[Lieu] La Vallée Fertile

[Galathée]

" On peut changer de maître ?" demanda la créature, surprise.
Taliesin l'entendit bouger. Peut-être un peu plus près. Il lui sembla distinguer quelque chose, une ombre, sur sa droite, qui se rapprochait doucement. Il y eut un bruit métallique, comme si une gigantesque chaîne raclait contre le sol de pierre.
" Non, je ne crois pas. Le maître... Le maître, c'est le maître. Il sait ce qui est bon, ce qui est nécessaire. Le maître est là depuis toujours et il sera là toujours. C'est ainsi que le veulent les dieux."

[Taliesin]

-C'est ce qu'il raconte. Mais les dieux, qui sont justes et bons, ne sauraient tolérer qu'un être tel que vous soit condamné à la famine et au silence, qu'il soit contraint de renoncer à l'un de ces si nombreux talents. Non, les dieux veulent qu'il mange à satiété, qu'il parle à son aise et qu'il puisse démontrer à toutes les créatures inférieures son incommensurable talent.
Il fit une courte pause avant de reprendre.
-Le maître a menti. Mais vous le savez : vous savez qu'il n'est pas éternel et que vous pouvez en changer si tel est votre bon plaisir. Simplement, dans votre immense sagesse, vous avez décidé de lui faire croire que vous étiez dupe. Afin d'endormir sa méfiance. Afin de pouvoir mieux agir le moment venu, quand les dieux auront décidé de le punir pour vous avoir si mal traité.

[Galathée]

" Je n'ai pas vraiment faim, je dis ça... parce que ça... sonne juste dans les circonstances." dit la créature.
Taliesin entendit un son sourd, puis à nouveau le raclement métallique.
" Et le maître est éternel, et il est bon avec moi. Et je dois remplir ma mission. C'est important les missions. Sans les missions, qu'est-ce qu'on ferait ? Juste raconter des blagues ? Au moins, avec les missions, il y a un sens. Toi, tu es une petite créature qui va être morte bientôt. Moi je veille sur ceux qui parlent avec les dieux."
Le bouclier translucide disparut brusquement, mais aucun jet d'acide ne vint.

[Taliesin]

Il se tint donc plus que jamais aux aguets.
-Parce qu'il prétend parler avec les dieux ? répondit-il d'un ton où perçait le scandale.
Il secoua la tête.
-S'il leur parlait réellement, il y a longtemps qu'il vous aurait confié des missions autrement plus intéressantes et qu'il vous aurait libéré de cette abominable chaîne, ce pour atténuer leur courroux. Mais il n'a fait ni l'un ni l'autre, signe qu'il ne leur parle pas, qu'il ne les respecte pas. Et leur ire va bientôt s'abattre sur lui.
Il se fit grave.
-Vous disiez tout à l'heure y voir moins bien qu'à l'ordinaire dans les ténèbres. Eh bien, ça n'est pas pour rien : ces ténèbres-ci sont différentes, ces ténèbres-ci sont divines. Elles sont le signe annonciateur de la chute de ce prétendu maître. Le signe anonciateur, aussi, d'une nouvelle vie pour vous.

[Galathée]

La créature ne répondit rien. Une voix, par contre, se fit entendre à l'intérieur même du crâne de Taliesin.
Nous avons atteint et ouvert la porte de sortie, lui annonça Wilmarin. Je vais faire diversion sur votre gauche, le temps d'attirer son attention. Filez vers la droite. Vous verrez une lumière bleue. Courez droit dessus et vous serez dans le couloir avant qu'il ait compris que vous aviez disparu.
" Tu mens, dit alors la créature. Il m'avait prévenu de ne pas t'écouter, de ne pas te parler, que tu essaierais de t'en sortir en m'abreuvant de mensonges. Je n'ai pas obéi. Je n'ai pas été sage."
Il gémit, un étrange son de gorge.
" Le courroux des dieux va s'abattre sur moi car j'ai été méchant."
Comme pour lui donner raison, le sol du Temple trembla et de la poussière tomba du plafond invisible.

