[Lieu] La Vallée Fertile

[Galathée]

" Hum... Je vous préparerai des tisanes de thym au miel pour votre voix... et vous avez oublié mes gants ! Au pire, j'ai du baume à l'huile d'olive, vous m'en direz des nouvelles !"
Elle rit joyeusement.
" Mais je vais vous laisser... Je ne suis plus toute jeune et les cochons ont faim dès l'aube... Je vous souhaite une bonne nuit."

[Taliesin]

-Ah, les réveils matinaux... Entre l'installation à la ferme et la naissance de mes deux petits derniers, j'ai fini par prendre le pli mais... cela me reste toujours aussi peu naturel.
Il se leva.
-Bonne nuit à vous aussi. Oh, et ne vous étonnez pas si, demain amtin, vous trouvez Baptiste déjà à l’œuvre en cuisine...

[Galathée]

" Je ne crois pas qu'il me battra à ce jeu-là !" dit la veuve avant de s'éclipser.
Il ne restait plus au barde qu'à occuper sa fin de soirée... et à passer sa première nuit dans la petite maison de Vauxgrisants où il allait vraisemblablement demeurer quelques jours...

[Taliesin]

Comme Mona le lui avait conseillé, il prit une bougie, gagna sa chambre et, après avoir allumé la lampe à huile, replongea dans ses lectures.
Il reprit les feuilles couvertes de notes, espérant bien pouvoir en venir à bout et en rédiger une synthèse. Ensuit, s'il n'était pas trop tard et s'il avait encore de l'énergie, peut-être s'attaquerait-il au livre bourré de signets. Sinon, il irait dormir, histoire d'être en forme le lendemain.

[Galathée]

Mais il était fatigué, lui aussi, mine de rien, et lorsqu'il relut pour la troisième fois la même page, une explication nébuleuse sur le sens d'un symbole selon qu'il était représenté sur la face nord, sud, est, ouest ou supérieure d'un bâtiment, sans en avoir retenu le moindre mot, il comprit qu'il était temps de s'arrêter pour la soirée.
Le lit était confortable, il faisait bon, et il s'endormit sans mal.
Au petit matin, il s'éveilla alors que la maison embaumait déjà le pain chaud et le thé. On bavardait avec entrain à l'étage inférieur, mais le plancher avalait les paroles précises des interlocuteurs. Le ciel au dehors était bleu, le soleil avait dû se lever une heure plus tôt, grand maximum. C'était une belle journée en perspective...

[Taliesin]

Il resta à paresser... une minute montre en main.
Puis il se leva, s'habilla et gagna le rez-de-chaussée.
S'ils voulaient avancer dès aujourd'hui, il faudrait s'y mettre tôt. De surcroit, Yann ayant beaucoup à faire, il tenait à être disponible lorsque celui-ci aurait l'opportunité de les conduire aux ruines.

[Galathée]

Mona l'intercepta dans le couloir alors qu'il descendait.
" Vous aviez raison, souffla-t-elle. Il était déjà dans la cuisine quand j'y suis entrée. Mais je compte sur vous pour le crever aujourd'hui..."
Elle lui fit un clin d'oeil.
" Et nous avons de la visite... Demetrius, notre clerc, voulait vous rencontrer. J'espère que vous avez réfléchi à votre bonne excuse..."

[Taliesin]

Il grimaça.
-Et bien... En vérité... Non, pas du tout. Je n'imaginais pas rencontrer quelqu'un d'extérieur èès le petit déjeuner...
Il soupira.
-Vous êtes sûre qu'il ne se doute de rien ? Pourquoi voudrait-il me rencontrer immédiatement, s'il n'avait pas... des soupçons ?

[Galathée]

Mona posa une main sur son épaule en secouant la tête.
" Je vous l'ai dit : il ne vient jamais aucun étranger à Vauxgrisants : vous êtes une attraction ! Demetrius, c'est un des notables du village... Il vient souvent rendre visite aux uns et aux autres. Il a frappé à la porte, il a envie de vous souhaiter la bienvenue... C'est normal, c'est juste... une question de bon accueil. Et un peu de curiosité... Ne vous inquiétez pas, comme ça. Il n'y a aucune raison."

