[Désert d'Anauroch] Quête : Racines

[Voyageuse]

A nouveau, la druidesse hocha la tête.
- D'accord...
L'endroit où ils se trouvaient ne manquait pas de cachettes, et n'était pas à plus de quelques centaines de mètres du campement asabi.
- Tu devrais t'allonger au pied de se rocher, là... On arrivera par là, il ne verra que tes jambes donc il ne te reconnaîtra pas avant le dernier moment... Et moi... je vais y aller. Souhaite-moi bonne chance !

[Kasumi]

Le rôdeur la retint un moment en posant une main sur son épaule et son ton se fit très solennel :

- Bonne chance Eärundra ! Et encore merci pour tout ce que tu fais pour ma famille. Tâche de ne pas m'obliger à venir te récupérer au milieu de tous ces lézards ! Je le ferai, tu sais que j'en suis bien capable.

[Voyageuse]

- Mais j'y compte bien ! rétorqua la druidesse avec un sourire mutin. Je n'irais pas comme ça me jeter dans la gueule du loup si je n'étais pas certaine que tu couvriras mes arrières ! J'espère bien que tu viendras me chercher si je ne reviens pas ! Allez, je file ! A tout de suite !
Et elle disparut au milieu des rochers, droit dans la direction du campement... Ou plutôt, un peu plus vers le sud, pour qu'elle paraisse avoir erré un peu avant de trouver l'endroit.
Et l'attente commença. Longue. Interminable.

[Kasumi]

Kasumi eut largement l'occasion de s'interroger sur la viabilité de leur plan, de le passer en revue de long en large, de prendre conscience de ses failles, de son imperfection. Le temps semblait ne pas s'écouler et pourtant à chaque minute passée, la tentation d'aller vérifier s'il n'était rien arrivé de fâcheux à Eärundra. Après tout, si les asabis avaient décidé de l'attaquer, il ne les entendrait pas d'ici. Et pourtant, il se retint de bouger : il ne pouvait pas mesurer le temps avec précision et il était plus que probable que la druidesse n'ait pas encore atteint le campement des reptiliens. Ou peut être que si ? Que c'était difficile...

[Voyageuse]

Lorsqu'il entendit enfin le murmure de voix, il lui sembla que le temps écoulé était bien plus long qu'attendu. Peut-être avait-elle eu des difficultés à les convaincre ? Mais il reconnût bientôt le timbre de voix musical de l'elfe, et celui, plus rocailleux, des asabis. Il lui fallut quelques minutes de patience, encore, pour comprendre quelques mots. L'elfe parlait peu, sans doute pour ne pas se trahir, et les asabis guère plus. Mais il finit par entendre l'information qu'il attendait, alors qu'ils n'étaient plus qu'à quelques dizaines de mètres, sans doute sur le point de l'apercevoir.
" ... il est inconscient depuis trois heures déjà.... "

[Kasumi]

Trois asabis. Cela aurait pu être pire mais il allait falloir jouer très serré. Tout dépendrait de la position de Huasasth et de sa première réaction, ainsi qu'à ses gardes. Le demi-elfe sentit poindre une bouffée d'angoisse : les premiers instants allaient être décisif et pourtant il devait encore attendre, laisser approcher le shaman au plus près sans bouger. Cela mettait ses nerfs à rude épreuve et il crispa sa main sur le manche de l'épée courte qu'il dissimulait sous son corps. Il chercha à déterminer la position des différents asabis en écoutant le son de leurs pas mais ce n'était pas chose aisée : il priait Mielikki et Tymora que Huasasth décide d'avancer seul.

[Voyageuse]

Il entendit les pas se rapprocher. Apparemment le groupe était compact.
- Il est là, vous voyez..., fit la voix d'Eärundra. Si vous pouvez le soigner...
- C'est payable d'avance. Cent pièces d'or.
- Je... Oui, bien sûr... Laissez-moi juste remettre la main sur ma bourse...
Il entendit des pas poursuivre tandis que les autres s'arrêtaient, tout près, à quelques mètres de l'autre côté du rocher. Un seul asabi avançait encore, lui semblait-il. Peut-être Huasasth, peut-être un autre...
- Mais dites-moi... dites-moi d'abord s'il peut être sauvé, au moins...
- Je vais vous dire ça tout de suite, gronda une voix rocailleuse, toute proche, juste avant que son propriétaire n'apparaisse dans son champ de vision. C'était certainement Huasasth, même s'il ressemblait à n'importe quel autre asabi. Il eût un mouvement de recul.

