[Lieu] La Vallée Fertile

[Galathée]

Braen haussa les sourcils.
" Joli résumé. Mais jusque là ? On envoie un éclaireur ? On entre tous ? Je suis pour l'éclaireur, personnellement. Savoir où on a débouché serait déjà utile, avant de pousser plus loin. Je sais qu'on est des as de la planque, mais faut pas pousser, non plus..."

[Taliesin]

-Envoyer un éclaireur en repérage me semble être une bonne idée. Mais je suis d'avis qu'il ne s'éloigne pas trop, qu'il revienne fréquemment nous faire son rapport et, de manière générale, que nous ne dispersions pas trop. Au cas où, sachez également que je dispose de quelques sortilèges d'invisibilité, que je préfère toutefois garder pour les situations critiques, et que je suis capable de créer des diversions si, d'aventure, cela s'avérait nécessaire.

[Galathée]

" Bon, ben j'y vais, alors." proposa Caenlin.
Dothiel leva les yeux au ciel.
" Il n'en est pas question. Avec ton goût pour le risque, tu te feras repérer en moins de deux !
— Quoi, mais pas du tout... Je sais doser mes efforts..."
Braen leva les yeux au ciel.
" On est bien embarqués."

[Taliesin]

-J'en ai bien l'impression, répondit-il avec un sourire en coin. Cependant, s'ils n'arrivent pas rapidement à se mettre d'accord, j'irai moi-même. Sans doute ne suis-je pas aussi discret qu'ils peuvent l'être mais je compte bien me faire montre d'une extrême prudence : certaines personnes comptent sur mon prompt retour et je ne souhaite pas les décevoir.
Non, il ne prendrait pas de risque inconsidéré, c'était le moins que l'on puisse dire.

[Galathée]

Braen le regarda d'un oeil songeur, puis haussa les épaules.
" Autrefois, je me serais proposé, mais j'ai légèrement perdu la main pour ce genre de choses... Je pense que vous devriez y aller. Pas parce que vous êtes le plus furtif, mais parce que vous saurez si ce que vous observez est anormal ou pas... Ces deux-là ont la tête farcie de racontars sur les humains. Je ne les crois pas capables de faire la différence entre Shar et Chauntéa."
Dothiel et Caenlin, de leur côté, continuaient à s'invectiver.

[Taliesin]

-Alors j'y vais. Souhaitez-moi bonne chance !
Après un ultime hésitation, il se tourna vers la porte, l'ouvrit précautionneusement puis la franchit, croisant mentalement les doigts pour que cette nouvelle infiltration dans un sanctuaire soit moins mouvementée que la précédente. Mais de prétendus Chauntéens installés sur Helonna ne pouvaient pas être pires que des Bainites établis en plein cœur de Melandis, non ?

[Galathée]

Taliesin franchit donc la porte avant que Caenlin et Dothiel n'aient pu protester. Il se retrouva aussitôt à l'intérieur de l'enceinte, sur une route terreuse, entre deux bâtiments de pierre hauts d'un seul étage. Il faisait sombre, le bâtiment de gauche n'avait de fenêtres, celui de droite en avait, mais aucune lumière n'en provenait. Plus loin, Taliesin devina d'autres constructions, des lueurs, peut-être du bruit. On aurait dit un petit village, au final, à l'abri de ses grands murs. Au-dessus de lui, le ciel s'était couvert. La pluie quotidienne n'allait sans doute plus trop tarder.

[Taliesin]

Voilà qui inciterait peut-être à s'abriter les personnes demeurées à l'extérieur, ce qui serait une très bonne chose. Néanmoins, ne préférant pas s'en remettre à la chance, le barde s'efforça de repérer tous les endroits où ses camarades et lui pourraient se dissimuler au cours de leur progression. Et, bien sûr, il continua à avancer, plus prudent que jamais : il fallait non seulement s'assurer que la voie était dégagée mais, de surcroit, identifier l'itinéraire leur permettant de s'approcher de la deuxième enceinte...

