[Lieu] La Route du Nord

[Galathée]

" Ouais." fit le gamin, laconique, sans se départir de son expression soupçonneuse.
Il observa un moment Taliesin, fronça les sourcils.
" Je m'appelle Marius." dit-il finalement.

[Taliesin]

Il lui sourit.
-Et bien, je suis enchanté de faire ta connaissance, Marius. Moi, c'est Taliesin : je suis barde. Et je t'ai déjà présenté mes deux fils.
Il hésita.
-Est-ce que tu peux me dire pourquoi je ne peux pas te ramener chez toi ? Est-ce parce que... tu n'as plus de chez toi ? Je suis désolé pour ces questions indiscrètes mais tu comprendras que découvrir un garçon de ton âge seul au milieu de nulle part... cela a de quoi interpeller.

[Galathée]

" Pourquoi tu peux pas me ramener, c'est pas ton problème, dit le gamin avec animosité. Mais tu peux pas me ramener, c'est tout. Je t'avais prévenu. C'est comme ça.
— Pourquoi t'es monté sur le coche ? demanda alors Baptiste, qui était resté silencieux jusque là.
— Pour aller à Togoria.
— Pourquoi tu vas à Togoria ?
— Ça te regarde pas, toi non plus."

[Taliesin]

Cette agressivité le décontenança. En même temps, si cela faisait des lustres que le gosse vivait seul, c'était compréhensible : il avait dû tomber sur des gens fort peu recommandables. A moins qu'il n'ait été maltraité chez lui, qu'il se soit enfui...
(color=#FFFF66]-Au moins aurons-nous pu t'aider à rallier la ville,[/color] dit-il d'un ton doux. Je ne vais pas te questionner davantage, puisque tu ne veux pas me parler. Mais sache quand même que si tu as besoin d'aide pour atteindre un endroit où tu ne seras plus livré à toi-même... Je suis prêt à te l'accorder sans rien demander en retour.
Puis il se détourna, recommençant à regarder par la fenêtre. Presser l'enfant ne servirait à rien, sinon à le faire se fermer davantage. Mais peut-être les garçons parviendraient-ils à l'amadouer...

[Galathée]

Baptiste abandonna la lutte aussitôt. Il rouvrit son livre et reprit sa lecture, sans se soucier de son encombrant vis-à-vis. Victor, par contre, entendait bien profiter de cette distraction imprévue pour tromper son ennui. Au dehors, le temps se détériorait mais le coche avait repris de la vitesse. Le petit Desmoulins usa d'un angle d'approche relativement classique, mais parfaitement efficace : il ouvrit leur sac à provisions et en sortit un morceau de pain. Baptiste fit mine de protester mais se retint. Le gosse, toujours emmitouflé dans sa couverture, lui jeta un regard venimeux, comme s'il perçait son stratagème à jour sans pour autant parvenir à s'en défier. Tout le monde entendit le couinement de son estomac malgré le fracas de la pluie et des roues sur la pierre.
Victor n'exigea rien. Il divisa le pain en morceaux et en donna à tout le monde — y compris au marchand togorian. C'était une brioche aux raisins que Baptiste avait négociée avec l'aubergiste lors de leur précédente étape, sucrée et délicieuse. Le gosse — Marius — l'observa, posée en équilibre instable sur sa couverture, puis l'engouffra d'un seul coup comme une plante carnivore.

[Taliesin]

Il faillit lui dire de prendre garde à ne pas s'étouffer mais s'abstint, certain que, s'il le faisait, il écoperait d'une sacrée rebuffade.
Non, Marius se méfiait décidément trop de lui - et sans doute des adultes en général : mieux valait laisser faire Victor qui, pour l'heure, s'en tirait à merveille.
Ce posait cependant une grande question : que feraient-ils de lui une fois arrivés à Togoria ? Le plus probable était qu'il s'enfuie à la première occasion. Et s'ils ne le faisait pas, il faudrait probablement contacter les autorités...

