[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort

[Chandara]

La paladine se passa une main sur le visage, sans doute pour essuyer ses larmes et tenter de se composer une apparence moins lamentable puis elle releva les yeux vers Arthur. Ces derniers brillaient maintenant d'une lueur d'espoir. Une lueur fragile et incertaine mais le lathandrite était bien placé pour savoir qu'une flamme ne demandait qu'à être entretenue. Il n'avait rien promis cependant mais Chandara ne lui en tenait pas grief : quelles certitudes pouvaient-ils avoir l'un ou l'autre à la veille d'une bataille qui en appellerait tant d'autres sauf désastre ou miracle ? La jeune femme avait perçu son hésitation et - pour l'heure - savoir que le luménien voulait peut-être la revoir malgré tout suffisait à la rasséréner. Elle répondit alors bravement et tenta même de sourire mais ses yeux rougis montrer combien sa force n'était que de façade en cet instant :

- Peut-être, Arthur. Si c'est possible, cela me ferait plaisir... Alors prenez soin de vous surtout !

Non, c'était bien en deçà de la réalité alors elle ajouta d'un ton léger mais qui peut-être ne l'était pas tant que ça :

- Et même s'il faut traverser un nouveau campement mélandien, une mer ou même un tunnel pour vous retrouver !

[Arthur de Faisanlys]

" Suivez les drapeaux bleus, cela devrait suffire, dit le jeune paladin avec un sourire qu'il espérait apaisant. Je vous souhaite bonne charge, Chandara. Je suis certain que Lathandre vous mènera à la victoire et que nous nous reverrons."
Il se sentit rougir. Il y avait quand même beaucoup de monde autour d'eux, il n'était pas sûr que le lieu soit bien choisi. Et elle avait toujours l'air complètement défaite. Elle était un peu folle, il le savait depuis le début, mais qu'elle puisse éprouver de tels sentiments à son égard, alors qu'ils se connaissaient à peine... Ils s'étaient embrassés, oui, il ne l'avait pas oublié. Comment l'aurait-il pu ?
" Soyez prudente."
Puis il lui sourit doucement, fit volte-face et se mit en quête de quelqu'un qui pourrait le renseigner quant à l'endroit où les Luméniens — s'ils étaient sur ce front — avaient planté leurs tentes.

[Chandara]

Ainsi ils s'étaient séparé et la jeune femme ne sut détacher son regard du paladin qui s'éloignait. Une part d'elle avait envie de le suivre mais une autre - plus raisonnable sans doute ou peut-être un peu plus pusillanime, fit qu'elle s'en abstint. Arthur avait clairement signifier ses intentions et allait à l'encontre quitte à l'étouffer aurait été indigne des sentiments qu'elle pensait éprouver pour lui. Alors, elle chercha un endroit où s'asseoir juste un moment. Juste le temps de digérer sa déception et de se composer à nouveau une mine plus digne. Puis elle retournerait s'excuser dans la tente du général, s'il était toujours présent. Dans le cas contraire elle considèrerait qu'il en avait fini avec elle et chercherait à rallier les forces helmites et préparer la charge qui l'attendait sans doute.

[Gareth Maelwedd]

Pour Arthur

- Hmmm, plutôt mignonne votre amie... Bonjour Arthur ! Vous vous souvenez de moi j'imagine ?

La jeune femme était apparue à côté de lui sans prévenir comme si elle s'était jusque-là fondue dans les ombres. Quant à se souvenir d'elle, comment pourrait-il en être autrement après ce qu'il l'ait embrassée dans sa cabine de la Vague Déferlante ? Et de toute la déception qui s'en était suivie...

