[Structure] Le débarcadère

[Galathée]

" C'est plus une barque qu'un bateau, en fait. Et si j'étais vous, j'irais pas crier partout que je la cherche, Hestia. Parce que vous allez vous attirer des ennuis. Les pêcheurs, ils l'aiment vraiment pas beaucoup. Elle vient presque jamais à terre, sauf quand elle a un oeuf à peler avec quelqu'un, parce qu'on a dérangé une bestiole, ou quoi... A mon avis, elle dort et elle mange à bord... Faudrait aller la chercher directement où elle se trouve... Ou alors trouver quelqu'un qui peut parler aux animaux, pour qu'ils vous disent quoi... Les rôdeurs, ils font pas ça ?"

[Voyageuse]

" Heu... je peux toujours essayer, j'imagine, marmonna Astrée plus pour elle-même que pour la jeune fille. Mais je suis pas sûre que ça marche..."
Elle n'avait jamais essayé de communiquer avec des poissons. Et il ne serait pas facile de leur expliquer ce qu'elle cherchait, puisqu'elle ne pourrait pas leur envoyer d'image de cette Hestia, et encore moins son nom. Leur faire passer l'idée d'une humaine nageant avec des dauphins ? L'idéal serait de demander à un dauphin, en fait. On les disait intelligents, ils comprendraient peut-être plus facilement... Mais ensuite, comment ferait-elle pour la rejoindre ?
Elle s'arracha à ses interrogations et sourit à la marchande de beignets.
" Merci pour les informations en tout cas ! Voilà l'argent, pour les beignets... Gardez la monnaie !"
Il ne lui restait plus qu'à guetter le retour de Reynald. Et pour meubler l'attente, elle pouvait toujours s'approcher du quai et tenter de voir si elle parvenait à entrer en contact avec des poissons. Juste pour savoir comment elle ressentirait ce contact, pour commencer, et vérifier qu'elle parvenait à leur transmettre ses interrogations...

[Galathée]

Astrée eut bien du mal à isoler un esprit dans le magma de sensations qu'elle rencontra sur le bord de l'eau. Et l'effet était plutôt désagréable. En effet, elle perçut les sursauts d'agonie des poissons qu'on déchargeait non loin, une impression d'étouffer, prisonnière d'un environnement hostile et douloureux, et elle dut rapidement mettre fin à sa tentative. Cela lui laissa cependant un goût amer dans la bouche, relents d'un chausson à peine avalé.
Reynald ne revenait pas mais ce n'était pas étonnant : il lui fallait prier une bonne heure pour avoir accès à ses sortilèges divins. Le soleil commençait à se lever, doucement, derrière la ville. Vers l'ouest, en revanche, l'océan était noir de jais.

[Voyageuse]

Astrée soupira. Entrer en contact avec des poissons par ici n'était pas une bonne idée. Trop de souffrance. Il faudrait qu'elle essaie de se rendre au large, et chercher de préférence des dauphins. Et pour cela, elle devait se faire prêter une barque... Mais saurait-elle manier une embarcation ? Elle s'y était déjà essayée, une fois, sur des eaux calmes. Ramer n'était pas très difficile, mais sur la mer et ses vagues, c'était autre chose. Ou sinon, elle pouvait demander à un pêcheur de la conduire à Hestia, mais elle risquait de se faire envoyer sur les roses, même moyennant finances. Il était sans doute plus sage d'y aller seule... Peut-être que Reynald, ou plutôt Tybert, sauraient conduire une barque mieux qu'elle ? Sinon, elle n'aurait pas le choix, il faudrait qu'elle se trouve un guide... Ou qu'elle tente de se débrouiller seule si la mer était calme. Mais personne ne prêterait d'embarcation à une jeune femme inexpérimentée.

Elle resta un moment à observer les pêcheurs. Ils étaient en train de vendre leur marchandise, ça n'était pas le moment de les déranger. Mais elle pouvait commencer à repérer une embarcation de petite taille et son propriétaire, pour l'aborder plus tard. Ce qui signifiait, encore une fois, vaincre contre sa timidité... ou, peut-être, envoyer Reynald. Et avec un peu de chance, peut-être y avait-il des barques n'appartenant pas à des pêcheurs ?

