver coupé en morceaux. Le rôdeur comptait d’ailleurs sur sa mobilité pour contrer la première attaque. En outre, s’il parvenait à tourner autour de son premier adversaire, il parviendrait peut-être à gêner les deux autres et notamment celui qui escomptait le prendre en tenaille. Il roula donc sur sa gauche pour esquiver le premier coup et décida de feinter une contre-attaque. Si le premier asabi y mordait, il profiterait de son élan pour engager son compagnon par le flanc. Hef lui avait appris que même au corps à corps, un rôdeur se devait de profiter de son équipement léger et de ses deux mains pour frapper et se retirer, tourner et avancer, en somme pour harceler un adversaire souvent plus lourdement armé.

[Voyageuse]

Kasumi avait pour lui la dextérité et la légèreté. Il parvenait sans trop de peine à esquiver les attaques de son adversaire, et celui-ci tombait assez facilement dans le piège des feintes qu'il tentait. Il parvint donc à le frapper une fois, à blesser également le second qui s'était approché d'un peu trop près. Mais combattre deux adversaires à la fois, même quand on est très souple, est loin d'être évident. Il finit par se retrouver pris en tenaille et parvint de justesse à empêcher une lame de lui trancher le bras : il n'écopa que d'une longue et profonde estafilade. Et déjà, l'autre asabi attaquait à nouveau, l'obligeant à esquiver. Il commençait à ressentir quelques signes de fatigue, alors que ses deux adversaires semblaient toujours pleins d'énergie... ou peut-être que leurs gestes se ralentissaient, insensiblement, que leurs réflexes faiblissaient. Les siens aussi... Mais il parvint toutefois, dans un élan désespéré, à porter un nouveau coup bien ajusté à celui des deux qui était le plus grièvement blessé. Un coup suffisant pour le jeter à terre, inanimé ou peut-être mort. Avec un seul adversaire à affronter, le combat devenait plus équitable.

Le troisième asabi ne s'était pas joint à l'attaque, et il en comprit rapidement la cause : il se trouvait aux prises avec un gros ours brun. L'asabi qui avait échappé aux lianes l'avait rejoint, et le combat semblait relativement équilibré entre l'ours et les deux reptiliens.
La druidesse avait disparu... Et Kasumi mit quelques temps à comprendre qu'elle était l'ours.

Les autres asabis, quant à eux, étaient toujours prisonniers des sortilèges... mais ceux-ci prendraient bientôt fin.

[Kasumi]

Kasumi ayant compris dans quelle situation se trouvait Eärundra, il décida qu’il était opportun de tenter de la rejoindre pour combattre ensemble leurs adversaires respectifs voire se regrouper avant que les renforts n’entrent dans la partie. Il tenta alors une feinte vieille comme le monde en s’adressant à l’asabi qui lui menait la vie dure et en ponctuant sa tentative d’un geste du menton dans son dos :

- Gaffe ! Mes amis sont enfin revenu de leur bain !

Il était peu probable que cela fonctionne mais si l’asabi mordait ne serait-ce qu’une seconde à la feinte, il pourrait à nouveau le blesser à la jambe et gagner quelques précieuses secondes pour rejoindre Eärundra et bouleverser durant un instant l’équilibre des forces et peut-être profiter de cet avantage éphémère.

[Voyageuse]

Bien sur, la tentative de diversion n’émût pas le moins du monde l'asabi. Il perdit une demi-seconde à l'écouter, mais ça n'était pas suffisant pour qu'il baisse sa garde et le rôdeur n'eut pas l'occasion d'en profiter.
Il put néanmoins reculer lentement vers la druidesse, toujours en combattant. De son coté, Eärundra anticipa la manoeuvre. Dès qu'elle fut parvenue à envoyer un adversaire au sol d'un brusque revers de patte, elle se rapprocha elle aussi et ils purent combattre à peu près dos à dos, se protégeant mutuellement. Heureusement, car celui qu'elle avait envoyé au sol se relevait, sonné mais encore en état de se battre.
L'ours émit un grognement qui voulait certainement dire quelque chose, et lui était certainement destiné. Mais sous cette forme, la druidesse ne pouvait pas parler. Ni incanter bien sur.
Kasumi savait que son sortilège toucherait bientôt à son terme. Quant à celui de la druidesse, il n'en avait aucune idée.

[Kasumi]

Kasumi disposait encore d’un sortilège mais il n’était pas en position de le lancer pour le moment sans que son adversaire en profite pour le frapper à nouveau. Du reste, il ne servait à rien de le lancer trop tôt car leurs adversaires auraient alors beau jeu de contourner la zone d’effet de l’enchevêtrement. Le rôdeur n’avait donc pas le choix : il devait serrer les dents pour ne pas tenir compte de sa blessure douloureuse et tenter de vaincre son adversaire actuel avant que des renforts ne les submergent ou qu’il n’ait simplement perdu trop de sang. Il tenta donc de presser l’asabi en ayant l’assurance que la druidesse protégeait son dos et ses flancs. Il alternait les attaques avec ses deux épées en un rythme apparemment aléatoire mais qu’il avait répété des centaines de fois avec son maître d’armes. Les souvenirs semblaient en effet remonter à la surface les uns après les autres depuis qu’il était revenu sur la terre de ses racines.