[Kasumi]

Kasumi avait laissé son visage en partie recouvert comme il était de coutume de le faire dans le désert mais il craint que le dénommé Huasasth ait désormais flairé le piège. Il n'avait plus le choix, devant agir sans tarder avant que le shaman ne se rapproche de ses gardes ou n'ait le temps de tenter quelque chose. Estimant l'endroit où se trouvait son adversaire, il jaillit d'un bond pour tenter de placer sa lame sous sa gorge, l'invectivant d'une voix déterminée :

- Ne faites plus un geste : si j'avais voulu vous tuer, vous serez déjà mort alors ne m'obligez pas à le faire !

[Voyageuse]

L'asabi était d'une taille nettement supérieure à celle de Kasumi, ce qui mettait sa gorge un peu trop en hauteur pour être facile d'accès, et il avait en outre de bons réflexes. Il recula d'un bond, esquivant la lame.
- Jette ton arme ou je tue ta copine !, lança aussitôt l'un de ses compagnons, bondissant sur Eärundra.
Kasumi eût le temps de voir, du coin de l'oeil, qu'elle parvenait heureusement à esquiver l'attaque de son adversaire. Mais le troisième asabi, tout proche, bondissait à son tour, la contournant pour la prendre à revers.
- C'est un piège ! Ce demi-elfe, je le connais, c'est un ennemi de notre race !
Huasasth était légèrement plus petit que ses congénères, d'apparence plus gracile aussi. Il serait relativement facile à mettre hors de combat. Mais les deux asabis qui l'accompagnaient semblaient de bons combattants.

[Kasumi]

Les choses ne s'étaient pas tout à fait déroulées comme il l'avait espéré mais tout ne pouvait pas non plus se passer à la perfection et il allait falloir composer avec cette situation délicate. Au moins avait-il gagné l'attention de Huasasth et se trouvait-il en position de le blesser si cela s'avérait nécessaire. Il dégaina aussitôt son autre arme pour se précipiter sur le shaman et l'empêcher d'incanter. Avec un peu de chance, un de ses gardes serait attiré dans la manœuvre ce qui laisserait plus de liberté d'action pour Eärundra et ses sorts.

- Je vous conseille de vous rendre et personne ne sera blessé. C'est mon dernier avertissement ! Vous savez pourquoi je suis ici.

Un simple coup de bluff. Avec aucune chance de réussite mais il cherchait simplement à leur gagner du temps, pour acculer le shaman.

[Voyageuse]

Le shaman avait commencé à incanter, et l'attaque de Kasumi, l'obligeant à esquiver, mit un terme à sa concentration. Comme le rôdeur l'avait espéré, l'un des deux guerriers, voyant Huasasth en danger, se désintéressa de Eärundra pour venir à la rescousse. Mais ce ne fut pas suffisant pour permettre à la druidesse d'incanter : le troisième asabi ne la lâchait pas d'un pouce. Elle finit par fuir dans le chaos rocheux, disparaissant derrière les pierres levées, espérant sans doute s'y dissimuler suffisamment longtemps pour incanter.
- Tue-le, lança brièvement Huasasth au guerrier qui venait à sa rescousse.
D'un bond, il se mit hors de portée de l'épée du rôdeur et recommença à incanter, tandis que son compagnon se précipitait sur Kasumi.

[Kasumi]

Cette fois, il n'était plus permis de tergiverser. Si Huasasth prenait le contrôle du combat en parvenant à lancer ses sorts, tout pouvait être perdu. Il avait jeté un œil à Eärundra pour voir qu'elle tentait elle aussi de se dégager et surtout de leur donner un précieux avantage. Il ne pouvait malheureusement pas intervenir pour l'aider, occupé qu'il était par les asabis qui le pressaient. Il s'en voulait déjà de n'avoir pas su tirer davantage profit de l'effet de surprise, de s'être montré trop timoré quand il aurait fallu frapper un grand coup. Huasasth étant hors d'atteinte, il fit en sorte de mettre l'autre asabi entre eux d'eux pour éviter de subir une attaque directe. Du reste, c'était certainement ce que le garde avait en tête pour l'empêcher d'atteindre le shaman. Dès lors et pour ne pas laisser trop de temps au lanceur de sort, il ne chercha plus à retenir ses coups, changeant brusquement de tactique pour frapper avec toute la rapidité et la précision dont il était capable, visant le ventre, les pattes pour mettre hors de combat le premier guerrier.

