[Lieu] La Vallée Fertile

[Galathée]

" Oui, cinq... peut-être six, dit le cuisinier.
— D'après la liturgie, ils sont dix-sept, intervint le Chauntéen. Mais nous n'avons jamais pu le vérifier. C'était le chiffre sacré... selon eux.
— Tous humains ? demanda Wilmarin.
— A ma connaissance, oui.
— Ils ont un chef, non ? Un... Planteur, ou je ne sais quoi ?
— Le Semeur Petrus, oui.
— Depuis combien c'est le chef ?
— Oh. Depuis que je suis là. Je dirais... quarante ans au minimum.
— Hum."
Wilmarin parut songeur.
" Bon, ils sont sans doute moins de quinze. Nous allons être invisibles. Attention, une fois le sortilège lancé, nous n'allons plus voir les autres. C'est pourquoi il est... important... que vous faites confiance à vos sens autres, surtout les oreilles, pour pas perdre le groupe. Braendoril et le prêtre, vous longez le mur de gauche ; Taliesin et vous, l'homme à l'épée, vous longez le mur de droite. Ça évite les accidents."

[Taliesin]

-Très bien.
Il sourit à Rodolphe puis se tourna vers Cordélia.
-Je compte sur toi pour veiller sur Amrod... lui dit-il.
Il se doutait qu'elle n'appréciait pas de devoir rester en arrière ; il pensait, aussi, qu'elle aurait pu être utile en restant avec eux. Mais il se serait mal vu contredire les directives de Wilmarin...

[Galathée]

Effectivement, Cordélia le gratifia d'une grimace éloquente, reflétant tout le bien qu'elle pensait de cet arrangement. Amrod, par contre, était déjà absorbé par l'examen des lieux et des quelques objets qui s'y trouvaient en plus des livres : un sablier, un globe, un lutrin ouvragé, un support d'encrier... Mais, comme le barde, la jeune femme ne protesta pas à voix haute et se contenta de tirer une chaise et de s'asseoir.
Wilmarin enchaînait désormais les sortilèges, d'abord de protection pour les lieux, ensuite pour dissimuler ses compagnons et le barde devina qu'il avait disparu lorsque le mage, Braen, Rodolphe et Maric échappèrent à son regard.
" Je rappelle qu'attaquer dissipe l'invisibilité... pour tout le monde. Mais le reste, pas. Donc pas d'initiatives risquées. Nous avons chance que les cultistes pensent que personne n'arrive par le sol. Donc les protections magiques sont sur la muraille qui sépare les secteurs de l'abbaye, pas ici en bas, ou même dans le bâtiment, si tous sont dans le secret du maléfice. Mais prudence."
La porte s'ouvrit sur ses gonds, révélant un couloir faiblement éclairé, par des lampes à huile suspendues à des crochets dans les murs. Le sol était heureusement propre, ce qui évita qu'ils laissent des empreintes dans la poussière. Il y avait déjà de nombreuses portes qui s'ouvraient ici et là, mais pas un bruit.

[Taliesin]

C'était tant mieux.
Pour le reste, les portes ne les intéressaient pas, du moins dans l'immédiat : c'était l'escalier menant au niveau supérieur - et avec un peu de chance à la surface - qu'ils devaient trouver. Et pour ce faire, remonter le couloir semblait être la meilleure solution. Mais il faudrait procéder avec prudence, avec circonspection, tout en tenant compte du handicap que constiuait l'impossibilité de se voir mutuellement...

[Galathée]

Deviner la progression de chacun n'était pas évident, mais Taliesin remarqua qu'une porte s'entrouvrait sur sa gauche, signe que Braen ou Maric avait décidé de se montrer plus curieux. Elle demeura ouverte quelques secondes, puis se referma. Difficile de savoir où se trouvait Wilmarin.
" On ne devrait pas regarder nous aussi ? demanda alors Rodolphe à mi-voix, juste devant Taliesin. Ils dorment peut-être ici en bas, après tout, et les portes sont trop épaisses pour qu'on entende à travers."

