[Lieu] La maison carrée

[Elzen]

« Hum. Enchanté, Augustin. »

C'était surprenant, bien sûr ; mais pour autant qu'Elzen le sache, pouvoir ne pas se montrer était une des caractéristiques des fantômes. C'était peut-être un peu… sinistre, mais pas plausible. Pourquoi aurait-elle inventé cette histoire ? Quant à la possibilité qu'elle soit folle… elle l'était sans doute quelque peu, comme lui ; mais ce n'en était sans doute pas la cause.

« Tu n'as pas besoin de preuve, tu sais, je te crois sur parole ; mais je suppose que c'est ce que tu lui aurais demandé de toute façon. Je suis curieux de savoir ce qu'il va nous apprendre… »

Il faudrait sans doute un moment pour intégrer la nouvelle ; mais il avait déjà dû s'habituer à des nouvelles autrement plus perturbantes. Être tombé amoureux, par exemple.

« Et… il faut que je sois jaloux ? »

Le fantôme, s'il existait, avait assurément une relation privilégiée avec Chance – quelque chose dont le barde ne pourrait pas faire partie, si vraiment il n'y avait qu'elle à pouvoir le voir. Et ça, ce serait probablement peu agréable.

[Echo]

Chance haussa les sourcils, sincèrement surprise.

- Qu'est-ce que tu pourrais envier à un mort ?

Non seulement Augustin était mort, mais en plus il ne pouvait communiquer qu'avec elle, cela devait être frustrant. Étonnant d'ailleurs qu'il ne soit pas déjà devenu fou. Et puis, Elzen jaloux ? Elle paierait très cher pour voir ça.

Elle jeta un regard autour d'eux pour s'assurer que personne ne les regardait et franchit la distance qui les séparait d'un pas assuré, et visiblement amusée.

- Les fantômes ne peuvent pas faire ça, dit-elle en posant doucement ses lèvres sur les siennes.

La seconde d'après, elle reprit sa place initiale et l'observa comme si rien, absolument rien ne s'était passé.

- Hum, en fait, si. Tu pourrais être jaloux de son chapeau.

Mais elle imaginait fort mal qui que ce soit d'autre qu'Augustin porter ça.

[Elzen]

« Il ressemble à quoi, ce chapeau ? »

Elzen sourit, sans faire aucun commentaire sur le geste – hautement subversif, en ces lieux – que sa compagne venait d'effectuer.

« Sinon, je suppose qu'il peut au moins regarder sans être vu et partager ses remarques avec quelqu'un sans que les gens dont il parle n'en aient conscience. Tous les bardes rêvent de pouvoir faire ça de temps à autres. Bien sûr, ne pouvoir faire que ça, ça doit par contre être plutôt lassant… »

Il contemplait Chance d'un air amusé. Le pauvre Augustin n'avait, certes, pas les moyens de faire ce qu'elle venait de faire ; mais il avait tout de même des yeux. D'ailleurs…

« Au fait, rassure-moi… il n'est pas toujours dans le coin, si ? »

Dans certaines circonstances, cela pouvait être d'autant plus gênant.

[Echo]

- C'est un chapeau ordinaire, à chapeau à plumes. Très joli, très "bardique". Mais ne lui répète jamais ce que je viens de dire.

Elle s'était plusieurs fois moqué de son chapeau et des couleurs peu discrètes que le barde arborait constamment, mais dans le fond, elle l'aimait beaucoup. De son vivant, Augustin devait avoir l'habitude d'attirer l'attention sur lui, pas seulement parce que son métier l'exigeait mais parce qu'il adorait ça. Elle n'y avait jamais vraiment réfléchi mais être invisible aux yeux de tous était peut-être quelque chose qu'il vivait plus mal que ne l'aurait cru.

- Bien sûr qu'il est toujours dans le coin, répondit-elle à la dernière question du tieffelin sans vraiment réfléchir.

Ce n'est qu'après quelques secondes qu'elle commença à comprendre où il voulait vraiment en venir.

- Oh, tu veux dire... est-ce qu'il lui arrive de se rincer l’œil ? Ma foi, j'imagine que ça doit... lui arriver. Un peu ! De temps en temps ! Mais il me laisse un peu de vie privée aussi, le minimum vital pour que je ne devienne pas complètement folle.

