[Commerce] L'Herbe Folle

[Galathée]

" Bien sûr, je pourrais l'attester. Mais ça ne suffira jamais. Les banques, même à Luménis, ne sont jamais philanthropes. Surtout en cette période, où tout le monde emprunte pour retaper sa maison ou renflouer son commerce après la dictature... et pendant la guerre. Il n'y a pas tant d'argent, et les banques choisissent à qui elles prêtent. Elles n'ont aucune obligation de le faire. Dans le temps, certains temples offraient ce type de services... Il y a eu des remous, bien sûr, mais je ne serais pas surprise que certains le fassent encore. Cependant, il y a généralement une contrepartie. Les temps sont trop durs pour pouvoir prendre de gros risques."
Elle croisa les bras.
" Byron lui-même pourrait récolter plus d'argent que toi. Il faudra bien qu'il se mouille. Le souci, c'est qu'avec leur absence de notion de ce genre de choses, il est fichu d'estimer qu'il a une dette de vie envers toi, pas une dette financière. Au final, il lui faudra travailler pour te rembourser, ce qui le gardera loin de la harde. Honnêtement, tu ferais mieux de te trouver un prêteur privé, Astrée. Ce beau-frère, ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée..."

[Voyageuse]

Les temples... Est-ce que Reynald pouvait demander à un temple à Erhedun ? Ca n'était pas certain. Et puis, objectivement... Goran attacherait bien plus de valeur à l'incident, serait plus enclin à aider Byron.
" Vous avez sans doute raison... Je vais voir avec Reynald s'il peut nous amener à son beau-frère, c'est ce qui a le plus de chance de marcher. Et puis, il connaît déjà Byron..."
Byron serait peut-être mortifié que son erreur soit connue du Fier Coursier. Mais tant pis, il fallait bien qu'il assume, quelque part.
Restait le problème du remboursement, bien sûr. Mais à bien y réfléchir, elle préférait largement que Byron doive de l'argent à Goran, qui se montrerait aussi arrangeant que possible avec lui, qu'à une banque. Même si Goran lui demandait de travailler pour lui, il pourrait négocier de façon à rester en contact régulier avec sa harde. Et peut-être même que Goran imaginerait un autre moyen pour Byron de payer sa dette. Meilleur ou pire ? Difficile à savoir.
Ou peut-être qu'il serait impossible à Byron de payer sa dette... Et que ce serait à elle de le faire. La perspective ne l'emballait pas, mais alors pas du tout, mais elle ne pouvait de toute façon pas laisser Byron se faire embarquer. Elle n'avait pas le choix.
" Merci en tout cas pour les conseils. Mais je ferais mieux de ne pas perdre de temps... et de ne pas vous en faire perdre davantage. Il faut que je retrouve Reynald."
Rien que cette perspective était en soi une bonne nouvelle. Elle sourit, un brin ragaillardie.
" Et merci pour l'infusion, aussi ! C'était quoi, comme plante ? Heu... si ça n'est pas trop indiscret..."

[Galathée]

La vieille femme gloussa.
" C'est un mélange secret de l'herboriste... Si je te le disais, tu pourrais me faire concurrence ! Mais je peux t'en offrir un sachet."
Elle se retourna et attrapa un petit sac de toile, grand comme une paume.
" N'en abuse pas. Si tu en bois plus de trois tasses par jour, tu pourrais avoir certains problèmes de... digestion, dirons-nous."
Elle le lui donna.
" La prochaine fois que tu viens, nous parlerons de ce qu'il y a dedans. Essaie de deviner. C'est un bon test."

[Voyageuse]

" D'accord, j'essaierai de deviner. Là je n'ai pas vraiment songé à goûter, je dois dire. Je vous dirai ce que j'y ai trouvé quand je reviendrai des montagnes avec votre récolte... "
Astrée rangea avec précaution le petit sachet dans sa sacoche, et sourit.
" Mais pour l'heure, je file, j'ai du pain sur la planche. Et je vous dis à très bientôt, j'espère... Byron avait promis de venir vous donner des nouvelles de sa mère, donc on passera sûrement un jour ou l'autre avant de repartir là-bas. Merci encore pour tout !"
Et sur un dernier signe de salutation, elle sortit de la boutique. Elle avait, bien sûr, toute la ville à traverser pour rejoindre le Fort, mais elle avait retrouvé un peu d'allant... et surtout, autant de calme qu'il était possible compte tenu des circonstances. Les infusions d'Isudë étaient incroyablement efficaces.

[Galathée]

Quête : Equité

Quittant la Taverne de la Bienveillance, Astrée s'était frayée un passage dans le quartier du port, animé et encombré quasiment vingt heures sur vingt-quatre. Les Luméniens étaient matinaux, mais les marins encore bien davantage, aussi ne trouva-t-elle nul silence dans la rue. Son anonymat, par contre, était total. Elle traversa ensuite le quartier sud, beaucoup plus tranquille, où seuls les serviteurs s'agitaient à une heure aussi matinale. Eux et les Lathandrites, bien sûr, dont le Temple s'était éveillé avec le soleil, à l'aube. Personne ne l'importuna, elle se récolta quelques saluts. Derrière ses grilles, le parc verdoyant resplendissait, petit fragment de nature au milieu de la grande ville.
Enfin, elle arriva aux limites des taudis, là où Isudë avait sa boutique. La jeune femme dut alors déchanter : la porte était close et un petit écriteau, retourné derrière la vitre, disait simplement : fermé.

[Voyageuse]

Astrée se retrouva un instant plantée derrière la vitrine, désœuvrée, lorgnant machinalement derrière les carreaux, avant de se secouer mentalement. Isudë n'était pas là... et alors ? Elle avait bien le droit de prendre un jour de congé de temps en temps. Peut-être était-elle un peu souffrante, peut-être rendait-elle juste visite à quelqu'un. Elle pouvait même être partie quelques jours en cueillette, après tout. Restait à espérer que son absence ne se prolonge pas indéfiniment.
Quoiqu'il en soit, elle n'allait pas attendre indéfiniment derrière la porte close. Le plus sage était de se consacrer au reste de son programme de la journée, d'autant que sa destination suivante n'était pas très loin d'ici.
Elle rangea le cadeau au fond de sa musette et se remit en route, en direction de l'orphelinat, tout proche.

[Voyageuse]

RP Solo : apprentie-druide - prologue

En revenant à l'herboristerie après sa petite escapade au Bosquet mystérieux des Docks, Astrée trouva à nouveau porte close. Elle passa le reste de la journée à se prélasser dans le coin le plus reculé qu'elle put trouver au parc verdoyant, et ce n'est que le lendemain matin qu'elle put enfin trouver l'herboriste. La nuit avait été reposante, mais elle se sentait toujours dans un état un peu étrange, comme au bord du gouffre, ou peut-être à un tournant de sa vie qu'elle n'arrivait pas à définir. Elle était incapable de trouver un explication rationnelle à son mal-être -excepté le fait qu'elle avait perdu Reynald et n'avais plus personne dans sa vie, ce qui était en soi une cause largement suffisante pour expliquer son mal-être, à la réflexion... mais elle avait le sentiment qu'il n'y avait pas que ça, pourtant.

