[Lieu] Temple de Tymora

[Chandara]

Le jeune-homme insistait évidemment. Elle tenta donc de se montrer plus persuasive mais, s'il n'obtempérait pas, elle n'aurait plus vraiment de scrupules à le laisser patienter en vain devant le temple. Après tout, s'il n'avait rien de mieux à faire, il était au bon endroit pour tenter sa chance...

- Il est bien possible que j'en ai pour un bon moment : je viens voir le grand-prêtre Devlin. Ce serait bête de vous faire perdre une si belle journée alors que je ne courre vraiment aucun risque et que mon amoureux doit me retrouver juste après !

Ensuite de quoi elle lui tourna le dos et s'élança sans hâte vers la porte du temple apparemment non gardée.

[Galathée]

Le marin ne tenta pas de la rejoindre, mais rien ne disait qu'il ne l'attendrait pas, même des heures, à la sortie. La nef du temple de Tymora était circulaire et joliment colorée par des puits de lumière. La pierre du sol et des murs était claire, il faisait frais alors même qu'au dehors, on percevait déjà le retour de la chaleur. Il y avait une odeur dans l'air, pourtant, que Chandara identifia après quelques secondes. Cela sentait indéniablement l'alcool... La bière, même. Vers la droite. Un clerc passa alors précipitamment devant elle, un seau à la main, et les doigts repliés sur le nez. Il esquissa une grimace en l'apercevant et revint vers elle. Jeune, avenant, il portait un pourpoint gris au liséré bleu.
" Puis-je faire quelque chose pour vous ?" demanda-t-il d'une voix nasillarde.

[Chandara]

La Dorrandine n'avait pu s'empêcher de le détailler, intriguée par cet étrange comportement. Le clerc venait-il nettoyer quelque catastrophe ? Elle balaya cette idée de son esprit pour se concentrer sur sa prime impression, celle d'un cadre accueillant et étonnant qui mettait étrangement à l'aise. Elle lui répondit donc sans circonvolutions :

- Vous pouvez certainement m'aider, oui : j'ai une lettre de Manost à remettre au grand-prêtre Brandon Devlin. Vous croyez qu'il accepterait de me recevoir ?

[Galathée]

" Heu... Ça dépend. Vous êtes, au juste ? Parce que les grands prêtres..."
Il déposa son seau et déboucha son nez.
" Ils reçoivent pas comme ça les visiteurs qui passent. Enfin. Vous devez peut-être remettre votre message en mains propres, quelque chose comme ça ? Je ne suis pas certain que ce soit possible dans l'immédiat, en tout cas. Il faut prendre rendez-vous."

[Chandara]

Elle s'en était doutée. Mais en même temps elle n'était pas si pressée que cela et il fallait bien qu'elle se soit rendu au temple pour prendre ce rendez-vous. Mais le délai de celui-ci pouvait néanmoins dépendre en partie de sa réponse aussi se creusa-t-elle les méninges en adressant un sourire charmeur au jeune prêtre :

- Peut-être pourriez-vous m'aider à obtenir ce rendez-vous : je resterai à Luménis au moins pendant une veille et je loge auprès des paladins de l'Ordre de l'Aster. Je m'appelle Chandara et je ne suis pas quelqu'un d'important. Je me doute en outre que votre grand-prêtre est très occupé - bien sûr - mais peut-être acceptera-t-il de me rencontrer. Il s'agit d'une affaire personnelle que j'effectue pour le compte d'une amie du nom d'Amélie Malone. Une amie recommandée par Angèle d'Aulfray : peut-être que ce nom lui dira quelque-chose ?

[Galathée]

" Attendez, parce que là, vous me demandez de retenir des noms, en plus... Vous êtes rude, à une heure pareille. Mais vous logez à l'Aster, ça explique tout."
Il leva les yeux au ciel.
" Bon... Une minute. Vous avez dit quoi ? Adèle d'Aufraîche, c'est ça ? Et Emilie... J'ai oublié le nom. Ça sonnait un peu étranger. Rappelez-moi le vôtre, ça suffira. Je dirai que vous venez de Manost avec un courrier. Vous pensez que vous avez besoin de combien de temps ? Parce que... donner une lettre, ça prend genre trois battements de coeur."

[Chandara]

Chandara était désolée d'imposer une telle charge au pauvre prêtre qui avait manifestement bien d'autres soucis en tête. Elle afficha une moue en adéquation avec son humeur avant de répéter son nom :

- Je suis Chandara. Et je pense qu'il ne me faudra que quelques minutes en sa compagnie. Je voudrais m'assurer qu'il reçoive la lettre et de pouvoir lui donner plus de détails s'il le juge utile. C'est très important pour mon amie, sinon je n'aurais pas osé faire une telle démarche, surtout à une heure aussi indue. En tous cas je vous remercie de tous vos efforts.

