[Lieu] La Route de la Lorien

[Voyageuse]

Astrée n'avait pas très envie de passer une soirée à ne rien faire, et était d'avis d'avancer aussi loin que possible. Elle se souvenait cependant qu'une fois dans la forêt, les auberges seraient plus rares. L'idéal était d'arriver juste à l'orée des bois le lendemain soir, et non pas en début d'après-midi : il fallait donc répartir la distance à parcourir de façon équilibrée entre la journée d'aujourd'hui et celle dhu lendemain. Elle s'efforça donc de se remémorer la carte pour ne pas avancer plus que nécessaire.
Elle n'accordait pas vraiment d'importance, en revanche, au type d'auberge qu'elle trouverait : de préférence petite, familiale, et pas trop fréquentée.

[Galathée]

Elle trouva une auberge à son goût en fin de journée, dans un groupe de trois établissements établis dans un petit village en bord de route. Comme tous les hameaux du coin, il s'étendait jusqu'à la rivière et disposait d'un quai auquel étaient amarrés quelques bateaux à fond plat. L'auberge était un peu à l'écart de la voie principale, tranquille, et Astrée se vit offrir une jolie chambre au premier étage. La tenancière, une vieille dame rondelette, la prit tout de suite sous son aile comme s'il s'agissait d'un membre de la famille. Dans la salle commune, où il n'y avait que quelques tables, se trouvaient surtout des gens du coin et pas tellement de voyageurs, qui venaient échanger sur les derniers potins de la région.

[Voyageuse]

L'auberge convenait parfaitement à Astrée. Des voyageurs, elle en verrait tous les soirs durant sa traversée de la Lorien, et avait d'ores et déjà rassemblé les quelques informations qu'elle pouvait espérer obtenir. Elle n'avait donc pas le besoin ni l'envie d'en croiser ce soir-là.
Elle resta un moment à rêvasser près d'une fenêtre ouverte, écoutant le clapotis de l'eau sur les barques amarrées au petit quai, savourant la quiétude des lieux. L'accueil chaleureux de la tenancière l'avais mise immédiatement à l'aise, et elle se sentait bien dans cette petite salle familiale. C'était un peu comme passer une nuit chez sa grand-mère -plaisir rare qu'elle se souvenait cependant avoir connu, étant toute petite. Même les effluves émanant de la cuisine y ressemblaient.
Une soirée tranquille, au calme, à écouter simplement les potins du coin, était certainement l'étape la plus reposante qu'elle puisse espérer.

[Galathée]

Elle s'installa donc, mangea un plat à base de canard sauvage, se laissant porter par le murmure des conversations. Il y avait un peu de mouvement, comme les hommes et les femmes du hameau entraient et sortaient, buvant un verre, parfois deux, et s'échangeaient des nouvelles du bateau de l'un, de la vache de l'autre, d'une naissance chez une fille qui vivait désormais de l'autre côté de la rivière, de l'avancement des réparations dans un village mis à mal par les gobelins quelques mois plus tôt, de quelques frictions avec des navigateurs elfes, de problèmes d'excès de vase plus haut sur la Sylvestre, d'un mariage à venir, du décès d'un ancêtre dans le bourg voisin. Astrée s'apprêtait à monter dormir quand la conversation prit le tour suivant :
" Alors je te jure, François dormait, comme d'habitude, et le chien s'est enfui ! A ce moment-là, comme un diable, il a surgi du buisson, grand comme ça !"
L'homme s'était levé et brandissait le bras au-dessus de sa tête.
" Et il a fait quoi ?
— Ben rien. François s'est réveillé en sursaut, il a grimpé dans l'arbre, par instinct de survie... et le centaure, il s'est simplement excusé, et il a traversé le champ vers la route. Les moutons n'ont pas eu peur, eux, vu que c'est aussi des bêtes.
— Il avait trop bu, d'nouveau.
— Non, c'est pas sûr. Y'en a eu, dans l'temps. Ça existe.
— Et il était tout seul ? Je pensais que ça vivait en troupeaux, ces bêtes-là.
— Ouais, tout seul. Un mâle.
— Tant mieux, moi j'dis. On n'a pas besoin de ce genre de problèmes."

