[Lieu] Aubépine

[Kasumi]

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Située à quelques jours de marche de la capitale, Aubépine est une zone de forêt primaire abritant une nature préservée de la main de l'homme ou des autres espèces intelligentes ayant colonisé Helonna.

C'est peut-être la proximité de la Forêt Maudite qui a dissuadé les communautés limitrophes d'en exploiter le bois ou même de s'y aventurer mais d'aucuns racontent à qui veut les écouter que le bosquet abrite bien des êtres puissants bien décidés à en défendre chaque bois ou chaque animal qui y trouve refuge.

On raconte aussi que cet endroit est un sanctuaire naturel d'une grande beauté et qu'entre les grands chênes qui le ceinturent se trouve une clairière et un petit lac aux eaux cristallines ainsi que de nombreux arbustes fruitiers ayant donné leur nom à l'endroit. Mais en dehors des plus téméraires servants de la nature, aucun n'a osé vérifié ces assertions.

***

Le lièvre courait à perdre haleine, fuyant de frayeur, courant comme jamais il n'avait couru pour échapper à une mort certaine. Il s'était aventuré un peu plus loin de son gîte que d'accoutumée pour trouver quelque nourriture en cette saison hivernale. Malheureusement, il avait attiré sur lui l'attention d'un prédateur terrifiant. Tout en lui suggérait la terreur la plus intimidante, bien plus que n'importe quel loup ou aigle. L'odeur du chien noir était épouvantable, nauséabonde. Le lièvre bondit, se faufila sous un tronc abattu par les derniers orages. La créature était toujours là, à sa poursuite. La proie sentait peu à peu ses forces décliner mais elle poursuivait malgré tout avec l'énergie du désespoir, par instinct de survie tout simplement.

Et soudain, alors qu'elle franchissait une limite invisible, elle sentit un brusque regain de vigueur et non pas seulement parce qu'elle savait maintenant son gîte tout proche. Non, une force surnaturelle lui donnait maintenant des ailes, une puissance naturelle et protectrice aussi légère que le vent, aussi stable que le roc, aussi vivace que l'eau. Le chien noir poussa un jappement de colère et de frustration avant de battre en retraite.[/i]

[Kasumi]

Le petit plan d'eau bruissait de vie en cette période de renouveau : les frimas de l'hiver n'en gelaient plus la surface même si la verdure de ses rives restait encore blanche au petit matin. La petite source qui l'alimentait chantait sur les cailloux, l'onde dévalant les degrés de pierre pour finalement se fondre dans les eaux translucides du bassin. Un observateur en aurait perçu le fond sans peine, aurait repéré - au premier coup d'œil - les poissons et alvins qui nageaient en toute quiétude. Mais nul observateur ne venait perturber la clairière de sa présence. Les seuls gardiens de cette nature préservée en demeuraient les immenses arbres qui constituaient le bosquet. Une biche et ses faons vinrent s'abreuver sur les berges, aussitôt suivi par une harde de lièvres.

Nul ne songerait à venir les chasser ici ou à exploiter le bois. Non, trop de légendes courraient parmi les populations limitrophes : on murmurait parmi les forestiers que des voix se faisaient entendre aux téméraires s'aventurant ici avec ce genre d'intentions. Des voix terrifiantes, inhumaines, surnaturelles. Des voix de la forêt. Et ce n'était pas tout. D'aucuns, taxés d'avoir trop abusé de l'alcool, en étaient revenu avec des récits d'arbres se déplaçant par leurs propres moyens et leur donnant la chasse.

[Voyageuse]

Quête : Mission

Ce furent comme si les taillis se refermaient derrière son passage, mais c'était certainement une impression trompeuse : la sente était toujours derrière lui, pour peu qu'il se retourne. Mais ce qui attira son regard, ce fut plutôt l'immense sorbier, face à lui, entre les racines duquel jaillissait la source tant attendue. Quelques roches moussues délimitaient une sorte de petite fontaine naturelle au pied de l'arbre. Un saule pleureur poussait juste à côté, son feuillage retombant comme un rideau au-dessus de l'eau. Les trilles d'oiseaux se turent un instant à son arrivée, avant de reprendre de pus belle. L'endroit dégageait une sensation de paix et de sérénité totale.