[Galathée]

" Bon, et bien je lui transmettrai. Et donc vous êtes à la commanderie... Je devrais le retenir."
Il esquissa un sourire, puis se pinça à nouveau le nez.
" Si vous voulez bien m'excuser..."
Chandara vit alors, évoluant non loin, en vol, une sphère argentée. Elle se déplaçait mollement, de ci, de là, sans leur prêter la moindre attention (pour autant qu'une telle chose soit capable de ce genre de prouesse)... Subitement, elle s'éleva, et disparut dans les hauteurs. Le jeune clerc, quant à lui, était reparti avec son seau.

[Chandara]

La jeune-femme avait observé l'étrange phénomène avec curiosité mais sans pour autant oublier de remercier et saluer poliment le clerc qui l'avait accueillie. Elle ne s'attarda guère plus longtemps dans le temple tout en se préparant mentalement à ce qu'un certain marin l'ait attendue à la sortie. Elle allait devoir s'en défaire si c'était le cas car elle n'avait guère envie de "bénéficier" d'une garde rapprochée improvisée pour la suite de son programme : première étape le marché du port où elle aurait peut-être la chance de trouver un fleuriste de qualité mais abordable.

[Galathée]

Elle ne s'était pas trompée : son soupirant improvisé l'attendait, assis sur les marches du perron, et il se leva dès qu'elle apparut.
" Ben c'était court ! s'exclama-t-il. J'espère que Dame Fortune vous a souri ! A moi, en tout cas, c'est sûr, vu qu'j'ai eu la chance d'rencontrer un oiseau des îles ce matin en marchant dans la rue, comme ça..."
Il la gratifia d'un clin d'oeil appuyé.
" Où j'vous emmène ? Je connais une petite taverne plutôt sympa... et déjà ouverte à cette heure... Si ça vous tente ?"

[Chandara]

Chandara avait marqué une hésitation sur le haut des marches en apercevant le marin qui l'attendait. Mais elle n'avait eu aucune chance de passer inaperçue : si elle avait été plus prévoyante, elle aurait demandé au clerc s'il existait une autre sortie au temple de Tymora. Mais il était encore plus tard pour cela aussi... Elle allait donc devoir mettre les bouchées doubles pour le décourager :

- Je suis désolée mais je ne fréquente guère les tavernes d'aussi bon matin. Mais je suis certaine que cet oiseau des îles dont vous parlez sera ravie de vous accompagner. Encore une fois merci pour m'avoir indiqué le temple.

Elle avait cette fois adopté un ton pressant pour souligner qu'elle n'avait pas tout à fait gouté l'expression.

[Galathée]

Mais le marin était soit stupide, soit il se fichait complètement de l'humeur de la jeune femme, car il se fendit d'un large sourire en s'approchant d'elle.
" Mais c'était avec plaisir, ma jolie. Moi aussi, j'suis sûr qu'l'oiselle va finir par s'poser. Faut juste qu'elle y soit un peu encouragée, pas vrai ? La taverne, c'était juste une proposition. Moi j'peux vous suivre où vous voulez... Juste garder un oeil sur votre intégrité, voyez..."

[Chandara]

Chandara croisa les bras et se planta devant l'importun en lui adressant un regard peu amène :

- Je n'ai pas pour habitude d'un langage aussi familier et je crois avoir déjà dit n'avoir aucun besoin qu'on m'encourage, qu'on garde un œil sur mon intégrité ou quoique ce soit d'autre. Non, vraiment, je dois vous demander d'arrêter de me suivre à présent. Vous ne vexeriez pas une paladine tout juste de retour de la grande guerre, pas vrai ?

[Galathée]

Le jeune homme éclata de rire.
" Une paladine ! Allez, m'zlle, vous donnez pas des grands airs, comme ça ! Les paladines, ça se fringue pas comme des jeunes bourgeoises de la campagne ! Mais vous avez du caractère ! Je parie que vous avez aussi du caractère sous les draps, pas vrai ? Je testerais bien, pour voir..."
Et il tendit la main, avec l'intention manifeste de lui attraper le bras.

[Chandara]

La jeune-femme recula par réflexe avec la souplesse du serpent et asséna une gifle violente pour ces mots et cette tentative fort inopportune. En tous cas c'est ce que tenta de réaliser l'ancienne paladine avec toute son habileté et une partie de sa force insoupçonnable. Et ce ne serait pas le premier homme qui serait assommé pour en avoir présumé. Peu importait les conséquences dans le cas présent : on ne lui manquait pas ainsi de respect en prenant des libertés à son encontre !

