L'Antre du Façonneur

[Le Façonneur]

« Les anneaux déjà créés sont effectivement un peu moins cher : 55000 pièces d’or. Vous avez vu l’apparence que donnent deux d’entre eux. Le troisième que j’ai en stock confère l’aspect d’un vieillard humain. Je peux vous le faire tester si vous êtes tenté. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas encore une idée précise du service que je pourrais vous demander si vous optez pour cette solution. Mais je trouve toujours. Ce serait forcément un gros service, pour remplacer une telle somme, or j’ai de gros besoins. Si vous avez du temps à me consacrer et que le danger ne vous effraie pas, on peut en discuter. »

Le Façonneur eut son petit sourire malicieux.

[Asmodeus]

La différence de prix était certes conséquente mais pas assez pour qu'Asmodeus la considère plus de quelques instants : décidément, il n'était pas vraiment tenté par l'idée d'arborer des traits qui n'étaient pas les siens et de jouer un rôle à l'avenant. Il se connaissait assez pour savoir qu'aucun de ceux proposés par le gnome ne lui conviendraient, qu'il aspirait à rester lui-même et que le jeu de rôle lui semblait être une activité aussi vaine que dévoyée.

- Ce qui est dangereux pour certains ne l'est pas forcément pour tous. En tous cas, considérer votre offre semble être le plus logique. Et cela n'engage à rien, n'est-il pas vrai ?

Indéniablement, le vendeur avait piqué sa fierté en plus de sa curiosité. D'où sa réponse.

[Le Façonneur]

« En effet, discuter ne vous engage en rien. Et il va de soi que votre condition de mort-vivant ouvre des perspectives intéressantes que je me dois de considérer. Je m’efforce de choisir des services adaptés à ceux qui se propose de m’en rendre. Et pour ce faire, il me faut avoir une idée de votre potentiel. »

Le Façonneur retourna à son comptoir. Il vérifia quelque chose derrière celui-ci, puis reprit la parole.

« Vous venez de Melandis... bien. J’étais certain que placer une porte là-bas était judicieux. Pouvez-vous m’expliquer ce qu’est une momie auguste ? Avez-vous des serviteurs ? Bref, parlez-moi de vous. Dites-moi ce que vous voulez bien me dire. Mes propositions seront en fonction de cela, de cela et du prix de l’objet. »

[Asmodeus]

Asmodeus n'aimait pas vraiment parler de lui - non par manque d'égotisme évidemment - car cela pouvait révéler des faiblesses exploitables par des adversaires potentiels ou, à l'inverse, gâcher l'effet de surprise sur certaines de ses capacités. C'était pourtant nécessaire cette fois-ci et le gnome lui paraissait à même de tout découvrir par lui-même aussi répondit-il de bonne grâce :

- Une momie auguste est une momie à part entière mais qui a été un puissant lanceur de sort de son vivant et qui conserve évidemment cette capacité. En l'occurrence, ce sont des capacités d'élu divin ayant accès aux plus hauts sorts de niveau intermédiaire. En outre, vous avez affaire à un Gardien mortuaire lié à la nécropole de Melandis. Sa puissance y est donc grandement augmentée mais l'accord que vous envisagez ne devra en aucun cas exiger un déplacement lointain supérieur à une semaine.

[Le Façonneur]

Le Façonneur passa une main dans sa longue barbe argentée.

« Très intéressant... Vraiment très intéressant... Je vous demande quelques secondes, le temps que je ravive mes souvenirs sur certaines choses... »

Il se mit dès lors à trifouiller derrière son comptoir. Asmodeus perçut nettement le bruit de parchemins que le gnome devait dérouler et lire. Le commerçant laissa échapper certaines remarques.

« Hum... pourquoi pas... et ceci ? Non, trop simple, bien trop simple... Cela peut-être ? ... Hélas, non, ce n’est pas encore aujourd’hui que je trouverai quelqu’un pour se rendre en Enfer... Tiens tiens, et ça ? Une source fiable en plus... Melandis, Melandis... »

Le gnome réapparût par-dessus son comptoir.