[Galathée]

Il n'y avait pas de barques dans le port : tous les navires étaient des petits voiliers à au moins un mât. Sur les plus gros bateaux, cependant, Astrée aperçut parfois des chaloupes, sans doute prévues pour les débarquements et les naufrages. Si certains de ces vaisseaux plus imposants appartenaient à des pêcheurs, la plupart avaient cependant d'autres attributions : ils appartenaient à des marchands venus des quatre coins de Toril, mais sans doute surtout des autres cités héloniennes. A cette heure très matinale, cependant, ces bâtiments étaient généralement plongés dans l'obscurité.
Reynald surgit soudain près d'elle, et posa les lèvres sur sa tempe.
" On regarde les bateaux en songeant aux contrées lointaines ?" dit-il.

[Voyageuse]

Astrée tourna la tête vers lui en souriant, et l'embrassa avec douceur.
" Pourquoi songer aux contrées lointaines quand on a tout le bonheur possible ici ?, répliqua-t-elle joyeusement. Même si ça doit être passionnant à visiter..."
Elle glissa son bras autour de sa taille avant d'ajouter, plus sérieusement.
" En fait, je me demandais s'il était possible d'emprunter une barque pour partir en mer... ou, peut-être, de se faire emmener par le propriétaire d'un bateau. Parce que cette ex-prêtresse de Lurue vit apparemment dans une sorte de barque, quelque part auprès des dauphins. Et comme elle est très mal vue des pêcheurs, ça ne sera pas évident de les convaincre de m'y emmener. Mais y aller seule n'est pas non plus une bonne idée : je ne suis pas sûre de savoir conduire une barque."
Elle soupira. Reynald avait un don de persuasion qu'elle n'avait pas. Peut-être n'était-ce pas impossible, avec lui à ses côtés, de convaincre quelqu'un de l'emmener, marchand ou pêcheur...
" Et toi, de ton côté ?"

[Galathée]

" J'ai prié. Mais je n'ai pas encore interrogé Milil. Il me faudrait un coin plus tranquille, plus à l'écart."
Son regard circula autour d'eux.
" Hé, c'est marrant ce bosquet, là-bas ! Quelle idée de planter un parc à deux pas de la mer ! Enfin, ça a l'air tout à fait parfait. Bon, j'imagine que ça doit être le rendez-vous romantique de tous les amoureux de Luménis, mais à cette heure-ci, ils roupillent encore..."
Sans attendre, il lui saisit la main et l'entraîna en direction de la poignée d'arbres des docks...

[Chandara]

Il faisait chaud et grand soleil en cette fin de matinée. Chandara avait enfilé une robe légère pour l’occasion puis récupéré ses bagages dans sa cabine. Elle s’était ensuite accoudée au bastingage du pont principal pour ne pas manquer une miette du paysage côtier et finalement de la ville qui se dessinaient sous ses yeux. Au cours de la dernière heure, la cité de lumière s’était progressivement révélée à son regard. L’ancienne helmite n’en avait alors plus détaché le regard pour ne pas en manquer le moindre détail. Tout d’abord, elle n’avait discerné que les toits des plus grands bâtiments, devinant sans peine le grand temple de Lathandre et le fort. Mais à présent, elle pouvait discerner les principaux quartiers de la capitale helonnienne - notamment les villas cossues des beaux quartiers et les places marchandes grouillant d’activité environnant le port. Elle comprenait déjà que Luménis n’avait rien à voir avec l’austérité manostienne ou le charme campagnard de Cojum : non, c’était tout un monde nouveau qui s’ouvrait devant elle et elle était de plus en plus impatiente d’accoster pour partir à sa découverte.

Enfin, le navire manœuvra parmi d’autres bâtiments de toutes tailles et la manostienne était maintenant obnubilée par le quai qui se présentait devant elle. Cette vision la rendait à la fois anxieuse et euphorique car elle espérait qu’Arthur puisse l’attendre sur l’un et l’accueillir au moment de son débarquement. Mais comme elle n’avait pas pu être précise sur l’heure d’arrivée de son navire dans sa dernière lettre, elle craignait qu’il n’ait pas pu venir l’attendre. Qu’à cela ne tienne, elle trouverait bien son chemin même si la ville lui semblait immense.

