[Quête] La Lune Noire

[Manfred]

« Je sais, mais ce serait un peu long. On n’apprend pas ça en quelques jours. Et puis, pour être tout à fait franc, je veux bien t’apprendre deux ou trois petits trucs pour t’en sortir en ville, après, si tu veux d’avantage, ce sera pas gratuit. Aurais-tu des choses à m’offrir pour payer ce service ? »
Doucement mais sûrement, le sommeil s’installait. La discussion n’allait sans doute plus durer très longtemps.

[Louve]

Les yeux de Louve se perdirent quelques instants dans l'immensité du ciel revêtant son habit d'ombre.

"Tu vois ... Je n'ai pas grand chose à part moi ... Tu connais plein de choses sur la ville mais la route risque d'être longue. Moi, je connais plein de choses sur la vie au grand air. Je sais ce qui se mange à part les fraises des bois pourries. Un échange d'astuces ça pourrait être bien ... Ou peut-être d'autres trucs ... A toi de voir."

Elle proposait mine de rien car la route allait être longue alors autant faire passer le temps agréablement.

[Manfred]

« À réfléchir... » répondit après quelques secondes Boniface.
Il ajusta sa position et observa un temps de silence. La nature apaisante appelait au repos. Difficile d’imaginer qu’un peu plus tôt, un carnage s’était déroulé.
« On verra ça demain », finit par conclure le rat-garou.
Dès lors, il ne dit plus rien. Sa respiration suggérait qu’il sombrait dans le sommeil. Hasard ou pas, une de ses mains se trouvait non loin du manche de sa dague.

[Louve]

Avait-il peur d'elle ? Louve fit semblant de ne rien avoir remarqué. Il ne l'effrayait pas même si elle ne dormirait que d'un œil cette nuit. Elle s'installa à son tour sur le dos, les bras croisés sous sa tête.

Elle appréciait de retrouver le calme après la tempête et surtout d'être en vie. Elle savoura la caresse du vent du soir sur son front et ferma les paupières.

[Manfred]

La nuit se passa sans encombre et voilà le ciel qui palissait à l’approche de l’aube. Boniface, qui ne semblait pas avoir très bien dormi, ne tarda pas à être debout. Il se serait probablement bien mis à faire quelques préparatifs, seulement, il n’y avait rien à préparer. Il se contenta donc de s’adosser à un arbre tout en fixant l’horizon invisible derrière la végétation. Louve sentait encore un brin de lassitude. La dernière journée avait été éprouvante et un repos un peu plus long ne lui ferait donc pas de mal.

[Louve]

Elle se mit cependant debout avant de proposer à son comparse.

"Une petite partie de chasse pour commencer la journée ? ça nous dégourdirait un peu les jambes et nous apporterait de quoi manger, tu ne penses pas ?"

[Manfred]

« Ho ? Chassé ? Peu pour moi. Je n’ai jamais envisagé ma vie de cette façon. Cependant, si tu peux nous trouver du gibier pour nous deux, on pourra se cuisiner ça de façon convenable et ainsi se faire un petit déjeuné digne de ce nom. Voilà qui mérite un départ plus tardif. »
Les goûts citadins de Boniface se confirmaient. Et, en l’absence de la meute, plus rien ne l’incitait à se conformer à un modèle qui n’était pas le sien.

[Louve]

Louve ne lui en tint pas rigueur. C'était une façon comme une autre de lui montraient qu'ils se complétaient. Elle lui lança.

"Alors attends moi. Je vais voir ce que je trouve. ça m'a l'air d'être un bon endroit pour trouver du gibier."

Elle se mit donc en route, les sens en éveil afin de repérer une éventuelle proie. Redevenue chasseur elle se sentait revivre.

[Manfred]

Peu de temps plus tard, les deux garous se trouvaient autour d’un petit feu de camp. Louve avait attrapé plusieurs lapins et Boniface s’efforçait de les cuir à la broche. Sans être un véritable expert, loin de là, il démontrait un certain savoir-faire.
« C’aurait été meilleur avec quelques épices », déclara-t-il en tendant à sa collègue de voyage une cuisse grillée.

[Louve]

Louve eut léger sourire avant de lui demander.