Mais cette réponse était vraiment peu rassurante, elle en avait conscience, aussi ajouta t-elle :

- Il m'a expliqué qu'il ne pouvait pas s'éloigner de moi beaucoup plus qu'il ne le fait actuellement. Mais c'est suffisant pour qu'il ne soit pas omniprésent. Et non, il ne guette pas le moindre de mes faits et gestes. Il a même tendance à disparaître quand j'ai besoin de lui, vraiment énervant...

[Elzen]

« C'est cool, les chapeaux à plume. »

Le reste, en revanche…

« Tu sais, ça ne me dérange pas de te prendre dans mes bras devant une bande de manostiens offusqués – c'est même assez drôle pour valoir le coup d'être recommencé –, mais, pour ce qui est des choses un peu plus… privées, on va dire, je préférerais quand même que tu puisses l'envoyer se faire ne pas voir ailleurs, ton Augustin. »

Bien sûr, puisqu'il ne pouvait pas le voir, il était tout à fait envisageable de faire comme s'il ignorait son existence, mais… trop tard. Le barde y penserait vraisemblablement la prochaine fois que le contexte s'y prêterait.

[Echo]

- Je le ferai.

Dès que l'occasion se présentera. Si elle se présente un jour... Les moments de calme et propices à l'intimité s'étaient fait plutôt rares ces derniers temps. En fait, la dernière fois qu'une telle chose était arrivée, c'était dans cette maison au milieu de la forêt, une situation loin d'être idyllique pour autant. C'était aussi la dernière fois qu'elle avait dormi dans un vrai lit et mangé un vrai repas.

Elle soupira et n'ajouta pas un mot de plus. Le retour de son fantôme ne devrait de toute façon plus tarder, et avec lui les informations qu'elle attendait tant.

- Bouh !

Et quand on parlait du loup...

- Je crois avoir trouvé ce que tu cherches ! annonça t-il fièrement. Le journal est dans un tiroir à double fond, j'ai vu une vieille dame le prendre à une jeune fille. Elle n'avait pas l'air... dans son assiette.
- Une prisonnière ?
- Difficile à dire. Elle n'était pas vraiment en état de manifester sa volonté. Mais ils avaient l'air de vouloir la garder en vie. Ton commanditaire a bien dit qu'on lui avait volé des documents, non ? Peut-être qu'il s'agit de la voleuse en question... ou peut-être pas, pour ce que j'en sais.
- Combien ils sont là-dedans ?
- Une dizaine, tous avec cette jeune fille. Ils ont l'air inquiets. C'est du suicide d'y aller maintenant, si tu veux mon avis.
- Ça dépend, ce sont tous de vieilles dames ?
- Non...

La tieffeline soupira et se tourna vers Elzen qui pour le moment assistait simplement à une conversation à sens unique.

- Le journal est bien là-dedans. Augustin a vu une vieille dame le prendre à une femme mal en point et le cacher dans un tiroir.
- Elle s'appelle Luna, je crois qu'elle s'appelle Luna.
- Oui, une certaine Luna. Ils sont une dizaine autour d'elle. Augustin n'a pas réussi à me dire si elle était avec ou contre eux. Entrer là-dedans et prendre le journal sans se faire repérer semble un peu... compromis. Peut-être que ton idée d'aller simplement frapper à la porte est meilleure que la mienne. Ou peut-être qu'on ferait mieux de ne pas se mêler de cette histoire, quitter cette ville et se lancer dans la piraterie.

[Elzen]

Le tieffelin avait attendu patiemment la fin de la conversation semi-invisible. S'il avait pu lui rester quelques doutes au sujet d'Augustin, ceux-ci n'aurait pas résisté longtemps ; un tel auxiliaire, si fâcheuse soit sa présence, devait sans doute être très pratique pour quelqu'un qui exerçait le métier de sa compagne.