[Arthur de Faisanlys]

Le jeune paladin manqua bondir en poussant un cri aigu, mais se contint : les paladins n'ont jamais peur. Il tourna un regard courroucé, qu'il adoucit rapidement, vers Soupir, et lui sourit.
" Dame Soupir."
Toute cette aventure à bord de la frégate amirale lui semblait remonter à dix ans plus tôt. Il chercha un peu des émotions troubles qu'il avait ressenties alors, mais elles semblaient s'être évaporées devant l'énormité des derniers événements.
" Je suis heureux de vous voir en bonne santé. J'ose espérer que votre mission se déroule bien jusqu'ici."
N'était-elle pas garde du corps des plus hauts officiers ? Combien cela lui coûterait-il d'acheter son silence ?

[Gareth Maelwedd]

La jeune roublarde lui retourna son sourire, manifestement soulagée que le paladin ne lui en veuille apparemment pas des circonstances de leur dernière entrevue. Mais elle ne le laissa pas reprendre son souffle qu'elle enchaînait déjà d'un ton ingénu :

- Merci ! Ma mission actuelle se déroule plutôt bien puisque j'ai réussi à vous localiser. Et pour un paladin, vous avez certains talents pour vous "montrer" discret ! Pouvons-nous marcher un instant ensemble ? Votre père sollicite une entrevue avec vous et je vais justement vers sa tente.

[Arthur de Faisanlys]

C'était pire que prévu.
" Je dois avouer que je n'avais pas précisément l'intention d'aller dans cette direction. En fait, j'avais même plutôt l'intention d'aller tout à fait dans une autre direction. Comme... Peut-être par là..."
Il la dévisagea, songeur.
" Puis-je vous convaincre d'oublier que vous m'avez vu ? En souvenir, je ne sais pas, de ce que nous avons traversé autrefois ?

[Gareth Maelwedd]

Soupir fit mine d'y songer un instant mais mit un terme à tous les espoirs du lathandrites de parvenir à la raisonner :

- Hum... C'est vrai que je vous dois une forme d'excuses pour tout ça... Mais je crois que le général serait furieux. Il a bien précisé qu'il voulait que je vous ramène et dès maintenant. Non, vous feriez mieux de m'accompagner, vraiment ! En plus Helmut et Helmet vous cherchent eux aussi... Et en plus, soyez un peu sérieux : comment pouvez-vous imaginer qu'une fille pourrait oublier de vous avoir vu ?

[Arthur de Faisanlys]

Arthur haussa les épaules.
" Il est toujours furieux, le général. Qu'est-ce que ça changerait ? Vous pourriez, je ne sais pas... Avoir un minimum de compassion."
Il soupira, jeta un coup d'oeil circulaire autour de lui. Quelles étaient ses chances de parvenir à s'esquiver sans qu'elle le rattrape ? Bien sûr, elle était sans doute spécialiste de la traque, elle le trouverait... Mais avait-elle la force de le contraindre ? Il était nettement plus grand qu'elle, sans doute plus costaud... Mais elle avait sans doute plus d'un tour dans son sac, et il ne cherchait ni l'esclandre, ni l'humiliation. Peut-être pouvait-il demander l'asile aux forces manostiennes...
" Est-ce que vous savez ce qu'il me veut ?"

[Gareth Maelwedd]

Soupir n'était pas totalement dénuée de compassion comme son expression soudain sérieuse voire un peu désolée tendait à le démontrer :

- Voyez cela comme de la prudence ou de l'égoïsme, mais je préfère autant qu'il soit furieux contre quelqu'un d'autre plutôt que contre moi. Quant à ce qu'il vous veut, il n'a pas jugé utile de me le dire et je n'ai pas cherché à l'interroger au-delà de son "ordre de mission". Ses mots étaient plus fleuris que flatteurs je le crains. Mais j'ai cru deviner qu'il voulait vous entretenir de votre présence en Dorrandin en général et de votre récente mission en terres contrôlées par les mélandiens en particulier. Je ne vais pas vous mentir : ni l'un ni l'autre ne semble le ravir.

[Arthur de Faisanlys]

" Voilà que me surprend grandement." répondit-il, acide.
Il soupira et croisa les bras.
" Et si je refuse de venir... Qu'est-ce que vous allez faire ? Je n'ai pas dit que je refusais, mais... Par curiosité..."

