RP libre : dans le sillage du Barde d'Argent

[Kasumi]

Une aventure comme tant d'autres ? Une chanson de plus au répertoire d'une légende...

Kasumi était pragmatique dans l’âme. S’il décidait de participer à une mission, il le faisait parce que l’objectif en valait la peine. La Forêt maudite réclamait énormément d’efforts et une surveillance constante n’était absolument pas superflue. Il ne voyait donc guère d’un bon œil cette idée de courir la campagne pour poursuivre les chimères d’un inconnu dans le seul but de figurer dans un paragraphe.

Pour l’heure néanmoins, cela ne lui coûtait guère plus que de le raccompagner jusqu’à la lisière des bois. Un tantinet piqué au vif, il avait rétorqué au barde qu’il s’était sans doute laissé tromper par la quiétude du bosquet mais que le garder n’avait rien d’ennuyeux : que les créatures de la nuit cherchaient quasiment tous les soirs à s’immiscer dans sa zone d’influence. Son épée n’avait rien de décoratif et elle manquerait au cours des prochains jours.

Le demi-elfe s’était ensuite mué dans le silence, concentré sur la direction à emprunter. Il n’y avait quasiment aucun sentier défini dans ces bois et faire passer le destrier du barde obligeait parfois à des détours. Ils ne rencontrèrent toutefois aucun autre obstacle que les ronces, les racines et les ravines même si Arnaud surprit, plus d’une fois, la présence d’un animal furtif dont il ne put distinguer que la fourrure blanche.

[Arnaud de Laincourt]

Arnaud n’était assurément pas un rôdeur. Il n’avait pas le sens de l’orientation de Kasumi, ni sa clairvoyance en matière de trajet, pas d’avantage sa discrétion. Pour autant, on le devinait grand voyageur et habitué aux lieux difficiles. Ce n’était certes pas lui qui guidait des groupes au milieu des montagnes, des marais ou des déserts, mais il avait fait partie de ces groupes, il avait connu les chaleurs torrides, les tempêtes de glace, les sables mouvants. Les ronces ne l’ennuyèrent pas, pas plus que les petits détours. Il se fia à l’expérience de son compagnon du moment, secrètement ravi d’avoir deviné en lui quelqu’un de fier. Une bonne pioche pouvait-il déjà assurer.

Et il gageait que sous peu, le rôdeur clerc allait pouvoir dévoiler tout l’étendu de ces talents. Non, on ne perdait pas son temps dans le sillage du Barde d’Argent.

Voilà la destination toute proche. Le soleil était quasiment au zénith. Dans le ciel, pas un nuage. Dans l’air, dans le vent, de la fraicheur, l’humus de la forêt et autre chose de pourrissant, de malsain. Kasumi sut, avant de les voir, de les entendre, qu’il approchait de morts-vivants. Encore quelque pas et il fut possible de deviner, derrière les arbres resserrées, la clameur d’un combat acharné.

« Nous y voici ! Pile à l’heure ! Écrivons un petit morceau de cette grande histoire cosmique, celle du bien contre le mal ! »

Arnaud monta en selle, dégaina sa rapière. La lame ouvragée jeta d’étrange lueur diaphane.

« Allez Vaillant, pour Lathandre ! »

Le destrier blanc partit au galop, dépassa Kasumi, disparût entre les arbres. Le temps que le rôdeur atteigne la clairière, le Barde était déjà plongé au milieu du combat. Et quel combat ! Des zombis, des squelettes, des goules ! Derrière ce petit régiment d’abominations, plusieurs individus en robe noire et encapuchonnés. L’un d’eux se distinguait par sa stature, son aura malveillante. Pour lutter contre tout ça, un trio d’individus dépareillés, des aventuriers typiques : un nain en armure maniant une hache, une humaine vive et agile jouant de l’épée courte, un mage haut-elfe faisant pleuvoir des flammes.

Le trio n’était pas en bonne posture. Sans aide, ce combat prendrait pour eux une issue funeste.