« La piraterie, hein ? »

L'idée en valait une autre, à deux détails près : d'une part, il doutait que la tieffeline ait jamais pris la mer, et, considérant ce qu'il savait de ses antécédents, n'aurait pas été surpris que le roulis ne lui convienne guère – il ne demandait qu'à se tromper sur ce point. D'autre part… comme elle l'avait dit, Ulysse, quoique désormais sous la protection de son père, n'était pour autant pas forcément complètement hors de danger.

« Pour ce qui est d'aller rencontrer cette charmante vieille dame… je peux trouver pas mal de raisons de toquer à leur porte, mais, dans cette fichue ville, je pense qu'une bonne moitié d'entre elles nous vaudraient de nous la faire claquer au nez, et que la plupart des autres pourraient même faire débarquer la maréchaussée. À ton avis, on tente d'être francs avec eux, pour voir ce que ça donne ? Ou bien est-ce qu'Augustin aurait des entendu des choses qui pourraient nous servir à improviser ? »

Si le fantôme avait bien été barde comme lui, ils avaient sans doute quelques possibilités d'être sur la même longueur d'onde sur ce point.

[Echo]

- Les gens là-dedans ne veulent pas attirer l'attention des autorités, ils sont plutôt du genre à régler leurs problèmes eux-mêmes. Si on frappe à leur porte et qu'ils n'apprécient pas ce qu'on a à leur dire, hum... je ne sais pas, ils pourraient trouver amusant de nous torturer, puis de nous tuer, mais certainement pas d'appeler la garde.
- Ouh, je vois qu'on est optimiste aujourd'hui.
- J'essaie simplement de nous préparer au pire des scénarios.
- Vous connaissez le nom de cette jeune fille, vous pourriez peut-être vous faire passer pour ses amis ? Elle n'est pas en état de vous dénoncer, de toute façon.
- On ne sait même pas si elle est des leurs ou non. A quoi bon se faire passer pour les amis de leur prisonnière ?
- Je suis sûr qu'elle est avec eux. Je suis sûr que c'est elle qui a volé le commanditaire de Floréal. Appelle ça... une intuition de fantôme. Improviser quelque chose ne devrait pas être si compliqué, n'est-ce pas ? Tu as passé trop de temps avec ces juges et ces avocats si tu ne te sens même plus capable de mentir un peu.

Peut-être. Peut-être que Manost était en train de la changer... Non, impossible !

En désespoir de cause, elle se tourna vers Elzen.

- Hum, je ne sais pas... je ne sais pas ce qu'on doit faire... La seule chose d'intéressant qu'Augustin a entendu est le nom de cette jeune fille. Il pense aussi que c'est elle qui a volé ce que cherche Floréal. Bon, inutile de te dire de prendre ces informations avec des pincettes, hein...
- Quel manque de confiance ! Ça valait vraiment la peine de m'envoyer là-bas !
- On fera comme tu veux. Et si ça se passe mal... je me charge de te sauver la vie. Ou quelque chose dans le ce goût-là.

[Elzen]

La conversation morcelée était quelque peu délicate à suivre ; mais au moins, la tieffeline ne se cachait-elle pas de l'avoir. C'était, quelque part, rassurant qu'elle ait eu suffisamment confiance en lui pour lui en parler. Mais ça n'aidait pas à entendre ce que disait le fantôme.

« On doit pouvoir se baser sur l'originalité de la maison. Après tout, nous sommes nouveaux en ville : nous pourrions aussi bien chercher à nous établir, et nous renseigner sur l'architecture locale. Cette maison-ci étant un peu particulière, ça justifie qu'on s'y intéresse. Bon, ce n'est pas vraiment ça, mais, c'est sans doute mieux que de tout dire dès le début… tu en dis quoi ? »

L'idéal serait sans doute de croiser des gens qui entreraient dans ou sortiraient de l'endroit. Mais quelque chose soufflait au tieffelin que ce genre d'événements devait être plutôt rare…

[Echo]

- Ils vont certainement nous claquer la porte au nez, mais ça vaut le coup d'essayer, oui.

Et est-ce que ça valait le coup de leur déballer toute la vérité dès le départ ? Peut-être, oui, mais ça impliquait de leur faire confiance, de croire sincèrement que les gens là-dedans pourraient les aider et surtout qu'ils auraient envie de le faire. Quelle prise de tête.

