[Lieu] La Vallée Fertile

[Galathée]

" Gnagnagna." dit Cordélia.
Amrod sourit.
" Je pense que nous pouvons monter jusque là dès que nous serons prêts. Maître Wilmarin avait l'intention de sceller la dernière enceinte et nous serons forcés de l'attendre pour y pénétrer, à mon avis. Je ne suis pas particulièrement impatient : si les lieux sont à la mesure de la littérature sordide qu'il y avait dans leur bibliothèque, ils ne seront sûrement pas à mon goût. Mais je suis toujours censé surveiller que les elfes ne s'approprient pas tout ce que les cultistes ont pu amasser... Il y a sûrement un marché pour toutes ces horreurs à Aghoralis ou Mélandis."

[Taliesin]

-Je suis amateur d'art et de culture, mais je pense malgré tout que certaines choses... ne méritent pas vraiment d'être sauvegardées.
De son point de vue, les détruire aurait été préférable. Néanmoins, il se voyait mal faire la morale à la personne qui lui avait tant rendu service.
-J'espère en tout cas que les choses se passeront bien... C'est en se battant côte à côte que les hommes de Champsdor et les elfes de la Lorien ont réussi à éliminer le mal : ce serait bien s'ils demeuraient dans le même état d'esprit, s'ils comprenaient qu'une entente leur serait profitable à tous... Bref, à mon sens, il y a une chance à saisir pour la région et tous ses habitants, quels qu'ils soient.

[Galathée]

Amrod haussa les sourcils.
" Nous verrons. Il est beaucoup trop tôt dans la journée pour ce genre de conversations."
Cordélia sourit.
" Les elfes ont l'esprit clair dès l'aube.
— Ce sont les Lathandrites, ça."

[Taliesin]

-En revanche, la plupart des bardes n'ont pas les idées claires le matin, eut égard à leur habitude de se coucher tard. Il ne faudra donc pas trop compter sur moi pour être pertinent avant... dix ou douze heures.
Il sourit.
-Bon, mais si l'idée est de partir rapidement, il faut sans doute que j'aille réveiller la horde.

[Galathée]

" La horde est réveillée depuis plus d'une heure, je le crains, dit Amrod avec un sourire amusé. Mais ils sont aux écuries, si vous les cherchez. Une histoire de forts de paille, je crois ? J'ai négocié sec avec mon palefrenier mais il s'est montré compréhensif...
— Désolée, je ne peux pas y aller, je suis allergique..." fit Cordélia avec un petit haussement d'épaules.

[Taliesin]

-Tu as survécu au bébé, c'est bien la preuve que ton allergie est imaginaire. De surcroit, t'occuper de lui t'a préparée à t'occuper d'eux : c'était un entraînement intensif d'excellente qualité, et le fait qu'il soit intervenu juste hier me semble être un signe du destin ! Autre signe indéniable : le plus terrible de la bande, Victor, est prêt à remuer ciel et terre pour toi, si bien que tu pourrais le mener par le bout du nez... Bref, Cordélia, en un mot comme un cent : tu es la chef naturelle et incontestable de leur bande !
Il s'était néanmoins levé, prêt à rejoindre les écuries.

[Galathée]

" C'est à la paille que je suis allergique, pas aux enfants !" rétorqua Cordélia avec aplomb, tandis qu'Amrod dissimulait un sourire.
Le demi-elfe se leva néanmoins.
" Je vais aller veiller au ravitaillement. Braen est déjà debout et il aura sûrement de quoi nous préparer quelque chose. Si vous n'avez pas de vêtements adéquats, faites signe à mon personnel, il vous trouvera de quoi vous équiper."
Il laissa ensuite Cordélia et Taliesin en tête à tête.

[Taliesin]

Il lui sourit.
-Bon et bien, comme tu argues de fallacieux prétextes pour me laisser seul face à ce qui est pourtant ton destin, j'imagine que je n'ai d'autre choix que de partir, séance tenante et solitaire, pour ce qui était jadis les écuries de maître Amrod et est à présent le havre terrestre du chaos incarné... Ce fut un plaisir de te connaître.

[Galathée]

Cordélia rit joyeusement.
" C'est ton quotidien pour les quinze ans à venir, ce bordel, Taliesin. Autant garder la main."
Elle se leva et lui ébouriffa amicalement les cheveux.
" Mais tu es barde. Les bardes sont doués en tout !"
Elle fit quelques pas sous le soleil matinal.
" On se retrouve sur les cailloux multicolores !"
Il ne restait plus au barde qu'à rallier l'écurie...