« Aller me chercher un morceau de miroir magique en Gisombre, cela vous tenterait-il ? Vous changeriez de plan, mais pas de lieu. Il se trouve que le reflet ténébreux de Melandis est riche de potentiel. »

[Asmodeus]

Le regard de la momie s’illumina d’une lueur de vif intérêt. Asmodeus perçut en effet tout l’intérêt de découvrir un moyen de changer de plan et se fit la réflexion que cette affaire lui serait potentiellement doublement bénéfique. C’est pourtant d’un ton pondéré que l’élu divin répondit au gnome :

- Dans l’absolu, c’est envisageable. Mais plusieurs questions se posent : la mission couvrira-t-elle l’entièreté du prix pour l’anneau personnalisé ? De quel miroir magique s’agit-il ? En connaissez-vous la localisation et un moyen de s’y rendre ? Bref, quelques menus détails qui pourraient être utiles et faire gagner beaucoup de temps.

[Le Façonneur]

« La mission couvrira effectivement l’intégralité du prix. La Gisombre est un plan dangereux, particulièrement en des lieux tels que Melandis. Vous pourriez bien y croiser votre fin en dépit du fait que vous soyez déjà mort. Je tiens d’ailleurs à préciser que ma responsabilité ne serait être engagée quels que soient les problèmes que vous pourriez rencontrer. Tout ce que vous ferez là-bas vous regarde. Notez que ce peut être un avantage. Il est tout à fait possible qu’au cours de votre périple vous trouviez des choses intéressantes. Moi je ne veux que ce morceau de miroir. J’ignore sa localisation précise. Je sais juste qu’il se trouve quelque part dans la ténébreuse Melandis de la Gisombre. Mais n’ayez crainte, le fragment d’objet ne peut être confondu avec un simple bris de verre. Je vais vous montrer un morceau déjà en ma possession. Une seconde je vous pris. »

Le Façonneur claqua des doigts et il disparût dans un petit flash. Environs une minute plus tard, il réapparût, un coffret en main. Il le déposa sur son comptoir, actionna une serrure compliquée qui exigeait vraisemblablement un code, puis l’ouvrit.

« Voici. Vous pouvez toucher. La sensation dégagée par le fragment est tout à fait singulière. »

Le morceau de miroir était d’un noir bleuté très étrange. La matière, au premier coup d’œil, paraissait être du verre peint, du vitrail peut-être. Mais il suffisait de fixer le fragment pour constater que les reflets bleutés ondulaient de manière erratique. Le noir au-delà était comme une faille vers le néant qui attirait à lui l’attention quasiment jusqu’à donner le vertige. En touchant, Asmodeus ressentit des frémissements dans tout son corps. De la magie brute, puissante, très puissante, plus puissante que tout ce qu’il avait jamais connu. Et il eut dès lors la conviction que le miroir que cherchait à rassembler le Façonneur ne pouvait qu’être qu’un artéfact divin.

[Asmodeus]

Asmodeus s'imprégna de cette magie mais sans prendre le risque de laisser trop longtemps son doigt sur le débris d'artefact. Oui, c'était incommensurablement puissant et ce n'était pourtant qu'un fragment. La conscience humaine - même la sienne - n'était pas assez profonde pour envisager le pouvoir que pouvait receler l'artefact une fois reconstitué. Mais cela ne manqua pas de susciter l'intérêt et la curiosité du Gardien :

- A quelle entité est-il lié ? Pouvez-vous le révéler ? Cela faciliterait les recherches...

[Le Façonneur]

« Ce qu’est exactement ce miroir et ce que je compte en faire ne regarde que moi. Les informations que je détiens ne pourraient de toute façon pas vous aider. Le fragment dégage tant d’énergie magique qu’il est aisé de le détecter. C’est tout ce qu’il est utile de savoir. S’il se trouve à proximité, vous devriez pouvoir le percevoir même sans aucun sort de détection. »

Le Façonneur remit l’objet dans le coffret. La serrure compliquée se verrouilla avec un bruit sec.

« Selon toute logique, le fragment sera détenu par quelqu’un... ou quelque chose d’assez puissant pour le conserver à l’abri des mains avides. »

[Asmodeus]

Asmodeus esquissa un sourire mauvais : dérober le fragment allait sans doute se révéler intéressant et si cela pouvait lui permettre d'évacuer la frustration d'avoir dû se retenir de se battre contre les intrus qui s'étaient introduit dans son domaine, ce serait un bénéfice supplémentaire à porter au crédit de cette aventure. En revanche, il ne se formalisa guère des secrets que le Façonneurr faisaient : ils étaient fort compréhensibles.