[Kasumi]

Kasumi aurait été bien en peine de déterminer comment le barde avait pu anticiper ce combat mais c'était là une question secondaire qu'il relégua à plus tard. D'une part, il était un homme d'action plus que de réflexion, d'autre part il s'érigeait en défenseur de ces bois pour tous les voyageurs - aventuriers ou non - en danger et enfin, il abhorrait les créatures mort-vivantes. Il ne tarda pas, lui non plus à agir pour faire tourner ce combat à l'avantage des vivants :

A peine fut-il entré dans la clairière qu'il profita de la vue dégagée pour jeter un sortilège de son répertoire :

Kasumi - Croissance d'épines -> Un groupe de mort-vivants

Le rôdeur clerc avait pris soin de choisir une zone où ne se battait pas ses alliés mais suffisamment encombré de créatures d'outre-tombe pour diminuer - pour un temps - la pression qu'ils subissaient.

Il ne s'agissait que d'une mesure temporaire et le demi-elfe se précipita vers le groupe d'aventuriers pour entrer plus concrètement dans la bataille, ses deux épées dégainées pour trancher la tête d'un premier zombi. Un éclair de fourrure blanche sauta dans le même mouvement sur un second mort-vivant et entreprit de le déchiqueter de sa puissante mâchoire : la mêlée était désormais engagée.

[Arnaud de Laincourt]

La surprise put se lire sur le visage de la jeune femme. Il était clair qu’elle ne s’attendait pas à obtenir des renforts. Sans doute en allait-il de même pour ses deux compagnons mais ni Arnaud, ni Kasumi n’eut l’occasion de pouvoir observer leur prime expression. Déjà il fallait se reconcentrer.

Après une charge à cheval ayant fracassé trois ou quatre squelettes, Laincourt sauta à terre et, faisant danser sa lame, révéla des talents de maître escrimeur. Mais plus que cela, ce qui frappait, c’était l’étrange assurance, la stupéfiante habitude qui habitaient ses gestes. Son efficacité déconcertait et prouvait qu’il s’était battu beaucoup et contre plus puissant.

Il clama quelques paroles guerrières, point des cris de guerre mais des rimes galvanisantes n’ayant pas leur pareille pour raffermir l’âme, renforcer les convictions. Magie de barde, assurément. Kasumi put en mesurer l’efficacité, étant lui-même ciblé par ces encouragements surnaturels.
Le nain, sur le point de défaillir, ne recula plus. Sa hache retrouva la hargne de vaincre. Le mage haut-elfe fut quant à lui d’avantage aidé par l’intervention du rôdeur, de son compagnon animal et de son sortilège épineux. La combinaison des trois lui permit de se mettre à distance et de pouvoir ainsi utiliser ses sorts de destruction avec plus d’aisance. Quand à la jeune femme, elle oublia ses peurs, ses craintes, se remettant à travailler en duo avec le nain.

L’homme en noir, celui qui dirigeait, n’entendait pas voir cette victoire presque acquise lui échapper. Il exhorta ses sbires à d’avantage d’investissements. Lui-même commença à recourir à ses sombres maléfices.

[Kasumi]

Kasumi se sentait galvanisé par le chant et la présence du barde. Il se sentait plus rapide et plus efficace dans chacun de ses mouvements. Il avait toutefois suffisamment d’expérience pour ne pas s’oublier à ce sentiment de puissance qui l’avait envahi et à mesurer chacun de ses gestes pour ne pas se retrouver inutilement en difficulté. Dans cette optique, il se garda bien d’abandonner le combat contre les adversaires qui les encerclaient directement : le mage et même le barde – avec la mobilité que lui conférait son destrier – étaient mieux à même de s’occuper de la menace présentée par le nécromancien. Le demi-elfe se contenta de désigner ce dernier avant de reprendre sa danse guerrière, tranchant un membre ici, détournant une épée ou un gourdin là.

[Arnaud de Laincourt]

Le nécromancien en question, après avoir lancé un maléfice sur Arnaud et avoir constaté que ce dernier y avait résisté, se rendit à l’évidence. Il proféra des jurons dans sa barbe et s’empressa de battre en retraite. Les morts-vivants tombaient, déjà leur nombre n’était plus suffisant pour submerger les aventuriers. Le barde approchait, esquivant un zombi, pourfendant une goule d’un coup de lame dans l’œil, perçant jusqu’à la cervelle. Le voilà arrivé vers un des acolytes. Il le tua sans même marquer une pause dans sa progression. Son destrier revint, il monta en selle, partit au galop à la poursuite du nécromancien. Il le rattrapa après avoir quitté la clairière. La Demoiselle d’argent fusa...
...et se planta dans un tronc.