[Taliesin]

Le barde se prit presque à éprouver de la compassion pour cette créature prisonnière et manipulée. Peut-être que, malgré sa nature profonde, elle aurait pu devenir autre chose, entre d'autres mains.
Mais il chassa ces pensées de son esprit : le moment était mal choisi.
Il valait mieux exécuter sans perdre un instant les consignes de Wilmarin.
Ce qu'il fit, courant aussi vite qu'il le put et espérant que cela suffise.

[Galathée]

Les choses se déroulèrent comme Wilmarin l'avait prévu. Taliesin fonça vers la lumière et atteignit le couloir. La porte se referma sur lui, et la lumière revint, sous la forme d'une torche que tenait Maric. Le vieil elfe sourit au barde. De l'autre côté de la porte, ils entendirent un cri de fureur puis un gémissement épouvantable. Le sol trembla à nouveau.
" C'était parfait. Vous ne devriez pas douter de vos talents de persuasion. Je suis certain qu'avec un quart d'heure de plus, vous l'auriez convaincu, dit le mage. Mais nous n'avons pas ce temps, pas maintenant."

[Taliesin]

-Dommage : j'aurais vraiment aimé enfin réussir à convaincre quelqu'un, dans cette vallée ! Un dragon, qui plus est ! Et puis, vous imaginez, s'il nous avait prêté main forte ?
Il plaisantait. Même si, dans le fond, pareil renfort aurait été bienvenu...
-Mais nous avons réussi à passer, et c'est bien là l'essentiel.
Il fallait juste prier pour que ne se dressent plus, sur leur chemin, pareils obstacles...

[Galathée]

" Vu sa taille, il n'aurait pas pu nous aider à grand chose... mais vous pourrez aller le convaincre ensuite, si cet endroit tient toujours debout. " dit Wilmarin.
Ils avaient repris leur route dans un couloir qui semblait s'incurver vers le bas et les sous-sols.
" Cet endroit est plus récent... creusé par ces cultistes, probablement... Il doit mener..."
Il s'interrompit.
" Vous sentez cette odeur ? Il y a de la non-vie, ici..."
Il faisait sombre et le plafond était couvert d'une mousse presque noire. Il y avait, oui, un parfum désagréable dans l'air, de tombe, de chair putréfiée, peut-être...

[Taliesin]

-Après les dragons, des morts-vivants... J'espère juste qu'il n'y a pas de liche au programme.
Était-ce l’œuvre des cultistes ? Une conséquence des phénomènes étranges dont l'abbaye était le théâtre ? Il penchait davantage pour la première hypothèse mais... rien n'était a exclure, au regard des circonstances.
Quoi qu'il en soit, il se concentra, se tint prêt : ils ne pouvaient pas se permettre le moindre faux pas.

[Galathée]

" Une liche... Ce n'est pas complètement impossible... mais ça ne veut jamais dire qu'un magicien qui aurait mieux fait de mourir en son temps plutôt que de s'accrocher...
— Facile à dire pour un elfe, remarqua Maric, avec une touche d'humour.
— Ce n'est pas faux."
Maric se mit à incanter à mi-voix, puis fit un pas en arrière. Taliesin fut forcé de le retenir pour qu'il ne tombe pas. Le prêtre peina à reprendre ses esprits.
" Il y a quatre morts-vivants... dont un très puissant. Les autres... du menu fre..."
Il ne put pas terminer sa phrase car subitement, au bout du couloir, surgirent une paire de squelettes. Le premier les chargea, mais le second banda un arc et décocha aussitôt une première flèche qui, bien heureusement, ne toucha personne. Cela dit, vu l'étroitesse du couloir, il finirait par faire mouche.

[Taliesin]

Un mort-vivant très puissant ? Très puissant au point de quasiment assomer un clerc faisant usage d'un sort de détection du mal ?
Cette abbaye était-elle le lieu de rencontre de toutes les abominations de Toril et d'au-delà ?
C'est ce qu'il se demanda tout en décochant un rayon ardent en direction du squelette archer. Vu la configuration des lieux, peut-être toucherait-il plutôt le fantassin... Mais dans ce cas, il recommencerait.