- Au moins, nous pourrons voir à qui nous avons affaire.

Libre à eux de décider de s'en faire des alliés par la suite. Une idée qui mettait Chance mal à l'aise, mais à défaut d'autres options...

- Allons-y.

[Elzen]

« Bon. Nous sommes donc deux nouveaux venus en ville, qui cherchent à s'établir dans le coin, et veulent donc se renseigner sur le quartier. Pour ce que je sais de Manost, ça ne m'étonnerait pas outre mesure qu'ils aient l'habitude que les hommes prennent les devants et que les femmes restent en retrait ; donc ne te sent pas obligée d'intervenir si tu n'en as pas envie. »

Et le barde de se diriger vers la maison, de l'air curieux du badaud qui découvre les lieux, cherchant des yeux toute fenêtre ou autre ouverture qui lui permettrait d'engager la conversation avec quelqu'un sans avoir à frapper à la porte – ce qu'il ferait, bien sûr, si, comme c'était vraisemblable, il ne trouvait pas d'autre moyen.

[Althéa]

Les portes et les fenêtres étaient hermétiquement closes. Vu de la rue, il ne semblait pas y avoir âme qui vive à l'intérieur des murs. Les habitants se faisaient discrets. Les verres qui calfeutraient les ouvertures étaient assez opaques pour que des yeux indiscrets ne puissent pas contempler l'intérieur.

Autour du barde, des passants indifférents vaquaient à leurs occupations. Mais aucun d'entre eux ne venait ni de sortait de la maison carrée.

[Elzen]

Leur histoire de visite, trouvée à la va-vite lui sembla soudain bien mauvaise : peu de chances qu'un simple visiteur amateur d'architecture ose frapper ainsi pour demander des informations – une maison aussi close l'en décourageait sans doute. Mais ils devaient établir contact, et demeurer à observer indéfiniment les murs inaccessibles n'aiderait en rien. Il improviserait ; il en avait l'habitude. Le tout était d'attirer l'attention des gens qui vivaient en ces lieux. Aussi, sans trop réfléchir à ce qu'il ferait ensuite, il se dirigea vers la porte – et frappa.

[Althéa]

Au départ, personne ne vint ouvrir. Puis Elzen entendit des petits pas glissant sur un carrelage puis le fer d'une multitude de verrou coulisser dans son loquet. Puis la porte s'ouvrit sur une vieille dame aussi voutée que replète qui le gratifia d'un regard néanmoins bienveillant mais quelque peu interrogateur.

"Bonjour. Que voulez-vous ?"

[Echo]

Les femmes restent en retrait ? Pas celles que j'ai croisées... Lorsqu'Elzen rencontrerait le juge Doyle, il se ferait sûrement une autre opinion des femmes manostiennes.

Chance choisit néanmoins de rester en retrait, non pas pour coller à l'idée que semblait se faire son compagnon sur l'ambiance de la ville mais parce qu'elle était curieuse de voir comment s'en tirerait ce dernier face à un exercice d'improvisation périlleux. Elle pourrait toujours intervenir si la discussion ne prenait pas le tour qu'elle espérait. Augustin avait peut-être raison en suggérant de mentionner le nom de Luna ; cela ne leur ouvrirait peut-être pas les portes de cette étrange bâtisse mais au moins avec ça ils étaient sûrs d'attirer l'attention de leurs interlocuteurs.

Dans tous les cas, c'était une bonne chose que ce soit précisément la vieille dame qui soit venue leur ouvrir : voilà qui achèverait de prouver l'existence du fantôme au tieffelin.

[Elzen]

Bon. Puisqu'il fallait y aller…

« Bonjour. Excusez-moi de vous déranger, mais j'aimerais parler à quelqu'un qui, je crois, se trouve ici. Son nom est Luna. »

L'atmosphère de cette ville était-elle réellement particulière ? Toujours est-il qu'un mensonge plus élaboré avait eu trop de mal à sortir de ses lèvres, et qu'il avait préféré, au dernier moment, se rabattre sur la suggestions de Chance – d'Augustin, avait-elle dit.
C'était effectivement le moyen le plus efficace d'obtenir une réaction. Peut-être le plus risqué, également. Mais c'était fait.