[Voyageuse]

Le combat était relativement équilibré entre les asabis et l'ours et le rôdeur. Ce dernier était plus souple, plus leste, les autres ayant pour eux la force brute.
Pendant un moment, ce fut le statut quo, aucun des adversaires ne prenant le dessus. Puis Eärundra parvint à porter un coup violent à l'un des asabis, au prix d'une ouverture sur l'un de ses flancs que saisit aussitôt un autre de leurs adversaires, qui la frappa à son tour, la blessant au bras et déstabilisant son équilibre... et laissant à son tour une ouverture suffisante pour permettre à Kasumi de l'atteindre à l'aine alors qu'il tentait de frapper à nouveau la druidesse sous sa forme d'ours.
L'asabi s'effondra, mortellement blessé. Il ne leur restait qu'un asabi en état de combattre bien que légèrement blessé, et un autre trop grièvement blessé. la druidesse saignait abondamment du bras, et elle reprit instantanément sa forme humaine pour pouvoir se soigner. C'était indispensable, mais ça la rendait particulièrement vulnérable.
Et malheureusement, au même moment, les trois asabis prisonniers des racines se libérèrent du sortilège... ils seraient sur eux en moins d'une minute.

[Kasumi]

Malgré la perte que venait de subir leurs assaillants, il allait falloir jouer très serré pour ne pas se faire submerger. Eärundra devait se soigner sous peine de tomber dans la minute et lui-même aurait bien eu besoin de ses soins et voilà que les renforts asabis s’étaient libérés au pire instant. Kasumi ne pouvait pas délaisser son adversaire immédiat pour les bloquer mais il espérait néanmoins que l’elfe se soignerait assez vite pour lui laisser un dernier créneau pour agir avant qu’ils ne soient sur eux. Il lui parla en employant la langue elfique que les asabis ne maîtrisaient peut-être pas assez pour anticiper la manœuvre :

- Eärundra, quand tu seras soignée, donne-moi juste dix secondes en occupant mon lézard puant !

Il ne lui fallait guère plus de temps pour lancer à nouveau son sortilège, le dernier. Mais cela nécessitait une coordination parfaite et aussi une bonne dose de chance pour qu’aucun des asabis ne profite de leur permutation pour porter un coup fatal.

[Voyageuse]

Mais les asabis, peut-être échaudés par le sortilège, ou peut-être simplement pour les prendre en tenaille, entreprirent de se séparer, l'un d'eux fonçant au contact tandis que les autres partaient vers la droite et vers la gauche. Le temps que la druidesse achève son incantation et soit rétablie, ils s'étaient trop éloignés les uns des autres pour que le sortilège de Kasumi puisse en immobiliser plusieurs.
Entre-temps, le dernier adversaire en état de combattre multipliait les attaques, sans succès. Son compagnon blessé s'était relevé et attendait une occasion, veillant à rester hors de portée des épées du rôdeur. Celles-ci finirent cependant par atteindre son adversaire, sectionnant d'un coup sa longue queue. Il se replia en hurlant, mais se remit aussitôt en garde. La perte de sa queue ne semblait pas une blessure vitale. Eärundra l'attaquait déjà, laissant le temps à Kasumi de lancer éventuellement son sort pour éliminer l'un des attaquants, ou d'achever celui qui était plus gravement blessé.
- Peut-être qu'on devrait fuir ? fit Eärundra en langue elfique. Tu crois qu'on a des chances sérieuses ?

[Kasumi]

Fuir n’était pas vraiment une option : ils devraient abandonner leur équipement et pire de son point de vue, il laisserait l’opportunité aux asabis d’avertir Huasasth de la présence de deux elfes sur leurs terres. L’ennemi de son père était trop proche pour courir ce risque d’autant que le rôdeur pensait savoir comment prendre l’avantage. Il répondit en elfique lui aussi :

- Forçons-les à se regrouper et prépare les aigles. Je peux les immobiliser mais il faudra que Rubis se tienne prêt à m’arracher de la mêlée. Tu penses pouvoir lui demander de faire ça ?

Son sort pouvait couvrir une large zone et s’il parvenait à attirer les asabis à lui, il pourrait les bloquer pendant un moment mais lui avec. Rubis ne serait pas soumis aux mêmes contraintes et pourrait le récupérer sans avoir à se poser. Encore fallait-il que la druidesse valide le plan et qu’il gagne suffisamment de temps pour laisser les aigles récupérer leur taille et leurs esprits.

[Voyageuse]

Earundra parut hésiter, puis acquiesça.
- Je peux préparer les aigles, leur dire de rester cachés jusqu'au dernier moment et de t'arracher à la mêlée... ou plutôt leur dire à tous les deux de nous en arracher, parce que je ne vois pas comment les regrouper si nous nous séparons. Une partie vont me suivre...
La discussion faillit bien lui coûter la vie : elle esquiva de justesse un coup qu'elle n'avait pas vu venir.
- Mais je dois m'éloigner un peu pour les aigles, ils sont trop loin d'ici. Bonne chance en attendant... Et réfléchis à un plan de secours au cas où ils ne se regroupent pas... Attends, couvre-moi deux minutes, j'irai plus vite en me transformant...
Deux des trois asabis libérés du sortilège s'approchaient peu à peu. Si la druidesse ne revenait pas vite, il aurait du mal à faire face au nombre...

[Kasumi]

Kasumi avait confiance en la druidesse pour agir le plus vite possible. Au pire, il devrait lancer son sort pour ne capturer qu’une partie de leurs ennemis. Une fois que les aigles l’auraient emporté au loin, il pourrait les achever à distance ou s’occuper de ceux encore libres de leurs mouvements. Avec les aigles et deux asabis supplémentaires privés de mouvement, ils devraient être capables de reprendre le dessus. Tant que la seconde moitié de la caravane ne décidait pas de se joindre à la bataille en tous cas. Pour l’heure, le rôdeur se concentra sur sa tâche : occuper l’asabi qui était déjà au contact en essayant d’oublier la blessure qui l’affaiblissait de minutes en minutes.