[Lieu] Une route oubliée

[Hubert de Maleval]

" Misère... Je crois que je vais me proposer pour la vaisselle, quelque chose comme ça..."
Il salua la rôdeuse et la regarda s'éloigner avec une pointe de regrets. Il avait à peine eu l'occasion de la rencontrer, mais il avait la sensation qu'ils auraient pu bien s'entendre, si elle s'était attardée. Ils avaient une vision des choses qui n'était manifestement pas très différente. Il se leva peu après pour aller abandonner son plateau à la cantine et décida d'aller jeter un oeil aux chevaux qui s'apprêtaient à emprunter la voie des sous-sols. Il n'avait pas examiné Placide depuis le début du périple et se demandait comment le hongre avait survécu jusque là. Après tout, il avait promis à la jeune Johanna et à son éleveur de père de veiller sur l'animal. Cela lui permettrait de voir Arnaud, aussi, le palefrenier de l'Escale, qu'il était aussi censé garder à l'oeil. Misère, il promettait trop et à tout le monde. C'était une fichue déformation professionnelle. Il devait assumer, ensuite.

[Taliesin]

Si Arnaud n'était pas aux écuries, les huit montures s'y trouvaient, elles. Installées un peu à l'écart des autres, il s'agissait de bêtes vigoureuses et, apparemment, déjà remises de leurs efforts des derniers jours. Bien nourries, soigneusement pansées, elles semblaient en pleine forme, ce qui valait pour Placide : Johanna ne lui avait donc pas menti quant à ses qualités... On les avait ferrées depuis peu et, près d'elles, on avait entrposé leur harnachement, afin qu'ils soient prêts au départ en un rien de temps.

[Hubert de Maleval]

Par acquis de conscience, Hubert renoua un moment avec le cheval noir, puis profita de sa visite aux écuries pour aller voir Grand Vent. Son imposant destrier détonait un peu parmi les créatures terrestres qu'étaient ses semblables, mais il semblait à son aise, bien nourri, tranquille. Hubert ressentit une étrange satisfaction à l'idée que, quoi qu'il advienne, son compagnon de toujours pourrait survivre à l'hiver. Il lui suffirait de le renvoyer dans son plan d'existence pour s'assurer qu'il n'ait pas à souffrir de leur destin maudit. Bien sûr, il voulait sauver Albérich, Ruth et Alban, et les institutrices et les chevaliers, les bardes, les clercs et l'intendant, tous ces gens qu'il ne connaissait pas, Edgar, Gabriel, Ingrid, les éclaireurs, les soldats, les gosses anonymes, même les mercenaires... Mais savoir qu'il pourrait sauver Grand Vent, c'était la petite flamme constante sur laquelle il pouvait s'appuyer puis faire grandir le brasier de sa détermination.
Il quitta les écuries, regagna la cour, regarda le ciel. En l'absence de Frida, sans doute Ezéchiel prendrait-il le premier quart de nuit. Il veillerait le second, quand les équipes diplomatiques seraient parties au loin.

[Taliesin]

La cour était déserte, si l'on exceptait les colons qui entraient et sortaient de la cantine. Que personne ne s'y attarde n'avait rien d'étonnant, compte tenu du froid qui y régnait : mieux valait, si l'on ne disposait pas de résistances particulières en ce domaine, demeurer à l'intérieur.
Le paladin ne vit aucune de ses habituelles relations, sans doute toutes affairées quelque part. A manger, peut-être. Et il ne savait pas combien de temps il devrait attendre avant que ne se tienne le Conseil. Cela pouvait aller de quelques minutes à plus d'une heure, voire davantage encore...

[Hubert de Maleval]

