[Quête] Ce que les vagues ne sauraient effacer

[Chandara]

Chandara ne chercha pas à presser le chat – une erreur que beaucoup commettaient au risque de récolter une griffure bien méritée – et adressa un sourire énigmatique au jeune garçon avant de lui répondre :

- J’ai bien peur que ma déesse ne m’ait pas encore révélé ma destination ni la teneur de ma mission. C’est pour cela que je suis à l’écoute des légendes et des nouvelles que peuvent me livrer les voyageurs.

[Taliesin]

Chandara arborant sur elle le symbole de son ordre, le petit musicien n'eut pas besoin de demander de quel dieu il s'agissait.
-Vous devez chercher de vieilles oeuvres d'art et des choses du genre.. Eh bien, peut-être êtes vous au bon endroit : la région n'est pas particulièrement célèbre mais on y raconte plein d'histoires de cités et de trésors engloutis. Quant à savoir si elles sont véridiques et si tout n'a pas déjà até pillé, ça, c'est une autre affaire.

[Chandara]

Le jeune musicien était décidément observateur et intelligent pour faire de si fines déductions. Chandara le gratifia d'un nouveau sourire avant de pousser plus loin sa chance :

- Peut-être accepterais-tu de partager certaines de ces légendes avec moi ? Mais je ne voudrais pas abuser de ton temps libre... Je pourrais peut-être t'inviter à déjeuner quand tu ne seras plus pris par ton service ?

[Taliesin]

Le gamin resta quelques instants à l'observer. Comme si, à l'instar de son chat, il s'efforçait de la jauger.
-Eh bien, une telle invitation, ça ne se refuse pas, dit-il finalement. Mais je dois être honnête avec vous : je ne suis sûrement pas le mieux placé pour vous parler de ces légendes. On m'en a raconté quelques-unes et je pense ne pas trop mal m'en souvenir, mais vous en apprendriez davantage auprès des gens du coin. Des gens âgés, surtout.

[Chandara]

Chandara était ravi de voir son invitation acceptée et se réjouissait déjà à cette perspective : la conversation avec le jeune musicien était agréable et elle ne doutait pas que, malgré sa modestie, son regard d'enfant etd'artiste la mène vers des pistes que pourraient négliger les aieux du bourg. Elle ne manquerait pas d'interroger ces derniers également mais elle aurait tout le temps pour cela à un autre moment :

- Merci de ton honnêteté mais je pense que notre conversation sera intéressante. Quand souhaites-tu que nous nous retrouvions ?

[Taliesin]

Il haussa les épaules.
-C'est quand vous voulez, madame. De toute façon, je ne joue pas à l'heure des repas : il n'y a pas assez de monde dans les rues pour que cela en vaille la peine.
De fait, les environs étaient en train d'être désertés.

[Chandara]

La jeune femme sourit à nouveau et répondit avec enthousiasme :

- Battons le fer tant qu'il est chaud : laisse-moi une heure pour me préparer et nous nous retrouverons dans la salle commune. Et amène ton joli partenaire, je suis certaine que l'aubergiste acceptera de lui servir des miettes de thon !

Chandara avait l'intention de mettre ce temps à profit pour procéder à quelques ablutions bienvenues après son étape du jour puis d'enfiler des vêtements plus adaptés à la ville.

[Taliesin]

Le garçon jeta un regard à son chat.
-Lui ? Vous savez, madame, il est du genre à faire ce qui lui plait, à aller ou bon lui semble. S'il souhaite m'accompagner, bien malin qui pourrait l'en empêcher. Idem s'il souhaite aller ailleurs.
Chandara eut presque l'impression que le félin acquiesçait. Mais c'était sans doute le fruit de son imagination.
-Mais sinon, très bien, je vous retrouverai dans une heure.

[Chandara]

Ce chat était assurément spécial, elle en avait une nouvelle fois la confirmation. Mais Chandara avait le sentiment que ce mystère finirait par s'éclaircir en temps utile. La paladine n'aimait pas presser dans leurs retranchements ses interlocuteurs en brûlant les étapes. Influencer, encourager offraient de biens meilleurs résultats avec le temps. Mais pour tout de même marquer un pas supplémentaire sur cette voie, la jeune femme déclara :

- Alors nous verrons bien s'il accepte mon invitation, lui aussi ! Au fait, il est inutile de me donner du madame : tu peux m'appeler Chandara si tu le souhaites.

Une façon de se présenter et peut-être de connaître enfin le prénom du petit musicien dont elle avait déjà beaucoup entendu parler.

[Taliesin]

A nouveau, il parut la jauger.
-Si vous voulez, dit-il finalement. Moi, c'est Quentin, pour vous servir.
Il se fendit d'une légère référence.
-A tout à l'heure, donc.
Et, son chat sur les talons, il s'apprêta à s'en aller, sans doute pour aller mettre à l'abri son précieux instrument.