[Taliesin]

-Oh, je ne m'inquiète pas vraiment. C'est juste qu'improviser un prétexte au saut du lit, alors que justement aucun étranger ne passe par ici, alors qu'il est de notoriété publique que je ne suis pas passé par hasard mais que je me rendais pile chez vous... C'est un peu... rude.
Il sourit.
Et pourtant, il séchait.
Complètement.

[Galathée]

" Allons ! Vous êtes barde !" dit la veuve en riant, sans réaliser le moins du monde qu'il avait un trou.
Elle disparut ensuite dans la cuisine et il ne resta plus à Taliesin qu'à entrer dans la salle à manger. La table était mise pour toute la maisonnée, mais seuls Yann et le dénommé Demetrius s'y trouvaient. Ce dernier se leva à l'entrée du barde, un large sourire sur les lèvres. Châtain, mince, il portait la bure brune des Chauntéens et aurait pu avoir n'importe quel âge entre trente et cinquante. C'était manifestement quelqu'un d'habitué à vivre à l'extérieur et quand il serra la main du barde, celui-ci lui trouva la poigne franche et sèche.
" Bien le bonjour, maître barde ! C'est un plaisir de vous rencontrer ! Votre arrivée est déjà sur toutes les lèvres, à Vauxgrisants ! C'est tellement rare et bienvenu d'avoir de la visite dans notre magnifique vallée !"

[Taliesin]

Il lui serra la main avec chaleur. Ce n'était pas parce qu'il allait devoir lui mentir qu'il ne pouvait pas être amical ou même l'apprécier réellement.
-Merci beaucoup pour votre accueil : j'en suis très touché. Et votre vallée est effectivement magnifique : c'est l'une des plus belles régions qu'il m'ait été donné de voir sur Helonna.

[Galathée]

" Vous êtes gentil, répondit le clerc. J'imagine que c'est une question de goûts. Mais si on est séduit par les grandes régions agricoles, c'est sûr que notre vallée n'a pas son pareil sur l'île..."
Son regard se fit amusé et il prit un ton de conspirateur théâtral.
" D'ailleurs, ne l'ébruitez pas trop..."
Il se redressa.
" Mais Yann m'explique que vous êtes venu pour récolter nos chants traditionnels. C'est une excellente idée. L'abbaye a bien sûr des livres reprenant toutes les chansons religieuses mais pour ce qui est du profane, nous n'avons pas grand chose... Enfin, ça vous donnera une occasion de venir à Champsdor."
Le porcher fit la grimace mais n'osa pas détromper son invité.

[Taliesin]

Il n'y prêta pas vraiment attention : on lui offrait sur un plateau le prétexte dont il avait besoin - un prétexte tout simple auquel il n'avait pas pensé, s'égarant sur des pistes inutilement plus complexes -, alors... il allait le saisir au bond.
-Oh, je comptais bien m'y rendre, ne serait-ce que pour visiter...
Voire pour rencontrer cette fameuses princesse elfe. Il s'était dit qu'elle pourrait, peut-être, lui indiquer ou trouver des faunes.

[Galathée]

" Je crains que vous n'y trouviez pas les monuments qu'on peut admirer plus loin dans le sud. L'abbaye en elle-même est un beau bâtiment, mais il n'est pas ouvert au public, malheureusement. Enfin, vous êtes barde, pas architecte, bien sûr."
Il sourit.
" Il y a un peu plus de visiteurs à Champsdor. Enfin, surtout des marchands, je dois dire. Notre vallée est... assagie depuis longtemps. Les aventuriers n'y dénichent généralement plus grand chose, et les sites elfes sont soit plus au nord, soit plus au sud. Mais si vous aimez les plaisirs de table... Nous devrions pouvoir vous ravir."

[Taliesin]

-J'en doute d'autant moins que j'ai eu un excellent aperçu desdits plaisirs, hier... Quant au fait que la région n'attire plus guère les aventuriers, ce n'est pas un problème : nous avons eu notre lot de péripéties, à l'aller, si bien que si notre séjour ici s'avère relativement paisible, je pense que nous ne nous en plaindrons pas !

