[Lieu] Le Belvédère du Parc verdoyant

[Galathée]

Il croisa les bras, se redressant quelque peu, et l'observa.
" Je m'excuse de vous avoir traitée de courtisane. Mais avouez que... c'est un peu bizarre de se faire aborder dans la rue par une inconnue qui veut connaître votre nom."
Un sourire léger parut sur ses lèvres.
" Je vous dis mon nom si vous me dites le vôtre."

[Chandara]

Ce sourire était - de son point de vue - une première petite victoire et elle se sentit sourire en répondant d'un ton un peu amusé par sa demande :

- Vous êtes tout excusé ! Et me demander mon nom est de bonne guerre j'imagine : je m'appelle Chandara.

[Galathée]

" C'est pas d'ici, ça." remarqua le jeune homme.
Il dégagea la main qu'il avait gardée sur son genou et la lui tendit.
" Colin. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi vous vous êtes arrêtée."
Un profond soupir s'échappa de sa poitrine.
" Vous ne seriez pas une copine de Maora, par hasard ?"

[Chandara]

Chandara serra la main tendue avec un nouveau sourire bienveillant et satisfait : elle pouvait maintenant mettre un nom sur le visage du jeune-homme et celui-ci semblait enclin à poursuivre leur conversation, même si elle lui semblait étrange :

- Je suis enchantée de vous connaître, Colin. Mais je ne connais aucune Maora, non, désolée. Qui est-elle ?

Elle soupçonnait que la dénommée Maora soit la cause de son chagrin mais elle ne voulait surtout pas donner l'impression d'être trop curieuse et ainsi gâcher ses efforts pour établir un contact amical.

[Galathée]

Il haussa les épaules et reporta son regard sur la rue.
" C'est ma soeur. Elle aurait bien été du genre à m'envoyer une copine."
Il soupira.
" Mais vous êtes trop bien sapée pour être de sa clique, j'aurais dû m'en rendre compte tout de suite."

[Chandara]

Bon, elle s'était trompée sur ce point mais cela n'avait, au fond, aucune conséquence :

- Personne ne m'a envoyé : je ne faisais que passer dans la rue quand je vous ai vu. Et comme vous n'aviez pas l'air bien, j'ai pris sur moi de venir vous parler. Mais dites-moi pourquoi votre sœur vous aurait envoyé une amie ? Pour vous remonter le moral ?

[Galathée]

Il renifla et passa une main sur son visage, comme pour se donner meilleure mine.
" Ma soeur, bah... Elle essaie toujours de me caser avec une de ses copines... Chaque veille, elle en a une différente à me présenter... Mais aucune ne me plait parce que..."
Des trémolos avaient fait leur réapparition dans sa voix.
" Parce que..."
Il éclata à nouveau en sanglots douloureux et sonores, attirant une nouvelle fois l'attention des badauds, qui paraissaient inquiets, gênés ou curieux... voire un peu des trois.

[Chandara]

Chandara se mordit les lèvres, soucieuse d'avoir pu provoquer cette réaction violente par ses questions. Mais, au fond d'elle, elle savait que c'était en quelque sorte un mal nécessaire : Colin avait une douleur qu'il avait besoin d'exprimer. Même face à une inconnue comme elle : c'est bien pour cette raison qu'elle l'avait approché après tout. Alors, ne sachant pas vraiment quoi faire d'autre, elle posa simplement une main sur son épaule et répondit d'un ton apaisant :

- Allons, prenez votre temps... Vous pouvez me dire ce qui ne va pas...

[Galathée]

Il mit un certain temps à se reprendre, mais finit par parvenir à contrôler ses pleurs.
" Je suis amoureux de la mauvaise personne... souffla-t-il. Ou plutôt de la bonne personne mais dans la mauvaise situation... Et maintenant... maintenant tout est fichu !"
Il renifla avec bruit.
" Tout est fichu. La vie est fichue. Je suis fichu. Je n'existe même plus. Je vais errer... à tout jamais... sans pouvoir... jamais..."
Et ses larmes revinrent avec plus de vigueur encore que quelques minutes auparavant.

[Chandara]

Ainsi c'est bien d'une peine de cœur dont Colin souffrait... Chandara en fut désolée pour lui et se demanda si ce n'était pas cela qui l'avait attiré vers lui, tout compte fait. En tous cas, elle ne pouvait pas rester inactive et indifférente face à une telle détresse. Mais, dans son état actuel, le jeune-homme ne semblait pas très réceptif aussi s'efforça-t-elle de chercher à le calmer à nouveau, par une pression sur son épaule, par un ton calme et apaisant qu'elle ne se connaissait pas :

- Allons, allons. Pourquoi tout serait fichu : qui est cette personne dont vous êtes amoureux ?