[Gareth Maelwedd]

La jeune femme ne se démonta pas et le regarda droit dans les yeux :

- Je crois que je serais déçue pour commencer : vous m'aviez laissé l'image d'un paladin n'hésitant pas à agir comme il le doit. Mais je ne pourrais pas vous y trainer de force et contre votre volonté évidemment. Evidemment, je me verrais obligée d'avertir mes compagnons si la persuasion ne suffisait pas à vous convaincre... Mais de quoi avez-vous si peur au fond ? Pas de vous faire réprimander tout de même ?

[Arthur de Faisanlys]

Il se sentit piqué au vif par les insinuations de la roublarde. Que savait-elle des réprimandes du général ? Avait-elle la moindre idée de la forme que cela pouvait prendre ? En même temps, il ne pouvait pas vraiment s'y dérober. Même s'il était un combattant clandestin, il était obligé d'obéir au général : c'était le supérieur hiérarchique de l'intégralité des forces terrestres luméniennes, un conseiller de la cité, et son père.
Il ne s'abaissa cependant pas à répondre à la jeune femme.
" Soit. Faites votre boulot."

[Gareth Maelwedd]

La mine d'enterrement du paladin n'incitait pas non plus à faire plus de commentaires que nécessaire. Cependant, Soupir était formée à se montrer méfiante et elle ne quitta donc pas un seul instant des yeux le jeune-homme rien moins qu'enthousiaste à l'idée de la suivre vers la tente du général Maelwedd. En chemin, ils croisèrent de plus en plus de soldats portant des uniformes connus mais ils ne restèrent pas longuement dans les abords rassurants où avait élu domicile une foule anonyme de spadassins et de cavaliers helloniens.

Non, ils se dirigeaient irrémédiablement vers le centre du campement et la bannière de l'état-major qui flottait comme un criant message de fin d'aventure pour le luménien clandestin. La tente du général reflétait parfaitement l'état d'esprit de son géniteur : sobre à en être triste mais grande et pratique. Si Arthur espérait encore pouvoir échapper à la garde de Soupir le temps qu'elle l'annonce, il serait déçu de constater que deux autres vieilles connaissances gardaient les abords de la tente de commandement : les deux guerriers jumeaux, Helmet et Helmut.

[Arthur de Faisanlys]

Mais Arthur n'avait plus la moindre intention de se défiler. Il se sentait résigné comme un jeune taureau grimpant les marches du temple où il sera sacrifié. Il avait bien compris que Soupir ne le laisserait pas prendre la tangente. Les deux jumeaux, il les connaissait à peine, ils n'avaient aucune raison de l'avoir à la bonne. Lui qui avait cherché les Luméniens, il regrettait désormais d'avoir eu une idée aussi stupide. Il aurait mieux fait de se perdre parmi les rangs manostiens, de s'inventer un faux nom, et de vivre anonyme et tranquille parmi de nouveaux compagnons.
Mais comme il approchait, un calme paradoxal s'empara peu à peu de lui. Ce n'était pas la première fois qu'il se ramassait le vieux Maelwedd sur le paletot. C'était même plutôt la dix millième. Et si le général le renvoyait à Luménis, et bien, il retrouverait sa commanderie, qu'il avait tant regrettée quand il se morfondait dans le donjon de Destertres. Il ne pouvait rien arriver qui ne soit prévisible. En fait, c'était plutôt l'insistance de son père à le voir qui était imprévue : Arthur s'était attendu à davantage d'indifférence.

[Gareth Maelwedd]

Soupir - qui avait brièvement disparu sous la tente - refit son apparition à ce stade de ses réflexions :

- Le général va vous recevoir. Rassurez-vous, avec la bataille qui se prépare, cela ne devrait pas être très long !