[Galathée]

La main de Chandara porta à l'endroit prévu et le jeune homme tomba assis sur son séant. Un peu sonné, mais pas complètement hors de combat, il poussa un sifflement de rage.
" Espèce de petite salope d'allumeuse !" s'exclama-t-il.
Il se releva, la paume sur la joue, et eut un sourire mauvais.
" Vu ta dégaine, tu ne passes pas inaperçue... Je te promets que je me souviendrai de toi. Oh ça oui."
Puis il fit volte-face et repartit dans la rue.

[Chandara]

La jeune-femme était hors d'elle et avoir rossé l'importun pour son outrecuidance n'y avait rien changé. Ses menaces étaient risibles et elle aurait bien eu envie d'y répondre pour le remettre à sa place mais elle s'en abstint : c'était peut-être elle qui n'était pas à sa place tout compte fait, elle qui était en décalage dans cette ville dont elle ne connaissait pas les mœurs. Arthur avait tenté de la prévenir mais elle s'était sentie à l'abri dans le quartier portuaire. En outre, elle avait été stupide de s'accoutrer de cette façon, elle l'avait senti dès le matin à la commanderie.

Bref, elle était déprimée et se mettait à douter de tout : elle avait envie de retourner auprès des paladins de l'Aster mais ça aurait été reconnaître trop d'importance à l'événement qui venait de se produire, cela aurait été se gâcher la journée sinon le restant de son séjour. Elle devait aller de l'avant même si le cœur n'y était pas vraiment, même s'il aurait été de loin préférable de retourner se changer pour ne plus attirer ainsi l'attention des mécréants. Mais - par défi sans doute - elle n'en ferait rien. Elle décida donc de remonter en sens inverse la rue qu'elle avait empruntée pour se rendre dans la demeure de Dame Fortune puis de tourner vers le port et son marché : peut-être que son animation allait cette fois lui changer les idées.

[Galathée]

Le jeune marin avait pris de l'avance, aussi Chandara n'eut-elle pas à mesurer son pas pour le suivre et gagner les abords du port. Le soleil réchauffait désormais l'atmosphère de ces rayons implacables : il ferait à nouveau très chaud. Il y avait davantage de gens dans la rue, surtout des hommes qui convoyaient des marchandises, à pied, en chariot, en charrette à bras, essayant sans doute de terminer les travaux les plus lourds avant que la température ne rende tout effort insupportable. Heureusement, la brise de la mer offrait un contrepoint à l'astre resplendissant, et plus Chandara s'approcha de la mer, plus il fit bon, jusqu'à ce qu'elle atteigne l'Esplanade où le marché avait déployé ses couleurs depuis déjà plusieurs heures...

[Chandara]

Chandara ne s'était pas sentie vraiment en danger dans le quartier des docks mais s'était rapprochée d'Arthur pour la sensation de réconfort et d'assurance qu'il lui prodiguait. Elle s'était souvenu des paroles de Moïra au sujet de certains lieux qu'il valait mieux éviter en étant seule et se promit de tenir son conseil, ne serait-ce que pour s'éviter d'avoir à remettre quelques importuns à leur place.

Reconnaissant la rue qu'elle avait déjà empruntée la veille, elle prit à nouveau la main du paladin pour l'entraîner vers le temple, ne doutant pas de sa volonté de l'y accompagner. Du reste, elle n'avait l'intention que de prendre le renseignement qui l'intéressait et n'espérait pas vraiment pouvoir croiser le grand-prêtre Brandon Devlin en personne.

[Galathée]

Arthur entra à sa suite, manifestement un peu intimidé, mais sans réellement résister. Il s'immobilisa cependant dans l'entrée et décocha un sourire embarrassé à Chandara.
" Je te laisse trouver quelqu'un, d'accord ?"
Il y avait plusieurs clercs dans la nef, qui semblaient en grande discussion. La boule argentée que Chandara avait vu lors de sa première visite tournait autour d'eux comme un chien de garde blasé, en cercles réguliers.

[Chandara]

Chandara adressa un sourire rassurant à Arthur avant de le laisser à l'entrée : elle ne savait pas pourquoi il se sentait mal à l'aise mais elle entendait bien respecter son état d'esprit en s'occupant elle-même de cette affaire. En avançant vers le groupe de prêtres, elle adressa un regard quelque peu intrigué - mais aussi amusé - à l'étrange boule qui lévitait dans le temple. Elle resta néanmoins à un endroit d'où elle pouvait être vue mais où elle ne donnerait pas l'impression de vouloir surprendre ou s'immiscer dans la conversation en cours. Elle toussota toutefois discrètement pour attirer l'attention de l'un d'entre eux.

[Galathée]

Ils la remarquèrent mais n'interrompirent pas leur conciliabule pour autant. Au bout de quelques minutes, la boule s'éleva, comme pour lui laisser le champ libre, et les clercs se séparèrent. L'un d'entre eux, le plus jeune, vint à la rencontre de Chandara.
" Je peux vous aider ?" demanda-t-il.

