[Salle] La prison

[Taliesin]

-J'aurais été bien égoïste de le faire. Tout cela est une épreuve pour toi aussi, je tenais à ce que tu puisses la traverser de la manière qui te convienne le mieux... Et je ne tiens à garder aucun secret. Je me dis juste qu'entendre quelqu'un me descendre plus bas que terre, me traiter comme l'être le plus ignoble qui soit, ce sera éprouvant et qu'il n'est pas nécessaire de s'infliger ça quand on peut l'éviter. Mais si tu veux venir, viens. Voilà ce qui compte pour moi : que tu te sentes libre d'agir comme tu le souhaites.

[Galathée]

Galathée soupira, un sourire à la bouche.
" J'espère que la conclusion de ce procès va enfin t'amener à penser un peu à toi, à ce dont toi tu as envie et besoin. Vivre au travers des autres, ce n'est pas possible."
Elle lui ébouriffa gentiment les cheveux.
" Mais tu as le temps..."

[Taliesin]

Il l'embrassa.
-Et il m'en faudra. Mais je suis sûr que je réussirai à me reconstruire et à repartir de l'avant sur des bases plus saines, plus solides... Surtout si j'arrive à me convaincre de cette histoire de possession. Et j'y arriverai : même là, malgré le chaos qui bouillonne sous mon crâne, certains éléments me paraissent... difficilement réfutables.

[Galathée]

Elle l'embrassa puis, pour ne pas déroger à leurs bonnes habitudes, elle lui parla des garçons, de la journée jusque là, des bébés. Apparemment, l'incident au tribunal avait été mentionné dans les journaux mais sans que rien de compromettant ne filtre. Il y avait six procès qui se déroulaient en parallèle du sien, dont celui du meurtre d'une actrice célèbre de l'Amphithéâtre, ce qui semblait attirer toute l'attention des Luméniens en quête de scandale.
Elle lui glissa les herbes habituelles, lui suggérant cependant de réduire la dose, histoire de garder l'esprit libre d'assimiler les nouvelles informations à sa disposition...
Bien qu'il soit encore tôt, elle ne put pas rester plus longtemps que de coutume et l'abandonna bientôt dans ses habituelles pénates...

[Taliesin]

Il passa le fin d'après-midi à tourner et à retourner dans sa tête ce qui c'était passé ces derniers jours et, surtout, au cours de la matinée, confrontant entre eux les arguments des uns et des autres, les confrontant aussi avec son propre ressenti. Cela ne donna rien de probant, du moins en eut-il l'impression : il était encore trop secoué pour penser droit. Mais ce n'était pas forcément plus mal qu'il n'ait pour l'heure aucune opinion fermement arrêtée : s'il avait déjà été entièrement convaincu par la théorie de la possession, son incarcération et son procès, même s'ils s'achèveraient tous deux bientôt, seraient devenus insupportables... Quoique pas forcément : après tout, n'était-ce pas grâce à ces épreuves que ce qui ressemblait de plus en plus à la vérité avait fini par émerger ?
Il mangea avec un peu plus d'appétit que de coutume - sans doute les gâteaux préparés par Baptiste les jours précédents l'avaient-ils aiguillonné, même si le tour pris par le procès devait aussi y être pour quelque chose - puis avala une quantité de plantes plus faible que la veille, comme l'avait conseillé son épouse. Enfin, il sombra.

[Galathée]

Et l'aube vint.
Il n'eut aucun mal à s'éveiller, cette fois, et le soleil était radieux. Une fois son petit déjeuner avalé, il fut invité à repasser par la douche, avant de passer sa meilleure tenue. Il y avait une certaine solennité dans l'air, peut-être les gardiens savaient-ils que la dernière phase du procès débutait. Ou alors c'était juste sa perception d'une calme journée de printemps.
Le chariot cahota sur les pavés de la cité, d'abord ceux disjoints du port, ensuite les allées mieux entretenues du quartier nord. Au trot alerte des chevaux, il gagna le Palais de Justice. Pour l'avant-dernière fois, si tout allait comme prévu.

[Galathée]

Quête : Les Squelettes du Placard
Epilogue : Exorcisme

Après les émotions du Palais de Justice, Taliesin retrouva donc la quiétude tranquille de son coin de prison. Une fois n'est pas coutume, son voisin semblait absent, à moins qu'il ne soit profondément endormi et capable d'une respiration très discrète. On lui porta son repas, avec la même réserve qu'à l'accoutumée, puis il fut livré à lui-même.

[Taliesin]

Espérant sincèrement que les choses avancent enfin pour son voisin, Taliesin ne tarda toutefois pas à être entièrement absorbé par ses pensées. Et plus les heures passèrent, plus il se trouva inquiet. Bien sûr, en envisageant les choses de manière objective, il y avait de quoi être très objectif. Cependant, il était difficile de rester totalement lucide quand l'échéance était si importante, quand il subsistait des doutes, aussi infimes soient-ils... Bref, il ne serait vraiment tranquille qu'une fois le verdict prononcé; D'ici là, il tenterait de tromper son anxiété en songeant à ce qui l'attendrait le surlendemain si tout allait bien : la liberté, les retrouvailles avec les siens... La perspective était si merveilleuse qu'elle en paraissait irréelle.

[Galathée]

Galathée vint le voir en fin de journée, avec les herbes et ses questions habituelles : avait-il des envies pour le surlendemain ? Serait-il embarrassé si une grande fête était organisée ? Préférait-il quelque chose d'intime, voire rien du tout ? Elle était bien consciente que tout cela pouvait paraître prématuré, mais en même temps, il serait trop tard pour aviser au moment où il serait — enfin — relâché.