[Galathée]

Il était difficile de manquer la seconde enceinte : elle était visible de partout, devant le barde pour l'heure, aussi haute que la première. Le village niché à l'intérieur de la première enceinte faisait peut-être une centaine de mètres de large et devait courir tout le long de la colline, si Taliesin devait se fier au plan reçu de Lathandre. Il y avait certainement un portail quelque part, mais il fallait le trouver...
En progressant entre les bâtiments, Taliesin identifia une remise, un entrepôt, ce qui devait être des dortoirs ou des logements plus individuels. Plus il avançait, plus il y avait du bruit, des signes de personnes en mouvement, le murmure de conversations : certaines fenêtres étaient éclairées, et des odeurs de nourriture flottèrent bientôt dans l'air, puis des rires ici ou là. On était en train de manger, de bavarder, de vivre en somme, en ce début de soirée...

[Taliesin]

Pour respecter ses propres conseils, pour éviter, aussi, que ses compagnons ne s'inquiètent et ne se lancent sur ses traces, Taliesin finit par rebrousser chemin. Certes, il n'avait pas encore repéré les portes perçant la deuxième enceinte mais il avait déjà une meilleure idée de la configuration des lieux. Par ailleurs, il commençait à se demander s'il ne vaudrait pas mieux attendre que les occupants de l'abbaye ne s'endorment avant de pousser plus loin leur incursion. La moindre incursion serait en effet très difficile à régler car, ne sachant pas ce qu'il y avait de vicié ici, ne sachant pas si tous les résidents étaient concernés, ils ne pourraient agir comme lui-même l'avait fait dans le temple de Baine. A savoir, éliminer les opposants sans avoir à se poser de questions.

[Galathée]

Il retrouva donc Dothiel, Caenlin et Braen à l'extérieur, la corniche qui jouxtait la petite porte.
" Est-ce qu'on n'entrerait quand même pas se planquer dans un entrepôt ou quoi ? demanda Caenlin. Je ne veux pas avoir l'air douillet, mais il va doucher incessamment et si on doit passer la nuit trempés, je peux vous dire que l'humeur va s'en ressentir."

[Taliesin]

Il y avait pire, bien pire que de devoir effectuer une mission en étant trempé. Néanmoins, s'ils insistaient pour se mettre à l'abri...
-J'imagine que nous pouvons ne cacher au sec, oui. Bien sûr, nous courrons le risque que quelqu'un débarque à l'improviste pour prendre quelque chose mais si notre planque est suffisamment encombrée pour offrir des recoins où se dissimuler, je gage que nous nous en sortirons.

[Galathée]

" Allez, on bouge, alors. Moi ce flanc de montagne me donne la chair de poule. Je suis pas un nain, après tout.
— T'as surtout peur des fantômes des clercs.
— T'as déjà vu un fantôme ? Y'a de quoi avoir peur ! Et si Taliesin a raison, y'a sûrement des tas d'âmes en peine qui traînent..."
Braen ouvrit la porte.
" Les jumeaux, va falloir la boucler si vous voulez qu'on soit pas repérés."
Il se tourna ensuite vers Taliesin.
" Guide-nous."

[Taliesin]

Il acquiesça puis, plus prudemment que jamais, prit la tête du groupe et le précéda à l'intérieur de l'abbaye. Tout en veillant à ne faire aucune mauvaise rencontre, il allait le guider jusqu'à l'une des bâtisse qui lui avait semblé avoir des allures d'entrepôt. Si l'endroit n'était pas fermé à clef, ils s'y abriteraient un moment. A moins, bien sûr, qu'il ne soit complètement désert et ne les laisse par trop à découvert...

[Galathée]

Il ne dut pas chercher très longtemps. Le premier bâtiment à sa gauche remplissait déjà cette description, et quand ils y pénétrèrent, l'odeur de la sciure fraîche leur chatouilla les narines. Bien qu'il n'y eut que très peu de lumière — quelques lucarnes dans le toit légèrement pentu — ils n'eurent aucun mal à détailler l'intérieur des lieux : c'était une scierie / menuiserie, où reposaient des troncs, des planches et toutes sortes d'objets en bois à divers stades de fabrication. Il y avait des meubles, mais aussi de la vaisselle rustique, des ustensiles de cuisine, et des manches de formes multiples sans la partie de métal qui leur donnerait leur utilité.
Le vaste espace était bien rangé, bien balayé et parfaitement désert. Il était peu probable que ses occupants ne reviennent y travailler avant le lendemain.