« Merde ! »

Trop tard ! Le mage noir avait usé d’un sort de rappel à la dernière seconde. Un instant frustré, Arnaud retira sa rapière du tronc et haussa les épaules. Ce n’était que partie remise. Il l’aurait, la prochaine fois. Il fit faire demi-tour à Vaillant et revint au petit trop dans la clairière. Il ne se pressait pas. Il resta même en selle, observant les aventuriers achever le travail.

Kasumi, virevoltant avec ses épées, continuait à lui faire bonne impression. Le rôdeur travaillait de concert avec son loup et à le voir abattre monstre sur monstre, sans doute pouvait-il s’en sortir contre plus ardu. Il n’en attendait pas moins d’un gardien de bosquet, surtout ici, dans la forêt maudite. Les trois autres n’étaient pas en reste. Peut-être un peu moins expérimentés que le rôdeur clair, ils avaient toutefois du potentiel. Ses yeux s’arrêtèrent sur le nain, qu’il croisait pour la seconde fois, et il le vit planter sa hache dans le dernier zombi encore debout. Le cadavre s’effondra et le calme revint en ce lieu souillé par la mort.

« Par la barbe de mes ancêtres, s’exclama le nain, joyeux. Le Barde d’Argent, ici, à Hélonna ! Je vais commencer à croire que vous me suivez ! »

[Kasumi]

Kasumi essuya son épée courte sur la tunique en loque d’un zombi puis activa la magie inhérente d’Etincelle et le sang noir qui la maculait se dissipa en partant en fumée. D’un seul geste, le demi-elfe rengaina ensuite ses deux épées sans même sembler y prêter attention. Il s’approcha alors du trio d’aventuriers et les salua :

- Une bonne rencontre ! L’un de vous est-il blessé ?

[Arnaud de Laincourt]

Les aventurier se retournèrent vers Kasumi. Arnaud le désigna de la main.

« Je vous présente Kasumi. Il est le gardien d’un bosquet, non loin d’ici. Je lui dois la vie.
- La vie ? Par quel miracle ? pouffa le nain. Vous êtes un roc !
- Mon roc, ce sont des gens comme vous et lui, rectifia, amusé, le barde qui désigna le nain. Kasumi, je vous présente Brédin Gardefer. Fils de forgeron ayant succombé à l’appel de l’aventure, je ne sais pour quelle raison. »

Le sourire d’Arnaud prouvait qu’il connaissait parfaitement la raison.

« La dernière fois que je l’ai croisé, c’était en Féérune. Et visiblement, en chemin, il s’est fait des amis. »

Ce fut au tour du nain de faire les présentation.

« La charmante jeune femme que voici a décidée de se chercher une vocation. Le crime, c’était pas son truc.
- Ouais, on va dire ça comme ça. On m’appelle Lyna.
- Et voici Elandir, reprit le nain. C’est en fait lui qui nous guide. »

Elandir consentit à un léger salut adressé à Arnaud de Laincourt, mais il sembla presque ignorer le rôdeur. Un demi elfe, pour un elfe du soleil, était-ce digne d’intérêt ?

« Sinon oui, moi je veux bien des soins, reprit encore le nain. C’est que j’en ai pris plein la figure avec ces tas de pourritures ! »

[Kasumi]

Kasumi ne se formalisa pas de l'accueil glacial de l'elfe : il n'avait jamais particulièrement porté les mages dans son coeur, en particulier les mages elfes, beaucoup trop souvent imbus d'eux mêmes. En revanche, il rendit chaleureusement leur salut aux deux autres aventuriers avant de s'approcher du nain pour lui prodiguer quelques soins magiques puis bander ses blessures. Cela fait, il récompensa Première Neige par de une viande qu'elle appréciait particulièrement.

[Arnaud de Laincourt]

Brédin, cordial, ne manqua pas de remercier Kasumi, puis il s’approcha d’Arnaud.