[Chandara]

Chandara répondit en toute sincérité qu'il s'agissait là d'un très beau prénom avant de prendre congé à son tour. Elle alla tout d'abord vérifier que Lune de Mielétait correctement installée puis elle alla s'enquérir, auprèsde l'aubergiste, de la possibilité de prendre un bain. Elle ne se voyait en effet pas enfiler une jolie robe sans avoir procédé à un décrassage en règle !

[Taliesin]

Chandara découvrit d'abord que son destrier était bien installé et bien traité, ensuite qu'en matière de bain, il lui faudrait se contenter, comme lors de ses haltes précédentes, d'un grand baquet et de seaux d'eau chaude montés dans sa chambre par un solide employé. Comme ceux-ci lui furent relativement vite apportés, elle n'eut aucun problème pour être prête à l'heure dite.
Le jeune musicien, également, n'eut pas de retard. Portant sans doute déjà sa meilleure tenue, il ne s'était pas changé et paraissait toujours aussi à l'aise, quoiqu'il ne doive pas avoir l'habitude d'être convié à diner par une paladine. Mais peut-être était-il plus intimidé qu'il n'en avait l'air.

[Chandara]

Pour ne pas trop initimider Quentin, Chandara avait opté pour une robe aux couleurs sobres et au décolleté relativement sage. Associée à un chignon tout simple, elle ne cherchait pas vraiment à se faire remarquer, en apparence en tous cas. Mais une Sunite n'oubliait jamais de servir la déesse de la beauté et n'oubliait donc pas qui elle était. Il fallait se rendre à l'évidence : elle avait beaucoup d'allure même en se grimant en villageoise modeste.

En arrivant dans la salle commune, elle surprit plusieurs regards suivant son déplacement jusqu'à la table qu'occupait le musicien. Elle détailla en silence l'apparence de ce dernier, le jaugeant une seconde du regard avant de prendre place en face de luiet de le saluer.

[Taliesin]

Quentin lui sourit mais ne pipa mot, jugeant probablement plus convenable de lui laisser l'initiative de la conversation.
Mais celle-ci devrait encore attendre : tous deux étaient à peine assis que le tenancier en personne s'approchait pour prendre leurs commandes. S'il était surpris de trouver la paladine en compagnie du musicien, il n'en montra rien.

[Chandara]

Chandara prit l'initiative de répondre à la question de l'aubergiste en le demandant conseil sur ses spécialités - elle n'avait en effet pas d'idée précise en tête quant au choix de son repas.

- A moins que tu aies des envies particulières, Quentin ? Qu'est-ce qui te ferait plaisir ?

C'était une façon comme une autre de lancer la conversation : les gouts culinaires étaient souvent de bon ton pour briser la glace et c'était de circonstance.

[Taliesin]

Le tenancier, assez logiquement compte tenu de la situation de Bordeleaux, lui vanta ses poissons, ses fruits de mer... et ses vins.
Quant au jeune musicien, qui semblait déjà connaître parfaitement la carte, il opta pour du thon et un accompagnement de pommes de terre sautées. Cela ne comptait pas parmi les plats les plus chers à disposition, mais Chandara n'eut pas l'impression qu'il se privait particulièrement : cela semblait vraiment le tenter.

[Chandara]

Chandara choisit le même plat pour le mettre en confiance autant que parce qu'il la tentait elle aussi. Pour le vin, elle prit davantage de temps et demanda quelques précisions avant d'opter pour un vin blanc fruité et léger. Peut-être quentin était-il un peu jeune pour en boire avec elle mais elle avait commandé simplement deux verres au cas où ça le tente également. Elle attendit que l'aubergiste se soit éloigné pour demander calmement :

- Tu sembles avoir beaucoup voyagé, cela fait longtemps que tu parcoures les routes ?

C'était peut-être une entrée en matière un peu brutale mais Chandara n'avait jamais été connue pour sa faculté à tergiverser.

[Taliesin]

Avant de répondre, il prit le temps de l'observer. Peut-être se demandait-il si elle n'avait pas une idée derrière la tête, si elle n'allait pas tarder à lui dire qu'errer seul sur les routes n'était pas indiqué pour un garçon de son âge...
-Oh, ça fait dans les quatre ans, répondit-il finalement sur le ton de la conversation.

[Chandara]

Chandara ne put totalement dissimulé une mine parfaitement étonnée : à moins que le jeune garçon ne se trompe, cela signifiait qu'il n'avait pas de foyer depuis l'âge de ses six ou sept ans. comment pouvait-on laisser un si jeune enfant livré à lui-même ? L'occupation de la capitale et la guerre n'avait même pas eu lieu à cette époque pour commencer à justifier une telle injustice. Consciente qu'un silence gênant menaçait de s'installer, Chandara répondit sans parvenir à dissimuler le choc :

- C'est prodigieux que tu sois parvenu à t'en sortir de cette façon aussi jeune. Hum... Etais-tu seul tout ce temps ?