[Taliesin]

-Lâcheuse ! lui lança-t-il.
Puis, oui... Il prit la direction des écuries.
En matière de vêtements, il estimait que ce qu'il portait ferait l'affaire .Quant aux gosses... L'état de leur mise devait déjà ne pas être très reluisant : dès lors, les faire se changer avant une expédition dont il rentreraient dans un état pire encore ne semblait guère justifié.

[Galathée]

Contre toute attente, l'ambiance aux écuries était loin d'avoir atteint des proportions scandaleuses. Baptiste lisait, étalé sur une botte de foin, tandis que Marius faisait de l'escalade, à une hauteur indue, mais protégé par l'épais matelas de paille qui pourrait amortir sa chute. Victor discutait avec le palefrenier dans la stalle d'un cheval gris. Titus observait une élégante toile d'araignée, louchant sur son architecte, les sourcils froncés.
Bref, rien de grave. Et Baptiste vint à sa rencontre dès qu'il entra.
" Je leur ai dit que si on faisait les imbéciles, on aurait pas le droit de monter à l'abbaye. Alors tout le monde s'est montré... plutôt raisonnable, tu ne crois pas ?"

[Taliesin]

Vu ce qu'avait dit Amrod, il aurait dû les amener à l'abbaye quand bien même auraient-ils été intenables. Mais ç'aurait été mal récompenser leurs efforts que de el dire. Il fallait par ailleures reconnaître que la technique de la carotte - enfin, de cette carotte-là, en tout cas - était redoutablement efficace.
[color=#FFF66]-En effet.[/color]
Il sourit.
[color=#FFF66]-On part pour l'abbaye dans quelques minutes, alors préparez-vous. De mon côté, je dois juste aller récupérer deux trois choses dans ma chambre.[/color]
Ses armes, son pipeau et la carte, essentiellement.

[Galathée]

Il retrouva les enfants en rang d'oignon près du portail, ainsi qu'Amrod et Cordélia. Victor discutait avec la jeune femme, Amrod devisait avec Baptiste, Titus vint se placer près de Taliesin. Marius prit la tête de leur petit groupe, surveillant la rue comme s'il s'attendait à ce que déboule un ennemi, tôt ou tard. Et il y avait du monde dans Champsdor. On s'affairait à réparer les dégâts et à nettoyer les rues, hommes, femmes et enfants, chacun à sa mesure. Sur leur passage il y eut des murmures, des saluts, quelques hourras, jusqu'au moment où ils atteignirent le poste de garde installé dans l'ancien comptoir de l'abbaye, au pied de la piste qui menait à l'enceinte. Il y avait là une certaine effervescence, plusieurs chariots attelés de mulets étaient alignés au pied du chemin et ils en virent deux en pleine ascension, des gardes de Chamspdor discutaient avec des citoyens, plusieurs prêtres en robe de bure circulaient, et ils repérèrent Rodolphe, en grande conversation avec deux vieilles femmes. Il n'y avait pas trace d'elfes, mais cela ne voulait pas forcément dire qu'il n'y en avait pas dans les parages.

[Taliesin]

Taliesin espérait que ce soit le cas. Il considérerait en effet comme un mauvais signe un si prompt départ des elfes, alors que s'ils s'attardaient, il y aurait la possibilité que s'établissent de nouvelles relations entre eux et les humains. Dans l'absolu, ceux-ci auraient besoin de leur aide, à présent qu'ils ne pouvaient plus compter sur la magie impie qui avait à la fois protégé et perverti la Vallée ; et si cette aide leur était accordée, il en découlerait probablement respect, reconnaissance et, au final, une meilleure entente.
C'était la solution idéale, évidemment. Mais sans doute faudrait-il se contenter de quelques pas dans cette direction et... espérer que l'on continue, peu à peu, sur cette voie.
Ces réflexions n'empêchèrent pas le barde de regarder avec attention ce qui l'entourait et d'adresser un amical salut à Rodolphe, qu'il s'abstint toutefois d'aller immédiatement trouver : il ne voulait pas le déranger au beau milieu d'une conversation.

