[Lieu] Une route oubliée

[Taliesin]

Il la trouva sur le mur sud, occupée à observer les Écorcheurs, son aigle posé sur le créneau voisin.
La rôdeuse, si elle songea à lui conseiller de se reposer, s'abstint de toute parole en ce sens et entra plutôt dans le vif du sujet.
-Le guet est assuré par les éclaireurs et par quelques volontaires. Dans l'immédiat, c'est suffisant, car s'ils ont placé des hommes pour nous surveiller, les cannibales ne nous prêtent guère d'attention. Ils sont trop occupés à fouiller nos chariots et à explorer l'autre fort. Je les ai également vus dépêcher des messagers. Sans doute pour mander leurs propres civils, si tant est qu'il y en ait réellement dans leur tribu.

[Hubert de Maleval]

" Varamyr disait qu'ils ne renonceraient jamais. S'il a raison, cela veut dire qu'il va nous falloir trouver un moyen de les tuer tous. Bien sûr, c'est seulement le début de l'hiver, et peut-être le froid se chargera-t-il de les faire abandonner... Mais s'ils sont nomades, cet endroit vaut probablement n'importe quel autre..."
L'idée que les cannibales ramènent toute leur tribu, en ce compris leur probable bétail... Il frissonna, chassa les images qui lui revenaient à nouveau, puis soupira et regarda vers l'ouest.
" Avez-vous eu le temps d'explorer le second fort ? Vont-ils pouvoir l'exploiter ?"

[Taliesin]

-Il est un peu moins bien conservé que le nôtre : davantage d'étages effondrés dans les tours, quelques blocs détachés des murailles... Mais il reste tout à fait défendable et aurait constitué un excellent lieu de repli si nous avions pas disposé de celui-ci. Par ailleurs, son puits est également toujours alimenté. Après, je ne suis pas sûre qu'ils s'y installeront : sans doute préféreront-ils leurs tentes. Néanmoins, ils y placerons des guetteurs, cela me paraît certain. Ils auront donc une bonne vue sur le sommet de nos murs et de nos tours, ainsi que sur la région environnante.

[Hubert de Maleval]

" Je me demande s'ils ont les connaissances pour construire des engins de siège, murmura Hubert. Bien sûr, ils pourraient se contenter d'attendre que nous mourrions de faim... mais ça dépend de leur motivation à nous vaincre... ou à nous dévorer. Ils essaieront sûrement d'escalader la muraille pour ouvrir les portes de l'intérieur ou nous massacrer dans notre sommeil. Mais vont-ils tenter l'assaut... Il y a peu de bois, dans ces régions, donc peu de solutions pour construire un bélier, une catapulte ou une tour, même des échelles... De la corde, sans doute, ça ils en auront... et nous serons également à la merci de leurs shamans... S'ils sont druides..."
Il soupira.
" Je ne crois pas que nous puissions nous permettre de laisser le siège s'éterniser... mais je ne vois pas non plus quelles sont les options que nous avons, pour l'heure... Je dois prendre le temps d'en discuter avec mes officiers. Peut-être cet après-midi, quand ils seront un peu remis..."

[Taliesin]

Frida acquiesça.
-Je crois que c'est effectivement le mieux à faire. De mon côté, je ne pourrai malheureusement guère vous être utile en ce domaine qui n'est pas vraiment ma spécialité. Ni en celui des Paludiers, pour lequel Varamyr est beaucoup mieux placé. Cependant, si je m'en réfère a ce qu'il nous a dit... Ils ne renonceront pas à nous anéantir. Et ils n'useront pas d'engins de siège, s'en remettront à des cordes... et à un bélier. Ils pourront le fabriquer à partir des matériaux de nos chariots, voire envoyer des hommes pour couper les rares arbres des environs ou ceux d'une région plus propice.

[Hubert de Maleval]

" S'ils s'approchent des murs, c'est finalement encore le mieux, dit le paladin. Nous ne manquons pas de pierres à leur lâcher sur la tête, et nos mages mettront feu à leur bélier assez aisément... Mais ça ne les détruira pas."
Il se retourna pour regarder la cour.
" Quand je vois l'état de ce fort, alors que des siècles et des siècles se sont écoulés... Je me dis que les connaissances de ces anciens, que vante tant Giovanni, devaient être impressionnantes... Je vais prendre le temps d'inspecter les lieux, voir s'il n'y a pas des défenses imprévues dans la structure même de l'endroit. Et... pensez-vous possible qu'il y ait un souterrain reliant les deux forts ? Après tout, il y a des puits..."