[Taliesin]

-Ça me tente bien de regarder, moi aussi... souffla-t-il. Mais si nous voulons être efficaces, c'est toutes les portes qu'il faudrait regarder, ce qui prendrait beaucoup de temps. Sans compter le risque d'alerter quelqu'un avec un grincement malvenu... Je serais donc d'avis de nous en abstenir.
Mais si Rodolphe tenait à jeter un regard dans l'une ou l'autre pièce, il comprendrait et ne pourrait de toute façon l'en empêcher.

[Galathée]

" Vous avez raison." dit cependant l'officier de la garde, et ils continuèrent leur progression, pas à pas, dans le couloir.
Quand ils arrivèrent au bout, Wilmarin murmura "gauche" à voix basse et tous — ou du moins Taliesin l'espérait — bifurquèrent dans cette direction. Ils continuèrent un moment, se guidant probablement les uns les autres en fonction de leurs souffles et du craquement léger de leurs pas, jusqu'à ce qu'une porte s'ouvre sur la droite, un peu devant eux.
Deux hommes en sortirent, tous deux vêtus d'une aube brune, similaire à celles que portaient tous les Chautéens. Ils étaient tous deux grands et minces, barbus, et devisaient à mi-voix. Par chance, ils partirent dans la direction opposée à celle où s'était immobilisée leur petite équipe.
" On les suit ou on les tue ?" demanda Rodolphe.

[Taliesin]

-Les attaquer, ça en ferait deux de moins mais ça impliquerait de perdre notre invisibilité... murmura-t-il à l'officier. Je pense donc qu'il vaut mieux nous en tenir aux consignes et nous contenter de suivre la direction indiquée par Wilmarin.
Courte pause.
6-Mais ce n'est que partie remise.

[Galathée]

Les deux hommes s'éloignèrent dans le couloir puis disparurent à leur vue. On entendit leur pas claquer sur ce qui devait être les marches d'un escalier. Taliesin entendit distinctement le son d'une lame qui regagne son fourreau, quelque par sur sa gauche.
" Ne serait-ce pas plus simple de les tuer un à un plutôt que d'attendre qu'ils soient tous ensemble ? demanda Braen, se faisant l'écho de Rodolphe.
— Non, répondit Wilmarin. Il faut trouver les plus forts. Ces deux... Des petits."
Au moment où il terminait de parler, des sanglots éclatèrent sur leur droite, dans une des pièces voisines. Des sanglots déchirants, désespérés, qui appartenaient indéniablement à un nourrisson.

[Taliesin]

-Ne devrions-nous pas l'amener auprès d'Amrod et Cordélia ? fit-il à l'attention du sage. Cela ferait toujours un otage en sûreté... Et puis, il n'est peut-être pas seul.
Mais peut-être Wilmarin estimerait-il que le meilleur moyen de les protéger était d'éliminer les meneurs de la secte, auquel cas il lui faudrait s'incliner comme s'étaient inclinés les autres...

[Galathée]

Il y eut un moment de silence.
" Taliesin a raison, dit le prêtre. Si vous avez protégé la bibliothèque, nous devrions l'y conduire. Ce bébé ne doit pas avoir plus de quelques veilles... peut-être même quelques jours.
— D'accord, murmura Wilmarin. Braendoril ?
— Amrod va adorer, grommela le cuisinier en se déplaçant vers la porte voisine, que ses compagnons virent s'ouvrir puis se refermer.
— Taliesin, pouvez-vous faire quelque chose pour atténuer les sons ou les transformer ? Je doute que Braendoril ait la manière avec les nourrissons." ajouta Wilmarin en elfique, cette fois, une langue qu'il maîtrisait décidément nettement mieux que le commun.

[Taliesin]

-Si nous avions du temps, je pourrais tout simplement essayer de lui chanter une berceuse, comme je le fais pour mes petits derniers... répondit-il dans la même langue. Mais s'il faut une solution plus radicale, je peux lui lancer un sort de manipulation des sons pour... baisser l'intensité de ses pleurs. User de magie sur un enfant si jeune n'est pas l'idéal ; cependant, si ce n'est qu'une fois, j'imagine que ça n'aura pas de conséquence, d'autant que le sortilège n'est pas agressif.