- Bien, deux dernières choses : avez-vous une contrainte de temps pour récupérer ce fragment ? Et connaissez-vous un moyen de se rendre en Gisombre depuis Melandis ?

[Le Façonneur]

« Je ne vous impose aucun délai. En revanche, je ne débuterai la construction de l’anneau qu’une fois le fragment en ma possession. Concernant les accès à la Gisombre... »

Le gnome passa à nouveau sa main dans sa grande barbe.

« ...hum... je pourrais directement vous y envoyer. Mais cette méthode simpliste risque de vous porter préjudice car vous n’auriez alors pas les moyens de changer de plan par vous-même. Or la Gisombre étant le reflet de la réalité, le changement de plan représente un atout non négligeable. Melandis dispose de surcroit de plusieurs croisées ombreuses, des endroits où le changement de plan est grandement facilité. Ce que je vous propoe, c’est de vous donner quelque chose pour activer ces croisées ombreuses. Je peux également vous confier un couvre-chef de déguisement qui vous procurera une illusion minimale afin d’évoluer à Melandis. Vous pourriez en avoir besoin. Le couvre-chef coûte 1000 pièces d’or. Vous m’avancez la somme et quand le couvre-chef ne vous sera plus utile, je vous rembourserai intégralement. On fait ainsi ? »

[Asmodeus]

Sans compter que s'il était directement envoyé dans le plan de Gisombre, il n'était pas garanti qu'il retrouve facilement ces fameuses croisées lui permettant de rentrer chez lui. Le plan proposé par le gnome lui convenait donc complètement et il hocha la tête en signe d'assentiment :

- Ce sera parfait. Voici la somme pour le couvre-chef.

Mille pièces d'or. Une somme loin d'être anodine mais largement dans ses moyens et dans ce qu'il avait prévu d'apporter par prudence à la boutique.

[Le Façonneur]

Le Façonneur compta l’or avec une dextérité et une rapidité nées d’une grande habitude. Il consigna ensuite quelques notes dans un livre de belle taille, puis rédigea un court parchemin. Il fit glisser le parchemin, où il était fait mention du remboursement, sur le comptoir, le destinant à Asmodeus. Puis il alla chercher le chapeau en feutrine.

« Encore plus simple à utiliser que les anneaux. L’objet répond à vos désirs. Je vous demande une seconde. »

Claquement de doigt, disparition du gnome. Il réapparût avec une petite fiole contenant visiblement de l’encre.

« Voici des larmes d’ombre. Lorsque vous les verrez s’agiter dans le flacon, c’est que vous vous trouvez sur une croisée ombreuse. Vous n’avez alors qu’à ouvrir la fiole pour activer la croisée et ainsi changer de plan. Cela fonctionne dans les deux sens, du plan matériel vers la Gisombre et réciproquement. La fiole contient assez de larmes pour dix utilisations. Je vous l’offre. Si d’aventure vous l’épuisez, je peux vous en repasser mais ce sera payant. Sachez que les croisées ombreuses n’ont théoriquement pas besoin de ces larmes pour fonctionner. Mais il faut pour cela connaître leurs règles. Certaines ne marchent par exemple qu’à minuit, ou lors de la nouvelle lune. Les larmes permettent de s’affranchir de ces règles, de forcer le passage en quelque sorte. Les croisées ombreuses se trouvent dans des lieux liés à la mort ou à l’obscurité. Cherchez donc dans le cimetière ou dans les cryptes. Ou bien, rendez-vous au jardin de la mélancolie. Il existe également un tableau sinistre dans le musée qui fait office de croisée tant il est imprégné de funestes sentiments. »

Petite pause.

« Bien bien, je pense avoir tout dit. Si vous voulez, on peut procéder à la lecture de vos souvenirs afin que j’obtienne une description de l’apparence que vous désirez pour votre anneau. J’aurai alors en main tous les éléments pour sa conception. Ne manquera que le règlement. »

[Asmodeus]

Asmodeus manipula la fiole avec précaution et curiosité avant la ranger à l'abri dans son manteau. Il possédait donc dix utilisations dont il avait l'intention de se servir avec parcimonie. Mais avant tout, l'autre propriété de l'objet permettant de détecter la proximité d'une croisée allait lui être particulièrement utile. Comme il n'avait pas d'impératif sur le délai, il avait bien l'intention de parcourir son domaine et ses abords pour découvrir ces points d'intérêt.