[Voyageuse]

Astrée, qui venait de se lever de table, s'était arrêtée en réalisant qu'ils parlaient d'un centaure. Ça n'était tout de même pas une rencontre courante... Mais il y en avait dans la Lorien, Dymphéa le lui avait dit. Cela signifiait peut-être qu'il y avait une harde vivant non loin de la lisière des bois. Sans doute l'un d'eux, pour une raison quelconque, s'en était-il éloigné. C'était surprenant, et le phénomène semblait exceptionnel à en juger par la réaction des hommes.
Elle hésita à se mêler à la conversation. Bien sûr, il lui faudrait faire abstraction du vocabulaire employé par les hommes au sujet des centaures... Mais finalement, qu'aurait-elle appris de plus ? Qu'il y avait un centaure dans les environs ? Elle le savait déjà. Demain, elle essaierait de voir si elle trouvait des traces, par curiosité.
Elle songea que ce serait chouette de croiser la route d'une autre harde. Mais très hautement improbable, elle le savait bien.
Elle continua d'écouter, en rangeant très lentement ce qu'elle avait sur sa table, repoussant le moment de monter se coucher. Juste au cas où ils en parlent encore.

[Galathée]

Mais ils n'en parlèrent pas davantage. Le centaure avait atteint la route et avait filé en direction de la forêt, ce qui signifiait... bon débarras ! Astrée put gagner sa chambre et la nuit s'avéra tranquillement, même si les murmures des conversations de la grande salle filtraient au travers du plancher et formaient une sorte de doux tapis sonore qui la berça jusque dans ses rêves.
Au petit matin, lorsqu'elle descendit, la salle était presque vide : seuls trois ou quatre visiteurs prenaient leur petit déjeuner et la tenancière vint s'assurer qu'Astrée avait de quoi se requinquer avant son étape de la journée.

[Voyageuse]

" J'ai tout ce qu'il faut, je vous remercie, répondit Astrée avec un sourire. Votre auberge est vraiment très chaleureuse. Je m'en souviendrai lorsque je serai sur le chemin du retour."
Elle était sincère. Malgré le bruit filtrant à travers le plancher, elle préférait ce genre d'auberge familiale aux établissements plus fréquentés.
Elle se fit un devoir de faire honneur à tout ce qu'on lui présentait : elle avait toujours faim le matin, et la journée serait longue. Et puis, c'était peut-être son dernier petit-déjeuner à la mode humaine avant quelques temps, à moins que les auberges de Lorien ne s'adaptent aux habitudes de leur clientèle.

[Galathée]

Alors qu'Astrée terminait son petit déjeuner, à la fois roboratif et estival, avec une belle part laissée aux fruits, en compote, en marmelade, en salade ou parsemés dans les céréales, l'auberge connut un second petit incident de nature —*peut-être — à attirer l'attention de la rôdeuse. La porte s'ouvrit sur une silhouette mince, portant des vêtements solides et ordinaires, de toile et de cuir beiges, qui n'aurait pas forcément attiré le regard s'il n'avait eu le visage saisissant d'un elfe. Il avait les cheveux parfaitement blancs, des yeux trop grands à l'aune humaine, bleu ciel, et paraissait sans âge. Il portait une petite caisse. La tenancière parut saisie de le voir mais pas complètement désorientée, car elle se dirigea vers le comptoir et se pencha, retirant trois sacs de de toile qu'elle y posa. L'elfe posa sa caisse à côté des sacs, et ils engagèrent un conciliabule à mi-voix.

[Voyageuse]

Astrée observa d'abord la scène avec curiosité : elle n'avait pas croisé beaucoup d'elfes durant son voyage, et la vieille femme avait paru surprise de le voir, comme si c'était encore plus rare qu'elle l'imaginait. Mais elle révisa son jugement en observant la suite : ils se connaissaient, et elle était simplement surprise de le voir. Apparemment, ils étaient en plein marchandage.
L'objet du marchandage ne la concernait en rien et elle détourna un moment le regard, par discrétion. Cela ne se faisait pas de surveiller ainsi son hôtesse. La salle était petite donc elle voyait forcément ce qui s'y passait, mais elle n'avait pas à les fixer des yeux.

[Galathée]

L'échange ne dura que quelques minutes, car Astrée regardait toujours vers l'extérieur lorsque la porte grinça et se referma et, en se retournant, la jeune femme put constater que l'elfe était ressorti. La tenancière, derrière son comptoir, rangeait quelque chose dans une armoire. Les quelques personnes attablées semblaient avoir repris le cours de leurs pensées ou de leur petit déjeuner. Astrée pouvait reprendre sa route, désormais...