[Kasumi]

L'espace d'un battement de cœur, le rôdeur se sentit comme un intrus venu perturber un sanctuaire de nature inviolée. Mais l'impression s'envola aussitôt pour laisser la place à l'admiration la plus totale. Le demi-elfe s'avança d'un pas hésitant vers la source avant de s'agenouiller sur sa berge, adressant une fervente prière à la dame des Forêts pour avoir préservé cet endroit et tous les espoirs qu'il portait en germe.

[Voyageuse]

Bien entendu, nul ne répondit à sa prière. Il ne pouvait être certain qu'on l'avait entendu. Mais puisqu'il avait été guidé jusqu'ici, c'était certainement signe que la Dame approuvait son action.
Lorsqu'il revint au monde qui l'entourait, il se trouva face à un écureuil, perché sur la margelle de pierre, qui l'observa un instant avec attention, sans paraître éprouver la moindre crainte. Puis il bondit au sol, y ramassa quelque chose ressemblant à une vieille noisette à demi-enterrée et disparut dans les hauteurs du sorbier. Un coassement se fit entendre, et un couple de grenouilles plongea dans l'eau claire de la source. Le ruisseau qui s'en écoulait semblait particulièrement poissonneux, mais disparaissait rapidement sous des taillis trop touffus.

[Kasumi]

Se sentant parfaitement serein et donc en adéquation avec ce lieu enchanteur, le rôdeur se releva doucement et entreprit de remonter le cours du ruisseau pur : après tout, il fallait bien commencer quelque part pour rechercher le meilleur emplacement pour le gland confié par Celd. Mais mieux valait prendre toute la mesure de la zone avant de se lancer au hasard.

[Voyageuse]

Le ruisseau jaillissait sous les racines du sorbier, et il était impossible de remonter plus loin : qu'il s'agisse véritablement de la source primaire ou d'une résurgence d'un cours d'eau partiellement souterrain, rien n'était apparent en amont de la fontaine. Descendre le ruisseau s'avéra presque aussi problématique : il courait sur quelques toises dans la clairière, puis disparaissait, au sud-est, sous une véritable barrière de buis, épaisses de plusieurs mètres, que nul sentier ne permettait de pénétrer. Cette barrière végétale entourait la clairière entière, la protégeant des regards et des intrus : le seul accès qu'il trouva était la sente par laquelle il était arrivé, au sud-ouest du lieu. Bien sûr, il pouvait tenter de suivre le ruisseau, il avait suffisamment d'expérience pour traverser le plus épais des taillis ; mais l'endroit ne convenait visiblement pas à l'implantation du chêne. Il pouvait éventuellement voir plus loin, si la végétation se clairsemait. Il pouvait aussi choisir de le planter dans la clairière, où il aurait toute la lumière dont il avait besoin.

[Kasumi]

Le demi-elfe passa du temps à examiner le pourtour de la clairière pour vérifier que les buis formaient effectivement une barrière protectrice et infranchissable complète : ce serait indéniablement un atout le temps que le chêne pousse suffisamment pour ne plus être sous la menace des Malarites ou même d'animaux sauvages. Et plus il y pensait, plus cette clairière enchanteresse semblait réunir toutes les conditions pour que la pousse prospère : il y avait de l'eau pure et en abondance et la luminosité lui semblait - à première vue - idéale.

Il arpenta la clairière - de longues minutes durant - pour le simple plaisir de s'imprégner de la sérénité qui s'en dégageait. Après la noirceur qu'il avait vu à l'œuvre lors des derniers jours, c'était indéniablement une bouffée d'oxygène qui ravivait sa foi et l'espoir de réussir la mission de confiance qu'on lui avait confiée.