Mais pour ce qui était de laisser le gnome lire ses pensées, rien ne pressait véritablement puisqu'il n'entamerait ses travaux qu'à son retour mais cela ne servait à rien de remettre l'expérience aussi accepta-t-il de s'y mettre immédiatement.

[Le Façonneur]

Le Façonneur alla se munir d’une sorte de longue-vue biscornue ainsi que de quoi écrire. Puis il demanda à Asmodeus de se concentrer sur des événements susceptibles de montrer ce qu’il était de son vivant.

« Vous vous êtes très certainement regardé dans un miroir. Visualisez cette image. Si des gens faisaient des réflexions à propos de votre physique, remémorez-les. Montrez-moi aussi une de vos marches dans les rues, tout simplement. Même cela donne des indications. Vous êtes prêt ? On commence. »

Le gnome braqua l’étrange longue-vue sur la momie. La tenant d’une main, il commença à griffonner de l’autre. Cela dura environs cinq minutes. Le marchand finit par déposer son outil, relut ses nombreuses notes et les présenta à son client.

« Qu’en pensez-vous ? Si vous désirez des modifications, c’est le moment de le préciser. »

Le résultat était d’une saisissante fidélité. Les termes employés par le Façonneur étaient éloquents et du coup parfois peu élogieux. Le côté maladif, souffreteux d’Asmodeus était écrit noir sur blanc. Le gnome avait le sens du détail. Il n’avait pas oublié le moindre aspect. À sa rédaction venait s’ajouter deux dessins, un de face, un de profil, très réussis.

[Asmodeus]

Asmodeus avait pourtant essayé d'atténuer voire d'éviter cet aspect mais l'objet magique avait dû percer les non-dits avec une froide impudeur. L'élu divin observa toutefois les dessins et les notes avec attention avant d'exprimer son avis :

- Le but n'est pas de redevenir exactement comme avant. Vous pouvez conserver l'apparence sans rien y changer mais inutile de conserver ces handicaps qui ne feraient que gêner.

Non, il n'avait pas l'intention de faire illusion auprès d'anciens contacts mais simplement envie de se sentir parfaitement à son aise dans l'apparence qu'il aurait à la surface du monde.

[Le Façonneur]

« Notez que l’anneau ne vous confère qu’une apparence, pas la condition physique qui découle de celle-ci. Quand bien même vous sembleriez moribond que ça ne changerait rien à vos facultés. Les handicaps que vous mentionnez sont donc, de fait, inexistants. Si vous désirez une retouche, par exemple un air moins souffreteux, une plus grande vigueur apparente, je vous invite à l’écrire en bas du parchemin. J’en prendrais compte. »

[Asmodeus]

Ce qu’il fit sans hésiter. Car même si elles ne l’handicaperaient pas physiquement, ces tares apparentes ne le mettraient certainement pas en valeur lorsqu’il s’agirait de négocier avec des vivants. Et il n’avait pas vraiment d’intérêt à paraître moribond comme il l’était précédemment : non, l’apparence était tout aussi importante pour inspirer crainte ou respect.

Cette dernière formalité accomplie, Asmodeus déposa son paraphe en bas du document et le remit au gnome avant de conclure avec affabilité :

- A bientôt !

C’était une promesse que la tâche que lui avait confié le Façonneur serait rapidement menée à bien.

[Le Façonneur]

« Et bien, bonne chance Asmodeus, répondit le Façonneur après avoir lu le paraphe. Ravi d’avoir pu faire affaire avec vous. N’oubliez pas que je pratique la vente et l’identification d’objets magiques. Alors si par hasard vous mettez la main sur des choses étranges ou dont vous n’avez pas l’usage, n’hésitez pas. »

Il rangea le parchemin.

« Franchissez n’importe laquelle des portes du hall, elles vous ramèneront toutes à Melandis. »

HRP : j’ai effectué un jet de dé pour savoir s’il y avait un incident de parcours. Ce n’est pas le cas. Ton personnage peut se rendre où il veut. Je te laisse donc changer de topic.