[Galathée]

Amrod avait pris les choses en main, de son côté, et il revint vers eux avec le laissez-passer nécessaire pour grimper jusqu'au premier cercle. Ils s'engagèrent donc sur le chemin.
" C'est déjà le grand déblayage, en haut. Ils essaient de sauvegarder tout ce qui peut l'être... Animaux, denrées alimentaires, tout le matériel... Plus un état des lieux des bâtiments... Il n'y a pas encore de décision prise sur l'affectation future des lieux... Même si l'Eglise de Chauntéa est incontournable dans les régions agricoles, beaucoup de gens disent qu'il serait malvenu pour eux de revendiquer quoi que ce soit... Bref, tout cela va devoir faire l'objet d'innombrables palabres au conseil... qui lui-même va devoir organiser des élections dans les veilles à venir... Ah, Champsdor va être un beau bordel pendant un certain temps, c'est sûr."

[Taliesin]

Il acquiesça.
-J'imagine, en effet. Mais je suis certain que, malgré les difficultés, vous arriverez à remonter la pente et à rendre cet endroit meilleur qu'il ne l'a jamais été...
En réalité, il l'espérait simplement. Mais il l'espérait très fort.
-J'ai de la famille, à Loth Imarihl : il n'est donc pas impossible qu'en l'une ou l'autre occasion, je repasse par ici pour venir vous saluer et voir comment évolue la situation.

[Galathée]

Amrod sourit.
" Je suis sûr que vous aurez mille endroits plus passionnants à visiter. Et pour un coutumier de Luménis comme vous l'êtes... Tout ça ne seront que des broutilles.
— Moi j'espère bien que tu viendras nous voir !" s'exclama Cordélia.
Les quatre enfants avaient pris la tête et couraient dans la montée comme si de rien n'était. Tant d'énergie paraissait, à bien des égards, surnaturel.

[Taliesin]

Et il n'allait pas les empêcher de se dépenser.
Bien au contraire.
-Oh, parce que tu penses rester ici ? s'enquit-il.
L'aventurière sans attaches venait-elle de décider de jeter l'ancre ?

[Galathée]

" Disons que... c'est quelque chose que j'envisage."
Elle jeta un oeil à Amrod, qui se contenta de sourire.
" Amrod m'a proposé du travail. Comme tu le sais... Il ne me reste rien du tout. Encore moins que rien du tout, en fait, vu que même ce que j'avais ramassé sur la route, je ne l'ai plus. Alors il parait que peut-être... nous serons compensées... Les victimes de... ces gens..."
Son visage se ferma une seconde, elle soupira, retrouva le sourire.
" Mais je ne suis restée que quelques jours... Je n'ai pas le mérite des autres. Et dans le fond... J'aimerais autant ne rien recevoir... remiser tout ça. Alors voilà... Je pourrais profiter de l'offre qui m'est faite. Ou alors m'enfuir très loin. Je n'ai pas encore complètement décidé."

[Taliesin]

-Je comprends.
Cependant, de ce qu'elle en avait dit, la balance penchait plutôt du côté de l'offre d'Amrod. Et, de son point de vue, c'était une bonne idée.
-Par contre, sache que tu n'as pas absolument tout perdu. J'ai récupéré les affaires que tu avais laissées à ton auberge : elle sont avec les nôtres, chez Mona. Enfin... Elles y étaient au moment où, après l'attaque du camp des centaures, j'ai décidé de fuir la vallée. Mais j'imagine qu'elle a tout conservé...

[Galathée]

" Oh ? C'est vrai ? Oh, c'est trop gentil !" fit-elle.
Amrod parut presque alarmé.
" Mais j'avais presque rien. Juste des cailloux..."
Elle lui jeta un regard en coin, il avait retrouvé sa mine tranquille.
" Bon, les enfants ont déjà disparu..." remarqua-t-il, comme pour dévier la conversation.
Effectivement, les quatre mousquetaires avaient atteint le portail et l'avaient aussitôt franchi, délaissant leurs aînés.

[Taliesin]

Il haussa les épaules.
-Bah, Wilmarin ayant scellé la seule partie encore dangereuse du complexe, il peuvent bien se promener à leur guise. Je n'interviendrai que si s'élève un panache de fumée ou retentissent des cris...