[Taliesin]

-Cela me paraît très probable. Avoir bâti deux forts aussi solides de part et d'autre d'un point stratégique et se priver de l'avantage que constituerait un moyen de circuler de l'un à l'autre, cela me semble inenvisageable. Reste à trouver l'entrée du passage, et ce ne sera pas chose simple : pour l'heure, nous n'avons décelé aucun indics dans les caves, ni ici, ni là-bas. Le côté positif, c'est que nos ennemis auront encore plus de mal que nous à le découvrir, si jamais ils ont l'idée de le chercher. Selon Varamyr, les tribus cannibales s'intéressent peu aux ruines, hormis pour les piller. Et en dehors de tumulus, il n'y a pas grand chose dans la région d'où les Écorcheurs sont originaires : pas de forteresse, pas de grande cité...

[Hubert de Maleval]

" Robert a commis une erreur en me nommant comme successeur, dit alors Hubert, d'une voix sourde. Mon code d'honneur va m'empêcher d'envisager et de soutenir toute une série d'options efficaces et peut-être nécessaires dans cette lutte. Nous n'y sommes pas encore, mais je démissionnerai quand le problème se posera."
Il se tourna vers Clairétoile, qu'on n'apercevait pas de là où ils étaient.
" On pourrait rêver d'un souterrain allant jusqu'à la cité... mais je doute qu'elle soit aussi aisément défendable que ce fort."

[Taliesin]

-Mais il y aurait plus de cachettes, plus d'endroits où tendre des embuscades. Et les Écorcheurs y seraient moins à leur aise.
Elle le dévisagea un instant.
-Le code d'honneur de Robert lui aurait également interdit d'envisager ou de soutenir les options que vous évoquez. Et c'est aussi le cas pour nos autres chevaliers, lesquels seraient les plus susceptibles de vous remplacer si vous démissionner. Alors ne prenez pas de décision hâtive, voulez-vous ?

[Hubert de Maleval]

" Certaines circonstances nécessitent des entorses aux règles les plus sacrées, murmura-t-il, à moitié pour lui-même. Entre sauver notre honneur et sauver la vie de tous ces gens, il faudra peut-être choisir..."
Il frissonna, s'interrogeant brusquement sur la valeur de son statut de paladin, sur l'importance qu'il y accordait, sur les sacrifices qu'il serait prêt à faire. La nécessité... Il connaissait les Gardes Gris, bien sûr, il y en avait eu un à la commanderie, à Luménis. Se salir les mains et l'âme pour le bien du plus grand nombre. Lathandre comprenait, parfois. Et il était toujours possible de faire pénitence.
" Mais je ne prends pas de décision hâtive, dit-il finalement. Nous en sommes loin, encore."

[Taliesin]

-Oui. Et comme l'on dit, chaque chose en son temps : réglons déjà nos problèmes actuels, nous nous occuperons du reste le moment venu.
Elle l'observa à nouveau, esquissa un sourire.
-Mais soyez rassuré sur un point, Hubert : personne ne vous obligera à aller à l'encontre de vos vœux, comme personne n'aurait obligér Robert à aller à l'encontre des siens. La Communauté a des principes auxquels elle est très attachée, et je crois qu'ils ne vont pas à l'encontre de ceux d'un paladin ou de chevaliers. Mais elle a aussi... des ressources diverses.

[Hubert de Maleval]

" Pourtant avouez que leur envoyer une maladie bien mortelle a quelque chose de délicieusement tentant. Une bonne soufflante, la peste, je ne sais pas... Ce serait radical."
Il rit doucement.
" Enfin, le dire a déjà un effet cathartique. Vous avez raison : nous avons mille ressources et nous les exploiterons au mieux, dans la dignité et le respect de nos valeurs."
Il n'était pas complètement convaincu, mais presque. Ils épuiseraient toutes les possibilités avant d'agir par la bande. Mais il n'était pas certain, par exemple, que Guillermo et ses hommes respecteraient la morale de la communauté si leurs vies venaient à être menacées. Et il ne pouvait pas dire qu'il les blâmerait.
" Comment imaginez-vous le renfort militaire sur les remparts, dans un premier temps ? Je n'ai pas beaucoup des soldats, à vrai dire, mais je peux organiser des rotations."