[Galathée]

" C'est ça ou nous prenons le risque d'avoir de la visite, dit Wilmarin. Je pourrais tuer tout son autour de nous, mais nous n'aurons alors plus aucun moyen de communiquer. Je ne crois pas que votre sortilège soit le pire de ce qui le guette.
— On ne pourrait pas juste lui mettre quelque chose en bouche ? demanda Rodolphe.
— Je ne crois pas vous ayez beaucoup d'expérience des nourrissons, vous." fit le prêtre, un peu acide.
Devant eux, la porte se rouvrit et Taliesin ne put qu'incanter. Il fit bien car le bébé — aussi invisible que celui qui le portait — se mit à hurler derechef.
" Il fait froid, ici, dit Braen. Il faisait plus chaud dans cette... pièce.
— Amène-le à la bibliothèque. Nous ne bougeons pas.
— Moi ? Mais je ne sais même pas par quel bout le tenir ! Aaah ! Il m'a pissé dessus !"

[Taliesin]

-C'est qu'il se sent à l'aise dans tes bras ! fit le barde d'un ton léger.Mais allez, je veux bien le conduire en lieu sûr à ta place.
Il faudrait être prudent au moment de prendre le nourrisson : l'invisibilité allait compliquer la chose. Mais il s'en tirerait et se dépêcherait de le conduire auprès de ses nouveaux protecteurs.

[Galathée]

S'échanger le nourrisson ne fut pas si difficile : Braen l'avait repéré à sa dernière réplique, et l'attrapa par l'épaule avant de le guider jusqu'à l'enfant. Maric ne s'était pas trompé : c'était un bébé humain, de sexe masculin, encore minuscule, et dont la colère sembla retomber légèrement quand il se retrouva dans les bras du barde. Il était nu et, Braen n'avait pas menti, trempé. A peine eut-il changé de porteur qu'il chercha quelque chose à téter.
" Hâtez-vous, Taliesin. Nous vous attendrons ici."

[Taliesin]

Se disant que Braen aurait tout de même pu récupérer dans la chambre de quoi emmailloter le malheureux nourrisson, Taliesin ne s'en hâta pas moins vers la salle du téléporteur. Pour ne pas inquiéter ses camarades demeurés à l'intérieur, il prendrait soin de s'annoncer avant d'ouvrir la parole et de leur confier son fardeau ; puis, hormis pour leur donner quelques indispensables explications, il ne s'attarderait pas et rebrousserait chemin au plus vite : la rapidité demeurait, en effet, l'une de leur plus sûre chance de succès.

[Galathée]

La portée du sortilège d'invisibilité était telle que Taliesin put retracer sa route sans redevenir visible. Il atteignit la bibliothèque et y entra, surprenant ses compagnons qu'il eut tout juste le temps de voir se cacher vivement à son apparition. Il lui fallut donc les rappeler pour qu'ils émergent.
" Un bébé ? s'exclama Cordélia. Mais qu'est-ce qu'on va faire de ça ?"
Elle paraissait tout à fait déstabilisée, si pas horrifiée. Amrod se montra beaucoup plus pragmatique en délestant Taliesin de son précieux paquet.
" Il nous faudrait du lait. Evidemment, je n'en ai pas pris, quel imbécile, si j'avais su... Ce sera de l'eau, en attendant. Pauvre petit, il a l'air affamé... Peut-être en trempant un peu de pain, ça trompera sa faim..."

[Taliesin]

Eh bien, Braen s'était trompé !
-Ne vous mettez pas trop martel en tête : avant longtemps, il aura droit à du lait.
Il lui sourit - avant de se rendre compte que c'était inutile - puis recula.
-Bon, j'y retourne... A tout à l'heure !
Et de s'empresser de rejoindre le groupe principal : ils avaient encore du pain sur la planche.