[Voyageuse]

Le combat était acharné, et même si Kasumi prenait peu à peu le dessus, le shaman avait le temps d'incanter. Et Kasumi, au moment où il portait un coup potentiellement mortel, sentit brutalement son corps s'embraser. La chaleur, intense, brûlait ses vêtements, sa peau, était intenable. Juste après, il crut entendre la voix d'Eärundra et des trombes d'eau semblèrent jaillir du ciel, chassant les flammes, soulageant instantanément son corps. Des étoiles dansaient devant ses yeux, sous l'effet du choc, de la surprise, de la douleur trop intense...
Lorsqu'il reprit ses esprits il vit, en un éclair, le shaman qui incantait, une panthère qui se jetait sur lui pour l'en empêcher... et l'autre guerriers prêt à abattre son épée sur lui. Il avait mal partout, devinait que sa peau était sérieusement brûlée en plusieurs endroits, mais il pouvait encore se battre...

[Kasumi]

Kasumi souffrait le martyr et ne devait qu'à ses années de combats de ne pas tout simplement s'évanouir, offrant son corps aux épées tranchantes des féroces asabis qui ne demandaient qu'une occasion. Mais même tenir debout lui était un supplice alors même qu'il avait l'impression de brûler de l'intérieur, que sa vision avait du mal à s'accommoder et à chasser le trouble qui oblitérait en partie ses capacités sensorielles. C'est son instinct qui repéra la lame toute proche de l'atteindre et il leva l'une des siennes juste à temps pour parer le coup. Il sentait que ses mouvements étaient gourds, imprécis, inefficaces et qu'il ne tiendrait plus longtemps avant de céder à la douleur intense qui tétanisait en partie ses muscles. La vision d'Eärundra attaquant au contact, risquant elle aussi sa vie pour le tirer de ce mauvais pas lui redonna cependant en partie du cœur à l'ouvrage. Il ne pouvait pas céder en laissant ces brutes s'en prendre à son amie. Alors, conscient qu'il ne s'en tirerait pas par ses seules prouesses martiales, il feignit un malaise - il n'eut pas beaucoup à jouer la comédie - juste pour inciter son adversaire à le sous-estimer, à tenter une estocade, à se découvrir juste assez pour qu'il le surprenne et place une dernière attaque puissante.

[Voyageuse]

Il entendit l'incantation du shaman prendre fin, juste au moment où il feignait le malaise... et se trouva brutalement paralysé. Incapable de remuer le plus petit doigt.
- Contente-toi de l'amener au campement, lança le shaman à son acolyte. Argh...
Kasumi devina que la panthère, hors de son champ de vision, venait d'attaquer Huasasth. Il entendit les bruits d'une brève lutte, un feulement, puis devina le frôlement de pattes d'un félin qui s'enfuyait. Il ne pouvait même pas tourner la tête pour voir ce qui se passait. Des cordes lui enserrèrent bientôt le torse, plaquant ses bras le long de son corps, et le guerrier asabi le chargea sur son épaule, l'emmenant vers l'est et le campement. Le shaman ne semblait pas l'accompagner. Quelques instants plus tard, le sort qui l'immobilisait prit fin, mais il était trop bien ficelé pour en tirer profit. Et ses épées pendaient hors de portée, accrochées à la ceinture de son agresseur.

[Kasumi]

Tout semblait perdu désormais. Chaque pas de son geôlier le portait un peu plus au bord du malaise : les secousses et le frottement de ses vêtements sur sa peau à vif allaient bientôt lui faire perdre connaissance, il en était convaincu. Cruelle ironie du sort qui l'avait vu retenir son geste au moment de prendre l'avantage sur son pire ennemi. Il n'avait pas su anticiper les conséquences, pas su mettre sa bienveillante morale de côté au regard de tout ce qu'il avait à perdre. Alors que Huasasth aurait certainement été leur prisonnier s'il avait su réagir comme il aurait fallu, les rôles étaient désormais inversé. Il n'était pas surpris que le shaman ait épargné sa vie comme il avait eu l'intention de le faire de la sienne. Mais il était évident que ses motivations n'avaient rien à voir avec la compassion. Sans doute espérait-il le faire souffrir, le torturer pour consommer sa vengeance avant d'en finir. Il avait eu un avant goût de la douleur indicible qu'un pratiquant de la magie pouvait faire subir à ses victimes et il n'était pas impatient de découvrir les autres horreurs que lui préparait l'asabi. La seule pensée qui l'empêchait de se laisser aller au désespoir en cet instant était le frêle espoir qu'Eärundra ait pu fuir. Il ne souhaitait pas un sauvetage : malgré ses talents certains, la druidesse ne pourrait pas prendre l'avantage. Pas avant qu'on lui tranche la gorge en tous cas. Il valait bien mieux qu'elle retrouve Tass'lan, qu'elle obtienne le moyen de sauver son père comme le druide avait laissé à penser le détenir. Elle devait être assez sage et sensée pour profiter de sa liberté pour sauver Elryndel plutôt que de s'offrir en sacrifice pour une cause perdue. Alors qu'il glissait légèrement de l'épaule de son tortionnaire, ce dernier le secoua à nouveau pour reprendre sa prise. Du moins, c'est ainsi qu'il interpréta son geste avant de vider le contenu de son estomac et de sombrer dans l'inconscience tant la douleur était insoutenable.