[Althéa]

La vieille dame secoua la tête et répondit le plus tranquillement du monde.

"Désolée mon garçon mais vous faites erreur. Nous n'avons aucune Luna ici. Je vis seule avec mon mari depuis que mes trois garçons sont partis. C'est une bien grande maison pour nous deux mais avec les enfants, nous avions besoin d'espace."

[Echo]

C'est ça, et mes ancêtres sont des dévas. La vérité ne sortait pas spontanément de la bouche des gens qui avaient quelque chose à cacher mais la tieffeline manquait de patience et n'avait pas l'intention de perdre son temps avec les boniments de cette vieille chouette.

- Si nous frappons à votre porte c'est parce que nous sommes suffisamment bien renseignés pour savoir que ce que nous recherchons est ici. Nous n'avons pas l'intention de vous créer des ennuis, il se pourrait même que nos intérêts convergent et que nous puissions nous rendre mutuellement service.

C'était un peu osé mais parfois l'aplomb était récompensé. Elle avança d'un pas, écarta les pans de sa cape pour bien montrer qu'elle n'était pas armée.

- Nous voulons simplement discuter. Et je crois que la suite de cette conversation ne devrait pas tomber dans toutes les oreilles...

[Althéa]

Un instant, l’aïeule resta muette, visiblement interloquée par l'aplomb de la jeune femme devant elle. Puis elle haussa les épaules avant de murmurer.

"A Manost, nous avons une seule taverne dans laquelle les bardes peuvent se produire en toute liberté. Leurs musiques s'en ressentent. Vous devriez aller les écouter de préférence le soir. Il parait que ce soir sera une excellente cuvée."

Et elle leur ferma la porte au nez.

[Echo]

- Quoi ?

Chance fixait la porte comme si elle espérait y trouver la solution d'une énigme insoluble. Au bout de quelques secondes, elle sembla renoncer à comprendre quoi que ce soit.

- Mais qu'est-ce qu'elle nous chante ? Est-ce qu'elle a au moins entendu ce que je lui ai dit ? Voilà ce qui arrive lorsqu'on a affaire à des interlocuteurs à moitié séniles ! Je ne sais vraiment pas ce qui me retient de brûler cet endroit...
- Allons, il me semble clair qu'elle essayait de te faire passer un message.

[Elzen]

Le ton badin de la vieille dame aurait pu permettre une approche différente, mais la tieffeline avait tenté une attaque frontale. Elzen l'avait alors laissé faire, amusé : au moins, cela rendrait les choses claires, et c'était plaisant de voir la demoiselle exprimer sa personnalité.
La réponse de la vieille dame était… intéressante. Surprenante, sans doute, pour beaucoup de gens, mais pour qui supportait aisément cette manière de sembler changer totalement de sujet – ce devait probablement être le cas d'Augustin aussi, car c'était une technique à laquelle les bardes pouvaient être confrontés en tentant d'obtenir des informations – le message était diaphane.

« Viens. »

Sans doute valait-il mieux s'éloigner quelque peu du bâtiment. Lorsqu'ils furent – espérait-il – hors de portée des oreilles indiscrètes, le tieffelin entreprit d'expliquer à Chance ce qu'il en était. D'après lui, du moins.

« Elle t'a parfaitement entendu, mais je suppose que, contrairement à toi, elle préférait ne pas parler trop ouvertement. C'est sans doute parfois préférable, dans une ville comme celle-ci, surtout quand tu as par chez toi des choses qui intéresseraient des gens louches. Bref, elle ne nous faisait pas assez confiance pour nous faire entrer, et a préféré fixer un rendez-vous dans un endroit plus neutre. Cette Luna passera très probablement à la taverne ce soir, et nous pourrons discuter avec elle. »

[Echo]

Bon, Elzen et Augustin semblaient tous deux penser à la même chose, un truc de barde sans doute. Soit ça, soit la tieffeline était à la ramasse.