Taliesin --> Rayon ardent --> Archer

[Galathée]

Le rayon ardent frappa le premier squelette de plein fouet, éparpillant des os incandescents dans toutes les directions. L'archer eut le temps de décocher une autre flèche qui, dans l'étroitesse du couloir, fit mouche et toucha Maric à l'épaule. Le prêtre tomba en arrière, Wilmarin le rattrapa et incanta aussitôt, si bien que le temps que Taliesin détruise le second squelette de son trait de feu, Maric était déjà à nouveau indemne. Légèrement sonné, mais indemne.
" Il doit les invoquer à mesure que nous progressons." dit le sage elfe.
Il envoya alors une paire de sangliers blancs dans les couloirs, devant eux. Ils disparurent rapidement à la faveur d'un coude dans le couloir.
" Cet endroit est abominable... murmura Maric.
— Je ne pense pas que les cultistes eux-mêmes l'arpentaient souvent."
Ils avancèrent avec circonspection. Les murs et le sol, de boue noire, devinrent de plus en plus spongieux, s'accrochant à leurs bottes avec des bruits de succion.

[Taliesin]

-Mais ils l'ont creusé... Dans quel but ?
Pour se débarrasser des corps de leurs victimes ? Peu probable : ils ne se seraient pas donnés tant de mal pour cela.
Alors, était-ce une manière de temple, de sanctuaire ? Le puissant mort-vivant perçu par Maric était-il, dès lors, l'être malfaisant qui avait dévoyé l'ordre ?
C'était presque à espérer, car s'il ne s'agissait que d'un allié de celui-ci... Cela n'augurerait rien de bon.

[Galathée]

Subitement, quelques marches jaillirent de la boue et grimpèrent vers une petite plateforme de pierre presque blanche, bien que salie. Au-delà se dressait une arche, de pierre également, sur le fronton de laquelle étaient gravés quelques mots. C'était de l'elfique ancien, ou une langue approchant. Taliesin put donc lire ce qui y figurait : " Toujours le profanateur récolte ce qu'il a semé". Wilmarin s'était figé et son expression reflétait la plus grande stupéfaction.
" Oh je n'aime pas ça." souffla-t-il à mi-voix.

[Taliesin]

Il fronça les sourcils.
-Cela semble vous rappeler quelque chose...
En ce qui le concernait, cela le faisait songer à un parasite prospérant au détriment d'une église dévoyée au dogme et aux principes totalement et ironiquement opposés aux siens : un être ou un culte dévolu à la mort et à la putréfaction puisant sa force dans un groupe censé servir la vie.
Mais en dehors de cela...

[Galathée]

Wilmarin jeta un oeil vers Taliesin, un peu troublé, puis se tourna vers Maric.
" Maric... Je pense qu'il serait peut-être... mieux que vous restiez ici. Pour protéger nos arrières. Il va faire très sombre et... avec vos yeux humains, vous risquez de ne rien y voir... J'ai aussi... de bonnes raisons de penser qu'il pourrait rester des prêtres dévoyés dans le Temple... et qu'ils pourraient essayer de nous prendre à revers."
Le Chauntéen parut surpris.
" Mais est-ce que je ne suis pas le plus indiqué pour affronter des morts-vivants ?
— C'est quelque chose que je peux faire, moi aussi. Et le mort-vivant en question... va se montrer plus résistant que les squelettes du couloir."

[Taliesin]

Taliesin fit la moue.
Il n'aimait pas l'idée de diviser leurs forces alors qu'ils s'apprêtaient à affronter leur ennemi, à savoir l'adversaire le plus puissant des lieux, peut-être plus puissant encore que le dragon. Contre lui, ils n'auraient pas été de trop, à trois.
Il craignait, aussi, de néfastes conséquences sur le futur, s'ils venaient à l'emporter sans au moins un représentant de Champsdor à leurs côtés.
Sans doute Wilmarin avait-il ses raisons pour faire pareille demande. Mais il ignorait bien lesquelles.

[Galathée]

Devant le silence de Taliesin, vu l'insistance de Wilmarin, Maric finit par hausser les épaules.
" D'accord, dit-il. Mais je ne peux pas dire que ça m'enchante... et si vous n'êtes pas de retour dans une heure, je viens.
— Cela me semble un bon compromis, répondit le sage. Et nous serons de retour. De votre côté, soyez vigilant."
Il gratifia le prêtre d'une tape amicale sur l'épaule, puis gravit les marches qui menaient à l'arche et la franchit sans se retourner.

