[Lieu] Une cité perdue

[Hubert de Maleval]

Mais Hubert n'en avait cure : il le guida jusqu'au téléporteur, sans passer par aucune des pièces de vie, et lui commanda de se tenir contre le mur. Ensuite, il activa la console du plat des mains.
Il choisit un symbole sans valeur stratégique cruciale : l'une des chapelles de Lathandre suffirait. Ensuite, il attrapa l'Ithilien par le bras et l'entraîna au travers du passage.

[Taliesin]

La chapelle était intacte, déserte, et plus chaleureuse que lors des dernières visites d'Hubert en semblable lieu, grâce à la lumière du jour qui entrait par ses fenêtres. Autre changement notable : les yeux de la statue ne luisaient plus.
L'Ithilien, maussade, n'avait pas esquissé le moindre mouvement et ne semblait guère s'intéresser à la chapelle.

[Hubert de Maleval]

Hubert fut surpris qu'il ne soit pas davantage... surpris, justement, du prodige accompli. Mais les Ithiliens étaient décidément, vraiment, irrécupérables.
" Rentre chez toi. Dis à tes chefs que nous ne partirons pas. Cette ville est vouée à Lathandre, à Sunie, et bénie par les créatures célestes dont nous sommes les héritiers. Nous avons vaincu l'ombre qui a décimé vos troupes. Nous allons nous installer dans ces murs et nous vous en bouterons si vous ne partez pas de vous-mêmes. Dis-leur aussi que les cités voisines, qui tolèrent Ithilion, pourraient bientôt la regarder d'un autre oeil, si elle venait à nouveau à assiéger nos murs."
Il lui lança l'épée à quelque distance, histoire de ne pas se retrouver immédiatement en position d'avoir à se défendre.
" Et épargne-moi tes persiflages. Je les ai assez entendus. Allez, file."

[Taliesin]

L'autre se redressa, comme piqué au vif, et le défia du regard
-Tu n'as aucun ordre à me donner, envahisseur.
Il cracha à ses pieds.
-Ta propagande, tes menaces, tu peux te les mettre où je pense : je ne salirai pas ma langue en les répétant. Je dirai simplement que vous êtes décidés à poursuivre votre invasion. Le reste, c'est les chefs qui décideront.
Et il lui tourna le dos pour aller récupérer la lame.

[Hubert de Maleval]

Hubert ne s'était pas attendu à autre chose. Avec un sourire, il songea qu'il aurait dû le bâillonner, qu'il aurait au moins épargné ses oreilles. Il l'observa sans rien dire, tandis qu'il récupérait l'arme. La prochaine fois qu'ils se croiseraient, peut-être devrait-il le tuer. Cela ne l'émut en rien.
" Bonne chance avec les goules." dit-il néanmoins, sans le penser réellement.

[Taliesin]

L'homme s'immobilisa, esquissa ce qui ressemblait fort à un salut avant de se raviser, d'interrompre son geste et de quitter la chapelle sans un regard en arrière.
Ainsi Hubert se retrouva-t-il seul dans le sanctuaire, non loin de la statue de l'ange qui, en compagnie de l'eladrin, était finalement venu les aider.

[Hubert de Maleval]

Hubert profita de cet instant pour adresser des remerciements à l'ange, qu'il avait entraperçu, qui lui avait, avec son compagnon, très certainement sauvé la vie et épargné de terribles souffrances. Sa prière ne dura que quelques minutes, puis il reprit le chemin du téléporteur pour regagner le palais. Il avait à présent l'intention de passer la fin de la journée à entraîner les hommes, et affronter ceux qui le désiraient... même s'il y aurait sans doute moins de volontaires, car il était reposé.