[Galathée]

Mais ils avaient encore une étape en montagne avant l'arrivée à Togoria, aussi la question était-elle prématurée. Le coche parvint dans la cour de l'auberge, au sein d'un hameau minuscule, alors qu'il faisait déjà sombre. On entendait, dans le lointain, le hurlement des loups, atténué par la pluie qui tombait toujours drue. Le cocher vint inviter les voyageurs à descendre, ce que firent rapidement les deux marchands, Baptiste et Victor, mais Marius ne bougea pas, bien décidé, manifestement, à passer la nuit dans le véhicule.

[Taliesin]

Nul doute, cependant, qu'il en serait chassé : les employés de la compagnie souhaiteraient soit nettoyer le véhicule, soit... éviter qu'il n'empeste. L'elfe tenta donc une manœuvre pour tenter - sans grand espoir - de rassurer le gamin quand au fait qu'on le mènerait bien jusqu'à Togoria.
Ainsi s'approcha-t-il d 'Humphrey, tirant sa bourse de sa poche.
-Je vais vous payer le voyage du petit jusqu'à la ville, dit-il assez fort pour être entendu de Marius.

[Galathée]

Le cocher acquiesça et encaissa la somme sans broncher. Taliesin le sentit néanmoins mal à l'aise.
" Vous croyez que vous allez réussir à le faire sortir et à le laver ? Parce qu'il pue drôlement... Et je voudrais pas qu'il... hum... se soulage dans le coche, vous voyez."
Victor était revenu en arrière.
" On va l'appâter avec de la soupe. Elle sent trop bon pour qu'il résiste."

[Taliesin]

-On va essayer ça, oui, dit-il. Et si ça ne marche pas...
Il haussa les épaules.
-Il faudra être un peu plus... ferme. Mais ce sera pour son bien : on ne peut pas vraiment le laisser là, comme ça, dans cet état...
Il espérait cependant qu'il ne serait pas nécessaire d'en arriver là.

[Galathée]

Ils se rendirent donc dans l'auberge. C'était une petite bâtisse bien tenue, rustique, aux murs épais. Le tenancier, un homme bourru dans la cinquantaine, avait installé Baptiste à une table dans un coin, et s'était installé à côté de lui.
" Bien le bonsoir, messire, dit-il quand Taliesin et Victor les eurent rejoints. Votre garçon, ici, me dit que vous avez besoin d'une chambre pour trois ou quatre personnes, qu'il n'est pas complètement sûr. Comme c'est un peu flou, j'aurais aimé votre version des choses."

[Taliesin]

Il sourit, amusé : c'est vrai que la situation n'était pas simple.
-De base, nous sommes trois : mes deux fils, que voici, et moi-même, répondit-il après l'avoir salué.[color=#FFFFF66] Mais il s'avère qu'un gamin a joué les passagers clandestins dans notre coche. L'escorte l'a quelque peu rudoyé quand elle l'a découvert et... comme il était mal en point, comme il pleuvait, comme il y a des bêtes sauvages dans les parages, il était juste impossible de l'abandonner en pleine nature... Bref, j'ai payé son voyage jusqu'à Togoria, où il désire se rendre, et je comptais aussi payer son hébergement ici. Il faudra juste que j'arrive à le convaincre de venir, ce qui n'est pas gagné vu sa méfiance : le malheureux a sans doute connu de pénibles expériences.[/color]

[Galathée]

" Ah ça, y'a plein d'orphelins sur les routes entre la Trouée et la Vallée, c'est classique, dit l'aubergiste. Les gens sont rudes dans la Trouée, et y'a plein d'histoires qui circulent dans la Vallée, sur des trésors et des lieux paradisiaques, tout ça. C'est du pipeau, si vous voulez mon avis, les gens ont les mêmes problèmes partout, mais les gosses ils y croient, c'est fatal. J'imagine qu'il leur faut bien quelque chose à croire. Si vous voulez, il peut coucher à l'écurie : vous lui devez rien, à ce gamin. Mais si vous préférez payer pour une chambre, ma foi, c'est vous qui voyez. Faudra juste le garder à l'oeil, parce que c'est des voleurs. C'est pas que je leur en veuille, je le comprends, mais je peux pas le cautionner."