[Galathée]

" Victoria ! Oh Victoria !" répondit-il simplement avant de s'écrouler en pleurs, à nouveau.
Une fenêtre s'ouvrit sur leur droite et une femme s'encadra dans l'embrasure, de méchante humeur.
" Hé ! Vous pouvez pas aller vous répandre ailleurs !? C'est pas le mur des lamentations, ici, bon sang ! Ouste ! Sinon j'appelle la garde ! Mon porche, c'est pas votre chambre à coucher !"

[Chandara]

Voilà que la situation menaçait de devenir délicate : non seulement l'état de Colin ne faisait manifestement qu'empirer mais voilà que les voisins se mêlaient de compliquer l'affaire ! Chandara se détourna juste un instant du jeune-homme pour répondre avec diplomatie à la riveraine :

- Laissez-nous juste un instant, s'il vous plait, et nous allons libérer votre porche...

C'était peut-être un peu optimiste, surtout qu'elle n'avait aucune intention de brusquer le jeune-homme, mais elle espéra avoir gagné un peu de temps :

- Allons, allons, pourquoi pensez-vous que votre amour pour Victoria est voué à l'échec ? Est-elle déjà engagée ?

C'était à double tranchant : l'amener à se livrer davantage était sans doute risqué vu son état émotionnel mais elle avait besoin de comprendre pour peut-être parvenir à lui donner un conseil ou l'amener à relativiser sa situation.

[Galathée]

" Elle se marie... dans... dans une heure !" s'exclama-t-il.
Il se leva brusquement.
" Dans une heure ! Dieux ! Dans une heure ! Je dois... je dois... me jeter dans les eaux du port !"
Et il en prit aussitôt la direction, au pas de course.

[Chandara]

Voilà qui semblait en effet terrible et définitif... Mais Chandara n'eut pas du tout le loisir de mesurer la situation et de chercher à savoir si cette Victoria se mariait par amour, si elle connaissait les sentiments de Colin ou d'autres considérations du même acabit. Non, elle ne prit que le temps de bondir sur ses pieds pour se précipiter à la suite du soupirant désespéré, bénissant les dieux d'avoir choisi une tenue lui permettant de courir.

- Attendez Colin ! Vous ne pouvez pas faire ça !

Il fallait qu'elle parvienne à l'arrêter. A le raisonner. Peut-être n'était-il pas trop tard. Dans tous les cas, un jeune-homme aussi passionné méritait de trouver l'amour et elle se devait de l'aider, d'une manière ou d'une autre.

[Galathée]

Quête : Un autre appel

Arrivant de la commanderie, Chandara rallia rapidement le belvédère du parc verdoyant. C'était un coin de Luménis qu'elle commençait à bien connaître, mine de rien. Comme il faisait beau, il y avait encore de l'animation dans les allées du parc : des marchands ambulants, des artistes de rue, et bien sûr mille promeneurs. Des torches diffusaient une clarté agréable et des odeurs de nourriture flottaient dans l'air. La garde luménienne circulait, discrète mais omniprésente, pour s'assurer que les citoyens puissent profiter de cette belle soirée d'été sans soucis.
Personne ne prêta attention à la jeune femme qui marchait rapidement.
Le Belvédère n'était pas désert : il s'y trouvait quatre personnes... Un couple qui s'embrassait sur un banc, derrière la statue d'une jeune femme à moitié vêtue, un homme d'un certain âge qui observait les sculptures avec une grimace interloquée sur les traits, et une jeune elfe qui semblait cueillir des plantes. Hormis eux, rien ni personne.

[Chandara]

Chandara n’avait guère prêté attention aux promeneurs et avait à peine jeté plus d’un regard hésitant en direction des gardes : cet endroit qui lui avait semblé si accueillant lors de ses précédents passages semblait soudain bien plus périlleux. Un endroit où tout le monde pouvait être suspect, où ses gestes étaient probablement épiés. C’est cette pensée qui la dissuada de s’approcher des hommes en uniforme…

Mais en arrivant à proximité du belvédère, les derniers espoirs qu’elle nourrissait pour qu’il ne s’agisse que d’une très mauvaise plaisanterie s’évanouirent en un instant. A la place prit place l’angoisse d’avoir trop tardé ou d’avoir fait échouer ses chances de revoir Arthur en venant armée au rendez-vous.

Serrant dans sa main son arme qui semblait soudain si désuète et si déplacée, elle fit quelques pas nerveux vers un banc tout proche, sentant que ses jambes risquaient de ne plus la porter d’un instant à l’autre. Qu’avait-on fait de son Arthur ? Que voulait-on d’elle ?