Comme souvent, Isudë était occupée, et la rôdeuse s'installa tranquillement dans un coin de la boutique, s'asseyant sur une chaise pour patienter en déchiffrant distraitement les étiquettes sur l'étagère qui lui faisait face. Absinthe, antidépresseur, aide à la digestion, lutte contre les maladies ; Acerola, tonus et protection contre les infections bénigne ; Aguaymento, sédatif et puissant purifiant sanguin ; Aloes, cicatrisant et laxatif... Sur ces quatre-là, elle n'en connaissait que deux, et encore ! Tant de savoir accumulé ici, tant de connaissances qui lui seraient certainement inaccessible à l'échelle d'une vie humaine. Dymphéa parlait de magie oubliée des plantes... Elle avait bien raison.
" Tu es bien songeuse..."
Astrée sursauta comme une élève prise en flagrant délit de distraction, et rougit.
" Oh, je... Je lisais juste les étiquettes...
- Elles n'ont rien de bien passionnant ! rétorqua l'herboriste en riant. Et tu n'as pas à te justifier, voyons !"
Astrée se sentit incapable de trouver quoi répondre, commença à bafouiller, et se redressa, changeant brutalement de sujet.
" Je vous ai rapporté un petit souvenir de la Trouée, fit-elle en lui tendant le paquet soigneusement enveloppé. Et toutes les herbes que vous m'aviez commandées... Et d'autres, aussi, suggérées par Dymphéa.
- Fais-moi voir ça, s'exclama l'elfe, laissant de côté le cadeau pour se concentrer sur les plantes qu'Astrée sortait une à une de sa besace. Oh, fantastique, des feuilles de Bacopa. Très utile pour stimuler la mémoire, mais aussi comme anti-épileptique. Et là, de la vigne rouge et du sang-de-dragon, pour la peau... Et du Guarana, un aphrodisiaque.
- Il y a aussi quelques plants à repiquer.
- Ah, oui, un plant d'Eucalyptus et un de Griffe-du-chat. Et un autre de Mandragore ! C'est parfait ! Ce sont des plantes aux multiples fonctions, mais tu dois déjà connaître la première ?
- Oui, un peu... Mais je ne connaissais pas la Griffe-du-Chat...
- Ecoute, viens dehors avec moi tout à l'heure, tu vas m'aider à les repiquer, et je t'expliquerai tous les usages qu'on en tire. Pas seulement des feuilles, mais aussi de l'écorce... Oh, et là, des feuilles d'Ayahuasca ! Miséricorde, Dymphéa est folle... Et si on t'avais arrêtée avec ça à l'entrée de la ville ? Enfin, heureusement, les gardes n'y connaissent rien. Tu te rends compte que c'est un puissant hallucinogène, une substance normalement contrôlée de près ? Mais à très faible dose, utilisé dans certaines préparations, elle a un effet remarquable. Notamment lorsqu'on veut accéder à des souvenirs anciens, ou à certains états de transe, pour ouvrir l'esprit. Certains temples l'utilisent parfois, mais sans le dire...
- Je ne connaissais pas du tout.
- Bah, crois-moi, il vaut mieux pas, tu n'en auras pas l'usage"

Isudë se redressa, la mine réjouie.
" Et bien, il me semble qu'on a un gros travail de tri et d'étiquetage en perspective, et il faut surtout qu'on aille rapidement au jardin repiquer tout ça. Écoute, je te laisse fermer la boutique, on va s'en occuper tout de suite... enfin, si tu n'as rien d'autre de prévu ?
- Non, je n'ai rien de prévu... et je serais ravie de vous aider.
- Ah, et ce fameux paquet, fais donc voir... oh, elle est magnifique cette besace ! Avec plein de compartiments pour ranger les herbes au fur et à mesure... Mais il ne fallait pas, vraiment..."
Astrée se sentit rougir, soudain presque gênée de ce cadeau dont l'idée lui était venue à la dernière minute. Le regard d'Isudë s'attarda un instant sur elle, un rien interrogateur, comme si elle lisait dans ses pensées.
" C'est très gentil à toi, vraiment. Je te remercie. La mienne se faisait un peu vieille, il faut bien avouer. Celle-ci devrait tenir quelques décennies...
- J'espère ! Elle avait l'air solide...
- Allez, suis-moi, allons dans mon petit enclos caché dans le parc pour repiquer ces plants. Tu me donneras des nouvelles de là-bas, et tu me raconteras un peu... ce qui te tracasse.
- Mais je... y'a rien qui me tracasse...
- Balivernes ! Tu as une mine de six pieds de long ! Mais viens dehors, les plantes d'abord !"

[Voyageuse]

Astrée se contenta de suivre les directives : creuser un trou exactement là où l'herboriste lui indiquait, tasser la terre, arroser. Il n'y avait que trois plants à repiquer, ça irait vite. Il fallait prévoir beaucoup d'espace pour l'eucalyptus, alors que les autres se satisferaient d'emplacements parmi d'autres buissons. La saison était trop avancée pour ce genre de travaux mais Isudë avait un don : la transplantation réussirait peut-être...
" Alors ?
- Alors... quoi ?
- Non, rien, si tu ne veux pas en parler tu n'es pas obligée... Mais je vois bien que tu es d'humeur... pensive, disons. A cause de ce... Sorlyn, je présume ?"
Astrée grimaça. C'était plus complexe que cela.
" Un peu, admit-elle.
- Ça n'a pas duré...
- La rupture est douloureuse, oui. Injuste et douloureuse. Il me manque. Mais c'est plus compliqué que cela.... Je ne sais pas l'expliquer. Juste... j'ai pris conscience d'un grand vide..."
Elle ne trouvait pas comment verbaliser ce qu'elle ressentait. Le vide de sa vie, le besoin de lui donner un sens. De retrouver une raison de vivre.
" Bon, et bien va donc chercher encore un peu d'eau, il fait trop sec aujourd'hui. Il va falloir noyer un peu plus l'eucalyptus si on veut qu'il ait la moindre chance de repartir."
Astrée obtempéra, rapportant un arrosoir d'eau pour l'eucalyptus, puis un autre à partager entre la mandragore et la griffe-du-chat.