[Galathée]

Quête : Un autre appel

Son navire accosta sans qu'elle eut reconnu qui que ce soit sur le quai bondé. Les marins avaient l'habitude du cadre, ils agissaient comme les membres d'un unique organisme, sans échanger davantage que quelques mots, gestes ou signes de tête. Les amarres furent larguées, la coque rutilante vint caresser la berge de pierre, et le bâtiment s'immobilisa peu à peu, son mouvement se réduisant à un léger dandinement sur les vagues.
Il était temps de mettre pied à terre et de s'élancer vers l'inconnu.

[Chandara]

Quête : un autre appel

Chandara emprunta la passerelle destinée aux passagers tout en cherchant une silhouette connue parmi la presse sur les quais, sans succès jusque-là. Elle arbora une mine soucieuse mais dut se résoudre à avancer un peu sous peine de gêner le passage. Toutefois, elle ne s'éloigna pas d'emblée du bateau, attendant qu'un commis fasse sortir la seule monture qui avait fait le voyage avec elle. Pas Kelpie qu'elle avait préféré laisser à Manost pour des raisons pratiques mais un cheval qui rentrait à présent chez lui et chez son maître, un cheval que serait certainement heureux de revoir Arthur. Dommage que le paladin ne semble pas être là mais la jeune-femme faisait contre mauvaise fortune bon cœur : cela lui laissait l'occasion de parfaire la surprise en menant Filu jusqu'à la commanderie des paladins de Lathandre.

[Galathée]

Quête : Un autre appel

Chandara ne put pas attendre sans être abordée par une paire d'employés de la douane. Bien que Luménis soit une cité accueillante, on n'y débarquait plus aussi librement qu'autrefois, et deux jeunes gens en livrée bleu clair vinrent à sa rencontre.
" Dame, bienvenue en nos murs." déclara le premier, un jeune homme d'une vingtaine d'années, souriant.
Difficile de savoir s'il accueillait ainsi tous les visiteurs ou s'il était sensible au charme de la paladine. Il avait le même accent qu'Arthur, un peu plus doux que les inflexions rudes des Manostiens.
" Votre capitaine nous apprend que vous arrivez tout droit de Manost. Nous avons quelques questions à vous poser." dit le second, une femme plus âgée, souriante mais peut-être un poil moins enthousiaste que son homologue.

[Chandara]

Quête : un autre appel

Les deux agents étaient les premiers luméniens qu'elle croisait depuis Arthur et il fallait bien reconnaître que l'accent du jeune fonctionnaire avait réveillé quelque-chose en elle, comme un élan de nostalgie étrangement mêlée d'euphorie. Bien sûr, sa voix n'était pas aussi douce à ses oreilles que celle du paladin mais Chandara se surprit à sourire gaiement en répondant à la question posée par sa collègue :

- Bonjour ! En effet, nous venons de Manost et je serai ravie de répondre à vos questions, bien entendu.

[Galathée]

Quête : Un autre appel

Le premier des deux douaniers parut décontenancé et jeta un regard par dessus l'épaule de la jeune femme.
" Nous ? Qui ça, nous ?" demanda-t-il.
Sa compagne leva les yeux au ciel.
" Elle parle du bateau.
— Ah. Ah oui. Hum. Donc. J'ai besoin de connaître votre nom. Votre métier. Et la raison de votre visite.
— La durée approximative de votre séjour, aussi, si vous la connaissez. Une adresse de référence, si vous l'avez déjà."

[Chandara]

Elle aussi avait été décontenancée de l'incompréhension du jeune fonctionnaire, craignant que son accent étranger soit à l'origine de ses difficultés. Mais sa collègue était venue à leur rescousse et elle lui adressa un sourire soulagé avant de répondre aux questions bien naturelles qu'on lui posait. Malheureusement, elle n'avait pas encore de réponse très précise à certaines d'entre elles malgré sa volonté de bien faire. Elle prit un air concentré :

- Je m'appelle Chandara de Claire-Combe. J'ai reçu une formation de paladine mais vous pouvez noter aventurière pour mon métier... Je viens rendre visite à un ami à Luménis, pour une veille ou deux sans doute mais je n'ai pas encore acheté mon billet de retour. Oh, et pour l'adresse, vous pouvez inscrire celle de la Commanderie des paladins de Lathandre : c'est l'endroit où je dois retrouver mon ami.

Elle adressa un sourire lumineux au jeune fonctionnaire en songeant à cette perspective et soulagée d'avoir su répondre à cette formalité.