[Voyageuse]

Si les buis étaient un obstacle suffisants pour dissuader les animaux de grande taille, il en allait autrement des rongeurs et autres petit gibier qui pouvaient aisément se glisser sous les arbustes. Le rôdeur découvrit entre autres des traces de lièvres, de mulots et campagnols, de blaireau, et autres petits animaux fouisseurs. Il reconnut même les traces d'un renard. Il y avait plusieurs départs de terriers à la lisière des arbres, d'autres près du ruisseau, et à bien y réfléchir, même ces petits animaux pouvaient se révéler un danger pour le gland en germination : il constituait pour eux une nourriture potentielle. Tant qu'il ne serait pas devenu une pousse de quelques dizaines de centimètres au moins, le chêne serait sans doute vulnérable.
Mais c'était incontestablement l'endroit idéal pour le planter.

[Kasumi]

Le demi-elfe ne s'inquiétait pas de la présence des petits animaux : c'était même un nouveau symbole que cette clairière était un refuge sûr et donc idéal pour la jeune pousse. En revanche, il ne prendrait pas d'initiative potentiellement malheureuse sans avoir consulté l'avis de Sylvia et sans doute aussi celui d'Hortense. Peut-être lui fournirait-elle d'autres conseils sur la manière de protéger le gland contre les prédateurs. Une petite cage en bois ou en acier ferait peut-être l'affaire... En plus d'une surveillance quasiment constante qui ne plairait certainement pas à sa compagne.

[Voyageuse]

La sérénité du lieu invitait à s'y attarder. Mais le temps passait, insensiblement. Le soleil commençait à décliner, même si la chaleur était toujours aussi moite. Le ciel se voilait légèrement et il faisait lourd, annonçant peut-être des orages en soirée. A lk'horizon, des nuages montaient.
Kasumi estimait se trouver à près de trois heures de Peyregorde. Il avait largement le temps d'arriver, pour une fois, avant la nuit, à moins qu'il n'ait d'autres tâches auxquelles se consacrer auparavant.

[Kasumi]

Kasumi comptait bien rentrer plus tôt pour une fois : il avait grand hâte de partager sa découverte avec Sylvia après tout ! Il se dirigea donc sans tarder vers l'étroite sente avec l'intention - une fois qu'il en serait sorti - de dissimuler au mieux ses traces pour ne pas risquer de révéler le chemin de la clairière à des pisteurs mal intentionnés.

[Voyageuse]

La sente lui parut moins étroite que dans son souvenir, comme s'il était plus facile de sortir de la clairière que d'y entrer. Il franchit l'épaisse muraille de buis et zigzagant entre les troncs, se courbant pour passer sous les branches, contournant un chêne vert ou un orme. Le ruisseau courait, invisible, mais assez proche pour qu'il l'entende. Et puis, d'un coup, il quitta le buis pour se retrouver dans le sous-bois qu'il avait traversé, tout aussi dense et difficilement pénétrable. Mais au-dessus de ces arbustes et taillis qui gênaient sa progression, il voyait clairement quelques troncs anciens s'élevant jusqu'au ciel. Il était dans une partie de la forêt particulièrement ancienne, même si elle avait été depuis envahie depuis par les ronces et les broussailles. Il y vit des traces d'animaux plus gros, un sanglier notamment, qui avait suivi la même sente que lui sur quelques mètres.
Puis, à nouveau, le chemin s'enfonça dans les buis...

[Voyageuse]

Il lui fallut, comme la fois précédente, progresser au milieu de buis épais, se faufilant en suivant la sente quasiment invisible, avant de parvenir à la source au pied du sorbier. La clairière était telle qu'il l'avait laissée : paisible, accueillante, l'atmosphère bruissant du doux murmure du ruisseau s'écoulant de la source et partant sur sa droite. La sérénité du lieu était totale. Magique.

[Kasumi]

Kasumi se contenta tout d'abord de rester près de la barrière végétale et ferma les yeux pour mieux s'imprégner de cette atmosphère, humer les senteurs naturelles, écouter les bruits paisibles. Puis, il choisit de retirer ses bottes de sorte à sentir l'herbe et l'humus sous la plante de ses pieds, comme si piétiner un lieu pareil était un sacrilège.

Il gambada ensuite un moment, se promenant près de la source, à proximité de laquelle il faudrait planter le gland pour qu'il ne manque jamais d'eau même pendant la saison sèche. Cela laissait tout de même bien des possibilités et il s'intéressa à tous les endroits dégagés où la croissance du chêne ne serait pas gênée ou ne nuirait à la végétation déjà en place. Enfin, il inspecterait chaque lieu propice en s'attardant sur la qualité du sol : ni trop pierreux, ni trop spongieux...