" Et comment vont les centaures ?
- Pas trop mal... enfin, je pense. Je dois vous donner le bonjour de Dymphéa et Byron, d'ailleurs.
- J'attendais votre visite, à Byron et à toi...
- On a dû repartir en urgence. La harde... la harde allait mal."
Elle sentit sa voix s'altérer, et elle reposa l'arrosoir au sol, tremblant légèrement. Elle prit une profonde inspiration, et, d'une traite, elle enchaîna :
" On s'est téléportés là-bas... mais on est arrivés trop tard. Neffen, le shaman, est mort. La magie centaure a disparue, la harde s'est disloquée... et l'arbre de vie n'existera plus..."
L'émotion lui serrait le coeur, trop intense. Elle sentit sa gorge se nouer, les larmes affleurer.
Isudë avait posé ses outils au sol, et s'appuyait sur son bâton de marche, l'observant avec douceur. Elle l'interrogea d'une voix paisible :
" Dis-moi... Pourquoi est-ce que cela te bouleverse à ce point ?
- Parce que... parce que ce n'est pas juste, s'exclama-t-elle avec véhémence. Ce sont les humains qui l'ont détruite, en exterminant les centaures et en les réduisant en esclavage. Ils n'avaient pas le droit de faire ça ! Ils ont détruit une harde entière, elle ne renaîtra jamais plus... Une autre naîtra peut-être, mais ça ne sera pas pareil...
- Les centaures sont vivants, si je comprends bien ?
- Oui, le peu qui restait a survécu... et tous les esclaves ont été libérés. Ils ont récupéré leur vallée. Mais... la magie centaure a disparu, tout ce qui les liait et faisait d'eux une harde.
- C'est ça qui te fais tant souffrir ? Ce n'est qu'une structure, qui réapparaitra peut-être sous une autre forme. Ne fais-tu pas confiance à la nature ?"
Oui, l'herboriste avait raison, bien sûr. Mais les centaures domestiques étaient étranges, trop proches des humains par certains aspects. Comme si les hommes avaient créé une harde à leur image. Elle renonça à expliquer ce malaise diffus qu'elle ressentait.
" C'est surtout... Neffen est mort. C'était mon ami et il me manque...
- Tu le connaissais à peine, pourtant.
- Oui mais... c'était quelqu'un de formidable. Je lui dois la vie... Et j'aimais tant discuter avec lui. J'avais la sensation qu'il pouvait m'enseigner tant de choses...
- Quoi donc, par exemple ?"
Elle prit quelques secondes pour réfléchir avant de répondre, d'une voix hésitante.
" Je... ce n'est pas simple à expliquer... mais avec lui, j'apprenais à voir le monde autrement qu'à travers mon regard d'humaine. Il y avait chez lui tant de sagesse, tant de connaissances... Toute une philosophie de la vie... On a parlé, un peu, d'équilibre entre les espèces, des cas où la cohabitation était difficile... C'était passionnant, mais on a eu si peu de temps. Il parlait un peu comme la dryade.
- Tu as rencontré une dryade ?
- Oui... Et c'est elle qui m'a aidée à traverser la barrière rocheuse pour rejoindre la vallée. Elle a dit... que Mielikki jugeait que je pouvais aider les centaures... Ramener la paix..."
Elle se sentit rougir en évoquant cet épisode. C'était tout de même orgueilleux, d'affirmer avoir été distinguée ainsi par une déesse. Isudë la considérait désormais avec attention, semblant attendre qu'elle poursuive. Mais Astrée n'ajouta rien.

L'herboriste soupira, et sembla changer soudain de sujet.
" Au fait, j'ai croisé Miranda hier soir. Elle m'a dit que le petit Hélory était guéri. C'est merveilleux ! Elle t'est infiniment reconnaissante, tu sais...
- Je n'y suis pas pour grand-chose. Avant de mourir, Neffen m'a donné un fruit de l'arbre de vie. Et... une feuille, aussi, ajouta-t-elle après une brève hésitation en sortant la feuille de sa besace. Enfin, plus précisément, deux, mais je les ai bêtement gaspillées en essayant de ressusciter la Pierre magique de la harde, pourqu'il puisse vivre à nouveau... Ca n'a pas marché... Et je sais que c'est sans doute mieux pour que les centaures puissent construire une nouvelle harde, mais..."
Elle avait conscience qu'elle s'embrouillait dans des explications confuses.
" Bref... lorsque le fruit a soigné Hélory, un arbre est brièvement apparu et une nouvelle feuille m'a été offerte..."
Isudë examinait la feuille en question avec attention.
" Un arbre d'une espèce inconnue. Pas un chêne, mais tout proche... Et plus grand j'imagine. Et... Que vas-tu faire de cette feuille ?
- Je ne sais pas à quoi elle sert.
- Comment ça, tu ne sais pas ? Le shaman ne t'as rien dit de l'usage que tu devais en faire ?
- Non... C'était juste avant qu'il meure... ou plutôt, il était mort, déjà, ou presque. C'était un fantôme. Il était venu exprès pour invoquer l'arbre de vie, pour moi, ajouta-t-elle d'une voix enrouée. Il a juste dit quelque chose... à propos d'une voie à emprunter. De choix à faire qui m'arracheraient à la vie que je connais, quelque chose comme ça... Que je n'étais peut-être pas encore prête mais que je le serais peut-être, que je devais me donner du temps... Ce n'était pas clair, il parlait souvent par énigmes... "
Elle s'aperçut que les larmes coulaient, écho des émotions si fortes qui l'avaient envahie à la mort du shaman.
" Je ne sais pas à quoi cette feuille doit me servir...
- Et bien... je dirais que le meilleur moyen de le savoir... c'est d'essayer ! De l'avaler !" s'exclama l'herboriste avec un ton où perçait une gaieté un peu incongrue.
Astrée la fixa avec stupéfaction.
" Mais... Non ! Et si ce n'est pas le moment où je dois l'utiliser ? Je n'en ai pas besoin, et je ne veux pas la gaspiller pour rien à nouveau...
- Et bien... Tu vois, moi je pense au contraire que c'est le bon moment. Et à travers ce que tu m'as dit, je crois même savoir à quoi elle va te servir... même si je peux me tromper bien sûr."