[Taliesin]

Peu probable, certes, mais pas impossible. Or, il savait ne pas pouvoir compter sur la chance : elle n'avait pas vraiment été son amie, ces dernières années...
-Est-ce que ça vous va ? s'enquit-il. En cas de pépin, nous ne manquerons pas de choses derrière lesquelles nous dissimuler...
Et sans doute vaudrait-il mieux qu'ils se dissimulent sans attendre d'entendre des pas : on ne savait jamais.

[Galathée]

" Ça me semble bien." dit Braen en déambulant sur le sol de terre battue.
Il baissa les yeux.
" Mais si on ne passe pas un coup de balai en partant, ça se verra qu'on est passés.
— Ils sont moches de moches, ces meubles humains." remarqua Caenlin en se penchant sur une chaise dont on était en train de pailler l'assise.
Dothiel s'étira et regagna la porte, à l'affut, sans rien dire.
Quelques secondes plus tard, la pluie se mit à marteler le toit de la bâtisse, étouffant tout autre bruit.

[Taliesin]

-Rappelle-moi de ne jamais t'inviter chez moi, répliqua-t-il sur le ton de la plaisanterie.
Puis il se mit à farfouiller en quête d'un balai. Certes, s'ils parvenaient à leurs fins, s'ils réussissaient à libérer Cordélia, les résidents de l'abbaye sauraient qu'il y avait eu une intrusion. Mais il était préférable qu'ils ne le découvrent pas alors que celle-ci était encore en cours, d'où la nécessité de laisser le moins de traces possible.

[Galathée]

Caenlin ne l'avait pas entendu et il continua à musarder dans l'entrepôt. Taliesin n'eut aucun mal à trouver un balai : il y en avait trois, rangés près de la porte, là où on les avait sans doute abandonnés en fin de journée. Dothiel était désormais immobile, concentrée sur l'extérieur. La pluie résonnait de plus belle, en musique frappée, les ensevelissant dans son fracas. Braen dit quelque chose, mais le bruit l'emporta, ce qui mena le cuisinier à hausser les épaules, bras croisés. Il fit ensuite le geste de manger, puis se para d'une moue interrogative. Peut-être l'ascension avait-elle creusé les appétits ?

[Taliesin]

Bah, puisqu'ils étaient bloqués ici en attendant que le déluge s'apaise, pourquoi se priver ?
Il récupéra donc le sac de contenance à l'apparence singulière et... commença à fouiller à l'intérieur. S'il se souvenait bien des paroles d'Amrod, ce n'est qu'au troisième essai qu'il obtiendrait ce qu'il souhaitait. Et concernant les deux premiers, il croisa les doigts pour ne rien piocher qui trahisse leur position.

[Galathée]

Le sac lui fournit pour commencer un superbe chapeau vert, effilé, muni d'une plume d'oie teinte en jaune. A son second essai, il obtint une petite balle de cuir usé, aux coutures serrées, qui semblait avoir été mordillée un demi million de fois, mais qui était — heureusement — sèche.
Au troisième essai, un premier paquet de nourriture survint. Braen, qui s'était approché, l'en délesta.
" Je me demande si ce qu'on trouve là-dedans y a été placé autrefois puis oublié ou si ce sont des choses issues directement de la Toile... Qu'en pensez-vous, le barde ?"

[Taliesin]

-Selon Amrod, c'est sciemment que le créteur de cet objet à fait en sorte que, lors des deux premiers essais, l'on ne pioche que des choses dont on n'a pas besoin. Voilà la seule certitude. Quant à savoir s'il y a placé tout un capharnaüm ou si les divers éléments sont créés au fur et à mesure... J'aurais tendance à pencher pour la seconde hypothèse : sinon, le sac ne serait-il pas vide depuis bien longtemps ? A moins, bien sûr, que ce qui y apparaît ne soit... prélevé ailleurs, disons.

[Galathée]

" Moi je peux aisément imaginer un vieux mage faire tous les vide-greniers de la région pour remplir son sac, dit Braen. Ensuite... Nous oublierons sans doute une partie de ce que nous y avons mis à l'intérieur... et certains doivent probablement y remettre ce qui ne leur convient pas. Que vas-tu faire de la balle et du chapeau ? Les abandonner ici ou les remettre dedans ?"

[Taliesin]

-Les remettre, évidemment. Et je suis d'accord avec l'essentiel de ce que tu dis, même si j'imagine plutôt les vieux mages obnubilés par leurs recherches et consacrant le moins de temps possible au reste.
Il haussa les épaules.
-Cependant, éclaircir ce mystère ne serait guère compliqué : il suffirait de dresser une liste de ce que nous tirons du sac ou d'essayer de le vider...
Mais ce n'était pas une opération qu'ils pouvaient se permettre de mener dans l'instant.