[Galathée]

Si les promeneurs déjà présents lui prêtèrent quelque attention, ce fut pour s'étonner de la présence de son gigantesque marteau... Le jeune couple s'en fut d'ailleurs précipitamment et l'homme qui regardait les statues la dévisagea avec une méfiance explicite, se demandant sans doute si elle avait l'intention de fracasser l'une ou l'autre des oeuvres d'art du Belvédère. L'elfe qui ramassait les plantes finit par s'approcher, de son côté.
" Vous êtes Chandara de Manost ?" demanda-t-elle.

[Chandara]

Des quelques personnes présentes, l'elfe était certainement la personne qu'elle aurait soupçonné en dernier, signe que ses sens étaient décidément émoussés et qu'elle ne s'en laissait que plus aisément berner par les dehors attachants et accueillants de cette ville étrangère... Une ville aussi dangereuse et sombre que Manost à la lumière des récents événements dont elle prenait douloureusement conscience.

Quand l'elfe l'aborda, l'abattement et l'angoisse laissèrent la place à un sentiment tout aussi dangereux sinon plus : Chandara lui adressa un regard perçant, évaluant la menace qu'elle était susceptible de représenter et répondit d'une voix glaciale :

- Je suis Chandara. Et vous-même ? Non, je m'en moque en fait de savoir qui vous êtes. Où est Arthur ?

[Galathée]

L'elfe parut décontenancée.
" Heu... Je ne connais pas d'Arthur. On m'a juste demandé de vous remettre ça..." fit l'elfe, manifestement effrayée par la réponse de la paladine.
Elle lui tendit un petit paquet, un peu tremblante. C'était un carré de tissu clair, difficile de juger de sa couleur dans la pénombre. Il y avait des taches plus sombres dessus, comme des gouttes d'un liquide qui aurait séché. Et un carré de parchemin, pas plus grand qu'une demi-paume.

[Chandara]

Au travers des brumes de sa colère, Chandara comprit qu’elle n’avait affaire qu’à une intermédiaire qui ne savait sans doute pas dans quoi elle s’était impliquée. Elle s’empara du petit paquet et elle redouta aussitôt ce qu’elle allait y trouver, une idée tenace se frayant déjà un chemin pour lui nouer les tripes. Mais avant de libérer l’elfe, elle la pressa de questions, d’un ton moins glacial toutefois mais beaucoup plus inquiet :

- Qui vous a donné ça ? Et où ? Une vie est en jeu !

Par la déesse, dans quoi s’était impliqué Arthur et que lui avait-on fait subir !

[Galathée]

" Heu. Un homme. Mais il portait une sorte de capuchon... Avec une belle voix."
L'elfe grimaça en voyant l'expression de la jeune femme.
" Vous savez, c'est de la confiture de fraise, les taches. Vous sentez ?"

[Chandara]

Chandara en resta quelques instants à la description qui ne l'aiderait très certainement pas à retrouver le ravisseur d'Arthur. Elle s'y était attendu évidemment mais elle n'arrivait tout simplement pas à penser droit, rongée qu'elle était par l'inquiétude et la vision du paquet macabre.

Le paquet... De la confiture de fraise... Que racontait donc cette elfe ? Trouvait-elle amusant de se jouer d'elle en un moment pareil ! Mais quelque-chose dans son ton la rassura suffisamment pour qu'elle penche son nez sur le paquet et qu'elle l'ouvre, une boule au ventre en anticipant ce qui allait s'y trouver.

[Galathée]

C'était un morceau de chemise déchiré. Peut-être la chemise d'Arthur... peut-être pas. Et l'elfe disait vrai : les taches qui le maculaient étaient légèrement collantes et sentaient la fraise. Le paquet ne contenait rien d'autre que le morceau de parchemin. Dessus, il était écrit :

Rendez-vous aux serres de Maztica !

Le point sur le i de Maztica était en forme de coeur.

[Chandara]

La dorrandine ne s'était certainement pas attendue à... ça. Elle demeura circonspecte un moment sinon stupéfaite et tourna et retourna le morceau de tissu entre les doigts d'une main dont elle ne parvenait pas à contenir tout à fait les tremblements. De soulagement de n'y avoir pas trouvé autre chose ? D'étonnement devant l'étrange tournure du mot qui l'accompagnait ? De fureur devant ce qui apparaissait comme un pied de nez ? Elle même n'aurait su le dire ce qui ne faisait que renforcer son agitation.

Les serres de Maztica ? Par quel fiélon devait-elle se rendre là-bas ? Un lieu isolé assurément... Mais avait-elle le choix ? Elle redressa légèrement la tête, tournant un regard un peu plus résolu qu'angoissé vers l'elfe :

- Je... Je m'excuse pour mon ton de tout à l'heure alors que vous n'y êtes pour rien dans cette affaire. Je... Passez une bonne soirée !