[Voyageuse]

Isudë avait refusé d'en dire plus et elles étaient revenues à l'herboristerie. Comme l'avait dit l'elfe, elles avaient du pain sur la planche, des herbes sèches à étiqueter, et il était déjà l'heure de déjeûner. Elles casse-croûtèrent ensemble, dans la petite cuisine derrière la boutique, là où l'elfe créait ses baumes, onguents et autres potions.
" Vous dites... que vous savez à quoi cette feuille peut servir ? , finit par questionner Astrée, n'y tenant plus.
- Non. Je n'ai pas dit que je savais. J'ai dit que je pensais l'avoir deviné.
- Et... à quoi sert-elle alors, selon vous ?"
L'herboriste ne répondit pas et secoua la tête, préférant questionner.
" Raconte-moi d'abord ta rencontre avec cette dryade.
- Et bien... J'avais fui le village de Montequine après avoir découvert que les villageois réduisaient les centaures en esclavage. je cherchais un refuge, et j'ai suivi le murmure de l'eau. Je me suis retrouvée dans une clairière magnifique, comme imbibée de puissance magique, et dans laquelle je me sentais la bienvenue, et en sécurité.
- Un bosquet druidique... ou un bosquet sacré dédié à Mielikki plus probablement.
- Sûrement, oui. J'y ai dormi et j'ai fait un drôle de rêve, avec un petit faune et une espèce de boule lumineuse bleue...Ou peut-être que ça n'était pas un rêve... et le lendemain, la dryade est descendue du chêne.
- Et qu'a-t-elle dit ?
- Je ne sais plus vraiment... Que Mielikki avait sondé mon âme et que ce que j'avais dans le coeur pouvait aider à ramener la paix dans la vallée. Quelque chose comme ça.
- Tu ne te souviens pas précisément ?
- Non, c'est loin, et j'ai vécu tant de choses depuis..."
Elle frissonna. Trop de dangers, trop d'épreuves. L'herboriste ne la quittait pas des yeux, comme si elle lisait dans ses pensées.
" Il faudra que tu me racontes. Je sens beaucoup d'émotions négatives en toi lorsque tu en parles, et il vaut mieux, parfois, extérioriser ce qui fait souffrir. Et puis, je suis curieuse... Mais pas maintenant, je dois ouvrir la boutique dans un quart d'heure. Nous prendrons plus de temps pour discuter demain."
Astrée hocha la tête sans répondre.
" Et donc, la dryade t'a fait traverser la muraille de pierre qui entoure la vallée ?
- Oui.
- Pourquoi ? Pourquoi, selon toi, t'a-t-elle aidée ?
- Je ne sais pas... Je crois que c'est parce qu'elle sentait que j'étais déterminée à sauver les centaures. Elle m'a expliqué qu'ils étaient sur le point de s'éteindre, et que la paix et l'équilibre allaient revenir dans la vallée, mais sans eux désormais. Elle m'a demandé si ça me satisfaisait. J'ai dit que non, bien sûr. Moi je voulais essayer de faire cohabiter les centaures et les humains, mais elle me disait que parfois la cohabitation était impossible. Neffen me l'a confirmé, plus tard... Mais à ce moment-là, j'espérais trouver un moyen de ramener la paix entre eux. Et surtout, je voulais sauver les centaures...
- Tu les connaissais ?
- Non, pas vraiment. Je ne connaissais que Byron, Sheldon, leur chef, et une de leurs rôdeuses. Ils m'avaient capturés pour que je soigne Byron..."
Elle résuma sa mésaventure, le kidnapping de Madeleine, la flèche empoisonnée, les soins qui, miraculeusement, avaient sauvé le centaure. Elle expliqua qu'ils avaient l'intention de la tuer, et avoua la capture, par sa faute, des trois centaures. Puis elle parla des traces étranges, de son enquête, de la découverte du village caché et de ce qui s'y passait. Elle raconta ensuite sa fuite et sa détermination à les aider. D'abord Byron, qui ne méritait vraiment pas de finir esclave, lui qui n'avait pas de haine en lui, mais aussi tous les autres...

- Et donc, selon toi, c'est ce désir de rétablir la paix, l'équilibre, et surtout de briser l'esclavage qui a poussé la dryade à te venir en aide.
- Oui, je crois. Je ne sais pas vraiment... ce que Mielikki aurait pu voir en moi. Je pense que c'est juste cette volonté.
- Sans doute est-ce cela. Et aussi le fait que tu venais en aide à une autre espèce, contre la tienne. Ce n'est pas si courant. Mais je ne suis pas surprise que tu aies fait ce choix. Je le pressentais..."
L'herboriste sourit.
" D'après ce que tu m'as répété des paroles du shaman, je pense que la feuille te donnera... comment dire... ce qui t'est nécessaire pour continuer dans cette voie. Si toutefois c'est ce que tu souhaites.
- Quelle voie ?
- La voie qui consiste à respecter les équilibres naturels, à les rétablir lorsqu'ils sont menacés, à œuvrer pour que chaque espèce ait sa place dans le respect des autres... Il s'agit en quelque sorte... d'une vocation. Aussi exigeante, à mon sens, que le serait la prêtrise. Et à travers tout ce que tu m'as raconté aujourd'hui, je pense que cette voie trouve une certaine résonance en toi."
Astrée acquiesça.
" Oui... C'est ce que je voudrais... Je veux dire... Je ne sais pas vraiment où cela peut me conduire, mais si je peux être utile à quelque chose... Je sais que j'aimerais aider, si je le peux, d'autres espèces menacées par l'homme. Ou par autre chose, la dryade disait que l'homme n'était pas la seule menace.
- Oh non, il y en a d'autres, et bien pires. Mais l'homme est une menace pernicieuse qui agit sous couvert de bonnes intentions, et fait bien du dégât."
L'herboriste avala une dernière gorgée d'infusion, et se redressa.
" Mais il est temps que j'aille ouvrir la boutique. Je vais te laisser t'occuper de l'étiquetage...
- Ah... Heu... Oui... Mais..."
Elle regarda la feuille brune tombée de l'arbre de vie. Elle ne voyait toujours pas le rapport.
" Ce soir, Astrée. Ce soir, ou demain matin, selon ce qui t'inspire le mieux. Je vais te prêter ma théière de voyage, si tu n'en as pas. Tu t'installeras dans un coin de nature reculée, tu émietteras cette feuille dans une tasse d'eau bouillante, et tu chercheras à t'ouvrir à la nature qui t'entoure, comme tu sais déjà le faire. Bois alors l'infusion, et vois ce qui advient."

[Voyageuse]

RP solo : apprentie-druide - prologue

Astrée avait sous-estimé le temps nécessaire pour franchir les portes de la ville après sa petite escapade hors les murs. Elle n'arriva à l'herboristerie qu'en toute fin d'après-midi, un peu avant l'heure de fermeture. Un client s'attardait à bavarder un moment, et la rôdeuse attendit patiemment qu'ils en aient fini, discrète, dans un coin de la boutique. Elle se sentait encore un peu euphorique, se remémorant ces sensations extraordinaires et grisantes, cette espèce de transe provoquée par l'Arbre de Vie. Elle en était sortie, peu à peu, mais le changement opéré en elle était durable, elle le savait.