« Ma parole, ce Kasumi ne semble pas savoir qui vous êtes. Comment est-ce possible ?
- Ami nain, vous n’avez pas côtoyé beaucoup de rôdeur, répondit le barde en riant. Et puis, nous sommes ici à Elonna, pas à Féérune.
- Mais oui, justement, revenons à ce sujet. Que diable faite-vous ici ? J’ai cru comprendre que vous rechercher vos racines.
- Plus ou moins. Je cherche mon domaine.
- Votre domaine ? intervint Elendir.
- Tout à fait, maître elfe. Je suis le Baron de Laincourt. J’ai appris le décès de mon père et... deux, trois autres petites choses qu’il me faut régler urgemment. Vos talents sont les bienvenues. »

[Kasumi]

Quelle que soit la forme de divination que le barde avait employée - Kasumi en était maintenant convaincu - la rencontre avec ces aventuriers n'avait rien de fortuite et il semblait évident qu'Arnaud avait prévu de les intégrer à son plan. Lui-même se sentait de moins en moins assuré de son libre arbitre en la matière. Le demi-elfe s'attendait maintenant à ce qu'Arnaud lui suggère - le baron n'était certainement pas du genre à devoir demander - de poursuivre sur ses traces jusqu'à son domaine.

[Arnaud de Laincourt]

Kasumi avait bien deviné car voilà Arnaud qui le désignait.

« Et ce gardien de bosquet nous montrera la voie. Les sentiers secrets, tout ça. Au fait, mes chers aventuriers, auriez-vous une carte de la région ? Nous étions en route pour en chercher une. »

Elendir acquiesça et sortit de son sac un rouleau de parchemin.

« Votre domaine s’y trouve », précisa-t-il.

Arnaud prit la carte, s’approcha du rôdeur clerc et s’adressa à lui de manière un peu plus sérieuse, un peu plus formelle.

« Loin de moi l’idée de vouloir abuser de votre temps. Si vous voulez vous retirer, vous le pouvez. Néanmoins, comme vous devez le savoir, la lumière attire les ténèbres. Et une fois que les ténèbres ont germé quelque part, ils se répandent. Mon domaine est dans la tourmente. Ce que nous combattrons là-bas est destiné à nuire à terme à votre bosquet. Mon domaine purgé, il redeviendra un avant-poste de la lumière aux abords de la forêt maudite. »

[Kasumi]

Si Kasumi n’avait pas goûté au ton badin du barde quand il avait présenté comme une évidence le rôle qu’il entendait lui faire jouer, il redevint beaucoup plus attentif et concerné quand Arnaud exposa ses arguments. Le barde avait fait mouche pour convaincre le rôdeur clerc qui était lui-même le défenseur d’un fragile avant-poste. Ce dernier examina attentivement la carte, évaluant les distances et le terrain avant de poser une question qui lui paraissait essentielle :

- Je ne doute pas que nous combattions le même ennemi. Ou en tous cas l’une de ses manifestations. Mais j’ai avant tout besoin de connaître ce que nous allons affronter en votre domaine. Vous semblez en savoir davantage que ce que vous avez partagé avec moi.

[Arnaud de Laincourt]

« Je ne sais pas, répondit Arnaud, pas précisément. Je suis un serviteur des cieux, mes rêves me guide, me montrent certaines choses, mais manquent parfois de netteté. »
Il eut un geste vers les morts-vivants.
« Cela dit, nous pouvons supputer. Nous venons de croiser un nécromancien d’expérience. Je ne pense pas qu’il soit l’investigateur de ce qui se trame en mon domaine, mais peut-être y est-il associé. »
Le haut elfe s’approcha et déclara :
« Je sais, de source sûr, qu’un grand prêtre d’Orcus a gagné Hélonna. Je gageais qu’il voulait rejoindre Lumenis, peut-être a-t-il fait un crochet. »

[Kasumi]

Le demi-elfe se tourna vivement vers le demi-elfe et demanda sans considération pour sa froideur envers lui-même :

- Orcus, vous êtes certain ? Arnaud, si c'est bien ce qui vous menace, mon aide vous est acquise : on ne peut pas laisser ce culte s'implenter ici : avec la Forêt Maudite, il y gagnerait trop vite un grand pouvoir. Je suis prêt à me mettre en route sans tarder.

[Arnaud de Laincourt]

« Un grand prêtre d’Orcus... ce sera une jolie histoire », répondit Arnaud.

Il s’approcha de Vaillant tout en laissant la carte dans les mains de Kasumi, estimant que c’était là qu’elle devait se trouver.