"Et toi le citadin, comment as-tu fait pour te retrouver dans ce coin perdu et dans la meute ? Tu as plutôt l'habitude des grandes villes, non ? Enfin, c'est cette impression que j'ai. Tu as eu envie de barouder tout d'un coup ? Envoie-moi paître si je suis trop indiscrète."

[Manfred]

« On peut dire ça comme ça. »
Boniface mordit à pleines dents dans sa propre cuisse, avant de se détourner et de cracher un petit os.
« Et ce n’est pas une façon de t’envoyer paitre. J’avais entendu parlé de la Lune Noire, je voulais voir ce que c’était. J’y ai appris des choses utiles mais pour être franc, ce n’était pas fait pour moi. Je me demande si le Prince s’en est sorti. Et Malagate. De tous, ce devait être elle qui pouvait fuir le plus facilement à l’aide de ses pouvoirs. »

[Louve]

Louve l'écouta avec attention. Contrairement à lui, elle avait découvert qu'elle appréciait le fait de vivre en meute. Du moins pendant un petit moment. La Favorite lui avait dressé un portrait sombre et peut-être réaliste de cette petite communauté. Peut-être aurait-elle voulu reprendre son indépendance au bout d'un moment.

"Je ne sais pas. Je l'espère un peu. Ce serait dommage que cette meute s'éteigne. Une organisation de garous, c'est important pour montrer aux humains ce que nous sommes et leur apprendre à trembler devant nous."

Elle sourit à cette pensée.

[Manfred]

« Les hommes contre les garous, est-ce que ça se résument toujours à ça ? Je déteste certains garous et apprécient certains hommes. Ne tombe pas dans le piège étriqué des sectes fanatiques. Avant d’être une garou, tu es toi, tout simplement. Et il se peu que toi, tu ais des intérêts différents du garou classique, si jamais ça existe. »
Il jeta sa cuisse de lapin dont il ne restait plus que des os. Il entama ensuite un autre morceau. Sous peu, le repas serait achevé.
« Ne me prends pas pour autant pour un individualiste. Nous autres, les rats, formons plus facilement des groupes que les loups. Il est probable que je constituerai ma propre petite guilde, mais pas pour des buts soit disant supérieurs. Non, ce sera pour moi, pour nous avant tout. Tu comprends la nuance ? »

[Louve]

"Je comprends ..."

Dit Louve songeuse avant de reprendre.

"J'ai peu l'habitude des groupes. Je ne connais pas grand chose dans les rassemblements. Mais je pense que je n'aime pas vraiment les codes et les obligations, surtout quand elles sont idiotes. En meute, j'ai l'impression qu'on est plus forts. Est-ce qu'il y a des guildes à Mélandis ?"

[Manfred]

Des règles idiotes ? En apparence, oui, il y en a plein. Mais des règles restent des règles. Et si elles sont utiles, les apparences importent peu. Je veux dire, la chasse, telle que tu l’as pratique, a ses règles. Tu n’arrives pas en marchant sur des brindilles si tu veux surprendre une proie. Il y a des façons de traquer, des façons qui peuvent être très subtiles lorsque tu perds la piste et que tu dois te mettre dans la tête de ta proie pour deviner où elle va aller. Sans ces règles, tu n’arrives à rien. La chasse, en ville, c’est pareille. Elle a ses règles. Si tu t’y conformes, tu arrives à quelque chose, sinon, et bien mieux vaut ne pas y penser. »
Boniface se leva, s’étira.
« Pour les guildes, oui, il y en a. Toutes les grandes villes, à ma connaissance, ont leur lot de guildes. Bon, on y va ? »

[Louve]

Louve avait enregistré les informations et les avait rangés soigneusement dans un coin de son esprit. Mélandis et ses règles, ses guildes, ses opportunités. Peut-être était-ce ce qui lui manquait dans la vie ?

Aussi suivit-elle Boniface sans rien demander d'avantage.

[Manfred]

Quelques heures plus tard, Louve et Boniface arrivèrent à un petit village. La rousse attira l’attention bien malgré elle, par son apparence, par sa réserve. Les chiens qui se mettaient à aboyer n’arrangeaient rien. Cependant Boniface, usant de sa verve, évita habilement les ennuies. Louve l’entendit proférer bien des mensonges aux allures de vérité. Le rat-garou les présenta comme deux voyageurs malchanceux ayant croisé la route de bandits. Ils avaient dû fuir mais heureusement, il leurs restait un peu d’argent. Effectivement, le lycanthrope avait une bourse. Il l’employa pour acheter des provisions. Le duo ne s’attarda guère et les voilà de nouveau en marche, au milieu de la campagne.
« Voyez, Louve, comme de simples mots peuvent servir », déclara alors Boniface.