[Voyageuse]

Et c'est ce qu'elle fit, se dirigeant d'abord vers l'écurie pour retrouver Prince. Elle savait qu'il était impatient de reprendre la route, comme chaque matin : le soleil lui donnait une énergie spectaculaire et l'envie de galops interminables, de préférence au milieu de prés fleuris. Il serait sans doute un peu frustré en Lorien, mais c'était toujours mieux que de rester enfermé, tout de même.
Elle avait l'intention, tout en cheminant, de jeter un coup d'oeil au sol pour apercevoir peut-être les traces du fameux centaure. Puisqu'il y avait eu un orage deux nuits auparavant, la terre n'était pas trop sèche et aurait peut-être gardé des empreintes. C'était pure curiosité, car elle ne se faisait guère d'illusions sur la possibilité de le rejoindre : il galopait bien plus vite qu'elle et, une fois en Lorien, serait loin de la route donc inaccessible.

[Galathée]

Astrée commença donc son ultime périple en plaine sous un beau soleil. L'orage avait effectivement figé des empreintes sur les bas côtés de la route, mais les examiner nécessitait d'avancer au pas, ce qui était — en ce qui concernait Prince — absolument hors de question. Astrée avait donc le choix d'aller à pied elle-même en laissant son cheval aller et venir seul sur la route — avec la surprise que cela ne manquerait pas d'occasionner chez les autres voyageurs — ou de renoncer à ses projets de pistage. Elle pouvait aussi suggérer à sa monture de se faire écureuil ou abeille, histoire de moins attirer l'attention, mais l'un dans l'autre, à pied, elle avancerait nettement moins vite...

[Voyageuse]

D'après la conversation qu'elle avait entendue, le centaure avait rejoint la route et poursuivi son chemin en direction de la forêt. Mais elle ne savait pas vraiment à quel endroit il l'avait rejointe, ni s'il l'avait quittée plus tard. Et elle n'avait pas l'intention de perdre trop de temps à satisfaire sa curiosité. D'autant que le centaure ne verrait peut-être pas d'un bon œil qu'elle le suive ainsi.
Elle décida finalement de mettre pied à terre juste pendant quelques minutes, juste pour vérifier s'il y avait réellement les empreintes d'un centaure, en laissant Prince caracoler comme il l'entendait mais en lui demandant de ne pas s'éloigner. C'était juste pour quelques instants. Ensuite elle remonterait en selle et le laisserait galoper un moment. Si le hasard faisait bien les choses, les empreintes seraient toujours présentes à sa prochaine halte. Sinon... et bien sinon, tant pis. Elle serait attentive à ce qu'elle voyait le long du chemin, bien sûr, au cas où il semble y avoir quelque chose d'inhabituel. Mais elle n'allait tout de même pas pister le centaure sur des lieues et des lieues : c'était absurde, elle n'avait pas de raison de le rejoindre et il était de toute façon trop rapide.

[Galathée]

Si le bord de la route avait retenu quelques empreintes, ce n'était pas du tout le cas de la majeure partie de celle-ci qui, en terre battue, avait sans doute perdu toute capacité à se faire boue au fil des années. Bref : il n'y avait rien à trouver sur la route, seulement des traces sur les bas côtés, et sans savoir où le centaure était entré, il fallait suivre le talus, nez au sol, pendant des lieues, si on voulait arriver à quoi que ce soit. De surcroît, l'empreinte des sabots du centaure n'était peut-être pas si spécifique, au milieu de tous ces chevaux, dont un nombre non négligeable allait sans fers... Bien sûr, Astrée était une experte, mais il lui faudrait pister, et non espérer, si elle voulait retrouver la trace du centaure...

[Voyageuse]

L'endroit où le centaure avait rejoint la route n'avait guère d'importance. Ce qu'il lui faudrait savoir, pour éventuellement le rejoindre, c'était s'il l'avait quittée avant la Lorien. Une fois sur la route, il n'avait laissé aucune trace, mais s'il en était sorti, il devait y avoir l'empreinte de sabots de plus grande taille s'éloignant nettement de la route. Mais ce n'était sûrement pas tout de suite : le paysan avait dû le suivre des yeux aussi longtemps qu'il le pouvait.