[Galathée]

" Oh, la vallée devrait vous convenir, c'est certain." dit le clerc.
Il sourit à Yann.
" Bon, mais je vais y aller. J'ai au moins... trois champs et un tas de vaches et de brebis à bénir avant midi... Je vous souhaite une bonne journée et j'espère vous voir à la taverne, à l'occasion !"
Il se leva, serra la main des deux hommes et sortit, non sans avoir demandé au porcher de remercier sa mère pour le délicieux petit déjeuner. Une fois qu'il fut parti, Yann revint à table et servit son vis-à-vis de thé, avant de lui proposer du pain, des oeufs brouillés, de la marmelade de fraises et de framboises.
" Je suis désolé, je lui ai dit la première chose qui me passait par la tête..."

[Taliesin]

Il lui sourit aussitôt.
-Et vous avez très bien fait : c'était, de loin, le prétexte le plus plausible. De mon côté, je m'égarais à trouver des excuses alambiqués... Ou comment faire compliqué quand on peut faire simple... Ma seule excuse est de ne pas encore être très réveillé ! Mais donc, vous avez fait au mieux et je vous en remercie.

[Galathée]

" Mais du coup, vous allez vous farcir tous les vieux du village qui vont venir vous chanter des chansons... Misère, je ne vous ai pas rendu service. Les gens sont bavards, par ici... On est un peu comme une grande famille... Bref, je ne sais pas si une excuse alambiquée n'aurait pas été plus pratique... Les gens auraient été surpris, mais au moins, ils vous auraient laissé en paix... Ah... Nous avons intérêt à partir rapidement. Comme ça, vous serez absents quand les premières mégères débarquent."

[Taliesin]

-Vous avez raison : fuyons avant qu'il ne soit trop tard !
Il abandonna aussitôt son air catastrophé.
-Non, honnêtement, je pense que je m'en sortirai. Au pire, je demanderai aux garçons de chahuter : des gosses déchainés sont parfois un excellents repoussoir ! A moins que je ne les embauche comme secrétaires ? L'un dans l'autre, on trouvera une solution !

[Galathée]

" De toute façon, ce n'est pas comme si nous avions le choix."
Il sourit.
" Je vais aller préparer la mule. Je crois que le faune et Victor dorment encore, ça pourrait être une bonne idée de les réveiller. Il y a quand même presque deux heures de marche jusqu'au site... alors c'est mieux si on se met en route pas trop tard."

[Taliesin]

-J'y vais de ce pas.
Il se leva.
-Et... Vous pouvez l'appeler Titus.
Il lui adressa un clin d’œil et s'en fut, songeant qu'il faudrait demander à Mona d'indiquer à Cordélia l'emplacement des ruines, si celle-ci se présentait comme elle l'avait dit.

[Galathée]

Titus ne dormait plus mais n'avait manifestement pas osé sortir de la chambre. Il regardait la cour en contrebas par la fenêtre et sursauta avec un cri étouffé quand Taliesin entra dans la pièce. Victor, lui, roupillait comme à son habitude, bienheureux. On en ferait jamais un Lathandrite, c'était une certitude. Le barde n'eut cependant pas trop de difficultés à le réveiller et il ne rechigna pas à se lever. Il fallut aider Titus à s'habiller puis ils descendirent petit déjeuner. Yann n'était plus présent, mais Mona et Baptiste avaient quitté leur cuisine.
" J'ai oublié de vous parler de la salle d'eau, hier. Elle est à l'extérieur, à côté de la porcherie. Il faut prendre l'eau à la pompe, et il y a de quoi la chauffer à l'intérieur. Nous avons aussi une hutte de sudation collective, si vous avez l'habitude de ce genre de choses... mais il faut penser à réserver..."

[Taliesin]

-Et bien, cela fait des lustres que je n'ai pas profité d'un sauna : il n'est donc pas impossible que je me laisse tenter. En tout cas, merci beaucoup pour ces indications : je pense que nous aurons grand besoin de nous laver après notre journée de désherbage !
Il informa ensuite leur hôtesse de la possible visite d'une amie.

[Galathée]

" Oh, je ne sais pas si je parviendrai à lui indiquer l'endroit exact où se trouvent les ruines... Je ne les ai pas vues... Peut-être que Yann peut lui dessiner un petit plan... Hum. Oui, c'est sans doute le mieux."
Elle se leva.
" Et je vais aller préparer vos en-cas de midi."
Baptiste fit mine de se lever mais elle lui décocha un regard meurtrier si bien qu'il lui en rendit un venimeux mais resta assis.