[Galathée]

" Une attitude de barde. Ou de vieux mage. Moi j'imagine bien un vieux mage furax d'avoir dû se coltiner une commande imbécile faire exprès d'y caser n'importe quoi. Ne jamais sous-estimer la capacité à la rancune d'un vieux mage. A mon avis, ça vaut pour toutes les races."
Il avait terminé d'ouvrir le paquet et tendit à Taliesin un des pains garnis qu'il avait confectionnés. Le pain n'avait pas grand chose de commun avec ce que fabriquaient généralement les humains, il était plus dense et avait un goût un peu sucré qui tranchait agréablement avec celui du fromage qu'il contenait. Quelques noix, du miel, des pommes peut-être.

[Taliesin]

Taliesin mangea en silence, songeant à ce sac étrange puis, peu à peu, se concentrant à nouveau sur leur mission. Il ne savait pas s'il devait se réjouir ou déplorer le déluge qui s'abattait au dehors : certes, il inciterait les occupants du sanctuaire à demeurer cloitrés mais... il pouvait aussi pousser leur groupe à trop temporiser. Bref : si, d'ici une heure, cela n'avait pas cessé, il faudrait braver les éléments quoi que ses camarades puissent en dire. Car ils avaient du pain sur la planche et pas une minute à perdre.

[Galathée]

Pendant qu'il mangeait, Braen circula pour apporter leur pitance à Caenlin et Dothiel. Le premier avait trouvé un petit atelier de confection de statues dans le fond de l'entrepôt, où des figurines à l'image de Chauntéa étaient façonnées avec grand soin. Bien sûr, cela pouvait être une couverture, un simulacre de piété, mais il ne trouva aucune trace de représentations plus sinistres, pas de démons, de diables ou de divinités mauvaises. Il y avait même un véritable autel dédié à la déesse des moissons dans une pièce du fond, qui semblait servir de salle de repos mais qui était, comme le reste des lieux, déserte à cette heure tardive.
Enfin, au-dessus d'eux, la pluie faiblit puis se tut. Braen prit le balai et poussa tout le monde vers la sortie. Il ne leur restait plus qu'à définir la suite des opérations...

[Taliesin]

Taliesin ne chercha pas à s'interroger sur leurs découvertes : peut-être constituaient-elles un faux-semblant, peut-être seule une partie des Chauntéens étaient-ils corrompus... Quoi qu'il en soit, dans l'immédiat, cela ne changeait rien à leur mission. Ils aviseraient une fois Cordélia secourue...
-Je vais à nouveau jouer les éclaireurs et tenter de repérer le chemin jusqu'aux portes de la deuxième enceinte, annonça-t-il.
Puisqu'il avait bien mémorisé le plan, puisqu'il l'avait toujours sous la main en cas de besoin, ce ne devrait guère être difficile.

[Galathée]

Le passage dans la seconde enceinte se trouvait au coeur de la partie plus dense de la petite communauté, et Taliesin progressa dans cette direction pas à pas, les trois autres le suivant en file elfique. Mais ils constatèrent bientôt qu'il restait encore de la lumière dans plus d'un endroit, et qu'il y avait même quelques personnes à l'extérieur, certaines en transit, d'autres bavardant. Quelqu'un était en train d'éteindre les lampes qui jalonnaient les allées du village. De plus en plus de fenêtres étaient éclairées, et il fallait se baisser pour passer sous leur rebord.
" On passerait bien par les toits, non ?" souffla Caenlin à l'oreille du barde.
Il était probablement qu'ils finiraient par croiser la route de quelqu'un et il n'était pas certain qu'ils parviendraient à se cacher aisément.

[Taliesin]

Or, il fallait absolument éviter toute rencontre, sous peine de voir leur mission dégénérer ou, plus probablement encore, échouer d'emblée.
-J'imagine que les toits sont assez solides pour supporter notre poids et la plupart des rues assez étroites pour que nous les franchissions d'un bond... répondit-il.
Le barde n'était pas un expert dans ce genre de manœuvres, loin s'en fallait. Mais sans doute pourrait-il s'en sortir...