[Taliesin]

Toutes ses pensées étant tournées vers ce futur désormais si proche - du moins l'espérait-il -, Taliesin ne chercha pas du tout à éluder le sujet.
-Une fête ne m'embarrasserait pas du tout : ça a été rude pour tout le monde, nous avons tous besoin de nous détendre et il y a de quoi se réjouir, puisque la fin du procès marquera vraiment un nouveau départ... Après, c'est très important pour moi que les choses se fassent aussi comme vous le souhaitez. Alors si les enfants et toi avez hâte de rentrer à la ferme, nous pourrions organiser cela le jour même de ma libération : cela m'irait très bien. A l'inverse, si vous voulez un peu vous attarder à Luménis, nous pouvons partir plus tard, ce qui ne me poserait aucun problème, d'autant que voir la cité dans des circonstances plus riantes ne me ferait pas de mal. Il nous serait possible de loger dans notre maison, rue de l'Orme creux : certes, ça aurait des allures de bivouac mais il en faudrait plus pour nous effrayer...
Il sourit.
-Honnêtement, tout me va. Je serai tellement ravi d'en avoir fini, tellement heureux d'être libre et de vous retrouver tous que... Ce sera parfait quoi qu'il se passe, quel que soi l'endroit où cela se passe.

[Galathée]

" D'accord, dit la rôdeuse. Alors je te garde la surprise !"
Elle sourit et le serra dans ses bras.
" Je vais te récupérer plus fort qu'avant l'épreuve. Je suis heureuse. J'étais prête à te soutenir, bien sûr, mais... Je ne vais pas me plaindre du retournement de situation !"

[Taliesin]

-Je ne vais pas m'en plaindre non plus... Ah, je suis vraiment désolé que tu aies dû traverser cela après avoir traversé tout le reste... Je n'en suis donc que plus heureux que cette épreuve touche à son terme. Ensuite, l'avenir s'étendra devant nous, sans ombres, sans nuages... Dieux, tu imagines ? Moi, j'ai encore du mal...
Il sourit.
-Ceci dit, ne crie pas victoire trop vite. Peut-être serai-je plus fort à long terme mais, dans l'immédiat... Je vais être complètement perdu, terriblement sentimental, j'aurai la larme facile... Ce sera l'enfer pour toi ! Pour vous !

[Galathée]

La jeune femme rit joyeusement.
" Je te couperai plein de mouchoirs dans les vieilles chemises de Victor, promis. Mais tu seras responsable de leur nettoyage. La lessive, c'est ton créneau."
Ils ne purent pas continuer bien longtemps : les gardes les rappelèrent à l'ordre.
" Après-demain à la même heure, nous ne serons plus dérangés." lui dit-elle avec un clin d'oeil, avant de lui effleurer d'une main coquine une certaine zone de son anatomie.
Elle se leva ensuite et regagna la porte, un sourire mutin sur les lèvres.

[Taliesin]

Il lui rendit un sourire identique.
-En fait, pourquoi ne pas renvoyer tout le monde à la ferme sans tarder ? Nous pourrions les rejoindre quelques jours plus tard...
Sur cette plaisanterie, il la salua et se prépara à retrouver sa cellule. Bigre, qu'elle allait lui sembler froide et austère, qu'il allait s'y sentir seul, que le temps y paraîtrait long... Mais c'était la dernière ligne droite : flancher maintenant était hors de question.

[Galathée]

La journée se termina sans que son voisin ne reparaisse, et il passa une nuit sans fracas, apaisée par les plantes habituelles. Le lendemain s'avéra plus difficile, car il y avait peu de jalons : les repas, la visite quotidienne de Galathée. C'était cependant son dernier jour d'incarcération, contrairement à bien des condamnés qui voyaient ce genre de journées se suivre et se ressembler, sans espoir d'une libération prochaine.

[Taliesin]

Et il se demandait bien comment ils pouvaient y survivre. Sans parler de son long séjour dans les geôles morféennes qui l'avait au bas mot conduit aux portes de la folie, son incarcération dans cette prison autrement plus humaine lui avait terriblement pesé, lui pesait encore beaucoup...
Il passa sa journée à faire les cent pas, à tenter de repousser ses inquiétudes en se focalisant sur les raisons d'être optimiste, sur ce qui se produirait après qu'ait été prononcé le verdict forcément favorable. Quand vint le soir, quand il eut terminé son repas, il prit encore un peu moins de plantes que la veille, désireux de s'en déshabituer mais souhaitant malgré tout dormir, ce qu'il n'aurait pas forcément réussi à faire sans.

[Galathée]

Le matin vint, et cette fois il perçut dans l'air comme un changement. Les gardes devaient être au courant que le verdict était sur le point d'être prononcé, que sa cellule serait vidée peu après son départ, que les quelques affaires qu'il avait apportées seraient rassemblées, empaquetées et transférées. Cela qu'il soit condamné ou qu'il soit relâché, d'ailleurs : il avait après tout été enfermé dans la zone réservée aux prévenus. Quoi qu'il advienne, son statut changerait dans quelques heures. Le directeur de la prison, qu'il avait vu le premier jour, vint assister à son départ, lui souhaitant bon courage, plutôt que bonne chance, sans doute une tradition. Il lui remit aussi la bénédiction de Lathandre.
Ensuite, le chariot partit en direction du Palais de Justice...