- Vous pensez que je n'aurais pas du être aussi directe ?
- Oh, ne t'en veux pas trop, quelque chose me dit qu'elle nous aurait envoyés dans cette taverne quoi qu'il arrive. Je ne crois pas que se présenter comme une fleur devant leur porte soit une façon de faire très courante chez eux. Des gens aussi secrets que ceux qu'on trouve là-dedans aiment beaucoup les effets de style, les rituels un peu clichés et les preuves de loyauté indéfectible... Ou alors, et ça ne m'étonnerait pas, quand elle t'a vue elle s'est imaginé que tu repartirais avec l'argenterie sous le bras si elle te laissait entrer.
- Quelle perte de temps...

Le temps, une donnée cruciale. La tieffeline ne pouvait pas se permettre de laisser ses ennemis prendre trop d'avance sur elle. D'ailleurs, plus le temps passait et plus elle se comportait comme un animal aux abois, le genre de comportement qui avait été le sien à Melandis presque toute sa vie. Mais faute d'autres options (encore et toujours !), suivre cette piste était sans doute la meilleure chose à faire.

- Elle a parlé d'un endroit où les bardes sont libre d'exercer leur art, tu sais où c'est ? demanda t-elle finalement à Elzen.

[Elzen]

Elzen avait failli répondre à la première question, mais quelque chose dans l'attitude de la demoiselle laissait entendre qu'elle écoutait déjà quelqu'un, aussi patienta-t-il jusqu'à ce qu'elle reprenne la parole. Il n'avait aucune idée de ce qu'avait répondu Augustin – cette situation risquait de s'avérer quelque peu embarrassante de temps à autres –, mais celui-ci avait manifestement parlé d'attendre ou de faire des manières.

Enfin… Il reporta son attention sur la seconde question.

« Ce qui nous amène à la seconde partie des nouvelles. Il se trouve qu'entre le moment où j'ai quitté Ulysse et son père et celui où nous nous sommes retrouvés, j'ai eu le temps de tomber sur un endroit qui s'appelle l'Abri des Arts, et qui est apparemment connu pour être la seule taverne de Manost dans laquelle les bardes peuvent se produire sans avoir besoin de décrocher je-ne-sais-plus-quelle autorisation. Il se trouve d'ailleurs qu'ils ont l'air d'apprécier mon répertoire et sont prêts à m'engager, et même à me loger. »

Restait à savoir si les conditions de ce logement conviendraient à Chance.

« Comme cette offre ne concerne normalement que leurs employés, ils ont suggéré qu'ils pourraient aussi te trouver du travail chez eux, mais comme tu n'es pas barde, ce serait pour des choses comme la vaisselle… j'ai donc préféré m'abstenir d'accepter trop vite. »

Inutile de dire qu'il avait refusé d'y jouer ce soir pour pouvoir passer la soirée avec Ulysse et elle. Ça gênerait sans doute plus qu'autre chose.

[Echo]

- Très drôle.

Chance rit de bon cœur avant d'aviser la mine sérieuse du tieffelin.

- Attends, ce n'est pas une blague ?

Un logement loin des paladins, dans un endroit qui ne serait pas gouverné par pléthore de règles absurdes, oui, c'était tentant, mais peut-être pas à ce prix là. La vaisselle... est-ce qu'on allait lui demander de balayer le sol aussi ? Très probablement. Et il y avait des limites à ce qu'elle était capable de supporter.

- C'est vrai que les événements récents m'ont fait envisager une reconversion professionnelle, une reconversion temporaire tout du moins, mais... ce n'est pas vraiment à ça que je pensais. Je préférerais encore danser à moitié nue sur une table plutôt que de jouer les femmes de ménage.

Le réponse venait du cœur et elle n'était visiblement pas prête à y réfléchir plus sérieusement, elle ponctua d'ailleurs sa dernière réplique avec un frisson d'effroi.

- Bon, et cet endroit, tu peux nous y conduire ?

[Elzen]

« Ça ne m'étonne pas de toi. »

La réaction de Chance n'avait pas manquer d'arracher un sourire au tieffelin.

« Je ne suis pas sûr que ce soit le genre de la maison ; mais si tu insistes, on pourra sûrement te trouver une table pour danser quand on aura un chez nous. »

Il enchaîna cependant aussitôt, histoire de ne pas laisser à la tieffeline trop de temps pour réagir à la plaisanterie.