[Voyageuse]

Il fut réveillé par une sensation d'eau sur le visage. Des éclaboussures. Des voix rocailleuses à côté de lui.
- Il est réveillé.
- Où elle est, ta copine ?
L'asabi le secouait sans ménagement.
- Attention, il est gravement brûlé, il va faire un malaise !
Il voyait flou, mais suffisamment tout de même pour comprendre qu'il était au milieu du campement asabi.
L'un d'eux s'accroupit en face de lui.
- Ta copine a capturé notre shaman. Dis-nous où elle se trouve !

[Kasumi]

Le rôdeur se sentait engourdi, comme un peu absent de son propre corps. Un réflexe de défense sans doute : le feu avait fait des ravages et le réveil brutal n'arrangeait rien. L'esprit encore davantage à la remorque, il mit un certain temps à comprendre les paroles qu'on lui adressait, à comprendre où il se trouvait - ou plutôt avec qui. L'asabi qui le malmenait venait toutefois de lui fournir un baume qui valait bien toutes les préparations d'Eärundra. Alors, par défi peut-être, il répondit d'un ton plein de morgue :

- Vous ne la retrouverez pas. Et ce n'est pas moi qui vais vous aider : une druidesse se rend où elle veut sans en rendre compte à un simple rôdeur. Mais si je puis vous donner un conseil... Vous feriez mieux de ne pas gâcher de l'eau de cette façon : vos mères ne vous apprennent donc rien dans ce désert ?

[Voyageuse]

Son insolence lui valut une gifle, qui faillit bien le faire replonger dans les limbes.
Il entendit des exclamations dans une langue inconnue de lui, qui commentaient visiblement ce qu'il venait de dire.
- Ainsi, elle est druide... Ça explique certaines choses..., fit calmement son interlocuteur. Mais... est-elle du genre à tenir sa parole, votre druide ? Est-elle fiable ?
- Non, c'est pas le plus important... ce qu'il faut savoir c'est pourquoi elle s'en est pris à Huasasth !

[Kasumi]

La gifle lui laissa le souffle court et il sentit immédiatement du sang s'écouler dans sa gorge. il se retint cependant de tousser et ainsi donner satisfaction à son tourmenteur. Le rôdeur se morigéna d'avoir livré une information à ces créatures mais il était trop tard pour s'en faire et elle n'était pas si primordiale après tout. Il devait désormais s'efforcer d'interpréter celles que les asabis laisseraient filtrer et pour cela, le meilleur moyen était sans doute de les pousser dans leurs retranchements plutôt que de leur demander gentiment. Il prit le temps de s'éclaircir la gorge pour répondre, comme s'il avait tout son temps.

- Et dire que j'avais toujours pensé que les asabis savaient garder leur sang froid ! Non mais je veux dire : nous n'avons même pas été présentés et vous me pressez déjà de questions : éloignez votre ami à la main leste et j'y répondrai du mieux que je peux.

[Voyageuse]

Les asabis échangèrent un regard, et, contre toute attente, celui qui avait frappé Kasumi recula
- Je répète mes questions... et je vous préviens que si vous n'y répondez pas de manière satisfaisante je le laisserai utiliser la manière forte. Qui êtes-vous, et qu'est-ce que vous voulez à Huasasth ?
- Et qui est votre amie ? Et... Quelle genre de personne est-ce ? Dans quelle mesure peut-on discuter, négocier, avec elle ?
- Hors de question de négocier ! marmonna celui qui avait reculé.