[Taliesin]

-Je préférerais, et de beaucoup, que vous veniez avec nous, avoua pour sa part le barde au clerc. Mais Wilmarin a l'air de savoir ce qu'il fait et jusqu'ici, suivre ses avis nous a plutôt réussi. Alors... Je vous dis à tout à l'heure.
Et, pas franchement rassuré, pas franchement convaincu non plus, il suivit le vieux sage elfe.

[Galathée]

L'elfe s'était arrêté un peu plus loin dans le couloir pour l'attendre et reprit sa marche aussitôt que le barde l'eut rejoint. Les murs étaient désormais de pierre unie, lisse, décorée de dessins guerriers stylisés, fracas de bataille, pendaisons, tortures, incendies... Le tout semblait peint dans une couleur unie, qui paraissait noire dans la pénombre mais aurait tout aussi bien pu être rouge. Wilmarin avançait désormais à grands pas rapides dans le boyau, les sourcils froncés. Des inscriptions se joignirent aux dessins, des mots épars, toujours dans un elfique ancien, reflets de ce qui était représenté, saccages, éviscérations, piétinements, décapitations, et Taliesin remarqua qu'une rivière coulait, dessinée, sous toutes ces scènes sinistres, gonflant au fur et à mesure qu'ils progressaient...

[Taliesin]

A son humble avis, la couleur tant des desseins que de la rivière n'était point le noir, mais un rouge sombre.
Et, toujours de son point de vue, la matière dont on s'était servi pour les réaliser n'était autre que du sang.
Le sang qui, à chaque nouveau massacre, à chaque nouveau supplice, venait gonfler ce qui sous peu deviendrait un fleuve.
Se pouvait-il que cet endroit soit une manière de temple dédiée à la violence ? Ou plutôt, à la vengeance ?
Se pouvait-il que le puissant mort-vivant auquel ils allaient sous peu être confrontés ait jadis été un elfe ?
Il avait entendu parler des baelnorns, cet équivalent elfique des liches humaines. Mais pour autant qu'il sache, ils n'avaient rien de foncièrement mauvais...
Toutefois, cela expliquerait pourquoi Wilmarin avait voulu tenir Maric à l'écart.

[Galathée]

Wilmarin s'arrêta un peu plus loin, alors qu'un escalier descendait à nouveau vers le bas.
" Nous y sommes. L'antre de la bête est là en dessous. Il nous attend. Je pense même qu'il sait que je suis là. Car je crains de connaître celui que nous allons affronter, Taliesin. Je suis désolé d'avoir écarté le prêtre mais... je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire de mêler les êtres humains à cet ultime combat. Vous parliez de réconciliation... Elle m'a toujours semblé relativement illusoire, compte tenu du passif entre nos peuples, du moins en ces contrées. Mais si les habitants de la Vallée venaient à connaître la nature de celui qui les a manipulés toutes ces années... Je ne sais pas exactement vers quoi nous irions."
Il paraissait subitement très fatigué.
" C'est une bonne chose que vous soyez venu me chercher, une excellente chose."
Il posa la main sur l'épaule du barde.
" Nous allons inverser les rôles. Je vais faire diversion et vous frapperez. Frappez sans frémir, sans pitié, sans hésitation, quoi qu'il advienne."

[Taliesin]

Apparemment, il avait vu juste.
Il songea à poser des questions, pour connaître le fin mot de l'histoire, mais estima que ce ne serait pas une bonne idée, vu comme Wilmarin semblait affecté. Les explications viendraient en leur temps, si elles devaient venir.
L'important était de régler cette affaire. Et si c'était pour le bien de tous, il mentirait aux humains comme aux elfes.
-Très bien, répondit-il simplement.
Il se rendrait invisible et... attendrait le moment propice. En espérant qu'il soit de taille à terrasser ce puissant non-mort.