Sans attendre de réponse, elle s'effaça pour le laisser entrer à son tour. A l'intérieur, le général qui l'attendait assis derrière un bureau encombré de rapports semblait avoir pris dix ans par rapport à l'image mentale qu'il conservait de son père. Mais sa voix semblait n'avoir rien perdu de son impact quand il s'exprima en relevant les yeux vers lui :

- Ah, le fils prodigue ! C'est aimable à vous d'avoir pris le temps de venir saluer votre général entre deux missions suicides.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur s'inclina, raide, en respectant le protocole.
" Mes excuses, mon général, j'ignorais que vous escomptiez une telle visite."
Viens-en au fait, vieux crocodile, songea le paladin.
Mais il avait parlé de mission suicide. Cela signifiait donc qu'il allait le laisser charger avec les autres ! Enfin... du moins l'espérait-il. Et il n'en mourrait pas, quoi qu'il puisse en penser. Il avait vu l'enfer, il était revenu.

[Gareth Maelwedd]

Le général avait ses façons pour donner l'impression d'accroître sa présence dans un lieu sans pour autant faire le moindre mouvement apparent. C'est un peu comme si son attitude ou son humeur avait une présence physique comparable à une aura. Arthur détecta ainsi tous les signes précurseurs d'une explosion de contrariété avant même que Gareth Maelwedd n'ouvre la bouche :

- Escompter une telle visite est peut-être un peu abusif puisque - de mon point de vue et pas seulement du mien d'ailleurs - vous n'avez pas votre place sur ce continent. Mais il me parait opportun de demander si vos excuses concernent également votre désobéissance aux ordres de votre supérieur, à votre embarquement clandestin à bord d'un navire de l'armée en pleine situation de guerre ou de votre stupidité en général qui vous fait ignorer les conséquences de vos actes.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur se tassa légèrement sur lui-même. Il était presque aussi grand que son père et il savait que c'était quelque chose que n'appréciait pas le général. De surcroît, même s'il n'y avait pas de témoins, il n'avait pas envie de se prendre une gifle. Les risques étaient élevés, il ne se leurrait pas.
" Pour la première chose, je ne dois d'excuses qu'à Sire Armand. Pour la seconde, j'ai présenté mes excuses à l'Amiral Longuehune et il m'a accepté à bord. Pour la troisième, je ne partage pas votre opinion, même si je me dois de la respecter."

[Gareth Maelwedd]

La réponse - pour polie et pondérée qu'elle fut - n'était pas au goût du conseiller : soit qu'il considéra le trait d'esprit comme une nouvelle provocation, soit qu'il soit de toutes façons trop furieux pour écouter la défense de son fils. Sa voix n'avait pas changé de tonalité, toujours froide, méprisante, cynique :

- Si vous ne partagez pas mon "opinion", comment qualifieriez-vous votre décision de vous rendre au contact de nos ennemis mélandiens avec pour seuls compagnons... Voyons voir ces rapports... Ah oui, une barde sans expérience lancée dans une cause familiale et personnelle, une prêtresse ilmate tellement faiblarde comme son dieu qu'elle sera tombée à la première embûche, un ancien voleur encore moins mâture que vous et connu pour être employé dans des missions que votre commandant réprouverait certainement. Et le clou du spectacle, bien entendu : une paladine sans dieu dont l'utilité serait plus avérée comme gueuse à soldat que comme compagnon d'armes !

[Arthur de Faisanlys]

Arthur avait encaissé la tirade paternelle sans broncher — il était plutôt d'accord après tout, jusqu'au moment où son géniteur s'en prit à Chandara. L'entendant traiter de gueuse à soldats, il se sentit rougir et bouillir en un demi-battement de coeur.
" Je vous interdis de parler de Dame Chandara de la sorte ! s'offusqua-t-il sans plus se soucier, un instant, du danger qu'il encourait. C'est une fille bien et elle n'est certainement pas responsable de la mort de son dieu ! Quant à cette mission stupide, vous n'avez qu'à en référer au général manostien imbécile qui nous a envoyés la remplir ! Je n'ai fait qu'obéir aux ordres !"