[Taliesin]

Il y eut beaucoup moins de volontaires, oui. Mais quelques-uns se présentèrent malgré tout. Quant aux personnes à entraîner, elles ne manquaient pas, d'autant que certains des instructeurs habituels en avaient profité pour se joindre aux expéditions - ils avaient bien mérité, eux aussi, de sortir un peu. Bref, le paladin eut du travail... Et alors qu'il s'en acquittait, il apprit que les expéditions de la matinée étaient rentrées avec deux survivants supplémentaires.

[Galathée]

C'était une bonne nouvelle, et il espérait aussi que ceux qui avaient procédé à ces sauvetages en retiraient une certaine satisfaction. Petit à petit, la communauté regagnait ses civils : pas ceux qui étaient partis aux Dents Grises, bien sûr, mais ceux qu'ils avaient réussi, à un moment ou un autre, à arracher aux diables, aux Ithiliens ou, désormais, à l'hiver.
Pour le reste, il avait l'intention de travailler jusqu'au souper, ou presque : un passage par les thermes juste avant s'imposerait certainement.

[Taliesin]

Et rien ne s'opposa à l'exécution de son programme : après avoir livré maints duels et prodigué maints conseils et démonstrations, il put prendre le chemin des magnifiques thermes du palais.
A peu près au même moment, Albérich arrivait au bout d'un chapitre. Lequel, comme tous ceux qu'il avait lu auparavant, ne lui avait rien appris d'utile concernant le cas particulier de Giovanni. En revanche, il commençait à en savoir beaucoup sur l'utilisation des gemmes pour soigner plaies, fractures, brûlures et autres blessures.

[Galathée]

Albérich décida de se mettre en quête de Thibault : il était temps de prendre des mesures pour que le barde survive, et elles passaient par la bonne volonté du Sunite. Le Luménien ne savait pas où le trouver mais il se renseignerait s'il ne le dénichait pas dans les endroits où il avait l'habitude de traîner.

[Taliesin]

Il finit par trouver Thibault au deuxième étage : le Sunite, les mains dans le dos, déambulait dans les couloirs en observant les fresques d'un regard absent. Il sourit néanmoins à Albérich en le voyant approcher.
-Un souci ? s'enquit-il après l'avoir salué.

[Galathée]

" Oui." répondit le Luménien sans chercher à cacher son souci.
Il poussa un bref soupir.
" Nous devons parler de Giovanni. Son état ne s'améliore pas. Nous ne trouvons rien d'utile dans les livres. Je pense que nous ne pouvons plus tergiverser. Si tu es toujours partant, je suis d'avis d'organiser au plus vite son transfert à Eredhun. Il nous faut un clerc ou un mage qui peut se téléporter, bien sûr. Mais je me dis que tu en connais peut-être."

[Taliesin]

Il secoua la tête.
-Les mages ne sont pas foule à Eredhun : c'est la cité des clercs, souviens-toi... Quant à ces derniers, je n'en connais pas qui ont la possibilité de se téléporter. Mais j'ai déjà réfléchi au problème et discuté avec Roxane : elle nous procurera des coursiers fantômes grâce auxquels nous devrions pouvoir gagner rapidement une grande cité de la région. Ensuite, il suffira de trouver un mage.

[Galathée]

" D'accord." dit Albérich.
Il n'était pas ravi de voir partir Thibault, mais c'était la seule chose raisonnable à faire. Monter à cheval allait être impossible pour Giovanni, mais ces créatures magiques étaient sûrement capables de porter deux personnes en même temps.
" Bref, je pense que tu dois songer à te préparer. Il ne tiendra plus longtemps et les dieux seuls savent où son âme erre en ce moment."

[Taliesin]

-Peut-être est-elle toujours à l'intérieur de son corps. Peut-être sa raison a-t-elle simplement été... trop ébranlée par ce qu'il a vu.
Soupir.
-Enfin, je ne suis pas un spécialiste. Et la seule chose qui compte, c'est que je suis prêt à partir dans l'instant : j'avais déjà préparé mes affaires, au cas où.