Il eut alors une idée. Il dévala rapidement les escaliers qui menaient à la cave et déboucha dans la chambre où se trouvait toujours Albérich, plongé dans un autre livre. Hubert ne chercha pas à savoir s'il lisait réellement.
" Hermines. Maintenant !" déclara-t-il.
Le Luménien le dévisagea avec une grimace interloquée.
" Quoi ?
— J'ai un trou dans mon emploi du temps. Attrape donc ce fichu plateau et allons jouer dans ma superbe salle de réunion."
Albérich parut sceptique mais il se leva quelques secondes plus tard, tandis que le paladin remontait déjà vers la cour. Il lui fallait rester à proximité des remparts, du son des cors, à un endroit où on le trouverait facilement. Il attendit le Luménien en haut des marches puis l'escorta à travers l'esplanade de neige tassée.
" Diable, il fait froid. J'espère que tu as une couverture pour moi.
— Je te prêterai mon manteau.
— Comment fais-tu ?
— Alban dit que je suis un aasimar."
Le Luménien s'immobilisa et le dévisagea.
" Un aasimar.
— Oui. Une sorte de fils du ciel."
Il sourit, crâneur, et Albérich grommela.
" Il ne manquerait plus que ça."
Mais il y avait quelque chose dans son regard et Hubert fronça les sourcils, tandis qu'ils repartaient vers la tour.
" Tu crois que c'est vrai ?
— Bien sûr que c'est vrai. Ça explique pourquoi tu vois dans le noir. Pourquoi tu parviens à boire du thé brûlant sans t'ébouillanter la gorge. Pourquoi ton aura a un effet si puissant. Alban a l'oeil. Je n'aurais pas imaginé..."
Il eut un geste puis secoua la tête. Ils entrèrent dans la tour.
" Pas imaginé... ?
— Que tu n'étais pas un être humain. Ça ne change rien, bien sûr. Je sais ce que sont les aasimars. C'est juste... Je n'y avais jamais pensé.
— Moi non plus."
Ils se sourirent.
" Mais tu devras quand même allumer une lumière. Me battre dans le noir ne compte pas."
Hubert rit en l'invitant dans la pièce. Les livres trônaient en pagaille sur la table et il les rassembla rapidement, tandis qu'Albérich dépliait le plateau. Le regard du Luménien avait suivi ces gestes, mais le paladin ne parvint pas à deviner ce qu'il pensait. Il alluma quelques bougies et un halo doré les engloba. Sans lui poser la question, l'ancien clerc lui poussa le tiroir des Blanches et il commença à disposer son armée face aux Brunes. Albérich éternua, Hubert se leva pour lui poser son manteau sur les épaules. Privé de sa veste qu'il avait donnée à Ruth, il était en bras de chemise mais le froid lui demeurait à peine perceptible, dans cette atmosphère protégée.
Puis ils jouèrent. Et pendant un moment qui dura... une heure, peut-être deux... ils se retrouvèrent dans la salle à manger de la petite maison d'Hubert, à Solarcis, sur la table en chêne usé sur laquelle ils avaient joué près de vingt fois. Il leur manquait juste un verre de vin, la chaleur de la flambée dans l'âtre, l'odeur du cuir des harnachements que le paladin entreposait dans la pièce. Mais Hubert retrouva cette sérénité, cette connivence, ce bonheur simple et partagé, et comme de coutume, il se fit laminer par le Luménien.
" Hubert..."
Albérich avait l'air embarrassé. Il rangeait ses pièces avec lenteur, les observant une par une. Dans la lueur de la bougie, il était difficile de savoir quelle couleur avait son teint.
" Pardonne-moi d'aborder cette question... Je sais qu'elle n'est pas facile mais... Est-ce que tu as réfléchi à ce que cela signifiait, de faire d'Alban ton écuyer ?
— Dans quel sens ?"
Hubert sentit quelque chose se contracter dans son ventre.
« Je pense que c'est une mauvaise idée. » dit alors le Luménien en cherchant son regard.
Le paladin sentit son souffle lui manquer.
« Quoi ? Pourquoi ?
— Ce gosse a besoin de stabilité. Pas d'un référent qui risque sans cesse sa vie, sans certitude de retour. D’un paladin téméraire comme nouveau maître. Il a besoin d’un adulte qui sera toujours là pour lui.
— Il veut être chevalier. »
Albérich pinça les lèvres.