[Taliesin]

La réaction de la paladine lui arracha un demi-sourire.
-Vous seriez surprise de découvrir combien d'enfants, même tout jeunes, doivent se débrouiller seuls... Mais moi, j'ai eu de la chance : j'ai été pris comme apprenti par un barde errant. C'est avec lui que j'ai commencé à voyager et c'est lui qui m'a tout appris. Mais il était âgé et il est malheureusement mort il y a plus d'un an.

[Chandara]

Chandara adopta une mine plus grave mais esquissa tout de même un sourire reconnaissant : Quentin était honnête et lui faisait déjà suffisamment confiance pour partager avec elle une partie de son histoire personnelle, elle en était touchée.

- Ce devait être une personne exceptionnelle. De ce que j'ai entendu qu'il t'a transmis et aussi pour ne pas hésiter à prendre un garçon sous son aile.

[Taliesin]

-Pour autant que je sache, la plupart des bardes prennent des apprentis... Mais c'est sûr que c'était quelqu'un de gentil. Et pas ordinaire : il n'en a jamais vraiment parlé mais j'ai quand même bien compris qu'autrefois, il était célèbre. Et il y avait de quoi ! Même en travaillant dur des années et des années durant, je ne pense pas que je lui arriverai à la cheville : je n'ai jamais vu un musicien aussi doué.

[Chandara]

Chandara sourit plus franchement cette fois etrépliqua d'un ton enthousiaste - qui en effrayait plus d'un parfois :

- Tu es toi aussi très doué et je suis certaine que tu as le potentiel pour devenir très célèbre. Mais tu as raison, il faut savoir travailler dur pour affiner son talent et ses prédispositions : beaucoup manquent de volonté, se reposent sur leurs lauriers et gâche leur potentiel. Il faut beaucoup de courage et d'abnégation pour se réaliser.

[Taliesin]

Il acquiesça.
-C'est vrai. Après, la nécessité aide bien. En ce qui me concerne, si je n'avais pas continuer à faire ce que j'avais commencé à apprendre, j'aurais eu du mal à gagner mon pain. Idem si je n'avais pas travaillé pour m'améliorer : il faut de la nouveauté au public, sans quoi même celui qui voit le moins de spectacles finit par se lasser.

[Chandara]

La jeune femme acquiesça à son tour et répliqua avec conviction :

- Tu as raison : mon premier maître d'armesme disait toujours que le courage se révèle uniquement dans l'adversité. Sans y être confronté, le meilleur bretteur ne sera jamais certain de ses capacités et finira pa devenir indolent. Tu es la preuve vivante que cela s'applique aussi à l'art et à la musique.

[Taliesin]

-C'est gentil de dire cela. Mais je ne suis pas certain que ça s'applique vraiment dans mon cas : peut-on parler de courage quand on n'a pas le choix ? Parce qu'il faut bien manger... Et puis, on ne peut pas vraiment dire que mon boulotl soit le plus pénible qui soit. Personnellement, je trouverais bien plus difficile de travailler aux champs.

[Chandara]

Chandara lui adressa un nouveau sourire, admirant le courage ordinaire et la force de caractère de ce garçon à qui la vie avait fait très peu de cadeaux mais qui avaient tout de même su apprécier et cultver ces rares dons reçus.

- Je ne suis pas tout à fait d'accord : le métier est plus dur physiquement, c'est certain, mais courir les rotes sans certitude de ce que nous réserve le voyage ou la destination est bien plus insécurisant. Bon, il arrive qu'on trouve des merveilles dignes de l'effort consenti et c'est pour cela que je suis moi-même sur les routes mais il faut du courage pour ne pas renoncer face à l'adversité.

[Taliesin]

-Dans votre cas, je vous crois volontiers. Dans le mien...
Il haussa les épaules.
-J'ai grandi dans une ferme et pour autant que je me souvienne, il y avait autant d'incertitudes que sur les routes : un orage de grêle, une sécheresse, une invasion d'insectes pouvaient survenir à tout moment et ravager les récoltes... Et il fallait faire avec. Tandis que quand on est sur les routes, si ça ne se passe pas bien quelque part, suffit d'aller voir ailleurs.

[Chandara]

Chandara saisit l'occasion pour tenter d'en apprendre davantage sur le passé de Quentin même si elle se prenait ainsi le risque de le braquer un peu :

- Est-ce pour cette raison que tu as pris la route avec ton mentor barde ? Pardonne-moi si je pose des questions indiscrètes : tu as bien dû entendre toutes les rumeurs sur la curiosité des Sunites ! Et d'ailleurs, si tu souhaites me poser des questions en retour, je serai ravie d'y répondre.

[Taliesin]

Quentin ne répondit pas tout de suite, cherchant peut-être ses mots. A moins qu'il se demande s'il avait envie ou non de faire suite à cette question.
-Pas vraiment, dit-il finalement. J'étais bien là où j'étais mais je n'ai pas vraiment eu mon mot à dire.
Son ton n'avait pas changé, il souriait même toujours, mais Chandara eut le sentiment qu'il n'irait pas plus loin en matière de confidences.