[Taliesin]

-Je ne veux pas empiéter sur vos prérogatives, Hubert : mon rôle se limite à le direction des éclaireurs, au repérage et au nettoyage du terrain. Néanmoins, vous pouvez compter sur mes hommes et sur mon assistance, si vous les désirez. Et si vous voulez mon avis... Les sentinelles civiles qui ont surveillé le camp nuit après nuit ont fait leurs preuves, et leur organisation est bien rodez : reprenez-les. Quitte à apporter quelques modifications : par exemple, les humains feraient le guet la journée, aidée de quelques renforts, tandis que les non-humains s'en chargeraient la nuit, avec éventuellement le concours de ceux qui, jusqu'ici, ne participaient pas à cette tâche.

[Hubert de Maleval]

Le paladin acquiesça.
" Il devra toujours y avoir une partie des soldats prêts à intervenir. Je les ferai tourner toutes les six heures, quelque chose comme ça. Pour le reste, peut-être devrions-nous prévoir nos sentinelles en fonction du terrain... Certains flancs du fort sont sûrement plus exposés que d'autres. Je vais aussi veiller à ce que des munitions soient entreposées. Il faudra nettoyer les meurtrières, trouver des pierres... J'en discuterai avec les officiers tout à l'heure. Si ça se trouve, certains ont des expériences de siège."
Il reporta son regard sur la plaine.
" Je vais aller vous chercher une première équipe pour soulager vos éclaireurs. Vous connaissez le terrain, je vous laisserai les disperser sur la muraille. Combien vous en faut-il ?"

[Taliesin]

La rôdeuse se concentra.
-Une trentaine, disons. Cela peut paraître beaucoup, j'en conviens, mais il y a beaucoup de terrain à couvrir. De surcroit, cela enverra un message à nos ennemis, surtout si toutes les sentinelles, quel que soit leur âge, sont en armes. Leur montrer que nous sommes toujours belliqueux ne peut que les exciter et, qui sait, les pousser à tenter des assauts frontaux que nous parviendrons sans mal à repousser.
Elle eut une légère grimace.
-Cependant... Je donnerai des consignes pour que les guetteurs les plus sensibles soient déplacés lorsque se produiront des choses dont il vaudrait mieux qu'ils ne les voient pas.

[Hubert de Maleval]

" Vous pensez qu'ils vont venir exposer nos morts ? demanda Hubert, verbalisant quelque chose qu'il avait craint depuis le début, sans jamais oser le prononcer. Qu'ils vont les manger sous nos yeux ?"
Il grimaça.
" S'ils s'approchent, je vous jure que je vais me remettre à l'arbalète. Je n'étais pas mauvais. Ils n'ont pas intérêt à venir nous narguer en profanant nos disparus."

[Taliesin]

Frida grimaça.
-Ils vont profaner nos morts devant nous, Hubert. L'un d'entre eux arbore déjà fièrement l'armure de Robert : celui qui l'a tué, sans doute. Après nos morts, c'est leurs captifs qu'ils supplicieront sous nos yeux. Et ils joueront du tambour souvent... Je ne suis pas experte en Paludiers, mais Varamyr a été très clair sur ce point : ils feront tout pour nous briser moralement ou nous pousser à agir inconsidérément. Et ils s'arrangeront évidemment pour être hors de portée de nos flèches ou de nos boules de feu.
Elle soupira.
-Il nous faudra être forts, ne pas céder à leurs provocations, ne pas les laisser nous atteindre. Ce sera dur, mais nous n'avons pas le choix.

[Hubert de Maleval]

Hubert frémit.
" Ça va être difficile..." murmura-t-il.
S'ils voulaient vraiment être hors de portée, ils seraient forcés de rester loin. On distinguerait mal leurs actes, mais on entendrait les cris. Cependant, le paladin ne s'émouvrait pas du supplice d'autres cannibales. Et s'ils présentaient les corps... Peut-être un animal pourrait-il aller leur ravir ce cheveu nécessaire à la résurrection. Albérich avait beau dire... Quel pied de nez formidable cela serait, si l'homme qu'ils venaient de dévorer se levait à nouveau sur les remparts, pour les invectiver ?
" Mais nous ferons taire ces tambours une bonne fois pour toutes."

[Taliesin]

Elle observa les cannibales, en contrebas, et son expression se fit dure.
-Nous les ferons taire, oui. Tous jusqu'au dernier. Car les mettre en déroute ne suffirait pas : ils se regrouperaient, referaient leurs forces et, le moment venu, reviendrait assaillir la cité. Nous ne pouvons vivre avec cette menace latente. Et sans ces monstres, les Landes ne se porteront que mieux.
Elle revint à Hubert.
-Mais notre riposte viendra en son temps.