Astrée était remontée sur selle et laissa Prince filer un petit moment à son rythme, tout en réfléchissant.
Bien sûr, son objectif était de rejoindre les Rocheuses, mais il n'y avait aucune urgence. On lui avait dit qu'elle pouvait prendre son temps, faire un petit détour en Lorien si elle en avait l'occasion. Rien n'empêchait donc de perdre une journée à chercher et suivre l'hypothétique trace d'un centaure. Peut-être connaissait-il l'existence de la harde de Dymphéa et Byron, et apprécierait-il d'avoir des nouvelles.
Oui mais d'un autre coté, pendant qu'elle marcherait lentement, lui, il avalerait les lieues. Il ne vivait pas dans les environs, puisque les paysans n'en avaient jamais vu. Il avait peut-être galopé toute la nuit, de surcroît : c'était un moyen d'avoir la route pour lui tout seul. Elle n'avait aucune chance de le rattraper. Et il n'avait peut-être jamais quitté la route, d'ailleurs, s'il se dirigeait vers la Lorien.
Elle finit pourtant par décider de mettre pied à terre au bout d'un moment -bien trop court semblait-il pour Prince. Elle avait toujours préféré marcher plutôt que galoper : elle allait donc s'offrir deux ou trois heures de marche tranquille, en guettant les empreintes éventuelles qui s'éloignaient de la route - il avait pu la quitter pour se soulager ou remplir une gourde à la rivière. Puis elle renoncerait et reprendrait le galop après le casse-croûte de midi, sans faire sa sieste habituelle, si elle n'avait rien trouvé.

Elle laissa Prince libre de décider s'il voulait rester cheval, sans s'éloigner hors de vue -elle lui accrocherait son sac sur le dos- ou s'il préférait une autre forme.

[Galathée]

Prince préféra prendre sa forme d'abeille et Astrée fut forcée de porter son sac. Il restait à espérer qu'elle ne croiserait pas de tête connue pour s'étonner de la voir subitement à pied, ou qu'elle prépare une bonne explication. L'étalon miel, lui, ne s'en souciait guère. Il butina les fleurs des prés voisins, revenant de temps en temps se poser sur l'épaule de son amie pour y bourdonner un moment.
Peut-être un peu paradoxalement, à mesure qu'Astrée s'approchait de la lisière sombre de la grande forêt, les lieux paraissaient de plus en plus habités, de plus en plus construits. Il y avait plus d'arbres, mais aussi plus de bâtiments, et ceux-ci paraissaient être surtout des entrepôts de petite taille. Les chariots étaient plus nombreux, aussi, mais le gros du mouvement avait l'air de se faire vers la rivière.
En bord de route, Astrée vit plusieurs fois des traces de sabot assez larges pour appartenir à un centaure... mais nulle trace de la créature en elle-même, et il était difficile de savoir quand elle était passée, la veille, l'avant-veille ou le matin-même.

[Voyageuse]

Il semblait bien y avoir un centaure dans les parages. Ou du moins, il y en avait eu un. Mais le secteur devenait trop fréquenté, trop habité, pour qu'elle puisse espérer l'y croiser. Il lui semblait qu'à sa place, elle aurait profité de la nuit pour filer rejoindre le couvert des arbres. Enfin, s'il s'agissait bien d'un membre d'une harde vivant en Lorien. Il pouvait aussi s'agir d'un centaure sans-harde, après tout, comme elle en avait croisé à Luménis avec Byron. Il pouvait même, dans ce cas, travailler pour des humains. Mais le rencontrer présentait alors beaucoup moins d'intérêt.
Elle finit donc par renoncer : s'il sa destination était la forêt, il y était déjà arrivé, de toute façon. Et en s'avançant dans cette zone plus fréquentée, il deviendrait difficile à Prince de changer de forme. Mieux valait donc qu'il le fasse tout de suite, et reprendre la route. Elle prit néanmoins le temps de grignoter un morceau, assise au pied d'un arbre, en observant de loin les échanges commerciaux qui semblaient avoir cours près de la rivière. Ce qui laissait à Prince encore quelques minutes pour changer de forme et la rejoindre.

[Galathée]

Prince se refit cheval et Astrée put ensuite reprendre son périple. Elle vit bientôt, en travers de la route, ce qui ressemblait à une petite ville, s'étendant de la rivière à la falaise qui bordait les hauts-plateaux du sud. Elle formait comme une barrière avant la Lorien, dont la forme sombre était désormais toute proche. C'était sans doute le dernier point de ravitaillement possible avant la grande plongée dans la forêt. La jeune femme vit d'ailleurs un semblant de muraille, avec une grande arche, sous laquelle s'écoulait le flux de voyageurs, plus dense que jamais. Pour la première fois, elle vit des elfes, à cheval ou à pied, toujours en groupe de quatre ou cinq. Il lui fut bientôt nécessaire de ralentir et de repasser au pas.