[Galathée]

" Partez demain à l'aube. Je sais que tu n'es pas lathandrite, mais je pense que c'est mieux."
Il ne croyait pas que son âme soit encore à l'intérieur de lui-même. Les sortilèges de guérison étaient équipés pour les maux de l'âme, surtout les plus puissants. Dans le même temps, s'il fallait retourner aux Enfers le chercher... Hubert se porterait certainement volontaire.
" Bon, mais puisque tu as déjà organisé le nécessaire, je n'avais rien d'autre à discuter. J'espère que vous nous reviendrez vite, en bonne santé, tous les deux."
Même si l'un et l'autre auraient d'excellentes raisons de ne plus jamais mettre les pieds à Clairétoile.

[Taliesin]

-Souhaitons déjà que Giovanni se remette. C'est le plus important.
Il s'arracha un sourire.
-Bon, mais je vais m'efforcer de me coucher tôt. C'est quasiment interdit par ma religion mais bon, là, c'est pour la bonne cause.

[Galathée]

Albérich lui rendit son sourire.
" Tu as quand même le temps de manger."
Il n'osa pas lui demander pourquoi il errait dans les couloirs. Ils avaient déjà parlé à coeur ouvert la veille et il n'y avait sûrement rien de neuf. Thibault serait bientôt parti, à présent, autant ne pas s'appesantir sur les choses difficiles.
" Je te laisse à ta contemplation. A plus tard."
Et il repartit vers l'étage inférieur et la salle commune.

[Taliesin]

La soirée, la nuit, l'aube furent identiques à celles qui les avaient précédées.
Sauf qu'une fois terminées leurs prières, Albérich et Hubert gagnèrent non la salle du petit-déjeuner mais celle des téléporteurs, où les attendaient Thibault, Roxane et un Giovanni toujours inconscient.
Il fallait à présent gagner l'un des forts : ce serait toujours autant de distance gagnée.

[Galathée]

Albérich était empli d'énergie en dépit des adieux qu'ils s'apprêtaient à faire : c'était l'avantage d'avoir prié. Il était plein de confiance, d'optimisme, convaincu — pour un temps, sans doute — que le voyage de Thibault serait sans heurts, couronné de succès, qu'ils se reverraient avant l'été. La douce nuit entre les bras de son aimé avait également contribué à la force qui l'habitait : c'était un aperçu des veilles, des mois, des années à venir, et il en était enchanté. Hubert était tourmenté, pourtant, mécontent du départ de Giovanni, de l'échec de leurs tentatives de le ramener à la conscience. Albérich savait qu'ils étaient devenus très proches au fil du temps, que le barde était sans doute le meilleur ami qu'Hubert se soit fait dans la communauté, même s'il se liait aisément, de manière générale, et qu'il était affecté de son état, bien sûr, mais aussi du fait qu'il ne pouvait l'accompagner à Eredhun, que Thibault avait des contacts là-bas, qu'on avait besoin d'un demi-céleste pour ouvrir les téléporteurs et d'un général pour combattre.
Malgré ses prières, Albérich le sentait défait. Mais il n'en activa pas moins la console, refusant de regarder vers les Sunites et la barde, pour garder sa contenance. Ils avaient choisi le fort que la colonne avait rallié, un petit détour par rapport à celui que détenaient les Ithiliens, mais c'était plus prudent.

[Taliesin]

Peut-être parce qu'ils savaient chaque minute précieuse, peut-être parce qu'ils n'avaient rien de particulier à dire, c'est en silence qu'ils parcoururent les salles, les couloirs et les escaliers du fort. Bientôt, Roxane sortit dans la cour et commença son incantation - celle-ci, plutôt longue, lui prendrait une bonne demi-heure. Les autres restèrent à l'intérieur, pour ne pas s'exposer au froid. Pour ne pas y exposer Giovanni, surtout.