[Hubert de Maleval]

Il opina du chef puis se massa doucement les yeux.
" Je vais vous chercher ces volontaires, Frida."
Il lui sourit, un peu contraint.
" Sachez juste qu'en ce qui me concerne... Vous ne devez pas craindre d'empiéter sur mes prérogatives. Je n'ai jamais eu la prétention de me retrouver à cette place et je n'ai pas l'intention de faire semblant. S'il vous vient des idées, ne craignez pas de me vexer."
Puis, sans attendre, il redescendit dans la cour, à la recherche des sentinelles humaines. Il en connaissait une partie, les enverrait chercher les autres, avant de les rassembler pour leur faire un petit discours de circonstances. Il fallait espérer qu'il y ait des volontaires, car il devait faire passer son groupe de vingt à soixante, ce qui n'était pas rien. Il fallait aussi qu'il leur trouve un officier de référence.

[Taliesin]

Il ne mit pas longtemps à dénicher trois des sentinelles officiant ordinairement sous ses ordres - et ayant subi, comme d'autres, la fameuse épreuve organisée près de Grand-Estuaire. Manifestement fébriles, que ce soit à cause de la mort de Robert ou de la découverte de Clairétoile dans le latin, elles acceptèrent néanmoins sans rechigner d'aller chercher leurs compagnons habituels, ainsi que d'éventuels volontaires : il lui sembla même noter chez elles un certain empressement, signe qu'avoir quelque chose à faire n'était pas pour leur déplaire.
Il attendait leurs retour lorsqu'il vit Ruth s'approcher de lui, hésitante, timide - ce qui ne lui ressemblait guère.
-J'ai entendu, pour le guet... commença-t-elle d'une toute petite voix. Est-ce que je peux... venir ?

[Hubert de Maleval]

Hubert fut étrangement ému de voir la gamine, comme s'il prenait conscience de sa jeunesse, de sa fragilité, de l'ampleur de la tâche qui lui était désormais dévolue, à lui. Il eut subitement l'impression, la certitude, qu'il jetterait ses voeux aux orties, sans hésitations, s'il devait à un moment choisir entre leur respect et la vie de cette enfant. Et à travers elle, de tous les autres. Cela lui arracha un grand frisson. Il pensait trop loin, trop large, il était plus fatigué qu'il ne le croyait. Il fallait qu'il se choisisse un second, mais comment faire ?
" Tu peux bien sûr monter la garde, Ruth. Tu fais partie de l'équipe."

[Taliesin]

La petite fille acquiesça, esquissa un sourire puis, sans crier gare, elle vint l'étreindre. Brièvement mais avec force.
-SI vous saviez comme je suis contente de vous revoir... murmura-t-elle, d'une voix enrouée, en le relâchant.
Elle s'éclaircit la gorge.
-Et je voulais vous dire que j'étais désolé pour... pour... Enfin, vous savez pourquoi, reprit-elle difficilement. Moi je suis déjà très triste, alors j'ose pas imaginer vous... Donc... je suis vraiment désolée.

[Hubert de Maleval]

" Merci, murmura-t-il simplement, en posant une main sur son épaule. Ce n'est pas facile, effectivement."
Il lui sourit doucement.
" Cela prendra du temps."
Il secoua la tête, se reprenant. Il devait être stoïque. C'était l'image dont avaient besoin les autres, et il fallait qu'il trouve en lui de la leur donner.
" Comment va Alban ?"

[Taliesin]

Elle soupira.
-C'est pas facile pour lui. Pas facile du tout. Mais il est courageux. Très. Et il essaie de s'occuper.
Elle jeta un regard en direction des montures.
-Là, il a presque terminé avec les chevaux de messire Ro...
Elle ferma les yeux, une seconde.
-...De messire Robert, acheva-t-elle. Ensuite... Je crois qu'il voudra faire le guet, lui aussi.

[Hubert de Maleval]

" C'est une bonne idée, dit le paladin. Mais nous allons faire deux groupes. A vous de voir si vous voulez monter la garde dès à présent, ou plus tard dans la journée."
Il jeta un oeil en direction des chevaux.
" Si tu penses qu'il est intéressé, ce serait sans doute bien que tu ailles lui donner un coup de main. Je voudrais pouvoir parler à tout le monde en même temps."
Il fallait qu'il choisisse quelqu'un pour superviser le premier groupe de sentinelles. Quelqu'un de sérieux, doté d'un sang-froid à toute épreuve. Peut-être pourrait-il laisser Frida sur la brèche pour commencer, mais dès que la réunion d'état-major aurait eu lieu, il faudrait qu'un des officiers prenne le groupe en charge. Pour être Mathias et Edgar pour le jour, et Gaspard pour la nuit, avec lui-même, quelque chose comme ça.