[Galathée]

Le jeune homme consigna toutes ces informations sur son registre.
" Si vous deviez vous installer ailleurs qu'à la commanderie, ce qui est probable vu leurs installations, veuillez en aviser quelqu'un là-bas ou prévenir les services de douane, dit sa collègue. Pour le reste, je vois qu'on vous apporte votre cheval. Bienvenue à Luménis. Que la bénédiction de Lathandre vous accompagne."

[Chandara]

La jeune-femme était ravie de pouvoir récupérer Filu sans attendre d'autant que les fonctionnaires en avaient fini : après ces semaines en mer à attendre ce moment et à imaginer un demi-million de scénarios, elle était impatiente comme jamais de partir à la découverte de la ville. Mais avant de prendre congé, elle tint à remercier les deux luméniens qui faisaient leur travail avec efficacité et un grand sens de l'accueil :

- Je ne manquerai pas de le faire si je dois me trouver une auberge. Puis-je cependant abuser et vous demander dans quelle direction se trouve la commanderie ?

[Galathée]

Le garde s'était penché sur Filu, observant sa croupe, et il se tourna vers elle avec un sourire.
" Je reconnais un destrier lathandrite quand j'en vois un." fit-il joyeusement.
Du bout des doigts, il effleura la marque que portait l'animal, un soleil de poils drus reflétant l'identité de ses propriétaires.
" Il m'est avis que vous pouvez monter en selle, fermer les yeux et vous laisser guider."
Sa collègue eut un léger rire.
" Mais si vous craignez que l'animal ne vous égare, il vous suffit de chercher le temple de Lathandre, la commanderie est juste à côté. On aperçoit le dôme de la plupart des endroits, vu la position qu'il occupe. Et n'importe qui pourra vous l'indiquer. Prenez vers le sud-est, par là."

[Chandara]

Mais Chandara n'avait pas l'intention de le monter : sa tenue n'était en effet pas des plus appropriées pour le faire et elle ne tenait pas particulièrement à gêner le trafic en montant en pleine rue, un privilège d'ailleurs réservé aux gardes et aux nobles de là où elle venait. Elle n'en remercia pas moins chaleureusement - une nouvelle fois - les deux luméniens :

- Je vais suivre vos indications et je vous souhaite une bonne journée.

Puis elle se tourna vers l'animal pour saisir sa bride et lui tapoter affectueusement le flanc :

- En route Filu ! Tu dois avoir autant hâte que moi de te dégourdir les jambes et de retrouver ton maître.

Elle donna au cheval une impulsion en se dirigeant vers le dôme le plus brillant de la cité puis le laissa continuer sans plus le guider juste pour le plaisir un peu enfantin de vérifier les propos du garde.

[Galathée]

Le garde n'avait pas menti. Filu prit aussitôt la direction du sud-est, traversant les quais et passant non loin d'un bosquet luxuriant qui paraissait parfaitement incongru en pleine ville. Le cheval se fraya un passage tranquille au travers de la foule des visiteurs, marins et marchands affairés, ne manifestant nulle impatience, juste une sérénité décidée. Ils laissèrent bientôt la mer derrière eux et se glissèrent dans une vaste artère commerçante, grouillant de vie, de couleurs et d'odeurs, mille personnes s'y promenaient, discutant de leurs affaires, des derniers ragots, de leurs projets, des choses et d'autres. Chandara vit des enfants et des vieux, des clercs de dix obédiences différentes, des gardes discrets, qui paraissaient détendus, des elfes et des nains, des vendeurs ambulants, des servantes et des seigneurs. Il y avait quelques chariots, parfois un cavalier pressé, des chiens errants, des chats perchés, la foule était dense, le soleil radieux. Personne n'importuna la jeune femme, personne ne la regarda bizarrement, tout juste quelques hommes lui jetèrent-ils des oeillades, sans pour autant l'apostropher. Petit à petit, ils quittèrent cet univers de tavernes et de devantures, d'auberges et de boutiques, pour gagner une zone plus dégagée, qui s'amusait à déployer un certain faste de part à d'autre d'une rangée d'arbres imposants. Sans vraiment le réaliser, Chandara venait de déboucher dans le quartier sud, plus riche, de la capitale hélonienne...

HRP : je dois partir un moment... soit tu fais la transition dans le sujet des Villas des Beaux Quartiers toi-même, soit je la ferai en revenant...