[Galathée]

Wilmarin lui adressa un sourire contraint puis descendit les escaliers. Ils débouchèrent dans un court couloir puis le mage incanta plusieurs fois, les couvrant d'auras bleues, blanches et dorées, avant de franchir le seuil d'une salle.
Elle était ovoïde, bordée d'une douzaine de piliers aux allures de racines ou de troncs gigantesques, et en son centre se trouvait un promontoire de formes irrégulière, sur lequel reposait quelque chose qui ressemblait à un bassin. Il y avait trois personnes dans la pièce : une sur le promontoire, les deux autres agenouillées sur le sol. Taliesin reconnut ces deux dernières : l'une était Braen, l'autre Aegon, le capitaine de la garde de la princesse Elwyn. Ils étaient l'un et l'autre immobiles, un genou en terre, les mains posées sur la garde de leur épée. On aurait dit des statues. Sur le promontoire se trouvait un homme en robe de prêtre, un humain d'apparence anodine, qui n'était pas le Semeur Petrus. Il paraissait avoir la quarantaine, peut-être un peu plus, un physique tout à fait banal, une courte barbe brune taillée, des pattes d'oie au coin des yeux, des lèvres fines, plissées dans un sourire. Il regarda Wilmarin entrer sans se départir de son sourire, comme figé.

[Taliesin]

Bon.
Cet homme - ou plutôt, cette créature à l'apparence d'homme - était selon toute vraisemblance sa cible.
Braen et Aegon... Il s'agissait de simples marionnettes dont il tirait les ficelles. De marionnettes auxquelles il s'agirait de ne pas faire de mal et qui, avec un peu de chance, retrouveraient sous peu leur libre arbitre.
Quand lui-même aurait réussi à vaincre le mort-vivant.
Pour l'heure, toutefois, c'était à Wilmarin d'agir. Pendant ce temps, il se rendrait invisible et... tenterait de se rapprocher de sa future victime.

[Galathée]

" Puis-je tenter de te convaincre de repartir dans ta forêt, Wilmarin ? demanda l'homme, dans un elfique parfait quoi qu'à l'accent étrange. Je te rendrai ces deux-ci, et la princesse. C'est eux que tu es venu chercher, non ?"
Wilmarin s'était arrêté à une saine distance.
" J'aimerais que les choses soient aussi simples, Haldreithen. Mais je crains que cela ne soit pas possible.
— Pourquoi ? Jusqu'à cet écart de conduite, je ne te gênais pas.
— Je ne savais pas que tu étais là. Si je l'avais su, je serais intervenu plus tôt. Les temps ont changé, mon fils, l'eau de la rivière a coulé. Les hommes d'ici ne sont pas ceux d'hier.
— Bien sûr que si. C'est leur sang, le même."
Taliesin commença à avoir légèrement peur, sans pouvoir réellement se l'expliquer. Plus il avançait dans la salle, et plus il se sentait mal à l'aise. Il n'était pas certain qu'il parviendrait à se porter beaucoup plus loin sans faire volte-face à prendre ses jambes à son cou.

[Taliesin]

Formidable.
Vraiment, vraiment formidable.
Contre ce genre d'adversaires, ceux suintant littéralement la magie par tous les pores de leur peau, une bonne lame bien placée était souvent la meilleure solution. Mais puisqu'il lui était impossible d'approcher... il lui serait impossible de recourir à son épée.
Il n'avait donc d'autre choix que de demeurer à cette distance, de se trouver un bon angle de tir et... de guetter l'instant où il pourrait décocher une fléché ou un sortilège.
Dans un cas comme dans l'autre, si la créature était dotée de protections magiques, cela risquait fort de ne produire aucun effet.
Mais puisqu'il n'avait pas d'alternative...

[Galathée]

" Haldreithen. Tu es mort il y a plus d'un siècle. La magie impie qui anime ton corps n'est pas digne de ce que tu étais de ton vivant."
La façade de l'homme se fissura un instant et Taliesin eut l'impression d'apercevoir un autre être, plus vieux, plus ignoble, puis l'illusion retrouva toute sa puissance.
" Je ne suis plus vivant, tu l'as dit toi-même. Peu m'importe ce qui était digne d'autrefois. La dignité n'a sauvé aucun d'entre nous."
Des angles, il y en avait pléthore, et Taliesin pourrait sans difficulté trouver un endroit opportun. Mais une flèche ordinaire risquait de n'avoir aucun effet sur la créature...

[Taliesin]

Il en avait bien conscience.
Comme il avait bien conscience que des sortilèges, lui fussent-ils octroyés par la source, risquaient d'être tout aussi vains.
Mais il faudrait bien faire avec...
Et si cela ne fonctionnait pas...
Sa main vérifia la présence du pipeau dans sa poche.
Ce bon vieux pipeau qui avait de fortes chances de devenir sun ultime espoir.