[Asmodeus]

La momie salua le vendeur une nouvelle fois avant de sortir de la même démarche qu'elle était venue. Asmodeus prit ensuite soin de réajuster sa capuche avant de franchir la première porte à sa gauche dans le hall circulaire. Il avait l'intention de se rendre directement à son domaine - en passant par la maison bien entendu - puis d'entamer sans tarder ses recherches de croisées dans les catacombes environnantes.

[Asmodeus]

Après un long périple qu'il avait passé à éviter de croiser quiconque, le seigneur momie retrouva enfin la porte familière de son commanditaire. Sans faire de manière ni s'inquiétant de l'heure tardive, il poussa le battant puis se dirigea d'un pas sûr vers la porte menant à la boutique elle-même et la franchit en s'annonçant calmement :

- Bonsoir, c'est Asmodeus. Il est de retour !

[Le Façonneur]

Le commerçant gnome était présent, mais il n’était pas seul. Asmodeus le vit en compagnie d’une créature plutôt atypique. Il finit par reconnaître un drakéîde, une race bien peu représentée à Melandis et même sur le continent en sa globalité. L’individu était plutôt petit pour quelqu’un de son espèce, à peine un mètre soixante-dix, mais sa carrure compensait. Ses écailles le désignait comme un fils des redoutés dragons rouges. Sa mise de voyageur semblait faite pour évoluer en ville sans trop se faire remarquer. En entendant la clochette tinté, il tourna la tête. Ses yeux reptiliens brillaient d’une malsaine intelligence. Le Façonneur cessa d’examiner le médaillon qu’il tenait, puis se tourna vers le niveau venu.

« Heureux de vous revoir, Maître Asmodeus. Puis-je vous demander un instant ? Je serais bientôt à vous. »

[Asmodeus]

Le seigneur momie signifia son accord d'un signe de tête poli et se mit nonchalamment à fureter parmi les étals du marchand. Asmodeus avait à peine accordé un regard à son client, ne souhaitant en rien avoir d'interactions avec un représentant de cette race reptilienne. Pour lui, ces énergumènes ne valaient pas mieux que les démons tant dans leur attitude souvent chaotique que dans leurs accointances.

[Le Façonneur]

Le drakéîde régla rapidement ses affaires puis, après avoir déposé une bourse rondelette sur le comptoir, il s’en alla sans accorder plus d’importance à la momie qu’elle n’en avait eu pour lui. Le Façonneur prit le temps de compter les pièces, ce qu’il fit avec une adresse née de l’habitude, avant de ranger le tout dans un tout petit coffre derrière son comptoir. Ceci fait, il invita le mort-vivant à s’approcher d’un geste aimable.
« Maître Asmodeus comment se passe notre affaire ? J’espère que la vague entropique ne vous a pas trop ennuyé. Un événement d’une telle ampleur est tout à fait remarquable. Pour un peu, j’aurais pu croire à une nouvelle défaillance de Mystra. »

[Asmodeus]

Ainsi donc le phénomène avait bien agi dans les tous les plans comme l’avait déjà suggéré leur bref passage parmi les cercles démoniaques. C’était une information intéressante que d’en avoir eu la confirmation et Asmodeus ne perçut aucun avantage à ne pas confirmer la remarque du Façonneur. Peut-être même était-il un des mieux placés pour analyser le phénomène, lui qui semblait si intimement lié à la magie planaire.

- Le phénomène a retardé l’entreprise d’Asmodeus mais il a tout de même réussi à accomplir ce pour quoi vous avez sollicité ses compétences...

Inutile de s’attarder sur sa perte ponctuelle de pouvoir ou les transformations qu’il avait constatées en récupérant ses facultés… Par orgueil certainement, il préférait aller droit au but, montrer son efficacité et combien il était apte à faire face même à un tel phénomène d’ampleur cataclysmique. Il sortit le petit coffret contenant l’éclat de miroir de sa poche et le déposa délicatement sur le comptoir.

- … Constatez par vous-même !