[Galathée]

Quête : Un autre appel

Filant depuis le parc, le jeune homme que poursuivait Chandara avait pris une bonne avance, slalomant entre les badauds sans ralentir. Mais la jeune femme avait une certaine expérience de la course, elle aussi, héritée de sa jeunesse à la campagne. Bref, il galopait, elle le suivait sans se faire semer, et les gens dans la rue ne pouvaient que pousser des cris de surprise en s'écartant sur leur passage.
Ils arrivèrent sur les quais. C'était une belle trotte mais l'ancienne paladine ne manquait pas d'énergie. Malheureusement, l'avance qu'avait Colin lui permit de foncer droit devant, sans ralentir, et elle le vit disparaître entre deux coques qui dodelinaient paresseusement sur l'onde : il avait sauté...

[Chandara]

Chandara avait eu beau vociférer pour tenter de ramener le jeune-homme à la raison, elle n'avait pu que constater l'inéluctable et se trouvait presque à bout de souffle quand elle atteignit, bien trop tard, le bord de la jetée. Elle ne pouvait pour autant pas rester les bras croisés pendant que le jeune-homme mettait fin à ses jours et elle n'écouta donc que son courage - ou sa témérité - pour plonger à son tour, non sans avoir lâché la sacoche qui l'encombrait et essayé de repérer l'endroit exact où Colin se trouvait.

Dans l'intervalle, elle avait aussi eu le bon sens d'appeler à l'aide au cas où un marin ait la possibilité de lancer une bouée de sauvetage... Malheureusement, elle n'eut pas vraiment le temps de percevoir toute l'ironie de la situation : elle serait très en retard pour son rendez-vous avec Arthur à la plage ou très en avance, selon le point de vue...

[Galathée]

Colin ne manquait pas d'énergie, mais se noyer dans le port n'était pas la chose la plus aisée au monde quand on n'avait pas lesté ses poches ou bu plus que de raison. Aussi Chandara le repéra-t-elle sans mal, crachant de l'eau salée à quelques mètres d'elle, qu'elle eut tôt fait de franchir. Il se débattit à peine quand elle l'eut rattrapé, pesant bientôt entre ses bras, trempé et surnageant tout juste. Sur le quai, plusieurs personnes s'étaient rassemblées et les désignaient en parlant avec animation. Personne ne leur lança de bouée, mais une barque se rapprocha, un pêcheur incrédule à son bord.
" Vous savez que dans le port, la mer est dégueulasse, pas vrai ? leur demanda-t-il en tendant une main secourable à Chandara. C'est là que les égouts se déversent. Vous allez attraper un truc pas net."

[Chandara]

Chandara préféra tout d'abord mettre Colin à l'abri en aidant le pêcheur à le hisser dans la barque, une façon peut-être de lui faire temporairement passer ses idées de suicide. Une fois hissée au sec à son tour, elle prit le temps de reprendre son souffle avant de répondre à leur sauveur : elle ne voulait pas accabler Colin qui devait être au plus mal mais elle ne put tout à fait gommer le ton de reproche dans sa voix :

- Maintenant que vous le dites, ça me semble en effet être une idée stupide ! En tous cas, merci pour votre aide, monsieur.

Sa tenue était fichue, de la vase s'était insinué jusque dans ses cheveux - elle le sentait - et elle devait embaumer le poisson pourri et la déesse savait quoi d'autre mais au moins Colin était-il toujours en vie : c'était bien là l'essentiel même si le sauver de la noyade avait certainement été beaucoup plus facile que ce qui l'attendait encore pour faire reprendre goût à l'existence au soupirant malheureux.

[Galathée]

Le vieux marin rama jusqu'à une série d'échelons de métal qui formaient une échelle jusqu'au haut du quai. La marée était en effet trop basse pour qu'ils puissent y grimper sans heurts. Mais Colin refusa d'y monter, se pâmant théâtralement dans la barque en arguant que sa vie était finie, qu'il espérait avoir attrapé la peste aqueuse, et qu'il ne voyait pas l'intérêt de retrouver la terre ferme. Le pêcheur regarda Chandara d'un air mécontent.
" Bon, va falloir porter votre petit copain, là..."
Sur le quai, une silhouette se pencha dans leur direction... portant l'uniforme de la garde.