[Louve]

Louve était restée mutique, en arrière, la tête baissée. Elle pouvait passer pour une attardée, une rêveuse ou quelqu'un en manque de sommeil depuis bien longtemps. Cela lui importait peu. Elle préférait ne pas croiser les regards. Par contre, elle observa Boniface et ses attitudes, mais aussi comment il usa de son argent pour acheter des provisions. Elle garda le silence pendant un petit laps de temps encore afin d'intégrer ce qu'elle avait observé avant de lui dire.

"C'est intéressant ... Le vieux m'avait parlé de l'argent qui permet d'acheter. Par contre, il ne m'a jamais laissée rapporter des provisions toute seule."

Elle savait qu'il craignait qu'elle revienne avec la tête de l'épicier et des habits tous neufs et plein de sang.

[Manfred]

Boniface sortit une pièce d’or de sa bourse et la montra à Louve.
« Pour ça, des gens sont prêt à tuer. Beaucoup de gens. Et plus encore sont prêt à rendre des services. L’or ouvre bien des portes en ville. Alors si d’aventure tu peux mettre la main sur de l’or, n’hésite pas, ça te rendra service. Par contre, si tu as de l’or sur toi, ne le montre pas, sinon tu vas attirer l’attention, à moins que ce soit ce que tu désires bien sûr. »
Le rat-garou rangea sa pièce.
« Tu m’as dit savoir lire, mais sais-tu compter ? »

[Louve]

Louve hocha la tête.

"Oui, je sais. Un peu ...."

Le vieux m'a appris avec ce qu'il y avait autour d'eux. Les animaux, les doigts, les cailloux et pour finir quelques étoiles vagabondes. Il lui avait même appris à additionner et à soustraire. Par contre, elle avait trouvé la multiplication et la division ennuyeuses et indignes d'intérêt.

[Manfred]

« Un peu... »
Boniface soupira.
« C’est mieux que rien. »
Et tout deux poursuivirent leur route. La nuit venue, ils pénétrèrent dans la vieille forêt et se choisirent un coin plutôt confortable. Le calme régnait, le ciel était dégagé, la lune conférait aux ombres un surcroit de mystère. Boniface n’était pas mécontent de pouvoir compter sur, selon ses dires, de la nourriture civilisée. Il alluma un feu et commença à faire cuir un quartier de viande séchée. Le rat-garou ne disait mot, perdu dans ses pensées.

[Louve]

Louve gardait aussi le silence. Elle repensait à toutes ces années passées avec le vieux. Petite, elle pensait que l'apprentissage était totalement superflu. Aujourd'hui, elle se rendait compte de toute l'importance qu'il revêtait. Grâce à ses leçons, elle pourrait peut-être changer de vie. En mieux ? Elle n'en savait trop rien.

Ses yeux se perdirent dans la contemplation des étoiles et elle sourit sans même s'en rendre compte.

[Manfred]

Une étoile filante accrocha le regard de Louve. Elle était belle et brillante, filant tel une éphémère poussière de soleil dans la voute nocturne. Elle disparût en produisant un mini flash doré. Le ciel redevint banal... mais pour peu de temps car voilà une deuxième étoile filante, puis une troisième et une quatrième. Et voilà qu’elle apparaissaient en groupe. Le spectacle devenait vraiment insolite. Alors que Louve en prenait conscience, elle entendit une volée d’oiseaux partir à tire d’ailes, comme s’ils fuyaient un danger. Boniface se redressa, aux aguets. Dans le ciel, la pluie d’étoiles filantes se poursuivait.

[Louve]

Louve se leva, quelque peu inquiète. Elle avait l'habitude de la vie au grand air et le vieux lui avait parlé de certains phénomènes naturels. En pleine nature, elle avait été à bonne école.

Mais là, un pressentiment lui hurlait que cette pluie de météores n'avait rien de naturel.