[Le Façonneur]

« Je vais m’y employer. »
Le Façonneur ouvrit le coffret puis observa le fragment, ne faisant visiblement confiance qu’à lui-même pour tout ce qui concernait son bisness. Il procéda avec minutie, avec méthode, sans toutefois rallonger l’examen de façon inutile. Identifier avec certitudes un fragment d’artéfact aussi puissant devait être assez facile. Comment imiter une telle aura, même avec la plus subtile des illusions ? Il reposa finalement le morceau de verre dans le coffret et hocha la tête.
« Bien. Vous avez effectivement tenu votre part du contrat. Si la vague entropique vous a ralenti, elle va à présent vous faire gagner un peu de temps. En effet, vous n’allez pas avoir besoin d’attendre votre anneau magique. »
Le gnome se baissa, farfouilla derrière son comptoir, puis trouva ce qu’il voulait : un autre coffret.
« Avec les perturbations magiques, je me devais de tester si mes conceptions fonctionnaient toujours bien. Et pour cela, il me fallait faire un test. Votre commande m’en a offert l’opportunité. Le test ayant été concluant, voilà l’anneau terminé. »
Il ouvrit le coffret, révélant un élégant anneau d’or.
« Il devrait fort bien vous aller. Son usage est des plus simples. Vous n’avez qu’à murmurer le mot de commande qui est gravé à l’intérieur de l’anneau pour activer l’illusion, puis à le murmurer de nouveau pour y mettre un terme. L’illusion est de même nature que celle engendrée par un sort de mirage, elle abuse donc tous les sens, y compris le toucher, ce qui est très loin d’être un détail. Je vous invite à me dire si tout ceci vous convient. »

[Asmodeus]

Le fonctionnement de l’objet était facile à comprendre et Asmodeus ne pensait pas avoir besoin d’explications complémentaires. Au lieu de cela, et puisqu’une démonstration s’imposait, il récupéra le petit coffret, examina l’anneau de près pour en apprécier les finitions et lire le mot de commande qui y était gravé. Ceci fait, il le glissa à son index puis exécuta la commande. Il était curieux – et même impatient - de vérifier son apparence, sa voix, ses sensations.

[Le Façonneur]

Le charme opéra sur l’instant. Il y eut comme un léger souffle et Asmodeus se vit tel qu’il était de son vivant. Il ne put que mieux le constater car le Façonneur sortit d’un tiroir un joli miroir d’argent. Son visage, son expression, sa voix, tout était fidèlement retranscrit par la magie de l’anneau. Mais tout ceci n’était qu’une illusion, fut-elle capable de modifier jusqu’au tactile. Aussi le mort-vivant ne se sentait pas vraiment différent au fond de lui-même. Ni même, à vrai dire, à l’extérieur. S’il ne se touchait pas, s’il ne s’écoutait pas, s’il ne se regardait pas, il aurait du mal à savoir s’il était ou non camouflé par l’anneau. Prononcer de nouveau le mot de commande dissipa l’illusion avec le même infime souffle. La tenue vestimentaire n’était pas modifiée par l’objet.
« L’anneau est bien sûr utilisable à volonté et l’illusion peut durer indéfiniment si vous le voulez. Méfiez-vous cependant, de rares individus, ceux capables de voir la vérité, ou des gnomes particulièrement attentifs, pourraient percer à jour votre déguisement. Des sorts aussi le peuvent, mais c'est un impondérable. Pour le commun des mortels, et pour les animaux, c’est sans faille. Ceci vous convient-il ? »

[Asmodeus]

Asmodeus ne chercha pas à cacher sa satisfaction : barguigner dans le but d'obtenir d'autres avantages serait malvenu et probablement voué à l'échec. Du reste, l'objet était tel que le Façonneur l'avait promis. En tous cas, tel que le seigneur momie se l'était imaginé. C'est donc d'un ton calme et sincère qu'il répondit :

- Oui, cela convient à Asmodeus. Il vous remercie pour votre travail.

[Le Façonneur]

« Voilà qui est parfait. J’espère que cet anneau vous apportera, à l’usage, pleinement satisfaction. »
Le Façonneur prit une plume, sortit un parchemin et nota rapidement quelque chose, sans doute pour ses registres. Puis il rangea la plume et le parchemin, sauta de son tabouret et vint se poster à côté d’un coffre.
« Je vous avais également promis une pochette surprise. C’est un jeu de ma conception. Jouez uniquement si vous avez envie. Si vous jouez, c’est que vous en assumez les règles. Elles sont simples. Ouvrez le coffre, choisissez une enveloppe et son contenu est à vous. Ce que vous en ferez ne me regarde pas, quoi qu’il arrive. Vous pourriez trouver dans ce coffre le meilleur comme le pire. »
Le gnome sourit. C’était bien un jeu propre à son peuple.

HRP : si Asmodeus joue, effectue un jet de d100.