Isudë finit par s'approcher et l'observa un instant, un léger sourire bourgeonnant au coin des lèvres.
" Failxte roïë", dit-elle doucement.
Astrée la regarda sans comprendre.
" Cela signifie "Bienvenue, soeur", dans la langue secrète des druides, expliqua l'elfe d'un ton patient. On dit "Failxte ro'om" si on s'adresse à un homme.
- Oh..."
Ce fut tout ce qu'Astrée trouva à répondre.
" Et tu es sensée répondre "Onoïrkïë"... C'est un peu intraduisible par contre. Quelque chose comme "je suis honorée". Un homme dirait "Onoïrkom".
" Ah... D'accord... Onoïrkïë", ajouta-t-elle après quelques secondes d'hésitation.

Puis elle secoua la tête, cherchant à mettre de l'ordre dans ses pensées.
" Vous êtes druide, alors, finit-elle par dire, d'un ton hésitant.
" Oui. Je le suis. Ou peut-être que je devrais en parler au passé : après tout je me suis un peu éloignée de tout cela ces dernières décennies. Et puis, je n'ai pas été très loin dans cette voie. Mais n'ayant jamais trahi mes engagements de druide, je peux toujours me considérer comme telle.
- Ah...
- Et tu es druide, toi aussi, désormais", ajouta l'herboriste avec douceur.
Astrée lui retourna un regard dubitatif.
- Moi ? Mais... Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? Et comment est-ce que je pourrais être druide alors que je n'ai pas suivi les enseignements de druidisme ? Je ne connais même pas votre langue, pour commencer...
- Tu l'apprendras, si tu décides de suivre cette voie. Mais tu l'es déjà, même si tu viens tout juste de répondre à l'appel de la Nature. Je détecte... une sorte d'aura, si on peut dire, que tu n'avais pas avant. Tu détecterais la même chose chez moi si tu étais davantage expérimentée : les druides se reconnaissent entre eux. En ce qui te concerne, l'aura est très ténue. Tes capacités de druides viennent d'éclore, grâce à la feuille de l'Arbre de Vie. Je me doutais qu'il s'agissait de cela. Mais effectivement, tu ne seras pleinement druide que lorsque tu auras reçu l'enseignement de notre confrérie."

Druide. La voie de l'équilibre, la recherche de l'harmonie entre les espèces, la protection de la nature... Neffen était un peu druide, un peu magicien, et autre chose, avait dit Dymphéa. La rôdeuse le considérait pourtant druide avant tout, au niveau de la philosophie de vie en tout cas. Et c'était bien cela qui l'attirait tant chez lui. Le ton plein d'espoir, elle demanda :
" Et vous... vous pourriez m'enseigner ?
- Non, dit doucement l'elfe en secouant la tête. Ne serait-ce que parce que le terrain ne s'y prête pas. Il faudrait des veilles, des mois de vie en pleine nature, et je ne peux pas abandonner ma boutique si longtemps.
- Oh... c'est dommage...
- Astrée, tu parles suivre l'enseignement du Druidisme, mais tu n'as fait qu'en qu'effleurer la nature jusqu'ici. Penses-tu avoir suffisamment compris ce qu'est cette vocation, es-tu sûre de ton choix ?
- Oui, répondit-elle avec conviction. Je suis sûre. Je veux devenir druide.
- Alors je te trouverai un mentor. Je pense même savoir qui."

Une petite clochette les interrompit, indiquant l'arrivée d'un dernier client. L'elfe grimaça.
" Nous en reparlerons demain. Mais je ne serai là qu'en fin de journée.
- Ah... d'accord... Bon et bien, je vais filer pour ce soir.
- Y avait-il autre chose dont tu avais besoin ?
- Non, je venais rendre la théïère... Ah, si, est-ce que vous auriez une auberge à me recommander ?
- Une auberge ? Tu n'es pas bien à la Bienveillance ?
- Si mais... il y a toujours le risque que Kasumi arrive. Je sais bien qu'il faudra qu'on se croise un jour, qu'on s'explique, mais je n'ai pas envie de risquer un quiproquo. Il vaudrait mieux que je déménage quelques temps."
L'herboriste secoua la tête avec un soupir.
" Va voir à l'Ombre de l'Arbre. C'est une toute petite auberge dans la zone portuaire, tenue par une elfe que je connais. Je pense que tu y seras bien.
- D'accord. J'irai demain. Et... merci ! Pour tout..."
Isudë sourit avant de se diriger vers le client qui venait d'entrer, et Astrée, sur un dernier signe de salutation, quitta la boutique.

[Voyageuse]

RP solo : apprentie druide- prologue

Une fois n'est pas coutume, Astrée, après avoir savouré son bol de nature au Parc Verdoyant, trouva Isudë seule derrière son comptoir. L'herboriste lui adressa un sourire joyeux.
" Failxte roïë !"
Il fallut quelques instants à Astrée pour se souvenir de ce qu'elle était sensée répondre.
" Onor... Onoïrkïë.
- Bien ! Accentue un peu plus le "kïë" et ce sera parfait ! Alors, comment vas-tu, nouvelle druidesse ?
- Je vais... bien.
- Vraiment bien ?"
Astrée n'avait pas envie de s'étendre sur l'émotion trop forte qu'avait éveillé en elle le souvenir de la complainte de Neffen.
- Oui, ça va, assura-t-elle. J'ai été faire un tour au Parc, ça m'a fait du bien..."
Et c'était vrai, après tout. Ce moment de communion avec la Nature lui avait été incroyablement bénéfique.
La druidesse la fixa un instant d'un regard perçant, mais n'insista pas. Sans doute pour ne pas être indiscrète.
" Tu t'es ouverte à la Nature, alors. Et ça te fait... quel effet ?"
Astrée se sentit rougir.
" Et bien... C'est compliqué. Je ne crois pas qu'on puisse l'expliquer. Comme une onde qui submerge tout mais qui pourtant est bienveillante... Et j'ai la sensation étrange que toute la connaissance de la Nature est à portée de mes sens, qu'il suffirait que je tende la main, ou le coeur peut-être, mais que je ne sais pas le faire... Je ne suis qu'une parcelle insignifiante de nature et je ne peux comprendre qu'une infime partie de son savoir, et c'est déjà merveilleux..."
Elle haussa les épaules.
" Ce n'est peut-être pas très clair... mais je ne sais pas comment dire autrement... et vous devez comprendre, non ? Enfin... sans doute que chacun perçoit cela différemment...
- Je pense que chaque druide la perçoit à sa façon, mais ça reste tout de même très proche. Donc oui, ce que tu me dis me parle..."