[Voyageuse]

Le sol de la clairière était en partie recouvert d'humus épais, issu de la décomposition des feuilles tombant des arbres alentours. Au centre, un épais tapis d'herbe tendre poussait, et au fur et à mesure qu'on s'approchait des buis qui l'entouraient, elle laissait place à des touffes clairsemées et des herbes plus sèches. Partout, les fleurs rivalisaient d'éclat pour attirer papillons et autres insectes pollinisateurs.
Clairement, le centre de la clairière était l'endroit le plus ensoleillé. Peut-être trop ? Sans doute valait-il mieux protéger l'arbuste des ardeurs du soleil de l'après-midi, en choisissant de le planter plus près du pourtour de la clairière, à l'ouest. Pas trop loin du ruisseau pour bénéficier de son humidité - mais pas trop près pour ne pas risquer qu'il soit noyé par un débit trop important au printemps. Et suffisamment loin du sorbier et surtout du saule pour ne pas être gêné par leur ombre, ni souffrir de leur concurrence au niveau des nutriments et de l'eau du sol.
L'endroit idéal, finalement, se trouvait être une zone de forme allongée, de plusieurs mètres carrés, longeant à distance la barrière ouest de buis, à sa gauche.

[Kasumi]

Le demi-elfe avait perdu la notion du temps mais il avait sans doute mis plusieurs heures avant de trouver cet endroit qu'il examinait maintenant avec une grande attention. Assuré en son fort intérieur qu'il s'agissait du choix le plus logique, il s'assit en tailleur au centre de la zone allongée et se mit à prier en espérant recevoir l'approbation de Dame nature et la confirmation de ce qu'il pressentait.

[Voyageuse]

La prière, en ce lieu dont il sentait émaner une certaine forme d'énergie divine, peut-être plus ancestrale que celle dont les clercs se servaient pour leurs sorts, était étonnamment facile. Il avait la certitude -peut-être fausse- d'être écouté et entendu. Et il priait avec plus de ferveur, plus de conviction. La Dame l'entendait, la Dame allait le guider, lui dire où il devait planter le gland.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il ne s'était rien produit de spectaculaire. Mais il avait la sensation, pourtant que quelque chose avait changé. Quelque chose qui venait du sol. Le tapis d'herbe était pourtant toujours là, plutôt clairsemé sur ce secteur partiellement ombragé. Mais la terre... et bien, la terre paraissait plus sombre, plus meuble, comme si elle avait été fraîchement labourée. Et l'épicentre du phénomène n'était pas l'endroit où il s'était tenu pour prier ; c'était un tout petit peu plus loin, à l'extrémité nord de la zone qu'il avait repérée, un peu plus près de la source et des autres arbres de la clairière.

[Kasumi]

Le rôdeur contempla ce petit miracle sans trop oser y croire. Et pourtant les signes ne trompaient pas et sa raison venait appuyer ce qu'il ressentait avec d'autres sens. Oui, c'était définitivement bien là que se situait l'endroit idéal. Et c'était donc là qu'il reviendrait le lendemain matin pour y semer son si précieux gland.

Le cœur battant d'impatience, le demi-elfe n'en perdit pas pour autant son esprit pratique d'autant qu'il lui restait plusieurs heures à mettre à profit. Il entreprit donc de repérer tout ce qui serait utile à pour l'aider lors de sa longue veille sans pour autant mettre en péril l'équilibre naturel qui perdurait ici. L'eau ne poserait aucun problème et le couchage non plus avec tout cet humus d'apparence confortable. Il devrait malgré tout penser à emporter une couverture pour les nuits fraîches. Ne resterait en fait que le problème de la nourriture et de l'hygiène. Il chercha donc la présence de buissons à baies comestibles qui pourraient compléter ses repas : il serait bien sûr hors de question de se mettre à chasser dans ce sanctuaire mais il pouvait certainement emporter de Peyregorde de quoi tenir plusieurs jours voire une veille entière en autarcie.