« Je ne sais pas. Peut-être. Mais pas maintenant. La plupart des écuyers se forment en temps de paix. Lui… Sa vie est un champ de bataille depuis des mois, si pas des années. Il est trop jeune, trop fragile. S’il devait t’arriver quelque chose…
— Tout le monde est en sursis, dans cette communauté, Albérich. Toi, moi, Rebecca, Ignace…
— Mais nous savons très bien qui tentera le diable au besoin. Prendre un enfant en charge, surtout un enfant blessé comme Alban, ce n’est pas anodin, Hubert. Tu vivais pour toi seul, et tu vas devoir vivre pour deux. »
Le paladin resta silencieux une seconde. Il le savait déjà, bon sang, pourquoi devait-il le poursuivre...
« Je n’ai pas dit que je l’adopterais…
— C’est pourtant ce qu’a fait Robert, en quelque sorte : il est orphelin. C’est peut-être noble, mais quand on risque sa vie quotidiennement, c’est stupide. Je te dirais bien de te trouver une femme, pour qu’il y ait au moins quelqu’un pour veiller sur lui en cas de problème, mais ce serait diviser le risque sur deux personnes. Je ne suis pas surpris, avec votre tempérament, que les paladins soient généralement célibataires. Qui voudrait lier sa vie avec quelqu’un qui accorde si peu de valeur à la sienne ? »
Hubert demeura muet, une grimace stupéfaite sur les traits.
« C’est violent.
— Mais c’est vrai. Même moi, je vis avec cette incertitude. Et elle est douloureuse. Pourtant, je suis adulte, et j’ai déjà perdu beaucoup de proches. J’ai perdu Euryale, que j’aimais, je crois, j’ai perdu Erwan, qui était probablement mon meilleur ami, j’ai perdu Margriet qui m’aidait au dispensaire de Luménis, j’ai perdu d’innombrables collègues et amis quand Morféa a dévasté la ville et le temple. Je sais que notre monde… exige que nous supportions l’omniprésence de la mort. Mais certains d’entre nous ont un rapport à l’existence qui les menace davantage que d’autres. Il n’y a pas beaucoup de vieux paladins.
— C’est faux. Etre paladin, ce n’est pas être suicidaire.
— Mais c’est être prêt au sacrifice en cas de besoin. Regarde où nous sommes !
— Albérich, est-ce que tu es en train de me dire qu’inexorablement, je vais mourir dans les jours qui viennent ?
— Non ! Bien sûr que non. Je ne le souhaite pas. »
Il sourit doucement.
« Je ne sais pas si j’essaie de te convaincre que prendre Alban comme écuyer était une mauvaise idée ou si j’essaie de t’enjoindre à la prudence. »
Hubert ne sut pas quoi répondre. Il ne s'était pas attendu à ce que la partie d'Hermines débouche sur ce genre de déclarations. Il était touché, quelque part, et il voulait rassurer le Luménien, car il le sentait tendu, et triste, et inquiet, et Marthe n'avait peut-être été que la goutte de trop... Tout bien réfléchi, il donnait incroyablement bien le change, compte tenu de sa propension à l'angoisse.
« Je serai prudent. Je ne mourrai pas. Je t’escorterai un jour jusqu’à Luménis. »
Albérich avait détourné les yeux et il hocha la tête dans un soupir.
« Mais je ne peux pas abandonner Alban. Ce serait indigne. Il a besoin du soutien d’un adulte et s’il désire changer de voie… Ça doit venir de lui.
— Je comprends. » murmura le Luménien.
Un frisson lui anima l’échine.
« Mais je t’ai entendu. Je prendrai la mesure de… mon lien avec les autres et des responsabilités qui en découlent. »
Albérich acquiesça, les lèvres pincées. Il n'avait pas l'air convaincu. Son regard s'égarait dangereusement dans des endroits où Hubert ne pouvait pas le suivre.
" On fait la belle ?"
Albérich le dévisagea, comme arraché à un songe, puis rit.
" A cinquante victoires, qu'est-ce que je gagne ?"
Absolument tout ce que tu voudras, songea le paladin, soulagé.
" Ne pavoise pas, c'est l'heure de la vengeance des aasimars !
— Ça promet. Ils ont l'air d'avoir tout dans le sourire, et rien dans la caboche."
Et ils rempilèrent. Sans doute ne pourraient-ils pas mener cette seconde partie à terme, mais quelle importance...