Isudë sourit, et chercha un parchemin vierge dans un tiroir.
" Bon... Maintenant que tes pouvoirs druidiques se sont éveillés, il te faut une formation, tu es bien d'accord là-dessus. Je pense savoir qui te conseiller."
Elle griffonna un nom sur le parchemin.
" Sohel Duringhen. Un elfe. Enfin, aux trois-quart. Il a un grand-père humain, ça se devine pour qui sait voir. Mais bref. C'est un vieil ami, et un druide expérimenté, d'une grande sagesse. Je pense qu'il serait un bon mentor pour toi."
Astrée se sentit rougir, intimidée à l'avance de devoir aborder un inconnu. Mais elle avait besoin d'une formation de druide, elle le savait parfaitement.
" Je... C'est gentil à vous de me trouver quelqu'un... mais vous croyez qu'il acceptera ? Je veux dire... Il a peut-être autre chose à faire...
- Dans ce cas, peut-être te conseillera-t-il quelqu'un d'autre. Mais ne te fais pas de souci : il est du devoir des druides de guider et d'instruire les personnes qui viennent de s'ouvrir à cette voie. Nous te trouverons un mentor.
- D'accord. Merci, c'est vraiment gentil..."
Elle se tut un moment, relisant le nom sur le parchemin.
" Et... Où puis-je le trouver, votre ami ?
- Oh, tu ne vas pas être dépaysée : il vit dans les Pics des Orcs. Mais c'est à l'opposé du secteur où tu as rencontré la harde. Lui se trouve au nord du massif. Entre Togoria et la forêt de la Lorien.
Le nom de la ville ne disait strictement rien à Astrée : il y avait quelques temps qu'elle n'avait pas consulté une carte de l'île. Mais retourner en montagne était une perspective fort plaisante.
" Je vais t'écrire là-dessus toutes les indications nécessaires. Mais prend le temps de te poser quelques jours à Luménis, tout de même. Je te trouve un peu pâlichonne. Quelques jours de repos te feront du bien."
Astrée acquiesça, sans répondre. Elle se sentait fatiguée, oui. Avec toutes les émotions fortes qu'elle avait encaissées en l'espace d'un mois et demi, il y avait de quoi...

Elle passa la fin de l'après-midi à l'herboristerie, trouvant à s'occuper en garnissant les étagères de divers flacons et bouquets d'herbes, toujours soigneusement étiquetés, ou en pilant des feuilles pour confectionner de petits sachets. Isudë parlait peu : sans doute estimait-elle en avoir dit assez, considérant que tout le reste relèverait désormais de l'enseignement de son futur mentor. Mais justement, ce fameux "tout le reste", Astrée aurait bien voulu savoir en quoi il consistait, ce qu'était l'enseignement du druidisme.
Elle n'osa pas questionner davantage l'herboriste, se contentant de parler des effets de telle ou telle plante, et s'efforçant de retenir les informations qu'Isudë lui donnait. Ce n'est qu'à la tombée de la nuit qu'elle s'en revint à l'Ombre de l'Arbre-après avoir machinalement pris la route de la bienveillance, par automatisme.

[Voyageuse]

Quête : Mission

Depuis la sortie sud-est du parc, le rôdeur n'eût qu'à longer une large artère à longer sur quelques dizaines de mètres avant de se retrouver face à l'herboristerie. Celle-ci semblait vide, à l'exception d'Isudë qu'il apercevait, assise à son comptoir.
Une petite clochette tinta à son entrée, annonçant sa présence, et la vieille elfe leva les yeux des parchemins qu'elle était en train de compulser. Un peu interloquée, elle parut réfléchir deux minutes avant de le reconnaître, puis sourit.
« Ah, c'est vous… Vous venez pour voir Astrée, je présume ? Ou peut-être est-ce simplement pour regarnir votre sacoche en simples et en baumes ? Si c'est pour votre amie, installez-vous sur une chaise, elle ne devrait pas tarder : elle passe quasiment tous les jours vers cette heure-ci, après avoir pris son bol de nature au Parc.»
Il y avait en effet deux chaises, dans un angle de la boutique, pour permettre aux clients de patienter lorsque l'herboristerie était comble.

[Kasumi]

Kasumi se sentait soudain un peu trop nerveux de savoir qu'il allait revoir Astrée pour s'asseoir. Aussi, pour se changer les idées plus qu'autre chose, il se mit à fureter dans les étals en s'efforçant de reconnaître les essences et les simples pour détourner son esprit d'autre chose. Car - même sachant ce qu'il savait - annoncer qu'il avait refait sa vie dans son coin ne le mettait certainement pas en confiance quant à la réaction de la rôdeuse.

[Voyageuse]

Astrée arriva finalement un dizaine de minutes seulement après Kasumi. Elle n'était pas venue directement depuis l'auberge, s'arrêtant comme à l'accoutumée au grand parc pour prendre un bol d'air et se ressourcer. Le hasard faisait qu'elle n'y avait pas croisé le rôdeur et sa nouvelle compagne. Elle se sentait l'esprit parfaitement détendu, avec ce relent d'euphorie qu'elle ressentait désormais chaque fois qu'elle s'ouvrait à la Nature et à ses merveilleux dons, euphorie tempérée, comme toujours, par l'émotion qui lui serrait le coeur en songeant inévitablement à Neffen, trop injustement disparu.
Kasumi dut sentir, l'espace d'un instant, une espèce d'aura, peut-être comme un parfum ténu dans l'air, alors qu'elle passait à quelques mètres de lui sans le voir, perdue dans ses pensées. Ce fut l'expression d'Isudë qui dut lui mettre la puce à l'oreille, car elle se retourna subitement… et pâlit.
" Kasumi ?! Je… Tu es rentré ?"
Puis elle s'empourpra, comme une gamine prise en faute, le visage reflétant toute la culpabilité qu'elle ressentait. S'il était là, c'est qu'il était rentré en ville, qu'il avait eu sa lettre… Et il devait lui en vouloir terriblement de l'abandonner ainsi.
" J'imagine que tu as lu ma lettre?", ajouta-t-elle d'une voix plus sourde, en baissant piteusement la tête.

[Kasumi]

Kasumi dut bien reconnaître éprouver un gros pincement au cœur en revoyant celle qu'il avait quitté seulement quelques veilles plus tôt - quelques veilles qui avaient paru être des années compte tenu de tout ce qui s'était produit depuis lors. Il fut surpris de trouver sa voix calme et sereine quand il répondit dans le but d'apaiser la culpabilité si visible chez son ancienne compagne :

- Oui, je l'ai lue. Et je suis venu te dire que je ne t'en voulais pas.

[Voyageuse]

Astrée redressa la tête et le fixa d'un air stupéfait.
" Tu... "
Il ne lui en voulait pas ? Elle avait du mal comprendre... Pourtant, il avait effectivement l'air serein. Mais elle n'arrivait même pas à se sentir soulagée tellement sa réaction lui semblait incompréhensible.
" Tu es sûr ? Je... "
Des clients entrèrent à ce moment-là, interrompant la conversation.
" Je crois qu'on ferait mieux d'aller discuter dehors, proposa Astrée. Allons en direction du parc, si tu veux ?"
Et puis, client ou pas, elle n'avait pas forcément envie qu'Isudë suive, même involontairement, leur discussion.