[Taliesin]

-La Mémorable Guerre des Cuisines a éclaté, glissa-t-il à l'oreille de Victor. Observons-la bien : il nous faudra la narrer. Mais tenons nous à l'écart, sous peine d'écoper d'un plat perdu !
Puis il se consacra à nouveau à son petit-déjeuner. Délicieux, évidemment !

[Galathée]

Quand ils eurent terminé de manger, Mona promit de s'occuper de la vaisselle, refusa toute aide et finit par les jeter dehors. Yann les attendait avec la mule, chargée de matériel. Il rentra quelques instants pour dessiner une carte sommaire à l'intention de Cordélia, puis les rejoignit. Quelques minutes plus tard, ils étaient partis.
Yann leur expliqua que le site se trouvait entre Vauxgrisants et Champsdor, dans le bois qui s'étendait au nord de la colline de l'abbaye. Tout en cheminant sur une piste sablonneuse qui serpentait entre les champs, il leur expliqua que les hameaux de la Vallée Fertile s'étaient organisés autour d'un sanctuaire de Chauntéa, lequel s'était développé au sommet de la haute colline — presqu'une petite montagne — au centre de la vallée. Champsdor était directement en bas de la butte, au sud et à l'ouest, mais la partie nord était couverte d'un bois ancien, peu fréquenté sinon par les chasseurs. Ceux-ci étaient cependant peu nombreux : on vivait de l'agriculture et de l'élevage, comme en attestaient les magnifiques potagers et les champs encore verts qu'ils traversaient.

[Taliesin]

Tout en écoutant avec attention les explications du jeune homme, Taliesin laissait son regard courir sur le champêtre paysage.
L'endroit lui plaisait; Beaucoup, même : toute cette verdure, toute cette quiétude, c'était pour le moins apaisant.
Certes, les fouilles ne seraient pas forcément dépourvues de préipéties... ne serait-ce qu'avec les autorités locales. Néanmoins, pour l'heure, il se sentait très tranquille et goûtait ce moment de paix fort bienvenue après leur voyage mouvementé.

[Galathée]

Ils se rapprochèrent peu à peu de la butte et de Champsdor. Perchée sur son rocher, l'abbaye ressemblait davantage à une cité fortifiée qu'à un temple. Yann leur expliqua — surtout à Baptiste, qui posait mille questions — que la chapelle originale s'était développée au fur et à mesure des années, jusqu'à devenir une structure de belle taille. C'était sans doute le plus grand sanctuaire de Chauntéa sur l'île, même s'il attirait peu de pèlerins, car les clercs se concentraient uniquement sur la Vallée environnante.
Ils quittèrent les champs pour atteindre des pâturages. Il n'y avait pas de barrière, seulement une herbe grasse, verte, fleurie par endroits. Dans les zones où poussaient marguerites, coquelicots et bleuets, les abeilles étaient nombreuses, butinant avec ardeur. Plus loin, des vaches et des moutons broutaient, entremêlés, sous le regard de chiens velus, de pâtres et de bergers.
Au milieu de cette verdure se dressaient, un peu incongrues, deux grandes tentes brunes, mais ils passèrent à bonne distance, et Yann ne leur en dit rien. La piste qu'ils suivaient jusque là avait disparu, mais le porcher savait où ils allaient, et ils continuèrent leur route, passant loin à l'est de Champsdor. Ensuite, seulement, ils bifurquèrent vers le bois, qui s'étendait dans la vallée mais aussi sur la colline, jusqu'aux remparts de l'abbaye. Titus était plus nerveux, signe qu'il était ravi de retrouver le couvert des arbres. Victor discutait avec la mule. Baptiste posait des questions à Yann. Et Taliesin observait le paysage rural.

[Taliesin]

Il avait eu envie d'interroger Yann à propos des tentes mais s'était abstenu : s'il n'en avait rien dit, il devait y avoir une bonne raison. Peut-être ne voulait-il pas que les enfants le sachent ? Il lui en toucherait un mot, à l'occasion. A lui ou à sa mère : il ne voulait pas commettre d'impair mais... il était curieux.
Dans l'immédiat, cependant, ses pensées se tournèrent vers les ruines; Il était embarrassé qu'elles se trouvent si près de l'abbaye et croisait les doigts - sans grand espoir - pour que leur venue dans ce bois ne fasse pas l'objet de moult commentaires.