[Taliesin]

Ils n'eurent pas le temps de terminer, en effet.
-Ah, je vois qu'on ne s'ennuie pas, ici...
Frida s'était glissée dans la pièce sans qu'ils l'entendent venir. Soit elle avait été très silencieuse, soit leur partie les avait trop absorbés...
-Les résultats de la consultation sont tombés : l'Assemblée avalise toutes nos propositions. Le Conseil va se réunir dans quelques minutes.
Elle se tourna vers Albérich.
-Si vous souhaitez y participer, vous êtes le bienvenu. Si vous préférez attendre demain... Nous comprendrons.

[Hubert de Maleval]

Hubert jeta un regard en coin vers Albérich. Celui-ci demeura en retrait, incertain, l'expression accusée par l'ombre projetée par leurs bougies. C'était manifeste qu'il n'avait aucune envie de venir.
" Je te relaierai les informations, offrit le paladin, magnanime.
— Merci. dit simplement le Luménien.
— Mais ne range rien. J'étais bien parti, cette fois."
La grimace du Luménien trahit tout ce qu'il en pensait et le paladin lui fit un clin d'oeil, avant de partir sur les traces de Frida. Juste avant qu'il ne franchisse la porte, Albérich le rappela à mi-voix.
" Oui ?" demanda-t-il, inquiet.
Le Luménien s'était empourpré.
" Est-ce que tu penses que... cette nuit, exceptionnellement, je pourrais... Je sais que je ne suis pas soldat, mais...
— Tu peux dormir dans la tour, oui. Je préviendrai Ignace.
— Merci."
Sur un sourire apaisant, Hubert fila dans les escaliers pour rejoindre le conseil. Pour une fois, malgré la nuit, il se sentait investi d'une énergie colossale.

[Taliesin]

Au Conseil, les discussions allèrent bon train. Tout était prêt pour le départ des deux missions diplomatiques : les chevaux, comme Hubert avait pu le constater, mais aussi les réserves de vivres et, pour ceux qui se rendraient à Grand-Estuaire, de l'or, des objets précieux tirés du trésor du tumulus et une lettre rédigée par Étienne - Varamyr avait signalé qu'aucun de ces éléments ne serait nécessaire face aux Paludiers. De surcroit, certains des artefacts magiques repérés par Albérich avaient été distribués aux deux groupes.
Tout le monde étant impatient de faire avancer le dossier, la traditionnelle question vint plus tôt que prévu : quelqu'un avait-il quelque chose à rajouter où lançait-on immédiatement l'opération ?

[Hubert de Maleval]

Hubert n'avait rien à ajouter.
" Si tous les membres des expéditions sont prêts à partir, autant ne pas tergiverser, dit-il. Autant qu'ils soient le plus loin possible lorsque le soleil se lèvera. J'imagine cependant que nous ne pourrons pas éviter que les curieux nous suivent vers les caves, à moins que vous ne préfériez que nous interdisions aux gens de descendre ?"
Il se tourna vers Marthe et Frida, puis vers le jeune chevalier.
" Tu avais l'intention de faire une déclaration, Etienne ?"

[Taliesin]

-Heu... Non non, je comptais simplement... Dire un mot à ceux qui partent. Pas de grande déclaration devant l'ensemble de la communauté...
-De toute façon, la plupart des gens sont dans leurs dortoirs, pelotonnés sous leurs couvertures. Nous aurons quelques curieux, bien sûr, mais ils savent qu'ils ne sont pas autorisés à emprunter le passage secret. Oh, et j'ai pris la liberté de faire descendre les chevaux : négocier les escaliers risquait d'être un peu long, même s'ils sont assez pratiques à ce niveau...
-Alors je pense que nous pouvons y aller, dit simplement Marthe.

[Hubert de Maleval]

" En route, dès lors." dit Hubert en se levant.
Il grimaça.
" Enfin... J'imagine qu'il est opportun que certains d'entre nous restent en surface, au cas où... Les cannibales seraient bien mal inspirés de nous attaquer juste maintenant, mais on ne peut pas compter avec la chance..."

[Taliesin]

-Je vais rester en haut, mais mes compétences dans le domaine militaires sont... négatives, je crois, à l'instar de la température.
-Je peux descendre ou rester, selon ce que vous préférez.
Marte marqua une hésitation.
-Je ne veux pas vous empêcher de nous accompagner, Hubert, mais sans doute seriez vous plus utile ici.
Elle croisa son regard, un instant, comme si elle essayait de lui dire quelque chose qu'elle n'osait formuler à haute voix.

[Hubert de Maleval]

Hubert soutint un moment son regard, sans parvenir à deviner ce qu'elle voulait. Il était certain qu'Albérich ne se montrerait pas, et il était désolé qu'il en soit ainsi. Il espérait que Marthe comprendrait, même s'il sentait, aussi, que la situation présente avait probablement détruit ce qui avait un moment bourgeonné. Et, même s'il en avait terriblement honte, il ne parvenait pas à s'en attrister réellement. Ce qu'il avait toléré avec Mahaut, à Solarcis, était révolu, il en était bien conscient. C'était un problème qu'il devrait gérer tôt ou tard, mais qu'il soit repoussé... c'était plus facile.
" Je vais rester en haut." dit-il.
Il sourit à la juge.
" Je vous souhaite bonne route, Marthe. Vous avez notre destin entre vos mains... et dans le creux de vos paroles. Je prierai Lathandre chaque jour que les Paludiers vous entendent et vous ramènent parmi nous, porteuse de vie."