[Voyageuse]

Il y avait quelques feuilles de pissenlit et autres salades sauvages au coeur de la clairière, et il découvrit quelques fraises des bois poussant à l'ombre des buis, mais dut s'enfoncer à travers la barrière végétale pour trouver davantage : il y avait un pommier sauvage non loin, un néflier également, mais leurs fruits n'étaient pas suffisamment murs. Il finit par trouver un prunier sauvage, cependant. Et quelques tubercules, dans une autre clairière à proximité. Le ruisseau était poissonneux, même si ses abords en rendaient l'accès difficile -mais pas impossible. Et il lui suffirait de quitter l'abri des murailles végétales pour pouvoir chasser le petit gibier qu'il devinait abondant dans ce secteur éloigné des habitations humaines. La nourriture ne serait donc pas un réel problème, pourvu qu'il emmène en quantité suffisante les denrées qu'il ne pouvait pas espérer trouver dans les bois.

[Kasumi]

Satisfait de ces observations et bien décidé à ne prélever que le strict nécessaire, surtout à si grande proximité du lieu où il entendait refonder un sanctuaire, Kasumi décida que le moment était venu de s'en retourner vers Peyregorde : il aurait ainsi tout le temps nécessaire pour réunir ce qu'il pensait lui manquer et surtout pour profiter des dernières heures en compagnie de Sylvia avant longtemps. Mine de rien, il appréhendait de se retrouver ainsi complètement seul, chose qui ne lui était plus arrivé depuis bien des mois en y réfléchissant...

[Voyageuse]

Durant ses recherches, il avait un peu dévié vers le nord, et il coupa à travers une zone qu'il ne connaissait pas encore. Les arbres par ici étaient immenses, pluricentenaires voire millénaires, parsemés par endroit de zones de buis dense et de chênes verts en guise de sous-bois. Plus loin vers l'ouest se trouvait un autre petit bief, ressemblant un peu à celui qu'il venait de quitter. Le sanctuaire qu'il allait fonder ne serait pas facile à trouver pour qui n'en connaissait pas l'emplacement exact. Et c'était très bien ainsi.
Le soleil déclinait lentement, et ce n'est qu'en fin d'après-midi qu'il atteignit Peyregorde.

HRP : je te laisse poster là-bas ?

[Voyageuse]

La source était telle qu'il l'avait laissée, jaillissant dans son petit bassin de pierre au pied du grand sorbier. Il fut accueilli par les trilles des oiseaux qui ne semblaient guère s'émouvoir de sa présence. La paix était totale en ce lieu, et tous les êtres vivants paraissaient en avoir conscience.
Il put pique-niquer au bord du ruisseau sans que nul ne le dérange. C'était le genre d'endroit où l'on se sent seul au monde, loin de toute civilisation humaine. Il pourrait certainement s'installer un couchage à l'intérieur même du taillis de buis, dont les banchages serrés le protégeraient des petites averses. Il y avait un peu de bois mort, mais pas de grosses branches pour se construire un véritable abri. Il découvrit heureusement que Sylvia lui avait laissé une toile qu'il pourrait tendre au-dessus de sa tête.

[Kasumi]

En premier lieu, il avait récompensé le faucon en lui donnant quelques lamelles de viande crue puis l'avait laissé libre de reprendre son envol : c'est ici qu'il s'installerait et Vif-Argent avait sans doute besoin de prendre des repères avant de rejoindre sa maîtresse. Et s'il lui fallait trois heures pour atteindre la clairière à pied, nul doute que le faucon pouvait parcourir la distance jusqu'à Peyregorde en à peine quelques dizaines de minutes.

En tous cas, le rôdeur prit le temps de se restaurer puis se contenta de fixer la toile à un buis en guise d'abri : l'endroit semblait à la fois abrité des pluies mais aussi du soleil pendant les plus grosses chaleurs de la journée. Et s'il avait trop froid durant la nuit, il pourrait facilement y pallier avec une couverture.