[Galathée]

" Ça me parait sage." commenta Cordélia.
Ils franchirent l'enceinte à leur tour. Depuis la veille, Taliesin dut constater qu'on avait déjà bien progressé dans le déblaiement. Une vingtaine de personnes étaient visibles de là où ils se trouvaient : certaines vidaient les maisons, d'autres empilaient des objets dans plusieurs chariots alignés, les derniers semblaient superviser le tout. Il y avait plusieurs prêtres chauntéens, mais aussi des gardes et des civils. Un homme flanqué de deux adolescents, sans doute ses apprentis, semblait tester la solidité des bâtiments, flanquant des coups de pied dans les murs, secouant des poutres de soutènement. Deux jeunes femmes tentaient de rassembler un troupeau d'oies peu coopératives. Assis sur un muret, un vieil homme empilait des livres en trois piles après les avoir consultés. Victor, Baptiste, Marius et Titus n'avaient pas encore avancé très loin : comme les adultes, ils contemplaient la scène, s'interrogeant sans doute sur la voie la plus prometteuse.
Mais une silhouette se détacha d'entre deux maisons à moitié calcinées et, souriant, Maric vint à la rencontre de Taliesin et de ses compagnons.
" Bien le bonjour ! C'est un soulagement de vous voir tous en bonne santé après la terrible journée d'hier."
Il paraissait toujours très fatigué, mais un peu plus vaillant quand même qu'au moment où Taliesin l'avait laissé.

[Taliesin]

-Content de vous revoir également !
Au total, aucun membre de leur groupe n'avait perdu la vie dans l'opération : c'était somme toute inespéré.
-Heureusement, si cette journée s'annonce chargée, elle sera moins périlleuse. Plus positive, aussi, dans la mesure où le mal ayant été terrassé, il est désormais question de préparer l'avenir...

[Galathée]

" Maître Wilmarin est passé un peu plus tôt avec quelques elfes et un contingent de la garde. Je pense qu'ils avaient l'intention d'explorer un rien la seconde enceinte en vous attendant. Il m'a rappelé que... vous aviez promis de vous occuper du dragon.
— Elwyn les accompagnait ? demanda Amrod.
— Elwyn ? La princesse elfe ? Non, elle est restée au campement, de ce que j'ai compris. Mais son capitaine est avec eux."

[Taliesin]

La princesse s'en était tirée... Tout était donc bien qui finit bien.
-Je n'ai pas oublié, pour le dragon : c'est un sacré défi mais j'aimerais beaucoup parvenir à le relever. Cependant, je demanderai à Wilmarin de me gratifier de quelques sorts de protection : je ne sais pas quelle sera la réaction de ce malheureux prisonnier, quand il me verra...
Il fallait même se méfier de ses rires, au regard des projections d'acide.

[Galathée]

" Oui, ce ne sera pas de trop, il avait l'air passablement... borné.
— Mais Taliesin a l'habitude des gens bornés, s'exclama Cordélia.
— Que fait-on des enfants ? demanda Amrod. Ils risquent de vous chercher si vous vous éclipsez à nouveau...
— Ils vont a-do-rer le dragon." dit Cordélia.

[Taliesin]

-C'est le dragon qui va les adorer, plutôt : je comptais lui les offrir pour son repas, histoire de l'amadouer. Mais réflexion faite, songeant que mon épouse pourrait m'en vouloir, j'ai renoncé à cette pourtant brillante idée.
Il se tourna vers les enfants, songeur.
-Ils ne m'accompagneront pas. Pas dans un premier temps, du moins : ce serait totalement irresponsable. Mais je peux leur dire de s'occuper jusqu'à mon retour, en essayant de n'embêter personne voire, par extraordinaire, de filer un coup de main...

[Galathée]

" Je vais rester avec eux, dit Cordélia avec un sourire. Je dois avouer que... je ne suis pas complètement à l'aise de retourner là-bas. Ça viendra sûrement, mais là comme ça... Je vais donner un coup de main ici. Peut-être que je trouverai des choses intéressantes, qui sait ?
— Tu es sûre ? demanda Amrod. Si tu préfères redescendre...
— Non, ça ira. Et puis comme ça, Taliesin aura l'esprit libre. Allez, allez-y. Wilmarin doit trépigner devant sa barrière."
Elle les salua et rejoignit les quatre enfants, surgissant derrière Victor qui bondit dans un cri.

[Taliesin]

-Eh bien, en avant pour l'opération dragon ! lança l'elfe d'un ton léger.
En vérité, il était moins rassuré qu'il voulait bien le montrer. Cependant, comme il bénéficierait des protections magiques mises en place par Wilmarin, comme son interlocuteur serait non un dragon vert mais un dragon de bronze, il se disait qu'en s'y prenant bien, les choses pouvaient connaître une conclusion positive.