[Taliesin]

-Je ne le cautionne pas non plus. Et ne vous en faites pas : je le surveillerai mais s'il devait dérober quoi que ce choit chez vous, je vous le restituerai ou vous le rembourserai. Cela me semble normal, vu que je l'amène sous votre toit. Quant à savoir où il dormir... J'essaierai d'en discuter avec lui. Par contre, s'il vous était possible de lui préparer un bain en plus des nôtres... Disons que le voyage de demain sera plus agréable.
Convaincre Marius d'y plonger serai tune autre paire de manche. Toutefois, ce n'était quand même pas un môme de sept ans qui allait lui faire peur.

[Galathée]

" Y'a de la place pour une seule personne à la fois à la salle d'eau. Commencez par vous laver vous, puis on verra pour la suite. Pour le reste, je compte sur vous pour le garder à l'oeil. A mon avis, ce sera plus facile à l'intérieur : dehors, il pourrait piquer un cheval. Je suis surpris qu'on vous ait laissé l'embarquer : les compagnies prennent généralement pas de risques avec ces lascars : à cinq ans, ils savent déjà détrousser un voyageur, et ensuite, les compagnies ont plein de problèmes pour rembourser les gens, qui portent plainte, et le gosse, il est loin, déjà. Enfin, y'a deux orphelinats à Togoria, je vous filerai les adresses."

[Taliesin]

Il soupira.
-J'imagine que ma réaction vis-à-vis de ce gosse doit vous paraître étrange... Mais le voir malmené, frappé, puis abandonné en pleine nature, le tout sous les yeux de mes fils... Je n'ai pas pu rester les bras croisés. Mais je veillerai à ce qu'il cause le moins de tracas possible à vous mêmes et à vos clients.
Dieux, dans quoi s'était-il embarqué ? Il ne le savait pas encore mais... il lui semblait malgré tout que ce qu'il avait fait était juste.

[Galathée]

" Je comprends, vous en faites pas. Moi aussi, la première fois que j'en ai vu un, je lui ai donné à manger, puis je l'ai installé dans les combles pour dormir. Mais il en vient tout le temps, de toutes les sortes. Ils se filent le mot, après, c'est comme les corneilles. Les gens à Togoria font du bon boulot pour leur trouver des familles, ou un travail quand ils sont en âge, mais... y'en a trop, et ils savent ce qu'ils veulent, en général. Alors vous mentionnez l'orphelinat et, hop, ils filent en deux temps, trois mouvements. Ils s'imaginent qu'ils peuvent tirer leur plan tous seuls. Enfin bref. Je parle, je parle. Je vais vous donner la chambre 4. Si le gosse vient dormir avec vous, j'ajouterai un matelas."

[Taliesin]

-Merci pour la chambre. Et pour votre éclairage sur la situation, aussi : cela me permet de m'en faire une meilleure idée, ce qui est fort bienvenu.
Il n'aurait jamais imaginé que la vallée soit littéralement prise d'assaut par des hordes d'orphelins... Mais d'où venaient-ils donc ? Les autorités n'avaient-elles pas suffisamment agi pour leur trouver un toit ? Se pouvait-il qu'ils soient vraiment si nombreux ?
Autant de question pour lesquelles il n'obtiendrait pas de réponses dans l'immédiat. Mais de toute façon, il avait un dénommé Marius à garder à l’œil...

[Galathée]

" La soupe... souffla Victor. Tu as oublié la soupe !"
Le tenancier se tourna vers le gamin.
" Quelle soupe ?
— Est-ce qu'on pourrait avoir un bol de soupe, pour attirer Marius à l'intérieur ?
— Un bol de soupe. Je reviens."
Et il s'éloigna, les laissant tous trois à leur table.

[Taliesin]

Il soupira;
-Bon, je crains qu'il ne me faille être très vigilant : si Marius fait des siennes, chaparde quelque chose, j'en serai responsable et j'aime autant ne pas m'attirer l'hostilité de notre hôte, de nos compagnons de voyage et des employés de la compagnie, quoique ceux-là ne doivent déjà plus me porter dans leur cœur... Je pense en tout cas que j'aurai besoin de votre aide : il est moins hostile envers vous qu'envers moi.