Son installation le mena en fin d'après-midi alors que les ombres s'allongeaient sur le pourtour de la clairière et autour de ses plus grands arbres : il sentait, au fon de lui, le moment d'agir. Il tira donc de son sac le petit sachet qui contenait le gland puis se rendit à l'endroit qu'il avait repéré la veille pour entamer une longue prière, yeux fermés.

[Voyageuse]

Il pria longuement, pleinement concentré. Il ne se passait rien autour de lui, pourtant il avait la conviction d'être entendu. Les mots lui venaient sans efforts, comme s'ils préexistaient quelque part au fond de son coeur. Il avait la sensation qu'une présence bienveillante et fantastique l'écoutait, qu'elle était là, toute proche, et qu'il lui suffirait de tendre le bras pour entrer en contact avec elle... ou plutôt de tendre son esprit, d'une façon qu'il ignorait totalement. C'était presque frustrant, de sentir cet immense pouvoir juste à la lisière de son esprit, et de pouvoir à peine l'effleurer.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, rien n'avait changé autour de lui. Rien, au premier regard. Il lui sembla pourtant que les oiseaux avaient cessé de chanter, et qu'ils attendaient.

[Kasumi]

La sensation de plénitude qui avait été à sa portée était tellement grisante qu'il aspirait à l'expérimenter à nouveau mais il savait ce que sa déesse attendait de lui. Alors, il plongea ses deux mains dans le sol meuble pour y creuser un berceau, sentant la terre humide et pleine de nutriments sous ses doigts.

Il sortit ensuite le gland de son sachet et le contempla un instant avec révérence avant de le poser délicatement au fond du trou. Puis, il prononça de nouvelles prières à voix haute tout en rebouchant le trou, poignée après poignée. Les mots rendant hommage à la Dame des forêts et lui recommandant de bénir le gland pour veiller à sa croissance venaient tous seuls, sans qu'il ne les aient jamais entendus prononcés. Il ne savait plus vraiment s'il communiquait en commun, en elfique ou peut-être en un savant mélange des deux.

[Voyageuse]

Lorsqu'il reprit pied dans la réalité, le soleil se couchait, quelque part à l'ouest. Un grand faucon blanc l'observait, tête penchée, perché sur une branche de l'orme. C'était Vif-Argent, envoyé probablement par sa maîtresse. Les oiseaux avaient repris leurs chants, différents de ceux de la journée puisqu'ils saluaient le crépuscule et non la lumière.
Au sol, juste devant lui, un tout petit monticule marquait l'endroit où il avait planté le gland. Un monticule ordinaire, qu'il faudrait arroser régulièrement et surveiller.

[Kasumi]

Le rôdeur sourit en reconnaissant Vif-Argent, comme s'il pouvait par son lien remonter à sa maîtresse et le lui adresser directement. Il se sentait un peu absent, comme si l'expérience mystique lui faisait voir son environnement différemment.

Mais il avait suffisamment repris pied dans la réalité pour agir consciemment : il commença donc par vider sa gourde sur le monticule pour qu'il soit bien hydraté toute la nuit puis il se releva et s'éloigna en direction du ruisseau pour la remplir à nouveau. Il devrait alors songer à se nourrir lui-même puis à veiller un peu avant de dormir : l'endroit était décidément magnifique et l'absence de Sylvia à ses côtés n'en semblait que plus douloureuse.

[Voyageuse]

Vif-argent vint se poser sur une branche près de lui, et il aperçut quelque chose de blanc accroché à sa patte. C'était un message, plié et glissé dans une petite bague.

" Prend soin de toi mon amour. Et donne-moi des nouvelles par Vif-Argent. Je te l'enverrai de temps en temps. Je t'aime..."

Le papier, minuscule, ne permettait pas de faire de longs discours.

[Kasumi]

Kasumi laissa aussitôt tomber la préparation de son repas pour sortir une plume et de l'encre et rédiger à son tour un cours message au dos de celui de Sylvia :

Tu me manques déjà mon amour ! J'ai planté le gland et j'ai hâte de t'emmener ici pour profiter de la clairière avec moi.

Il souffla sur l'encre humide avant de remettre précautionneusement le papier dans la bague de Vif-Argent et lui donna à nouveau une petite récompense avant qu'il ne s'envole.