[Gareth Maelwedd]

Le général afficha cette fois une expression narquoise, défiant son fils de poursuivre dans cette voie dangereuse. Sa voix était cette fois plus forte et il détacha chacun de ses mots :

- Vous m'interdisez, paladin ?

Sans attendre de réponse à cette question rhétorique, il poursuivit en se penchant vers lui, ses poings crispés sur le bureau :

- Et à quel ordre sinon à votre propre envie avez-vous obéi en quittant le campement des hommes de votre cité pour aller vous cacher dans celui des manostiens ? Mais je vois que cette fille vous aura tourné la tête... C'est un mal récurrent avec les jeunes chiens fous qui se croient prêts pour les longues campagnes. Un conseil que vous feriez bien de prendre en compte : allez donc rendre visite à une des gueuses du camp ou même à cette "dame" comme vous la nommez. Cela vous fera devenir plus mâture mais peut-être est-ce trop espérer ?

[Arthur de Faisanlys]

Cette fois, Arthur ne releva pas. Il se contenta de regarder son père avec une colère tue, puis baissa les yeux. A quoi bon gaspiller sa salive ? Le général avait toujours raison, et ce n'était pas la première fois qu'il était en butte à ses insultes. Il fallait laisser passer la bourrasque et surtout — surtout — ne rien en penser, ne rien écouter, ne prêter foi à aucune remarque. Ce n'était pas difficile : ses propos étaient excessifs, calibrés pour le blesser. Mais il avait l'habitude. Même s'ils n'avaient plus été en contact très souvent, ces dernières années, Arthur avait vécu suffisamment d'années misérables à la villa Maelwedd pour retrouver rapidement ses automatismes.
" Aviez-vous autre chose à me dire ?" demanda finalement Arthur.

[Gareth Maelwedd]

Le général sembla considérer que cette reddition et cette fuite apparente allait de soi de la part d'un fils dont il n'attendait - au final - que des déceptions. Son ton reprit son timbre habituel mais ses paroles n'en étaient pas moins lourdes de sens :

- Oui, j'ai encore une chose à vous dire et ce n'est pas qu'un conseil cette fois. Je ne vais pas gaspiller mes ressources pour vous faire retourner à Luménis à fond de cale ni même vous empêcher de suivre votre fantaisie de vous mêler à des hommes dont la guerre est le métier. Non, rien de cela, vous pouvez vous en réjouir ! Cependant... Si vous veniez à risquer à nouveau une capture, faites cette fois le nécessaire pour éviter qu'ils n'exercent de pression sur toutes nos forces à travers moi ou que je sois contraint de remercier nos alliés pour nous avoir sorti de cette situation embarrassante.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur opina du chef. Il se demanda pourquoi le général n'avait pas simplement haussé les épaules ou fait la sourde oreille. Les Mélandiens l'auraient sans doute débarrassé une bonne fois pour toute de cette écharde agaçante qu'il se trimballait depuis presque vingt ans. Mais c'était sans doute une pure question de réputation : un homme qui abandonne son fils à la mort, sans sourciller, a peu de chance de conserver la confiance des Luméniens aux prochaines élections. Quelque chose comme ça.
" Ne vous en faites pas, je vais me trouver un autre nom. J'aurais dû abandonner le vôtre depuis longtemps, mais je ne voulais pas occasionner de peine supplémentaire à maman."
Il eut un sourire contraint et s'inclina poliment.
" Puis-je me retirer, mon général ?"

[Gareth Maelwedd]

Le général était déjà plongé dans l'étude de quelque rapport quand il répondit d'un ton indifférent et pour le moins laconique cette fois :

- Faites donc, Arthur ! J'en ai fini avec vous.