[Taliesin]

Elle lui sourit.
-Merci beaucoup, Hubert. Je vous dis à dans deux veilles. Tenez bien le fort en notre absence !
Elle le salua, amicale, puis quitta le chariot, à l'instar d’Étienne, de Frida et d'Ignace. Agnès, elle, s'attarda.
-Hubert, juste un mot...
Elle avait baissé la voix.
-Concernant Alban... Avez-vous noté l'un des symptômes dont vous a parlé Barthélemy ?

[Hubert de Maleval]

Hubert secoua la tête. Le moment semblait étrangement choisi, mais puisqu'Agnès paraissait inquiète...
" Je n'ai rien remarqué. Ruth non plus. Elle le trouve simplement plus affectueux. Mais ce qu'elle m'a décrit ne m'a pas semblé inquiétant. Disons qu'il a l'air de laisser un peu plus d'émotions perler à l'extérieur... Au delà de ça... Je n'ai rien noté, non. Mais je ne suis pas tout le temps dans son ombre... Pourquoi cette question, soudain ?"

[Taliesin]

-Parce qu'avec tous les dossiers que nous devons gérer, il serait facile d'oublier celui-là, qui est potentiellement crucial. Et puis...
Elle soupira.
-Je l'ai entraperçu à la cantine, ce soir. Il avait l'air plutôt bien, compte tenu des circonstances. Vous avoir l'aide visiblement beaucoup... Par conséquent, si un être malfaisant l'habite, il va passer à l'action très vite, avant que le pire ne soit passé, avant que votre écuyer ne recommence à se reconstruire. Donc... Si des symptômes doivent apparaître, ce sera demain, après-demain peut-être. S'il n'y a rien, nous serons définitivement fixés.

[Hubert de Maleval]

" Soyez certaine que je n'oublie pas cette affaire, Agnès. Albérich est au courant, Ruth veille sur lui, et je ne suis jamais loin, même si je crains que la créature se défie de moi, si elle existe. Mais je redoublerai de vigilance, je vous le promets. Il faut juste espérer que son intervention ne sera pas trop radicale..."
Il grimaça, puis sourit.
" Nous le protégerons, et la communauté, quoi qu'il advienne."
Mais sans doute sonderait-il son aura, une fois de plus, quand il irait se coucher.
Si la prêtresse en avait terminé avec lui, il irait saluer Frida avant de la laisser partir avec les autres. Il faudrait qu'il touche un mot du déménagement d'Albérich à Ignace. Puis il attendrait que les autres remontent avant d'aller dormir.

[Taliesin]

Il croisa en premier lieu Ignace, qui nota l'information concernant l'ancien aubemestre et lui apprit que Frida était montée sur les remparts pour dire au-revoir à ceux de ces hommes qui s'y tenaient. De fait, il la vit redescendre par l'escalier extérieur quelques minutes plus tard. Elle commença par se diriger droit vers une tour mais elle bifurqua sitôt qu'il le repéra.
-N'oubliez surtout pas que vous devez me garder quelques cannibales, fit-elle avec un sourire un peu tendu.

[Hubert de Maleval]

" Je ferai de mon mieux." répondit le paladin, d'un ton docte.
Il sourit à la jeune femme.
" Fais bon voyage, Frida. Dis-toi qu'il restera Clairétoile à explorer quand tu reviendras. Et salue le monde des vivants de notre part. Ne vous attardez pas si vous réalisez que vos interlocuteurs font sourde oreille, cependant..."
Il pinça les lèvres.
" Mais peut-être ne devez-vous pas négliger la possibilité de recruter quelques personnes supplémentaires... Vous aurez de quoi les payer. Un clerc ou un mage de plus ne serait pas du luxe."