[Kasumi]

Kasumi fit semblant de réfléchir aux questions et répondit d'un ton tout à fait sérieux :

- Atroce dilemme : j'hésite un peu : d'un côté c'est me priver d'un pittoresque passage à tabac entre les mains délicates d'un asabi... C'est sans doute une tradition locale des plus typiques et je m'en voudrais d'avoir fait le voyage dans ce désert pour rien. Mais d'un autre côté...

Le demi-elfe reprit son souffle et reprit d'un ton plein de défi :

- Mon amie - ce n'est pas à proprement parler une amie en fait - je suis plutôt son garde du corps. Mon amie donc, est très fiable du moment qu'on ne l'énerve pas trop. Il s'agit de quelqu'un d'important voyez-vous ? La duchesse d'Aglarond en personne. Et que demandiez-vous d'autre ? Ah oui, ce qu'elle veut à Huasasth. Quel drôle de nom, en passant ! Elle veut obtenir de lui la recette de sa célèbre tourte aux scorpions et trois piments. Un régal exotique à ce qu'il parait !

[Voyageuse]

Les trois asabis qui lui faisaient face échangèrent un regard. L'un d'eux, celui qui semblait mener la discussion, hocha imperceptiblement la tête, autorisant de fait son compagnon à opter pour d'autres méthodes... La gifle lui fit voir trente-six chandelles. Il entendit que l'un d'eux lui demandait de ne pas y aller trop fort, parlant d'un délai qui allait expirer. Et un second coup lui fit perdre conscience.

Lorsqu'il reprit conscience, il était à demi-assis contre un rocher, solidement attaché à la roche. On lui avait ôté sa tunique et tout ce qu'il avait dans ses poches, et le tout gisait hors d'atteinte en un petit tas fripé, à côté de ses épées. Il faisait nuit noire, et il devina qu'au moins deux heures s'étaient écoulées depuis qu'il avait perdu conscience. Il avait soif, mais les brûlures douloureuses de sa peau lui évitaient, paradoxalement, de trop souffrir du froid. Et il eût beau tourner la tête de tout côté, il paraissait complètement seul.

[Kasumi]

Les gifles successives lui avaient laissé un mal de crâne atroce et il mit plusieurs minutes à reprendre tout à fait conscience et à se souvenir de sa situation. Situation qui avait passablement évoluée mais pas forcément en mieux à bien y réfléchir : ligoté comme il était et se ressentant de ses blessures, il ne pouvait pas effectuer le moindre mouvement sans sentir ses liens lui scier les chairs à vifs. Après deux tentatives infructueuses, il préféra renoncer pour éviter de vomir la montée de bile qui lui brûlait l'œsophage et l'estomac. A quoi pensaient les asabis ? L'avait-on abandonné là pour qu'il meurt de froid ou n'attire quelque prédateur ? Paradoxalement, la fraîcheur de la nuit atténuait la douleur de sa peau malmenée mais il savait qu'il en serait tout à fait autrement dès que le soleil se serait levé. La chaleur du soleil serait incontestablement une torture, tout comme l'absence d'eau. Il tenta de lever la tête pour regarder le ciel, déterminer combien d'heures il lui restait avant l'aube fatidique. Combien de temps pourrait-il tenir alors avant de devenir fou ?

[Voyageuse]

Le temps s'écoulait lentement, et il avait la sensation d'attendre depuis des heures lorsqu'il surprit un mouvement dans les roches alentours. En réalité, cela devait faire moins d'une heure qu'il avait repris conscience. Il distingua une silhouette haute et trapue. Un asabi. Qui avançait dans sa direction, très lentement, jetant des regards fréquents en arrière. Tendu. Comme s'il s'attendait à tout moment à subir une attaque. Tandis qu'il s'approchait, il nota qu'il portait des vêtements en lambeaux, qu'il boitait... et qu'il avait les mains attachées derrière son dos. Et un bâillon sur la bouche. C'était Huasasth.
Ses yeux croisèrent les siens, et il lui parut évident que le shaman fulminait de colère. Il s'arrêta près de lui, lui jeta un regard noir, et se détourna brusquement. Kasumi vit sa longue queue balayer l'air, s'approchant doucement de lui. Au bout de cette queue, on avait attaché un couteau. Et l'asabi semblait maîtriser assez ses gestes pour s'en servir. D'un coup sec, il trancha la corde liant Kasumi au rocher, non sans lui entailler légèrement la peau au passage. Puis il s'éloigna d'un bond, l'observant avec circonspection.