Inutile de se demander s'il évoquait l'entrevue seule ou si sa remarque était bien plus conséquente. L'invitation à abandonner le nom des Maelwedd pour éviter de continuer à le déshonorer et le mettre en danger sans doute était claire.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur quitta la tente du général d’un pas rapide, demeurant bien droit, mais il sentait qu’il avait besoin d’un endroit où se cacher. C’était le genre de situations dans lesquelles il cherchait généralement du réconfort auprès de son cheval, mais Filu s’était perdu, et il devrait s’en passer. A l’extérieur, la lumière l’agressa, déformant l’aspect des choses, amplifiant son mal de crâne, et il fit quelques pas au hasard, sans bien savoir où aller. Il devait être dans le camp luménien, mais il n’y connaissait personne, et en cette seconde, le seul et unique endroit où il aurait voulu se trouver était la commanderie. Il aurait poussé la porte du bureau de Sire Armand et ce dernier aurait immanquablement trouvé les mots, ou les gestes, pour calmer son désarroi. Ensuite, il l’aurait envoyé croiser le fer avec Enguerrand ou Jacob, ou lui aurait confié un groupe de novices pour une leçon quelconque. Othon aurait, une fois de plus, lâché tout le bien qu’il pensait du général. Arthur aurait rougi, mais il aurait été entouré des siens, qu’il avait traîtreusement abandonnés à Luménis, alors même qu’ils étaient la seule famille qu’il avait.
La plupart des soldats, ici, ont laissé leur famille, songea-t-il en massant d’une main son front tambourinant.
Il ne voulait pas penser à ce qui venait de se passer, même si cela envahissait son esprit avec violence. Il réalisa que, oui, il avait espéré que Gareth manifesterait une once de soulagement de l’avoir récupéré vivant. Mais il n’y avait rien eu de tout ça. Juste la rage froide d’un homme qui devait se coltiner un poids indésirable.
Non, vraiment, il n’avait pas imaginé ça. Il avait su que le général serait furieux, mais il avait cru que sa fureur serait inspirée, même un rien, par autre chose que son habituel mépris.
Il se morigéna d’avoir été si bête, si naïf, et d’être à présent si affecté par quelque chose que n’importe qui d’autre aurait pu prévoir.
Mais il était Lathandrite, et les Lathandrites espèrent. Le jour où ils cessent d’espérer, ils perdent une partie de leur essence.
Arthur entendait presque Armand prononcer ces mots, l’enjoignant à ne pas se blâmer pour quelque chose dont il aurait dû être fier.
Mais pourquoi, si c’était si formidable, était-ce aussi si douloureux ?
Il trouva un recoin entre deux tentes, une malle où s’asseoir, et noya un moment son visage entre ses mains.
Il fallait qu’il se tempère, qu’il retrouve son calme, qu’il aille de l’avant. C’était finalement mieux, que les choses soient dites, claires, définitives. Il pouvait espérer dans d’autres domaines, sa foi ne lui demandait pas de persévérer dans des directions absurdes. Jusque là, il avait pu croire, aujourd’hui, c’était terminé. Ainsi soit-il.
Cela ne l’empêcha pas de pleurer un moment.
Cela lui fit du bien, de se relâcher, après toutes les émotions des derniers jours. Il aurait aimé, bien sûr, qu’un bras lui enserre les épaules et lui promette que tout irait bien. Ou la chaleur d’une crinière pour y dissimuler ses larmes. Mais il fallait qu’il recoure à son imagination, à la chaleur de ses souvenirs. Pendant un moment, évoquer ses pairs, son destrier, ne fit que le chagriner davantage. Et puis peu à peu, il s’apaisa. Il n’était plus un gosse, il pouvait s’affranchir définitivement de son passé, de ses racines viciées qui l’avaient toujours tiré vers l’amertume.
A partir d’aujourd’hui, il était orphelin, il était un autre homme, il n’était plus un Maelwedd. Il ne savait pas encore quel nom il se trouverait, mais ça viendrait. Il allait livrer une bataille, et s’il survivait, il aurait tout le temps de se redéfinir. Mais d’abord, combattre. Il était venu pour ça. Et son général ne le lui avait pas interdit.
Il se leva. Il fallait qu’il se trouve un cheval.

Vers là...