[Taliesin]

-Je déteste rentrer bredouille. Alors je reviendrai avec des renforts, aussi modestes soient-ils.
La rôdeuse eut un bref sourire.
-Je te dirais bien de veiller sur tout le monde, mais ce serait superflu : tu le feras quoi qu'il arrive. Non, le mieux est sans doute que je te conseille de te reposer, de temps à autres...
Elle observa un instant la cour, les tours, les sentinelles sur les remparts... et soupira.
-Je crois qu'il est temps que j'y aille : il ne faut pas faire attendre les autres. Nous nous reverrons bientôt. Et en attendant, nous échangerons des nouvelles par l'entremise de nos clercs.
Elle lui serra brièvement l'épaule puis, subitement embarrassée, se détourna et fit mine de s'éloigner.

[Hubert de Maleval]

Hubert la regarda filer avec un léger sourire aux lèvres. C'était une femme de qualité et elle mènerait sa mission à bien, il n'en avait pas le moindre doute. Il espérait juste, pour son salut, que Louis serait tolérable. Comme il l'avait prévu, il demeura dans la cour, à attendre la remontée d'Etienne et d'Agnès. Ignace vaquait sans doute à ses affaires, et le paladin décida de monter sur les remparts pour faire la connaissance d'Ezéchiel. Il n'était pas certain de pouvoir le reconnaître, mais sans doute pourrait-il trouver quelqu'un pour le renseigner. Ensuite, dès que le chevalier et l'Ilmate seraient de retour, il irait dormir quelques heures. S'il y parvenait.

[Taliesin]

Contrairement à ce qu'il avait craint, il reconnut sans mal Ézéchiel, grâce au bel écureuil lové sur son épaule. C'était le rôdeur demi-elfe qu'il avait déjà rencontré lors de la réunion préparatoire qui avait précédé leur départ de Grand Estuaire, qu'il avait déjà vu, aussi, collaborer avec Varamyr lorsque les Écorcheurs fondaient sur la colonne. Assez grand, svelte, âgé sans doute d'une trentaine d'années, il semblait d'un calme à toute épreuve.
-La nuit est paisible, fit-il quand il le rejoignit, accompagnant cette manière de rapport d'un geste de bienvenue.

[Hubert de Maleval]

" Prions pour qu'elle le reste." dit Hubert avec le sourire.
Il se tourna vers la campagne, guettant les écorcheurs. Peut-être se demandaient-ils, eux aussi, ce que tramaient les assiégés.
" Je vais essayer de dormir un moment. Réveillez-moi dans quelques heures et je prendrai votre relais."

[Taliesin]

Le rôdeur acquiesça.
-Il sera minuit dans un peu moins de deux heures. Je vous réveillerai... dans cinq heures, disons. Il vous en restera à peu près autant à faire le guet avant que l'aube ne commence à poindre.
Il se tourna à son tour vers le camp des cannibales, invisible hormis les lueurs de quelques torches, de quelques feux.
-Je doute qu'ils nous causent des ennuis cette nuit : ils se comportent exactement comme durant la précédente, font comme si nous n'existions pas, ou peu s'en faut. Mais puisqu'il peut s'agir d'un leurre, mieux vaut demeurer vigilant.

[Hubert de Maleval]

" J'imagine qu'ils pourraient se contenter d'attendre que, désespérés, nous tentions une sortie. En même temps, si leur objectif est de nous ajouter à leur menu, ils ne peuvent pas se permettre de nous laisser mourir de faim."
Il ne verbalisa pas ce qu'il craignait, qu'ils aient des alliés à l'intérieur du fort. Mais même si c'était le cas, ces derniers n'auraient jamais pu communiquer avec eux aussi rapidement... Sauf si c'étaient des alliés de longue date, qui les avaient guidés jusqu'à eux depuis le début... Après tout, les Ecorcheurs étaient dans une région qui n'était pas la leur... Mais pourquoi faire une chose pareille ? Pourquoi vouer un groupe d'innocents à leur faim maléfique ? Manquaient-ils... de nourriture ? Ou avait-on voulu les empêcher d'atteindre la cité, à tout prix...
Tu délires, reprends-toi.
" Peut-être attendent-ils des renforts, tout simplement."
Avant d'aller dormir, il redescendrait voir Agnès, Etienne et Ignace. Il fallait placer des glyphes, rapidement.