[Kasumi]

Le demi-elfe la suivit sans rechigner, bien au contraire : la présence de l'elfe le mettait en effet toujours un peu mal à l'aise et l'idée d'avoir du public pour cette conversation d'ordre très privé ne lui plaisait guère non plus. Conscient qu'il lui devait des explications pour expliquer sa première déclaration sans doute surprenante, le rôdeur enchaîna dès qu'ils furent seuls :

- Je ne peux pas t'en vouloir... Tu vas certainement me juger comme le dernier des salopards mais il s'est passé beaucoup de choses dans ma vie au cours des dernières veilles.

Dieux que c'était difficile - soudain - de livrer la vérité, de cesser de tourner autour du pot.

- J'ai rencontré quelqu'un d'autre. Ou plutôt j'ai retrouvé quelqu'un que j'avais oublié toutes ces années...

C'était sans doute trop direct, trop brutal comme révélation mais il ne se sentait pas doué pour ce genre de choses et mieux valait crever immédiatement l'abcès de son point de vue.

[Voyageuse]

" Oh..."
Sous le coup de la surprise, Astrée s'était arrêtée subitement, au milieu de la rue. Elle s'obligea à reprendre leur marche, silencieuse un moment, essayant d'assimiler la révélation. C'était tellement inattendu, tellement...
" C'est merveilleux, s'exclama-t-elle subitement avec un large sourire. Vraiment ! Oh là là, moi qui m'inquiétais du mal que j'étais en train de te faire, qui m'imaginais que tu allais te retrouver seul, et malheureux, et... Et en fait non. Oh, si tu savais comme je suis soulagée d'apprendre que tout va bien pour toi, que tu es heureux, que tu n'as plus besoin de moi ! Je culpabilisais tellement de t'abandonner ainsi... C'est formidable !"
Elle réfléchit un instant encore, cherchant à mettre du sens sur les paroles qu'il avait dites. Il avait retrouvé quelqu'un du passé...
" C'est... une ex-petite amie avec qui tu as renoué à Everaska, alors ?"

[Kasumi]

Ce fut à son tour d'être surpris de sa réaction. Mais peut-être cela tenait-il simplement au fait qu'Astrée avait certainement longuement pensé être à la seule à l'origine de leur séparation tout en pensant en être à la seule responsable. En tous cas, même si cela ne le dédouanait pas totalement de sa responsabilité, il était lui aussi soulagé que la rôdeuse prenne aussi bien sa révélation. Il prit le temps de trouver ses mots avant de répondre à sa question :

- Elle n'était pas ma petite amie à cette époque, non. Même si nous en avions envie tous les deux sans nous l'avouer. Et elle vient de mon campement en Haute-Forêt : c'est une longue histoire.

[Voyageuse]

Astrée ne connaissait guère la géographie féérunienne, aussi avait-elle bien du mal à évaluer si la Haute-Forêt était loin d'Everaska. Et puis ça n'avait guère d'importance.
" Il faudra que tu me racontes un jour, alors..., lança-t-elle d'un ton joyeux, avant de poursuivre, plus gravement. J'en suis resté à ton départ, où tu partais voir ton père gravement malade. J'espère qu'il va mieux... Ou peut-être que je fais une gaffe en abordant le sujet, peut-être qu'il est décédé... dans ce cas je suis désolée, et puis tu n'as peut-être pas envie d'en parler..."

[Kasumi]

Oui, un jour peut-être viendrait le temps où ils pourraient évoquer sereinement cette période de leur vie mais Kasumi jugeait pour l’heure qu’ils n’avaient pas encore assez de recul, que parler de leurs expériences, de ce qui les avait séparé, aurait été artificiel et convenu en cet instant. Non, mieux valait que chacun puisse reconstruire sa route pendant quelque temps et pas même les dieux sans doute savaient ce qu’il adviendrait dans quelques mois ou quelques années.

Il esquissa cependant un sourire quand Astrée évoqua son père et sa maladie et s’empressa de la rassurer sur ce point :

- Pour mon père, il s’agit d’une plus longue histoire encore mais il s’est parfaitement remis : il était en fait victime d’une malédiction asabie et cela n’a pas été facile de la lever mais l’aventure m’a réservé bien des surprises : la rencontre avec un vénérable sylvanien, une dryade et même une licorne et un long voyage à dos d’aigle géant aussi. Ne ries pas, tout est vrai !

[Voyageuse]

Astrée, qui avait commencé à esquisser un large sourire incrédule, s'efforça de reprendre son sérieux.
" Et bien... c'est incroyable tout ce qui t'arrive ! Tu es sûr que tu n'exagères pas un peu ? Même pas un tout petit peu, pour le coup des aigles ? Non ? Bon, et bien je fais piètre figure à côté, moi... Je n'ai rencontré que des centaures. Une harde en cours d'extinction que je n'ai pas pu sauver vraiment, précisa-t-elle avec un accent de tristesse dans la voix. Rien d'exceptionnel, tu vois. Ah, si, j'ai aussi rencontré une dryade, tout de même !"
Et elle avait failli être sauvée par un shaman centaure transformé en aigle géant, maintenant, ça lui revenait... Sauf qu'il avait choisi un autre moyen au dernier moment. Mais songer à Neffen, immanquablement, lui serrait le coeur, et elle s'efforça de changer de sujet.
" Mais quelles que soient tes aventures, l'essentiel est que ton père soit guéri, et que tu ailles bien toi aussi. Et si tu as trouvé une femme qui te rend heureux, alors tout est parfait. Tu as eu plus de chance que moi..."

[Kasumi]

Kasumi avait perçu sa tristesse - on ne passait pas un an avec une femme sans apprendre à détecter quelque peu ses états d'âmes - et y était sensible mais, en même temps, leur situation lui paraissait si étrange qu'il ne se sentait pas de la presser de questions. Il soupçonnait que ces événements étaient à l'origine de sa décision de rompre et l'allusion qu'elle avait faite à la femme qui le rendait heureuse par opposition à ce qu'elle avait vécu laissait entrevoir d'autres hypothèses pour lesquels il ne voulait pas se montrer indiscret.

Le tour qu'avait pris leur relation avait indéniablement créé une distance entre eux... Peut-être, s'ils se revoyaient et si le temps passait pourraient-ils se considérer à nouveau comme de simples amis et aborder tous les sujets mais le demi-elfe se sentait mal à l'aise avec cette idée pour l'heure. Il se contenta donc de répondre, non sans sincérité et compassion :

- Je suis vraiment désolé pour toi et ce qui t'est arrivé. Même si je n'avais pas le choix, je me fais l'effet de t'avoir abandonnée et tu es apparemment passée par des moments difficiles...