"Je pense qu'il vaudrait mieux se mettre à couvert.", dit-elle.

[Manfred]

« À couvert... » répéta Boniface, perplexe, en détaillant le ciel constellé de fines trainées lumineuses.
Le caractère inhabituel du phénomène ne faisait plus aucun doute. Une atmosphère tout à fait étrange s’imposait aux deux garous. Elle mettait les nerfs en éveille, rendait inquiet, comme à l’approche d’une menace inidentifiable.
« Oui, sans doute. Je n’ai jamais vu quelque chose de semblable. Et vous ? »
Il faisait mine de s’enfoncer dans la vieille forêt. Quelque chose le fit se stopper. Une des étoiles filantes paraissant s’être décrochée du ciel. De lointaine lumière, elle se muait rapidement en projectiles enflammé. Et ce projectile finit par émettre un rugissement de plus en plus fort. Louve le vit nettement disparaître derrière des arbres, un peu plus loin dans la forêt justement. Vint l’explosion. Elle ne fut pas aussi importante qu’on aurait pu s’y attendre. Certes le duo sentit le sol trembler, entendit l’impact, la déflagration, mais cela ne semblait pas avoir été un cataclysme. De surcroît, une vague d’air murmurant et scintillant se dispersa comme une onde, probablement depuis le point d’impact, prouvant sa nature magique. Même le sillage de la comète était encore visible dans le ciel.

[Louve]

Louve était restée les mains sur les oreilles. Devant elle, elle avait vu la nature s'embraser et le ciel tomber. Un spectacle à la fois terrible et magnifique dont elle se souviendrait des années durant.

Elle observa un long moment la traînée lumineuse laissée par le météore. Que venait-il de se passer exactement ? Elle se tourna vers Boniface avant de lui demander.

"Qu'est-ce que c'était à votre avis ?"

[Manfred]

« Je viens de vous dire que je n’avais jamais vu ça. Faudrait m’écouter. »
Boniface avait répondu avec un peu d’animosité, la situation stressante ne devait pas y être étrangère. Il regardait de tout côté, cherchant à évaluer l’événement. Les étoiles filantes emplissaient tout le ciel. Certaines rares commettes atteignaient le sol, au loin. Pour autant, elle n’enflammaient rien, cela se serait vu dans la nuit. Le rat-garou hésitait sur l’attitude à tenir.

[Louve]

Louve secoua la tête pour se ressaisir.

"Désolée, l'angoisse sans doute."

Elle observa l'endroit où était tombé la commette. Elle n'aurait sûrement jamais l'occasion d'assister de nouveau à un phénomène de ce genre. Aussi demanda-t-elle.

"On y va ?"

[Manfred]

« Les dames d’abord », dit Boniface avec une parodie de galanterie.
Lui et Louve s’approchèrent donc du point d’impact le plus proche, celui tombé dans la forêt. Ils leurs fallu donc s’enfoncer dans cette dernière. Les arbres resserrées, les frondaisons épaisses, voilà qui cachait presque totalement le ciel et, quelque part, c’était rassurant. Cependant, il fallait plus que des branches pour arrêter une comète et la vieille forêt était connue pour cacher bien des horreurs. La louve-garou pouvait en témoigner après sa rencontre avec une sorcière diabolique. Quoi qu’il en soit, environs dix minutes de marche plus tard, le duo trouva le cratère. Il n’était pas très grand, occupant l’espace d’une cabane, et encore. Deux arbres avaient été pulvérisés, ce qui semblait bien peu. Il ne faudrait pas longtemps à la nature pour reprendre possessions de ce minuscule endroit. Pour l’heure cependant, au fond d’un trou d’un bon mètre, s’élevait de la fumée lumineuse, étoilée, surnaturelle. Et ce qui fumait tant, c’était une pierre étincelante grosse comme le poing, une sorte de joyau emprunt de magie. Des flammèches d’argent léchaient sa surface. Les yeux de Boniface se mirent à luire de convoitise.

[Louve]

Louve s'approcha fascinée par les spectacle. C'était beau. Plus beau que les couchers de soleil ou que les pluies d'étoiles filantes éparses, plus beau que le réveil de la terre débarrassée de son manteau de neige.

Elle s'avança encore un peu plus près pour en voir d'avantage.