[Chandara]

Chandara avait soudain une telle envie de secouer un peu le garçon pour le ramener à la réalité qu'elle n'eut pas le cœur à démentir le statut que lui prêtait le marin. Non seulement Colin n'était pas coopératif mais voilà qu'ils allaient en outre devoir s'expliquer avec la garde ! Elle se tourna donc vers le jeune-homme - le dévisageant d'un regard perçant et déterminé - en espérant en appeler au peu de fierté et d'amour propre qu'il pouvait encore avoir :

- Vous allez remonter sur ce quai, affronter votre peine, tout me raconter et nous trouverons une solution ! Je préfèrerais que vous le fassiez par vos propres moyens mais ce n'est pas non plus une obligation...

Et comme pour montrer un peu plus sa détermination, elle se redressa dans sa barque pour le dominer de toute sa hauteur.

[Galathée]

Et ce faisant, manqua perdre l'équilibre quand une vague vint percuter le flanc de l'embarcation. Mais Colin n'y prêtait aucune attention, se contentant de maugréer. Finalement, le marin lui flanqua un coup de rame, ce qui lui rendit quelque peu ses esprits. En haut, le garde semblait s'impatienter. Le jeune homme, vacillant, jeta un regard meurtrier à Chandara puis entreprit de remonter vers le quai. Il y parvint tant bien que mal, fut hissé par le garde sur le dernier mètre, et Chandara put le rejoindre.
Les gardes étaient deux en réalité, sanglés dans leurs uniformes bleus, et de mauvaise humeur. Colin était assis par terre, gémissant dans son eau puante. L'un des deux militaires le tançait, et le second, un blondinet d'une bonne vingtaine d'années, s'apprêtait à en faire de même avec Chandara, lorsqu'il s'immobilisa, muet de stupeur. Il fallut à la jeune femme quelques secondes pour en comprendre la raison. Mais en baissant les yeux, elle réalisa rapidement que ses vêtements détrempés lui collaient désormais à la silhouette de manière... assez intéressante.

[Chandara]

Elle aurait certainement piqué un fard si elle n'avait pas été aussi préoccupée par l'état de son acolyte ou par la délicate situation dans laquelle il les avait mis tous les deux : elle n'avait rien à se reprocher, elle en était convaincue, mais les gardes seraient peut-être plus difficiles à convaincre, eux. Alors, même si elle se sentait sale et malodorante, profiter de son apparence pour les tirer de ce mauvais pas était une option tout à fait envisageable. Elle lissa tout de même coquettement sa tunique trempée avant de parler la première au garde d'une voix innocente :

- Veuillez nous excuser messire : mon ami ici présent a reçu une bien terrible nouvelle qui l'a chamboulé. J'ai voulu l'empêcher de commettre l'irréparable... J'espère... J'espère que l'on ne vous a pas causé trop de tracas.

Durant sa tirade, elle n'avait pas hésité un instant à regarder le jeune garde dans les yeux.

[Galathée]

Il s'empourpra spectaculairement, ouvrit la bouche et... pas un son s'en sortit. Il secoua la tête et regarda Chandara droit dans les yeux, lui aussi, comme refusant de s'intéresser à ce qui se trouvait plus bas.
" Vous... Désordre... Voie publique... Soucis... Interdiction..."
Il s'éclaircit la gorge.
" Vous êtes folle ou quoi ? Hum. C'est marqué là !"
Et effectivement, Chandara découvrit une pancarte, plantée à quelques pas, où il était élégamment inscrit : IL EST INTERDIT PAR REGLEMENT DE SE BAIGNER DANS LE PORT, assorti d'un petit pictogramme très explicite.

[Chandara]

Il aurait sans doute été inutile de faire remarquer au garde qu'elle n'avait pas pu prendre le temps de lire le panneau avant de se jeter à la suite de Colin. Aussi, elle préféra supporter la réprimande et poursuivre sur le ton de la diplomatie :

- Je n'ai pas réfléchi, je suis vraiment désolée... Vous n'allez pas... Vous n'allez pas nous mettre en prison, dîtes ?

Elle se mordilla la lèvre comme si cette perspective l'angoissait réellement ce qui n'était peut-être pas totalement feint : qui sait quelle loi fondamentale ils avaient pu enfreindre dans une ville qui semblait porter le commerce maritime en si haute estime.

[Galathée]

" En prison, non, on n'a sûrement pas la place, mais par contre, vous allez vous présenter à l'audience, oui.
— De la cour maritime." renchérit son collègue en se redressant.
Il sortit un parchemin de sa poche.
" Quel est votre nom ? Où résidez-vous ?"