« Blague à part, je ne sais pas s'ils ont mieux à proposer. Dans le doute, il serait sans doute préférable que tu en discutes avec eux : ce serait dommage de se passer d'un logement s'il y avait une possibilité de trouver une solution satisfaisante… »

Tout en parlant, Elzen avait commencé à entraîner sa compagne dans la bonne direction…

HRP : j'te laisse poster l'arrivée là-bas ?

[Mortis]

Arrivé au Port, Mortis suivi les indications sommaires de son camarade aux belles bacchantes, après quelques minutes de recherches il fini par trouver la Maison Carrée en question, c’était en effet un gros Cube en pierre grise, si Mortis ne l'avais pas cherché, il ne l'aurai peut-être même remarqué... car hormis le fait que c'est un cube... rien d'autre ne de note réellement des autres bâtiments de la ville... en même temps à quoi pouvait-il s'attendre un bâtiment nommé la maison carrée... ne voyant pas la trace d'un couple, ni même de personne... c’était désert !

Il se dit :

- Humm... Personne ! Voilà qui n'est guère pratique, comment vais-je faire pour retrouver les deux tourtereaux ?

Il adressa un regard à la bâtisse et continua son monologue intérieur :

- Ils étaient sensé être là n'est-ce pas ? Ce serait peut-être une bonne idée de frapper pour demander... les résidents de ce... truc cubique, m'en apprendront peut-être plus...

Il se décida et marcha calmement vers la porte, une fois au pied de celle-ci, il frappa et attendit que l'occupant ou l'occupante vienne ouvrir.

[Althéa]

La porte s'ouvrit et le visage d'une petite vieille que les deux tourteraux en question n'avaient pas manqué d'apercevoir s'encadra de nouveau derrière la porte. Mortis, habitué à observer se rendit compte qu'elle l'évaluait en silence derrière son air débonnaire de mamie sans histoire.

"Oui ? Puis-je vous être utile ? J'étais en pleine sieste, voyez-vous."

[Mortis]

Mortis ayant remarqué le regard scrutateur dans l'attitude de la vielle dame, il décida de lui répondre prudemment et il prit alors un ton désolé...

- Bonjour madame, excusez-moi de vous déranger... dans votre sieste... Je suis à la recherche de deux amis qui étaient sensés m'attendre ici, mais comme je suis en retard et que je ne vois personne, je suppose qu'ils ne m'ont pas attendus ! Est-ce que vous les auriez vu ? Si oui savez-vous où ils sont partis ?

Mortis n'avait aucune idée de ce qu'il c’était passé ici entre la vieille dame et le jeune couple, ni même du lien entre cet endroit et la mission de la roublarde Chance, Floréal ne lui ayant donné aucune info à ce sujet... tout au plus pourrait-il vaguement le deviner.

[Althéa]

La vieille dame eut une grimace douloureuse.

"Je ménage mes pauvres articulations. Elles sont très douloureuses vous comprenez. Par temps humide c'est pire. Il ne fait pas bon vieillir croyez-moi. Un jeune couple vous dites ? Oui, ça me dit quelque chose. Du moins si ma mémoire ne me fait pas défaut. D'ailleurs, je me demande ce qu'ils voulaient. Vous dites qu'il s'agit d'amis à vous ?"

[Mortis]

Il répondit à la complainte de la vieille dame en s'exclamant :

- Ah ma foi madame, c'est bien vrai ! Et je pense que nous sommes tous égaux devant le temps qui passe, celui-ci n’épargne rien, ni personne...

Après cette petite digression sur le temps qui passe, il revint à son sujet principal...

- Enfin ne vous inquiétez pas ma bonne dame je ne vous importunerais pas longtemps... Pour être plus précis une amie à moi et son compagnon ! J'ai été, du fait de mon habillement (apparemment), pris à parti par les gardes de la ville, j'ai cru comprendre qu'ils n’appréciaient qu'assez peu les couleurs vives et les bardes... je suis bien tombé de toute évidence ! Enfin bon... passons ! Du coup vous savez où ils sont partis ? demanda-t-il.