[Galathée]

" Prends soin de toi !" lui lança Cordélia avant qu'il ne referme la porte.
Retracer son parcours ne lui prit que quelques minutes et il retrouva le reste de la petite équipe, les localisant sans mal car ils n'avaient pas bougé. Ils reprirent alors leur progression dans le couloir et parvinrent assez rapidement en vue d'un escalier qui montait vers l'étage supérieur. Ils ne l'empruntèrent cependant pas : Wilmarin leur indiqua un couloir transversal, incurvé, plus étroit, et ils furent bientôt au coude à coude pour avancer. Heureusement, personne ne vint dans la direction inverse car ils n'auraient pas pu croiser quiconque. Le couloir tournait sur lui-même, une nouvelle spirale dans le sous-sol antique, et il se termina bientôt par une porte. Elle était différente des autres, richement ornementée, et luisait d'une lueur rougeâtre, trahissant quelque sortilège. Sur ses panneaux de bois verni étaient dessinés un tourbillon, une montagne, un fleuve et les flammes d'un incendie.
" Voici le lieu du pouvoir des cultistes, annonça le vieux sage. Maric, Taliesin et moi devons en user pour combattre. Vous... Le soldat et Braendoril, vous devez défendre la porte contre eux."

[Taliesin]

Jusqu'alors absorbé dans la contemplation de la porte et surtout du panneau, qui confirmait assez, si besoin en était, que la puisance baignant les lieux était de nature élémentaire, Telisein fit la grimace en entendant les paroles de Wilmarin. Non que se servir de cette magie le dérangeait : au contraire, sa curiosité n'avait fait que croître à son sujet. Mais le rôle échu à leurs deux compagnons était des plus difficiles : il espérait qu'il ne signifiait pas tout bonnement leur condamnation à mort. Cependant, sans doute auraient-ils les moyens de les aider, ou de distraire suffisamment les cultistes - ou de leur causer suffisamment de pertes - pour éviter que trop d'entre eux ne se ruent ici.

[Galathée]

" Attendez, dit Rodolphe, manifestement inquiet, lui aussi. Vous voulez dire qu'ils vont tous débarquer ici ? Est-ce que... On n'était pas censés s'infiltrer discrètement ?
— Nous devons user de la source. La porte est fortement protégée. Je vais lever les sortilèges mais quand nous usons la source... Il est probable que celui qui l'utilise ici va s'en rendre compte et venir voir. Comme il ne sait pas... que nous sommes entrés... Il viendra peut-être seul, ou il enverra des hommes de main. Je ne sais pas.
— Et... et vous allez ressortir ?
— Le plus vite possible."

[Taliesin]

Taliesin marqua une hésitation puis se lança.
-Ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux que je reste avec eux pour les épauler ? demanda-t-il à Wilmarin. D'autant que je ne suis ni mage ni clerc, simplement barde : peut-être ne suis-je donc pas très bien placé pour puiser dans la source...
A trois, ils auraient tout de même plus de chances de résister. Cela ne cadrait guère avec la promesse faite à Baptiste mais... il ne pouvait pas se résoudre à laisser ses camarades dans si périlleuse situation, à moins que sa présence ne soit vraiment indispensable à l'intérieur de la salle.

[Galathée]

" Ne racontez pas n'importe quoi, dit Wilmarin, en passant en elfique. Vous êtes peut-être barde, mais vous avez une affinité avec la Toile qui saute aux yeux. Votre lame sera peut-être utile mais ce dont la source peut vous gratifier est d'un autre ordre, croyez-moi."
Il reprit en commun.
" Peut-être personne ne vient. Je donne des amis avec vous et des sortilèges pour vous renforcer."
Le sage se mit alors à incanter, plusieurs fois, dans la langue étrange des arcanes. Taliesin devina qu'il y avait au moins un sortilège de protection et un autre pour invoquer des créatures, mais celles-ci se révélèrent tout aussi invisibles que ses compagnons.
Ensuite, d'autres sortilèges s'échelonnèrent, sans que le barde puisse savoir s'ils étaient dirigés vers la porte ou vers les futurs combattants.