[Taliesin]

-Merci, murmura-t-elle, avant de détaler.
Peu à peu, les sentinelles humaines montrèrent le bout de leur nez et, au final, il n'en manqua pas une seule - Ruth et Alban les avaient rejoints mais se tenaient derrière les autres. Étaient également présents des volontaires, des personnes qui avaient déjà fait le guet alors que la Communauté campait sur la route. Il n'y en avait pas assez pour atteindre le nombre espéré par Hubert, mais c'était un début plutôt encourageant.

[Hubert de Maleval]

Il les compta rapidement, chercha Alban du regard, puis prit une profonde inspiration, tout en réalisant qu'il aurait pu anticiper le coup en réfléchissant à ce qu'il allait dire.
" Ce matin, vous ne l'ignorez pas, des paludiers cannibales nous ont attaqués. Nous sommes parvenus à les mettre en échec en nous réfugiant dans ce fort dont les murs formidables ont survécu aux siècles. Je ne vais pas vous mentir : les Paludiers ne partiront pas. Nous allons devoir nous employer à les mettre en déroute et nous allons nous y atteler dès aujourd'hui. Cependant, il est primordial que nous puissions garantir l'inviolabilité de ce sanctuaire. Vous l'avez arpenté, il est grand, et nous allons pouvoir nous y installer le temps nécessaire à la destruction de nos ennemis. Mais ils vont tenter de le prendre, et c'est là que vous allez entrer en scène. Vous avez protégé la colonne hier, scrutant la nuit de vos yeux perçants, vous protégerez le fort aujourd'hui, dans la lumière. Nous allons constituer deux groupes de trente personnes. Chacun d'entre eux devra monter la garde deux fois quatre heures par jour. C'est long et ce sera pénible, mais tel est le prix de notre survie. La nuit sera couverte par ceux d'entre nous qui voient dans le noir."
Il soupira.
" Je ne peux pas vous cacher que les Paludiers vont tenter de nous effrayer et qu'il ne sera pas toujours facile de se trouver là haut tandis qu'ils nous provoquent en bas. Je veux que vous réfléchissiez chacun, chacune, à vos limites. Il n'y a pas de honte à renoncer. Mille choses indispensables vont devoir être réalisées dans les jours qui viennent et vous trouverez tous l'opportunité de vous rendre utiles."
Il les regarda tous, pensif.
" J'ai besoin d'une première équipe pour monter sur les remparts et relever les éclaireurs, dès à présent. Qui est volontaire ?"

[Taliesin]

Il put constater l'effet de ses paroles sur la petite troupe. Si tous ses membres étaient venus par sens du devoir, certains avaient paru hésitants, mitigés, voir inquiets. A présent, cependant, ils semblaient tout à la fois plus déterminés et plus lucides sur ce qui les attendait.
Il y eut des regards échangés, quelques murmures, puis ds mains se levèrent. S'ensuivirent d'autres discussions - des négociations ou des arrangements, peut-être -, d'autres mains levées... Bientôt, il eut son groupe de trente guetteurs. Ruth et Alban faisaient partie du nombre.

[Hubert de Maleval]

Hubert leur sourit.
" Bien. Vous serez sous l'autorité de Frida dans un premier temps. Elle va vous disperser le long des remparts. Vous serez ravitaillés par l'intendance."
Ce n'était pas encore organisé, mais il s'en chargerait dès qu'il en avait fini avec eux.
" Avant de la rejoindre, vous allez passer vous équiper à l'armurerie. Nous voulons que les Paludiers sachent que nous ne sommes pas prêts à nous rendre, que nous les vaincrons et leur ferons regretter le jour où ils ont décidé de s'en prendre à nous."
Sa voix vibrait un peu trop, il prit une profonde inspiration.
" Vous pouvez vous armer comme vous le désirez, mais que ceux qui tirent convenablement à l'arc, l'arbalète ou même la fronde prennent le nécessaire. Il n'est pas impossible que vous ayez à vous servir de vos talents. Dans quatre heures, le groupe suivant prendra la relève pour les quatre heures suivantes. Comme la journée est déjà entamée, le roulement sera peut-être un peu décalé aujourd'hui, mais les choses seront mieux organisées demain. Si vous n'avez pas de questions, vous pouvez y aller."
Il hésita. Il aurait aimé prendre Alban à part, mais il ne savait pas quoi lui dire. Le gosse avait l'air tellement sérieux, tellement tendu... après sa garde, ils auraient le temps.