« Fier rôdeur, votre promptitude à aller de l’avent à la seule énonciation du non d’un prince démon ne peut que m’enthousiasmer. Nous n’avons aucune raison de nous attarder. Guidez-nous. Nous devons arriver rapidement mais sans nous épuiser en route. Nul repos ne nous attendra une fois chez moi, pas tant que nous aurons fait notre devoir.
- Lyna ! s’exclama le nain.
- Ben quoi ? s’étonna la jeune femme qui était en train de faire les poches des monstres abattus.
- Mais ce sont des infections !
- De l’or, c’est de l’or. »

Arnaud sourit. Le haut elfe leva les yeux au ciel. Lyna, finalement, se redressa, quelques malheureuses pièces de cuivre en main.

« C’est pas possible. J’espère que les poches du nécromancien seront plus fournies. »

À son ton, on devinait un brin d’autodérision.

[Kasumi]

Dès qu'il eut quitté la clairière pour pénétrer sous le couvert des arbres, la silhouette de Kasumi devint indistincte comme s'il était difficile de fixer son regard sur lui. S'il avait marché seulement quelques mètres de plus devant les autres membres du groupe, il se serait sans doute fondu dans le décor. Première Neige, quant à elle, avait totalement disparu dans les sous-bois, trotinant gaiement en éclaireuse : si un danger les attendait, les sens complémentaires du rôdeur ou de sa louve en seraient les premiers avertis.

[Arnaud de Laincourt]

Tout le monde se mit donc en route sans plus tarder, laissant derrière eux les restes d’un combat qui aurait bien mal tourné sans la main du destin.
Arnaud allait à pied, en tenant un docile Vaillant par la bride. Il discutait abondamment avec le nain et le haut elfe. Il était question de magie, d’Hélonna, de religion, le concept d’aventure, d’anecdotes diverses.
Le Barde d’Argent parlait certes beaucoup, mais il écoutait plus encore, curieux de chaque vie, chaque expérience, chaque point de vue.
La jeune femme, quant à elle, se montrait plus chiche en parole, plus vigilante aussi. Ce n’était pas une expansive, même si en la matière elle devait être largement plus sociable que le rôdeur.

[Kasumi]

Kasumi, qui avait passé la majeure partie de son existence isolé du monde et de ses histoires, profitait à sa manière de l’occasion qui lui était donnée de voyager en groupe et surtout d’écouter des récits étrangers. S’il ne le manifestait pas extérieurement, il tentait malgré tout de jauger ses nouveaux compagnons temporaires. Le mage semblait le plus distant de tous et il se voyait de toute façon peu d’atomes crochus avec lui : son milieu, sa pratique des arcanes, son sang pur, tout les éloignait. La roublarde trouvait davantage grâce à ses yeux pour sa vigilance et sa pondération. Il pressentait que s’il voyageait un certain temps avec le nain, il pourrait aussi sympathiser : il était avant tout un combattant, comme lui. Le Barde d’Argent était le plus mystérieux de tous pour le demi-elfe : au travers des conversations mais surtout par les bribes de combat dont il avait pu juger, Arnaud était de loin le plus puissant de tout le groupe, peut-être même plus que tous les autres membres de l’escouade réunie. Si son origine noble pouvait en partie expliquer son ascendant sur les autres et même sur lui, il fallait bien se l’avouer, il y avait plus, tellement plus : un mystère sur lequel le jeune clerc ne parvenait pas à mettre le doigt. Ses réflexes et ses habitudes étaient solidement ancrés en lui et il se tenait à l’écart de ce qu’il ne parvenait pas à estimer et comprendre, ce qui expliquait en partie son attitude en retrait.

[Arnaud de Laincourt]

Arnaud, pressé par Beldin, finit par narrer une de ses aventures. Il avait accompagné un preux paladin et tout un groupe pour défaire rien de moins qu’un dragon rouge déjà fort âgé et à la malveillance maintes fois illustrées. Il avait beau aborder la chose de manière poétique, il n’en décrit pas moins le potentiel meurtrier de ces créatures de légendes dont le souffle brûlant balayait les existences en un rien de temps.
À la fin de l’histoire, le dragon rendait certes l’âme, offrant un trésors à donner le vertige aux aventuriers, mais ceux-ci n’en demeuraient pas moins largement moins nombreux qu’au début du récit. Bravoure, face aux grands périls, devenait bien vite sacrifice. Arnaud honorait par ses mots ceux qui étaient tombés, décrivant peut-être de manière enjolivée les instants où ils s’étaient dépassés. Le preux paladin fut enterré non loin de la clairière calcinée où le dragon poussa son dernier soupire.