[Taliesin]

Il dédia à ces derniers un sourire qui se voulait encourageant mais qui était peut-être aussi teinté d'embarras.
-Bonne chance. Et tenez bon : nous ferons aussi vite que possible afin de revenir rapidement vous prêter main forte. Mais comme l'a dit Wilmarin, peut-être n'aurez vous que peu d'adversaires, sinon pas du tout...
En tout cas, il croisait vraiment les doigts pour qu'ils survivent à ces événements.

[Galathée]

Le mage avait continué à psalmodier face à la porte et celle-ci s'ouvrit doucement, révélant une pièce ronde, nimbée de lumière blanche. Lorsqu'il en franchit le seuil, Wilmarin redevint visible, ce qui arriva également à Maric et à Taliesin lorsqu'ils entrèrent. Restés dans le couloir, Braen et Rodolphe demeurèrent invisibles, et ils l'étaient encore quand la porte se referma. La pièce n'était pas très grande et uniformément blanche, les murs lisses, le sol à l'avenant, toute d'albâtre, à première vue. Au centre trônait un petit bassin, du genre de ceux qu'on trouve dans les parcs et où viennent se baigner les oiseaux, complètement vide.
Wilmarin se tourna vers les deux hommes.
" Nous allons invoquer la source pour qu'elle nous fournisse à tous trois, suffisamment de puissance pour venir à bout du mal qui se terre en ces lieux."
Il avait repris l'elfique puisque Maric le maîtrisait lui aussi.
" Cette puissance prendra une forme élémentaire. La terre, pour vous, Maric, et le feu, pour vous, Taliesin. Il est difficile de savoir combien de temps cette puissance sera disponible pour chacun d'entre nous, je vous enjoins donc de ne pas vous laisser griser par ce pouvoir. Il est nécessaire d'en conserver jusqu'à ce que le problème soit réglé. Les désastres qui ont frappé la cité humaine suggèrent que certains des clercs retranchés en ces lieux sont de puissants lanceurs de sorts, mais je crains que l'un d'entre eux, pas forcément le meneur officiel, cependant, soit d'une autre nature."

[Taliesin]

Et quelle pouvait bien être sa nature ? Diabolique ? Démoniaque ? Pour l'heure, il n'avait aucun moyen de le savoir : il était juste évident qu'il s'agissait d'une créature profondément maléfique.
Mais ils ne tarderaient pas à être fixés à ce sujet. Dans l'immédiat, il fallait se concentrer, se focaliser sur les consignes de Wilmarin afin de puiser dans cette fameuse source.
Malgré le caractère critique de la situation, il ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la curiosité et même un soupçon d'excitation. Ce n'était tout de même pas rien, comme expérience !

[Galathée]

" Dernière consigne... Il est impératif, et j'insiste, absolument impératif, de n'invoquer aucune créature élémentaire pendant toute la durée de notre combat. Si un élémentaire était invoqué sur le site de l'abbaye, non seulement il drainerait l'intégralité du pouvoir présent en ces lieux, mais de surcroît, il est probable qu'il devienne fou et détruise tout sur des lieues à la ronde. Donc si vous devez recourir à des invocations... Tout sauf des élémentaires. Soyez vigilants."
Il leur demanda ensuite de placer leur main dominante dans le bassin. Une fois que cela fut fait, il se mit à psalmodier à voix basse, dans une langue que Taliesin n'avait jamais entendue, qui ressemblait un peu à du sylvestre mais se perdait rapidement dans une succession de sons étranges, qui paraissaient presque impossibles à produire avec une bouche ordinaire. Le rayonnement blanc que dégageait l'albâtre se teinta peu à peu de jaune, puis d'orangé, puis de rouge, puis il fit subitement incroyablement chaud, comme si la pièce entière était devenue un four. Pourtant, et c'était là le paradoxe, bien que Taliesin sut, intimement, qu'il faisait torride, il ne ressentait pas réellement cette chaleur. Sa connaissance de la réalité autour de lui était complètement dissociée de ses sensations.
Wilmarin et Maric avaient disparu. Il faisait flamme. Flamme d'une bougie posée sur la table de chevet dans sa petite chambre, qu'enfant il regardait brûler avant de s'endormir; flamme d'un feu de forêt après l'orage, animaux fuyant, désorientés, pour échapper au brasier; flamme d'un âtre chaleureux, une poularde tourne au-dessus des braises rougeoyantes, promesse d'un bon repas; flamme sous le soufflet du forgeron qui frappe la lame formidable d'un futur bretteur ; flamme d'une lampe à huile, accrochée à la proue d'un navire qui fend la nuit, bondissant de vague en vague, vers une destination lointaine ; flamme entre les mains d'un magicien féroce, debout sur les ruines d'une maison, fureur et destruction ; flamme d'un feu de veillée, reflets orangés sur le bois verni d'une harpe, la musique s'envole avec les tisons ; flamme dans le brasero d'un bourreau qui inspecte une tige rougie comme s'il s'agissait simplement d'un beau papillon ; flamme pour se réchauffer, flamme pour se nourrir, flamme pour éclairer, flamme pour détruire.
La flamme était devant ses yeux, puis dans son esprit, dans sa poitrine, ses veines, chacun des corpuscules de son organisme.
Flamme des étoiles lointaines, flamme du coeur de Toril, flamme du soleil triomphant.
Le temps avait cessé d'être, il ne restait que le feu.
Et puis le rouge devint orange qui devint jaune, qui redevint blanc.
Taliesin retrouva Maric et Wilmarin, pareils à eux-même, une main dans le bassin.
Derrière eux résonnait le fracas d'un affrontement.