Puis, honteuse et plus perturbée que jamais, elle entreprit de se diriger à grands pas dans la direction demandée, se souvenant parfaitement d'où se trouvaient les serres qui avaient marquées ses retrouvailles avec Arthur.

[Galathée]

L'elfe lui sourit, embarrassée, et peut-être soulagée de voir partir cette grande femme armée d'un marteau géant sans avoir pris un mauvais coup. Chandara redescendit donc du belvédère, et se mêla à la foule qui circulait dans les allées, avant de partir dans la direction demandée, au travers du Parc Verdoyant. Comme elle l'avait supposé, il y avait effectivement peu de passage dans cette partie des jardins, et aucune lumière. A l'exception d'une torche isolée, plantée dans le sol, à une trentaine de mètres, juste dans l'ombre de la serre qui marquait l'entrée de la curieuse exposition.

[Chandara]

Circonspecte et prudente, Chandara prit le temps de scruter les ombres autour de la serre pour vérifier que personne ne s'y tenait à l'affût. Puis, impatiente malgré tout, elle porta ses pas dans la seule direction logique, entrant dans le cercle de lumière ménagé par la torche. La boule d'angoisse qu'elle avait au ventre avait eu le temps de s'atténuer sinon se dissiper lors de ses pérégrinations parmi les promeneurs tardifs du parc.

Une fois rendue sur place, elle se tourna en tous sens pour chercher à détecter qui l'avait attirée en ce lieu incongru et chargé de mystères.

[Galathée]

Il y avait un sac en toile de jute au pied de la torche. Et dans le sac, il y avait une tenue de soie verte, dont le type était difficile à déterminer. Le tissu était magnifique, brodé de dessins plus clairs, abstraits, mais la manière dont on l'enfilait, et ce qu'il couvrait, n'étaient pas évidents au premier abord. Il y avait aussi un nouveau morceau de parchemin :

Fais-toi belle si tu veux le revoir !

ps. Tu peux te changer derrière les serres, personne ne te regardera (ou presque).

[Chandara]

Seulement quelques minutes plus tôt elle était rongée par l'angoisse que son ami ait pu être aux mains d'infâmes personnages. Des Loviates aux Sharites, tous avaient assombri son imagination depuis qu'elle avait reçu le premier mot dans la cour de la commanderie. Mais à présent, elle émettait de sérieux doutes sur l'identité des ravisseurs et sur cet étrange jeu de piste qui ne manquait pas de l'intriguer.

Elle esquissa un sourire mi figue mi raisin en lisant la fin du mot laissé à son attention mais le tissu et les motifs de la tenue qu'on lui avait réservée étaient décidément stupéfiants. Sa curiosité étant piquée, elle décida de jouer le jeu. En partie en tous cas car elle décida de se changer sur place et non derrière la serre : elle portait de toute façon des sous-vêtements sous sa tenue d'été et si elle pouvait déstabiliser un rien ceux l'ayant entraîné ici, elle n'allait pas s'en priver !

Qu'allait donc donner cette tenue qui était censée la rendre belle...

[Galathée]

La tenue nécessitait une bonne dose d'imagination dans la manière de la nouer, surtout si on voulait qu'elle dissimule ces fameux sous-vêtements. Chandara devait donc poser un certain nombre de choix, décider de cacher telle ou telle partie de son anatomie et d'en révéler une autre au passage. Quoi qu'elle fasse, la robe (si c'était une robe... difficile d'en juger) demeurerait relativement dévoilante...

[Chandara]

Chandara n'avait jamais vu tenue aussi indécente sans parler d'en enfiler une, évidemment. Elle dut rapidement se rendre à l'évidence : elle allait devoir abandonner ses sous-vêtements. Et comme elle allait devoir se retrouver nue pendant un instant, elle préféra tout de même regarder aux alentours pour vérifier qu'aucun promeneur ne s'attardait dans les parages.

Elle prit ensuite son courage à deux mains pour se délester promptement, prendre une profonde respiration pour tenter de calmer les battements affolés de son cœur et effectuer une nouvelle tentative.

Elle n'irait pas par quatre chemins : dévoiler ses épaules, une bonne partie de ses cuisses et même de son dos et de son ventre semblait incontournable si elle voulait dissimuler l'essentiel de sa féminité... Mais par la déesse, cette tenue semblait comporter moins de tissu que ses sous-vêtements et elle allait devoir se balader dehors avec... Au moins aurait-elle toujours son marteau pour se défendre !

En tous cas, elle ne manquait pas d'être de plus en plus intriguée et, chose étonnante alors qu'elle s'inquiétait encore pour Arthur, assez excitée et amusée par ce jeu étrange auquel on l'avait contrainte mais qu'elle commençait à appréhender sous un tour différent.