Le récit donnait à réfléchir et sans doute Arnaud ne l’avait-il pas raconté par hasard. À suivre les héros, à marcher dans leurs pas, on croisait vite l’occasion de prouver ses mérites... ou de raccourcir sa vie. était-ce une mise en garde ?

[Kasumi]

Kasumi avait écouté avec une grande attention le récit du barde. S'il n'était pas dupe quant à la véracité de certains détails - le combat et la mort respectant rarement la dialectique poétique - il devait bien reconnaître qu'Arnaud savait faire vibrer la fibre de son public et captiver ce dernier. S'il s'était bien gardé d'intervenir pendant le récital, il ne fut pas le dernier à louer la performance.

- Il est heureux que nous n'ayons pas affaire à un dracosire rouge cette fois. Même avec le Barde d'Argent à nos côtés, j'ai bien peur que nos talents n'auraient pas été à la hauteur de ceux de vos compagnons. Et, à tout prendre, je crois que je préfèrerais détruire des mort-vivants si un jour je venais à figurer dans un de vos récits.

[Arnaud de Laincourt]

« Avec un potentiel grand prêtre d’Orcus dans les parages, je pense que vous serez sous peu exaucé », rigola Arnaud, comme si la menace d’un tel péril ne l’atteignait pas.

Il se devait d’être la lumière dans l’obscurité. Parfois, rien que la bonne humeur pouvait constituer un remède efficace à l’anxiété éprouvées au milieu de la tourmente.
Pour l’instant, de tourmente, nul trace. La forêt demeurait paisible. Peut-être que le trajet se ferait sans heurt. Avec un rôdeur et une roublarde dans le groupe, Arnaud allait sans crainte des mauvaises surprises.

[Kasumi]

Kasumi était toujours aussi vigilant comme s'il cherchait à déterminer, à tout instant, d'où pourrait provenir le danger. Mais il esquissa tout de même un sourire franc à la remarque d'Arnaud : il était bien difficile de demeurer insensible à son humeur communicative.

- En voilà un que je serai heureux d'enterrer avec vous, Arnaud. Ce n'est déjà pas les mort-vivants qui manquent dans les parages sans avoir besoin d'un prêtre maléfique pour en invoquer plus encore. Mais il va trouver à qui parler avec une légende vivante sur son chemin !

[Arnaud de Laincourt]

« Nous verrons bien, nous verrons bien... » répondit avec légèreté Arnaud.

Le grand prêtre d’Orcus était-il vraiment à l’origine de ses visions ? Était-ce donc à cet être abjecte qu’il devait son retour sur sa terre natale ? Il le supposait, eut égard des quelques éléments concrets qu’il avait pu rassembler, mais rien n’était encore certain. Le grand prêtre se trouvait peut-être à Lumenis ou plus loin encore sur l’île, occupé à d’autres projets. Si jamais le Barde d’Argent ne croisait pas sa route en son domaine familial, il ferait sans doute bien de chercher sa piste une fois ses affaires pressantes réglées. Lathandre exécrait les morts-vivants et rien de tel qu’un sbire du prince démon Orcus pour en répandre des légions.

Arnaud finit par se tourner vers le haut elfe puis par évoquer des sujets que Kasumi trouva fort ennuyeux. Le rôdeur clerc eut donc tout le loisir de se consacrer à guider le groupe d’aventuriers à travers la forêt.

HRP : je te laisse l’opportunité de déclencher une péripétie durant le trajet. Si tu ne souhaites pas qu’il y en ait, contente-toi de dire que rien ne se passe durant le voyage.

[Kasumi]

Kasumi continua ainsi à progresser en silence pendant quelques minutes puis s’arrêta brusquement en faisant signe au groupe qui le suivait de faire de même. Le rôdeur s’accroupit près d’un arbuste et en examina attentivement les feuilles avant de se redresser à demi et d’examiner le sol environnant.

- Il y a du sang frais ici : ce n’est peut-être qu’un animal blessé mais j’aimerais vérifier.

Il s’était tourné vers Arnaud en quête de son avis sur la question. Souhaitait-il l’accompagner ou prendre un peu d’avance.

[Arnaud de Laincourt]

Arnaud acquiesça. S’il y avait du sang frais, il fallait vérifier, assurément. Pour autant, le barde n’était pas spécialement discret, surtout en forêt. Aussi préféra-t-il demeurer sur place. L’air tranquille, mais attentif, il échangea quelques mots à mi-voix avec Elendir avant que tous deux ne se taisent tout à fait.