[Voyageuse]

C'était la frontière. Sûrement. Et il y avait foule.
Astrée fit mentalement l'inventaire des provisions qu'elle avait encore. Elle avait entamé ses réserves pour les casse-croûtes de la mi-journée, et par prudence, il valait mieux acheter un peu de pain, de viande séchée et de fromage. Et des fruits peut-être : il pouvait être interdit de cueillir des fraises des bois en bordure de la route après tout. Pour le reste, elle mangerait à satiété les soirs et matins aux auberges.
Elle observa la petite ville qui l'entourait, à la recherche d'un petit marché ou d'une boutique. Il lui fallait également, avant de franchir la frontière, vérifier sur sa carte s'il y avait bien une auberge à une distance raisonnable au-delà.

[Galathée]

Astrée trouva sans difficultés le marché de ses rêves où elle put se ravitailler à prix modique. La plupart des commerçants étaient humains mais le nombre d'elfes dépassait de loin ce qu'elle avait pu observer ailleurs dans l'île. Certains des fruits, des champignons et même des animaux proposés lui étaient d'ailleurs tout à fait inconnus. On vendait aussi des armes, des étoffes, des outils, des instruments de musique, dans une animation similaire, bien qu'à moindre échelle, du marché de l'esplanade de Luménis. La jeune femme réalisa que nombre d'acheteurs étaient en réalité marchands eux-mêmes, et les quantités échangées étaient généralement bien supérieures aux besoins d'un seul individu. Elle n'en fut pas moins bien accueillie, cependant.
Au delà de cette petite ville commerciale, qui se nommait Le Portail de la Lorien ou Lorien'ando, en elfique, s'étendait une plaine d'environ une lieue, tout à fait dépourvue de la moindre construction, parsemée de vieux arbres, jusqu'à la lisière de la forêt. Selon la carte, il y avait une auberge juste à l'intérieur de la Lorien. La suivante était beaucoup plus loin.

[Voyageuse]

Comme beaucoup de villes-frontières, celle-ci était un lieu d'échange, et Astrée prit le temps d'observer les étals, achetant des fruits inconnus pour les goûter, et s'attardant surtout après des animaux qu'elle ne connaissait pas. Elle s'efforça de surmonter sa tendance à la timidité pour s'enquérir de leur nom, par curiosité. Elle ne parlait pas un mot d'elfique, bien évidemment, mais laissa traîner ses oreilles pour se familiariser avec les sonorités de la langue. Il faudrait qu'elle vérifie si le guide qui accompagnait la carte avait eu la bonne idée de mentionner quelques mots en elfique, quelques formules de politesse par exemple.

Puisqu'elle disposait d'un peu de temps, elle comptait franchir la frontière pour aller passer la nuit dans l'auberge qui se trouvait juste à l'entrée de la forêt. Enfin, sauf si la file de voyageurs devant le portail laissait présager un temps d'attente vraiment trop important.

[Galathée]

Il n'y avait pas de poste frontière à proprement parler : c'était la densité de voyageurs qui ralentissait le passage, mais personne ne contrôlait les allées et venues. Perchée sur son étalon, Astrée eut néanmoins le temps de découvrir quelques formules de politesse dans son guide : bonjour se disait "'Quel re" mais se déclinait selon le moment de la journée si on voulait être plus précis. Heureux de faire votre connaissance était plus alambiqué et se disait : "Saesa omentien lle". Merci était "Diola lle". Evidemment, il fallait encore savoir comment les prononcer...
Puis elle put s'élancer sur la route, vers la lisière, les fontes pleines de quelques fruits et la tête pleine de noms d'oiseaux et de poissons qu'elle ne tarderait sans doute pas à oublier rapidement. Bien qu'il y ait eu une petite foule au Portail, elle réalisa que la piste était déjà bien moins encombrée... Peut-être les elfes la quittaient-ils dès que possible. Elle n'aurait, de son côté, nulle difficulté à atteindre la lisière avant la nuit.

[Voyageuse]

Elle décida de laisser Prince choisir son rythme, observant tout de même auparavant la densité des voyageurs. Ils semblaient beaucoup moins nombreux, et elle était curieuse de voir si les elfes quittaient la route pour prendre la direction d'une communauté elfique proche. Mais peut-être était-ce simplement le fait de retrouver de l'espace et de la vitesse qui donnait l'impression d'une densité moindre.
Elle avait rangé son livre, se promettant d'écouter les elfes parler dans la première auberge pour savoir comment prononcer ces mots étrangers. Il valait mieux parler en commun, pour ce soir, plutôt que d'écorcher leur langue. Elle était impatiente d'arriver, savourant l'exaltation de se trouver en terre étrangère - même si, en réalité, elle ne faisait que suivre une route.

La suite....