[Galathée]

Mais Hubert était bien trop nerveux pour rester à l'intérieur plus d'une minute. Comme de surcroît, il ne craignait pas le froid, il abandonna rapidement Giovanni, Thibault et Albérich pour aller arpenter les remparts. Le Luménien le regarda partir sans rien dire. Ils parleraient plus tard, même s'il n'y avait pas grand chose à dire : le paladin savait que Giovanni devait partir, il éprouvait juste du mal à tempérer ses émotions. Cela lui passerait. Et les bonnes nouvelles d'Eredhun, tôt ou tard, lui rendraient le sourire.
" Tu as une idée de ton itinéraire ?" demanda-t-il au Sunite.

[Taliesin]

Le Sunite acquiesça.
-Oui. Ces coursiers étant pour ainsi dire tous terrains, je vais foncer tout droit. Tout droit jusqu'à la grande ville la plus proche. C'est à dire...
Il sourit.
-Ithilion.

[Galathée]

" Mais quelle bonne idée."
Il sourit.
" Je ne savais pas que Roxane était capable d'invoquer pareils coursiers."
Ils leur auraient été utiles à plus d'une occasion... Mais c'était sans doute un pouvoir qu'elle avait acquis récemment, au fil des événements.
" Je te contacterai régulièrement, pour savoir comment les choses se passent."

[Taliesin]

-Si tu veux. Mais essaie quand même de ne pas me contacter avant que j'aie terminé cette épique chevauchée. Parce qu'à mon avis, j'aurai besoin de toute ma concentration pour diriger ce cheval filant à la vitesse de l'éclair...
Il eut un sourire fugitif.
-Oh, et avant que j'oublie... J'ai déposé les artefacts sunites dans la salle du trésor. Pensez à les replacer dans la crypte du temple...

[Galathée]

" Nous n'y manquerons pas."
Quand la ville serait sécurisée. Tant qu'il rôdait des Ithiliens dans les rues, les artefacts seraient plus en sécurité au palais. Des Tymorans les avaient dénichés, après tout. Des Oghmans en seraient également parfaitement capables.
" Et je te contacterai dans deux jours. Ça te laisse largement le temps d'atteindre Eredhun."

[Taliesin]

-Oui, si tout va bien. Mais il n'y a pas de raison que cela se passe autrement.
Si Thibault s'était habillé chaudement, Albérich nota qu'il avait également emporté un lourd paquetage. Sans doute celui-ci contenait-il l'intégralité de ses possessions. Du moins celles qu'il avait pu emporter de la forteresse au moment où celle-ci avait été assaillie.

[Galathée]

Voilà qui indiquait probablement quelles étaient les intentions de Thibault : rentrer à Eredhun, ne plus revenir. Albérich n'en dit rien, ne lui posa aucune question. Son sac pouvait être lourd parce qu'il avait emporté du vin ou les trente-six tenues de rechange réglementaires de l'ordre sunite.
Il sentit une boule se former dans sa gorge, observa un moment le plafond, réprima son émotion, n'ajouta rien. Thibault avait le droit de disposer de lui-même comme il l'entendait. Rien ne l'obligeait à revenir ou à rester. Influencer sa décision aurait été égoïste.
Albérich savait qu'il se reverraient, cependant, tôt ou tard, ici ou là. Ils avaient vécu vingt ans sans pratiquement s'adresser la parole, et pourtant le lien ne s'était jamais complètement rompu. Cette séparation ne serait pas différente.

[Taliesin]

Thibault ne reprit pas davantage la parole et c'est finalement Roxane qui rompit le silence, leur annonçant que le coursier était apparu.
Dès lors, le Sunite ne perdit pas de temps ; son paquetage sur le dos, il enfourcha sa monture, récupéra Thibault quand on le lui tendit et l'installa contre devant lui.
-Bon et bien... A la prochaine, dit-il d'un ton léger.
On le sentait déjà prêt à mettre le cheval au galop.