[Galathée]

" Il a juste peur, dit Baptiste. Après, c'est sûr que ce serait mieux de connaître ses intentions...
— Si on lui disait que nous aussi on est des orphelins et qu'on veut s'enfuir de chez notre maître Taliesin qui est si méchant et qu'il peut peut-être nous aider ?
— Tu plaisantes ?!"
Victor grimaça.
" Bon d'accord, c'est pas une bonne idée. Je disais ça pour gagner sa confiance, moi !"

[Taliesin]

-Ton idée n'est pas inintéressante, du moins le début, dit-il, songeur. Quoi que j'aie pu en dire, il doit trouver sacrément bizarre de voir deux petits humains aux côtés d'un elfe. Alors si ça ne vous embarrasse pas trop, lui expliquer notre situation familiale pourrait le convaincre qu'il n'a pas à se méfier de moi...
Ce qui lui paraissait certain, en tout cas, c'est que seuls les garçons avaient vraiment les clefs pour apaiser le jeune Marius.

[Galathée]

" Tu n'as pas peur qu'il pense que tu vas l'adopter aussi ? demanda Baptiste, avec embarras. Je veux dire... si on lui explique qu'on est orphelins, et tout ça... Il va peut-être se dire que... il a ses chances."
Victor grimaça.
" On est assez nombreux, moi je dis."
L'aubergiste passa près de leur table et leur déposa quatre beaux bols de soupe à l'odeur formidable.

[Taliesin]

-Rassure-toi, je pense également que nous sommes assez nombreux, répondit-il, très sérieux.
Il avait ravalé une plaisanterie à propos du fait qu'il allait adopter tous les orphelins de la vallée : même s'il valait mieux en rire qu'en pleurer, le sujet n'était pas exactement amusant et ce, pour diverses raisons.
-Victor, tu veux bien essayer de l'attirer à l'intérieur ? C'est un peu vache de jouer sur sa faim mais... il sera mieux ici que dans le coche.

[Galathée]

" Ça marche." dit Victor en attrapant deux des bols.
Il les porta ensuite vers la porte, se la fit ouvrir par un autre convive, serviable, et sortit sur le porche. Baptiste soupira et se pencha sur sa propre pitance. La soupe était onctueuse et appétissante. Lardons et croûtons flottaient à sa surface. Vu le temps au dehors, elle était parfaitement adaptée.
" Je ne savais pas que les soldats de Morféa s'étaient enfui dans la campagne, après..."

[Taliesin]

-Malheureusement si... Sans doute des hommes du rang l'ont-il fait également mais ce sont surtout les Rouges dont on se souvient. Car c'était les pires, évidemment, et ils ont été particulièrement ignobles tout au long de leur fuite...
Il soupira.
[color=#FFFFF66]-Mais je ne savais pas que cela avait pris une telle ampleur, qu'ils avaient fait tant d'orphelins.[/color]

[Galathée]

" C'est peut-être pas la seule cause, dit Baptiste. Les orphelins, il y en a pour plein de raisons. Mais peut-être que simplement, ils se rassemblent par ici... Comme l'aubergiste l'a dit... parce qu'il y a des rumeurs sur un endroit magnifique où tout est possible. Comme c'est le lieu de passage pour tout l'est de l'île... et bien tous les orphelins passent par ici. Ça donne l'impression qu'il y en a beaucoup, alors que ça ne fait qu'une centaine par an..."

[Taliesin]

-Tu dois avoir raison.
Il jeta un regard en direction de la porte.
-J'espère que nous arriverons à le confier à une institution. Il ne peut pas continuer à rester tout seul, à son âge, d'autant qu'il est déjà dans un piètre état...
Et qu'il serait probablement mort, dévoré par des loups, s'ils ne l'avaient pas embarqué.

[Galathée]

Mais personne ne semblait devoir revenir.
" Tu veux que j'aille voir ? A mon avis, Victor mange avec lui sous le porche et lui raconte des bobards monstrueux."
Il eut un sourire.
" Il est doué pour ça. Il le convaincra bien d'entrer pour le repas."

[Taliesin]

Taliesin acquiesça.
-C'est sûr que de ce point de vue là, il est très bardique...
Il hésita, regarda à nouveau la porte.
-Bah, laissons-le faire et voyons ce que ça donne. Si tu le rejoins maintenant, Marius pensera que je tire toutes les ficelles et se méfiera encore davantage.