« Du sang... répéta Brédin en se lissant son ample moustache.
- Oui, du sang, répondit Lina. Je vais suivre le rôdeur. Vous autres, les bruyants, attendez là.
- Bien, très chère demoiselle », conclut Arnaud.

Il n’estima pas utile de donner de conseil, Kasumi était sur son territoire.

HRP : Lina suit Kasumi. Au besoin, tu peux la jouer. C’est une roublarde (voleuse) de niveau 3 du genre prudente et efficace.

[Kasumi]

Kasumi n’eut guère de consignes à transmettre à la roublarde qui savait très bien progresser avec discrétion. A peine se contenta-t-il de quelques gestes pour lui désigner des zones à éviter : feuilles mortes, racines, tourbière et épineux ne manquaient pas pour entraver la progression de ceux habitués à la ville plus qu’aux bois.

Le couple évolua sans accroc pendant plusieurs minutes avant que le demi-elfe ne s’arrête à nouveau pour écouter les bruits environnants. Les traces de sang étaient plus visibles ici. Et il y en avait provenant d’au moins trois pistes différentes. Kasumi s’exprima dans un souffle :

- Nous sommes très certainement près de l’antre d’un prédateur. Ou d’autre chose.

Il s’avança ensuite au travers d’un buisson particulièrement dense sans pour autant que celui-ci ne le ralentisse ou ne trahisse même sa présence. Il revenait une minute plus tard en annonçant à Lina et en arborant un visage blême et en préparant ses armes pour se battre :

- Allez chercher les autres : nous aurons besoin de leur bras.

La jeune femme s’exécuta sans perdre davantage de temps pour venir faire son rapport à Arnaud, au nain et au mage à quelques minutes de là.

[Arnaud de Laincourt]

Même si le reste du groupe fit de son mieux pour rejoindre le gardien de bosquet discrètement, ce dernier n’eut aucun mal à percevoir leur approche. Il reconnut le pas pesant de Brédin qui en cherchant à éviter des brindilles faisaient craquer des branches mortes. Il reconnut les fiers souliers d’Elendir un rien moins bruyant. Il reconnut les bottes assurées de Arnaud et les sabots de son destrier. Heureusement que le barde avait un cheval de guerre léger, pas un espèce de colosse caparaçonné de paladin.
Tout ce beau monde arriva bientôt en vue. Le nain tenait déjà sa hache.
« Comment ça, il parait que vous êtes devenu tout blême, fit-il. Qu’est-ce qu’il faut tuer ? »
Arnaud, stoïque, observait avec intérêt les traces de sang, la main sur la poignée de sa Demoiselle d’Argent. Il ne dit rien, mais était toute ouïe.

[Kasumi]

Kasumi avait pour sa part dégainéson arc et encoché une flèche tout en restant à l'affût derrière un buisson par rapport à l'endroit qu'il regardait. Quand les autres furent assez proches, il poussa un soupir de soulagement et daigna regarder dans la direction d'Arnaud le temps de répondre à sa remarque :

- Ce n'est pas un prédateur naturel qui se terre ici. Il y a de nombreuses traces et j'ai apperçu ce qui pourrait être un nécrophage : ces créatures sont particulièrement répugnantes et les traces suggèrent qu'il y en a au moins une dizaine dans les environs.

[Arnaud de Laincourt]

« Bien. Quelques vers de plus dans le glorieux poèmes que nous écrivons, personne ne va s’en plaindre », répondit le barde avec un sourire mi joyeux, mi déterminé.

Si ses propos étaient légers, voir insouciants, son attitude, elle, ne l’était pas. Il dégaina sa rapière magique et commença à s’avancer.

« Kasumi, faites en sortes que nous leur tombions dessus et non l’inverse.
- Une dizaine de nécrophages, intervint Elendir. Est-ce bien raisonnable de s’en occuper ? Je vous croyais pressé.
- Ses choses doivent disparaître, Maître Mage.
- Bien dit ! On va les tailler en pièce ! » ajouta Brédin.
Lina mit un doigt sur ses lèvres pour inviter le groupe à faire moins de bruit. Puis elle tourna son regard vers le rôdeur, le guide en cette forêt.