[Chandara]

La jeune-femme sourit au clerc avec de le saluer poliment et d'en venir directement au sujet qui l'intéressait pour ne pas lui faire perdre de temps :

- En réalité, oui, vous pouvez certainement m'être utile. Je souhaiterais me renseigner sur les horaires de vos offices...

Elle hésita un instant à donner de plus amples précisions avant d'ajouter pour ne pas paraître dissimuler la vérité et agir comme une espionne :

- En fait, j'ai déjà rencontré l'un de vos collègues car j'espérais pouvoir m'entretenir un instant avec votre grand-prêtre. Nous avons une amie commune et j'aurais aimé lui remettre une lettre alors je me disais que je pourrais peut-être en avoir l'occasion après une cérémonie. Sans vouloir le moins du monde manquer de respect à la Dame de la Chance, louée soit-elle.

[Galathée]

" Maître Devlin est sur le point de quitter la ville. Si vous voulez le voir, attendre un office n'est pas la meilleure solution. Mais vous avez de la chance, il est là, et je peux le prévenir de votre présence. Il devrait pouvoir trouver cinq minutes pour vous."
Il sourit.
" Patientez un instant, je vais le chercher."

[Chandara]

Si ce n'était pas un incroyable coup de chance, ça y ressemblait en tous cas parfaitement et Chandara ne manqua pas remercier chaleureusement le prêtre pour sa proposition. Elle ne s'était toutefois pas attendue à s'entretenir aujourd'hui avec le grand-prêtre du temple de Tymora et elle fouilla nerveusement dans sa poche et sourit pour elle-même en sentant le contact du papier : elle avait pensé à emporter la lettre avec sa bourse... Décidément, il faudrait qu'elle trouve un moment pour adresser une prière à la Dame de la Fortune avant de quitter son temple.

[Galathée]

Brandon Devlin était un homme dans la force de l'âge, cheveux châtains, le sourire facile et les yeux verts. Il ne portait pas une aube à proprement parler, mais un pourpoint élégant, bleu grisé brodé d'argent. Il paraissait curieux mais aussi pressé et lorsqu'il s'arrêta devant Chandara, flanqué du prêtre qui était allé le chercher, il ne perdit pas de temps.
" Dame, bienvenue dans le Temple de Dame Fortune. On me dit que vous avez un pli pour moi, d'une connaissance commune ?"

[Chandara]

Chandara prit quelques secondes pour observer le grand-prêtre et trouver les mots pour aborder cette discussion : il était intimidant de par sa position et son élégance mais il y avait aussi quelque chose en lui d'humain qui la mettait à son aise. Elle ne tergiversa donc pas et sortir le pli en question de sa poche en s'inclinant courtoisement :

- Plus précisément, cette connaissance commune a permis de nous mettre en contact : il s'agit d'Angèle d'Aulfray mais cette lettre provient de son amie et colocataire, Amélie Malone. Enfin, je ne veux pas vous prendre plus de votre temps alors... Voici la lettre.

Elle lui tendit le précieux morceau de parchemin soigneusement plié un peu nerveusement.

[Galathée]

Le prêtre parut surpris à la mention d'Angèle mais ne dit rien. Il prit le pli que lui tendait la jeune femme.
" Merci d'avoir joué les messagères, dans ce cas." dit-il aimablement.
Loin de lire le courrier — rares étaient les personnes qui faisaient ce genre de choses en public, il rangea la lettre dans la poche de son pourpoint et sourit à Chandara.
" J'espère que Dame d'Aulfray se porte bien."

[Chandara]

Chandara était bien en peine de répondre à cette question car elle ne l’avait pas croisée personnellement depuis qu’elle avait été missionnée dans le groupe d’Arthur, bien des mois plus tôt. Toutefois, elle s’efforça de se montrer rassurante :

- Je ne l’ai plus revue depuis mon retour de la guerre mais je crois savoir qu’elle se porte bien en effet. C’est en tous cas ce que m’a assuré Amélie, l’auteure de cette lettre. Il y était question de voyage dans la région de Cojum si je ne m’abuse.

Elle marqua une pause mais reprit néanmoins très vite, consciente de ce que le dirigeant avait certainement mieux à faire surtout à la veille d’un départ de la ville :

- Souhaitez-vous que je transmette un message pour vous à Dame d’Aulfray ? Je le ferai avec plaisir lors de mon prochain passage à Manost.

[Galathée]

Devlin eut un sourire un peu distant, une seconde, puis secoua la tête.
" Non. Si vous la croisez, transmettez-lui mes amitiés, ce sera suffisant."
Il s'inclina légèrement et s'apprêta à prendre congé : si Chandara voulait ajouter quelque chose, c'était l'instant ou jamais.