HRP : Taliesin peut désormais lancer les sortilèges suivants (et tout autre sort à composante « feu » qui se trouverait dans la liste de la v5 et qui m'aurait échappé)... Combien de fois et pour combien de temps, ça... C'est une autre affaire...
Bouclier de Feu
Boule de Feu
Boule de Feu à Retardement
Châtiment ardent
Colonne de Flammes
Contrôle des Feux
Création de Feu de Joie
Emprise sur le Feu
Flamme Eternelle
Flèche Enflammée
Incinérateur d’Aganazzar
Lame de feu
Mains Brûlantes
Métal Brûlant
Minuscules Météores de Melf
Mur de Feu
Nuage Incendiaire
Production de flamme
Protection contre le feu
Rayon Ardent
Sphère de Feu
Tempête de Feu
Trait de Feu

[Taliesin]

Il aurait aimé avoir du temps pour réfléchir à ce qui venait de se produire. Pour en discuter, également, avec ses compagnons. Car ce qu'il venait de vivre, d'éprouver, cela n'avait rien d'anodin.
Il aurait aimé avoir du temps, aussi, pour prendre la mesure de tout ce qu'il se sentait désormais capable d'accomplir, de tous ces sorts jusqu'alors inconnus qui attendaient désormais aux limites de sa conscience, prêts à être employés. Disposer d'une telle puissance, lui qui s'était toujours senti un peu à l'étroit avec la magie bardique, cela avait de quoi ravir et griser à la fois.
Mais dans un cas comme dans l'autre, cela devrait attendre.
Il y avait beaucoup plus urgent.
-Puis-je retirer ma main ? demanda-t-il au vieux sage, s'efforçant de reprendre pied dans la réalité. Je pense que nos camarades n'auraient rien contre un peu de soutien...

[Galathée]

Maric lui jeta un coup d'oeil, sans oser bouger sa main, mais Wilmarin n'eut pas l'air de l'entendre. Le vieux sage était toujours concentré, peut-être ailleurs, et sa bouche articulait des syllabes inaudibles. A l'extérieur, ils entendirent une explosion, puis un cri d'animal — sans aucun doute possible. Mais rien ne filtrait sous la porte et celle-ci ne frémissait pas dans ses gonds, signe sans doute que ses protections, ouvertes pour un temps, continuaient d'être actives.

[Taliesin]

Voilà qui les mettait dans une situation des plus difficiles...
-Je propose que nous attendions encore quelques instants mais que, si Wilmarin continue à être à ce point concentré, nous allions aider les autres, dit-il à Maric. Après tout, si nous sommes revenus à nous, c'est que le rituel doit être terminé. Du moins, en ce qui nous concerne.