Inutile d'expliciter ce qu'il ressentait à cette idée : de la culpabilité et aussi une sensation de s'être montré lâche de n'avoir même pas cherché à la contacter plus tôt.

[Voyageuse]

Astrée grimaça.
" Oui, on peut dire ça... Mais tu n'as rien à te reprocher, tu sais. Tu ne m'as pas abandonnée, je suis partie de moi-même courir la montagne. Je ne pouvais pas prévoir que ce serait aussi mouvementé. Et effectivement... Je suis passée un peu trop près de la mort à mon goût, et j'ai perdu un ami, alors forcément ça m'a un peu secouée, et fait réfléchir à beaucoup de choses... J'ai même eu un coup de foudre stupide pour quelqu'un avec qui ça n'avait aucune chance de durer. C'est ça qui m'a fait comprendre que je n'étais pas prête à m'engager vraiment, d'ailleurs... et me sentir terriblement coupable envers toi, de ne pas être à la hauteur. "
Elle sourit.
" Du coup, je suis immensément soulagée de voir que tu n'as plus besoin de moi en réalité ! Et du fond du cœur, je te souhaite que ça marche avec ton amie, que vous soyez heureux ensemble ! Mais... je suis sûre que ce sera la cas. Un amour de jeunesse, plein d'absolu, qui refait surface, je crois que c'est exactement ce qui te convient."
Elle-même avait trop souffert de son deuil pour réussir à aimer aussi fort, à croire réellement à l'amour durable. Comme si tout ne pouvait désormais être qu'éphémère.

[Kasumi]

Cette révélation le surprit tout de même un peu malgré les hypothèses qu'il avait déjà formulées mentalement dans ce sens. Toutefois, il changea nettement d'expression et son regard se fit rêveur quand elle évoqua son amour de jeunesse et ses vœux de bonheur.

- Merci, Astrée. Même si cela peut paraître étrange compte tenu des circonstances, je crois que ta bénédiction était très importante pour moi. Et toi, tu sais déjà ce que tu vas faire ? Tu as des projets ?

[Voyageuse]

Astrée resta silencieuse un moment, le regard plein de tristesse. Des projets ? La discussion venait de lui rappeler qu'elle n'en avait pas, en tout cas rien de similaire. Qu'elle était seule, irrémédiablement seule, et que sa vie était désespérément vide.
" Pas vraiment... Enfin... Rien de ce genre". "
Pourtant... non, sa vie n'était pas si vide en réalité. En tout cas, pas autant qu'elle l'était quelques jours plus tôt.
" Mais j'ai besoin de donner un sens à ma vie, et mes mésaventures m'ont permis de prendre conscience de certaines choses. Et... je vais devenir druide. Enfin, je le suis déjà un peu, d'après Isudë, grâce au pouvoir d'une feuille magique donnée par le shaman des centaures. Mais je dois maintenant partir en apprentissage. Tout l'été, au moins, je pense."
C'était une perspective exaltante, et le simple fait d'y songer faisait instantanément passer au second plan tous ses regrets devant le vide de sa vie sentimentale.
" Et toi ? Tu vas sans doute t'installer quelque part avec ton amie ?"

[Kasumi]

Druide ? Cela sonnait comme une évidence maintenant qu'elle en parlait. Il lui avait toujours semblé - au cours de l'année qu'ils avaient passée ensemble - qu'Astrée était plus proche de la nature et des de ses arts que d'une combattante. Cette nouvelle vocation - quoiqu'étonnante - lui allait comme un gant et le rôdeur tenait à le souligner et à la féliciter, ne serait-ce que pour lui redonner le sourire :

- C'est une voie formidable dans laquelle tu te lances. Et j'ai l'impression qu'elle est vraiment faite pour toi. J'ai voyagé avec une druidesse après Everaska et je sais combien leurs capacités dépassent de loin celle d'un simple rôdeur : c'est une grande responsabilité mais je sais que tu t'en montreras digne et que tu t'épanouiras grâce à elle...

Il marqua une pause pour appuyer un sourire sincère avant de reprendre pour répondre à sa question :

- Peut-être poserons-nous nos bagages quelque part, oui : je crois que ça me ferait du bien d'avoir un vrai chez moi... Mais j'ai une tâche à accomplir avant ça : je dois retrouver un ancien bosquet probablement abandonné pour le compte du sylvanien qui nous a aidé.

[Voyageuse]

" Un sylvanien... tu as de la chance. Ca doit être merveilleux de rencontrer une telle créature. Mais je n'ai pas à me plaindre : j'ai vu une dryade, c'est déjà exceptionnel. Et c'est un peu à cette dryade que je dois ma vocation de druide. Méfie-toi, il va peut-être t'arriver la même chose ! Quoique je te voie mal druide, à la réflexion... Tu es un pur rôdeur !"
Il était combattant avant tout, elle le savait.
" Et qu'est-ce que tu dois en faire, de ce bosquet abandonné ? Tu sais où il se trouve au moins ?"

[Kasumi]

Kasumi avait souri car il ne s'imaginait pas une seule seconde embrasser la vocation de druide pour sa part : il ne s'en sentait ni les capacités ni le tempérament mais il mit immédiatement un terme à ses réflexions pour revenir à la conversation actuelle quand Astrée l'interrogea sur le bosquet :

- J'en ai une vague idée ainsi que des indices que je dois vérifier à la bibliothèque. Mais je n'ai guère de temps à perdre car je suis chargé de planter un gland pour y faire pousser un grand chêne... C'est une mission de confiance et je compte bien m'en acquitter consciencieusement !

[Voyageuse]

" Un gland...", fit Astrée d'un ton rêveur.
Un gland comme celui qui avait sauvé l'enfant. Celui qu'elle avait eu la tentation de planter pour tenter de redonner naissance à l'Arbre de Vie et ressusciter la harde - simple mirage, illusion sans consistance qui n'aurait abouti à rien, elle le savait. Mais décidément, tout la ramenait à un gland.
" J'imagine que ce n'est pas un gland ordinaire, si un Sylvanien te charge de le planter."
Etait-ce ainsi que naissaient les bosquets ? En plantant une sorte de gland sacré ? L'idée ne lui était jamais vraiment venue à l'esprit. Mais il lui semblait que l'énergie druidique devait pré-exister, avant que ne pousse le chêne, à la réflexion.
" Ce serait incroyable que tu arrives à recréer un bosquet sacré ! Mais j'avoue que ça m'intéresserai de savoir où il se trouve, surtout si c'est dans les environs. C'est sûrement un endroit dans lequel j'apprécierai de me ressourcer... Enfin... sauf si toi, ça t'ennuie que je m'y rendes," ajouta-t-elle en rougissant, un peu mal à l'aise. Peut-être que tu n'aurais pas envie de m'y croiser, si tu y retournes régulièrement par la suite...