[Taliesin]

-S'ils ont amené leurs civils avec eux, ce qui est quasiment certains puisque ces derniers auraient été trop exposés s'ils les avaient laissés en arrière... Ils ne tarderont pas à faire leur apparition. De même que les prisonniers, dit le rôdeur avant de lui souhaiter bonne nuit.
Hubert trouva les conseillers restants aux cuisines, en train de boire une coupe de vin chaud - il eut droit à la sienne, évidemment. Agnès l'écouta avec attention et promit que son confrère et ele prépareraient les sorts adéquats pour le lendemain. Étienne, lui, avait l'air un peu ailleurs, mais il lâcha néanmoins quelques mots pour dire que la mesure lui semblait bonne.

[Hubert de Maleval]

Hubert signala qu'il pensait nécessaire de bloquer toutes les issues, où qu'elles mènent, et que les glyphes soient restrictifs et franchissables uniquement sur mot de passe. Il fallait avertir les colons, bien sûr, les prévenir de l'endroit où se trouveraient les barrières invisibles, sans doute les marquer d'un signe discret. Cela permettrait de garder tout intrus à l'extérieur, mais sans doute un sortilège de paralysie serait-il plus opportun qu'une déflagration meurtrière, au cas où un imprudent les franchissait par mégarde. Il faudrait les vérifier régulièrement, car leurs adversaires possédaient des mages, eux aussi, qui pouvaient probablement dissiper leurs défenses. A aucun moment Hubert ne parla de vouloir contenir un éventuel traître à l'intérieur. C'était en réalité son inquiétude principale, mais il n'était pas nécessaire de la verbaliser, et les arguments visant à empêcher une invasion étaient tout aussi valides, même s'il les pensait moins cruciaux.

[Taliesin]

Ses trois collègues acquiescèrent sans réserve à ses propositions, et Ignace suggéra de s'entretenir à ce sujet avec les bardes et les mages. Il lui semblait qu'il existait des sortilèges d'alarme qui pourraient judicieusement compléter les glyphes : peut-être les praticiens des arcanes en disposaient-ils ? Étienne opina du chef puis, sa coupe terminée, il prit congé, expliquant qu'il était fatigué et que s'il voulait être d'attaque lorsque viendrait le jour, il valait mieux qu'il aille se coucher sans tarder.

[Hubert de Maleval]

En le regardant s'éloigner, Hubert songea qu'Etienne devait se sentir bien seul, soudain, avec un poids terrible sur les épaules. Il avait perdu Robert, qui avait occupé une place centrale dans l'organisation de la communauté, qui avait été un de ses plus fervents alliés, et voilà qu'il devait regarder partir Marthe et Frida, deux autres piliers de son projet, ainsi que Louis, son meilleur ami, vers une destination cruciale mais incertaine, à la merci de l'hiver et des Landes meurtrières. Hubert partait du principe qu'ils reviendraient, tous, même s'ils devaient échouer à leur trouver des alliés. Et peut-être alors auraient-ils le bon sens de sauver leurs vies... Il ne le pensait pas, cependant, connaissant le sens de l'honneur des principaux intéressés. Le paladin aurait voulu alléger la mélancolie du chevalier, mais il ne voyait pas bien quoi faire. Ils se connaissaient à peine et une démarche frontale de sa part aurait paru artificielle. Il ne pouvait que se montrer à la hauteur des défis qui se présentaient devant eux, garder le moral, chanter Clairétoile. Peut-être pouvait-on envoyer Etienne en éclaireur avec un groupe d'éclaireurs, jusqu'à la cité, pour le requinquer. A voir. Il pouvait aussi en parler avec Albérich. Le Luménien trouverait peut-être la manière qu'il ne pouvait qu'imaginer... Il faudrait garder un oeil sur Etienne, en tout cas.
Tu ne peux pas te charger du destin de tous.
Il se leva à son tour, promit de parler à Gabriel des glyphes dès l'aube et salua les deux derniers conseillers, avant de mettre le cap sur la tour où devaient l'attendre Albérich et Alban, sans doute endormis, déjà.

[Taliesin]

[Albérich s'était retrouvé seul dans la salle de réunion désertée. Pour lui tenir compagnie, il n'y avait que le plateau d'Hermines et les pièces qu'il ne pouvait même pas ranger puisqu'Hubert lui avait demandé de n'en rien faire. Il y avait, aussi, les nombreux volumes que les écuyers du paladin, avec son aide, avaient tiré des caisses de la bibliothèque. Restait à espérer que ni les instituteurs ni Ignace ne voient jamais comme son ami les avait "rangés", car il ne semblait avoir ni l'amour des livres des premiers, ni le goût du classement du second...