[Kasumi]

Kasumi frémit en recevant cette nouvelle blessure. Au moins eut-elle le mérite de l'arracher à son état de semi-conscience. La scène lui avait parue tellement irréelle et étrange jusque-là qu'il avait cru s'être assoupi et être pris d'une étrange cauchemar. Quoi de plus étonnant après ce qu'il venait de subir : la fièvre s'étant sans doute développée à cause de la gravité de ses brûlures et de l'effet du froid sur sa peau nue. Peut-être était-il devenu fou plus tôt que prévu tout compte fait ? En tous cas, cela ne l'empêcha pas de bouger. Ou de tenter de le faire en tous cas : le simple mouvement de ses bras tendus pendant plusieurs heures dans une position inconfortable lui arracha un grognement de douleur. Il arrivait à peine à les bouger aussi se contenta-t-il de serrer doucement les poings pour tenter d'y refaire circuler son sang. Il leva alors un regard incrédule vers Huasasth ou ce qu'il semblait être et déclara d'une voix pâteuse :

- J'imagine que vous n'êtes pas là pour me passer un baume cicatrisant ni même pour me masser les épaules : ce serait trop demander.

[Voyageuse]

L'asabi ne répondit pas. Il en aurait été incapable avec le bâillon qu'il portait. Ses yeux criaient sa colère et sa frustration. Il regarda à nouveau en arrière, là d'où il venait, d'un air anxieux, puis vers l'avant. Il semblait hésiter. Il finit par tourner le dos à Kasumi, et lui lança un petit objet qu'il tenait dans les mains. Un morceau de papier roulé en boule très serrée, que Kasumi eût du mal à déplier avec ses doigts gourds.

Échange de prisonniers. Viens vers moi, là d'où est venu Huasasth. Il doit attendre que tu sois à cinquante mètres pour partir à son tour. Ou peut-être que tu veux lui parler avant... à toi de voir.

[Kasumi]

Kasumi lut lentement le mot et mit quelques instants à en saisir les implications. Il n'était pas signé mais il ne pouvait venir que d'Eärundra. Le demi-elfe grimaça lors de sa première tentative pour se relever puis vacilla quand ses jambes engourdies supportèrent son poids. Il dut s'appuyer longuement au rocher qu'il avait dans le dos avant d'être assuré de pouvoir tenir debout. Et même alors, ses maux de tête ne s'en firent que plus intenses : les brûlures, le manque d'eau, les coups qui lui avait tuméfié la moitié du visage ne s'effaceraient pas aussi vite, même en faisant preuve de volonté. Et pourtant il devait reléguer la douleur de son esprit et obéir aux instructions, faire en sorte de ne pas faire échouer le plan de sauvetage de la druidesse. Faire en sorte qu'elle ne soit pas plus en danger par sa faute. Il effectua quelques pas, arrivant à la hauteur de son ennemi atavique, hésita. Puis il déclara d'une voix sincère cette fois :

- Je n'ai pas voulu ça vous savez ? Vous faire du mal à vous j'entends. J'aimerais dire que je regrette mais vous ne me croiriez pas. Mais je n'avais rien contre vous : vous étiez étranger à cette histoire. Comme mon père l'ait à la vôtre. Laissez votre passé. Laissez en paix. Ou réglons cette histoire vous et moi.

[Voyageuse]

L'asabi ne répondit pas : le baillon l'en empêchait. C'était une précaution sans doute indispensable pour l'empêcher d'incanter, mais ça ne favorisait guère la communication...
Il le regarda droit dans les yeux, sans ciller, semblant le sonder. Il y avait toujours de la colère dans les yeux gris du reptilien. Et peut-être autre chose. Du doute ?
Puis il détourna la tête, brutalement, et lui tourna le dos. Signe évident qu'il ne voulait pas poursuivre la conversation.

[Kasumi]

De toute manière, poursuivre la conversation était impossible dans de telles conditions. Le dermi-elfe se satisfaisait néanmoins d'avoir semé les germes du doute dans l'esprit de l'asabi. Il fallait s'en contenter pour l'heure. A moins qu'Eärundra n'ait réussi à obtenir d'autres informations pendant qu'elle tenait Huasasth captif. Une façon de lever la malédiction, ce serait assurément inespéré et bien trop beau pour être vrai. Il devait déjà se satisfaire d'être libre. Ou presque. Qu'on décide de l'abattre d'une flèche dans le dos dès que le shaman serait en sécurité était une possibilité bien trop probable pour être écartée. Aussi tenta-t-il de presser le pas : une gageure dans son état. Même sa vision trouble avait du mal à s'accommoder à la nuit.