[Lieu] Une ruine perdue dans la forêt

[Voyageuse]

Le couloir était aussi étroit et sinueux que celui qu'ils venaient de quitter. Il descendait par moment en pente douce, et était pour l'essentiel complètement naturel. Il semblait néanmoins à Kmir qu'il avait été agrandi à la main, par endroits, sans doute pour être plus praticable. Le sol, en outre, avait été aplani, peut-être simplement par des passages répétés.
Il ne semblait pas y avoir le moindre piège, ce qui ne les empêchait pas de progresser avec prudence. Ils ne trouvèrent pas d'adversaire à affronter, contrairement à ce que craignait Bruno. Mais ils tombèrent finalement sur une demi-douzaine de squelettes entassés au sol, barrant le passage. Deux d'entre eux portaient encore des armures, différentes de celles qu'ils avaient vu jusqu'ici, et dans un métal plus ordinaire surtout. Elle semblaient plus elfiques que drow. Au-delà, le couloir se prolongeait, descendant en pente un peu plus raide.

[Kmir Tailleroc]

Était-ce les elfes revenus apporter les artéfacts du dieu vengeur ? Ils avaient dû prendre comme précaution de ne pas toucher les objets. Dommage. Kmir aurait vraiment préféré découvrir un tas de statues d’or. Tant pis. D’abord, il vérifia s’il n’y avait pas en cet endroit un piège. Si les squelettes se relevaient, il faudrait les combattre dans une des parties du tunnels les plus étroites afin d’annuler leur avantage numérique. Une fois tout danger écarter, peut-être faudrait-il faire par acquis de conscience un peu de fouille, puis il serait grand temps de continuer en avant.

[Voyageuse]

Kmir ne détecta pas de piège. Et la fouille des squelettes ne lui apporta pas grand-chose : ils étaient là depuis longtemps, et s'ils avaient eu des possessions, elles s'étaient décomposées depuis longtemps. L'un d'eux avait cependant un petit pendentif sculpté au bout d'une chaîne en argent, probablement pur puisque non érodé. Et quelques pièces d'or ancienne étaient tombées au sol.
Au-delà, le tunnel ne se poursuivait pas longtemps : un éboulis en marquait brutalement la fin.

[Kmir Tailleroc]

Kmir récupéra les pièces et le pendentif. Il était trop préoccuper pour ressentir l’habituel sentiment de satisfaction réservé aux moments où il mettait la main sur des petites choses de valeur.
La vue de l’éboulis l’alarma.
« Faut déblayer », déclara-t-il simplement.
Mais il n’y avait pas d’alternative. S’ils ne pouvaient pas déblayer, s’ils ne pouvaient pas accéder aux artéfacts qui se trouvaient très certainement derrière, ils étaient condamnés. Le complexe était jusque là symétrique, il n’y avait donc aucune raison pour que cela change.
Par chance, Bruno était un colosse et lui-même pouvait vraiment donner un coup de main.

[Voyageuse]

Bruno fronça les sourcils, observant l'éboulis d'un air peu convaincu.
" Il faudrait des outils. A la main, ça va nous prendre des plombes, je ne sais même pas si on pourra entamer la roche... Et je ne sais pas l'épaisseur de roche qu'il y a... Mais bon, vous êtes sûrement davantage spécialiste des tunnels que moi... "
L'ébouli paraissait très ancien. Le plafond avait dû s'effondrer en gros rocs, dont on devinait la forme, mais qui s'étaient solidarisés les uns aux autres au cours du temps, pour former un amas informe qui barrait le passage du sol au plafond.

[Kmir Tailleroc]

« Mais vous vous rendez compte le temps que ça va nous prendre pour déblayer tout ça si ont doit chercher des outils ! »
Kmir avait perdu son stoïcisme. On le sentait nerveux, préoccupé. Il fut lui-même surpris de s’entendre parler ainsi et il dut se rendre à l’évidence, la menace de la malédiction l’affectait plus qu’il ne voulait se l’avouer. Il marqua une pause, fixant les rochers, puis ajouta, déjà plus calme :
« Votre ami a un objet, c’est forcé. On sait même celui qu’il a : le second œil. Peut-être en a-t-il d’autres. Quoi qu’il arrive, on va devoir aller à Lumenis. Inutile de traîner d’avantage ici. Même les ruines au sommet de la falaise, nous n’avons pas besoin de les faire tout de suite. On reviendra, avec des renforts et avec les objets manquants. Alors partons, Monsieur Desplaces. On doit gagner Lumenis le plus vite possible. »

[Voyageuse]

Bruno jeta un regard aigu à Kmir, en l'entendant pour une fois perdre son sang-froid, mais il ne fit aucun commentaire. Il hocha simplement la tête à sa suggestion.
" C'est le plus sage, je pense aussi. Mon ami est un peu mage... et il connaît sûrement des mages plus puissants. Si jamais on doit déblayer ce passage, je suis sûr qu'ils peuvent le faire en utilisant leur magie. Et comme il est très organisé, il a sûrement fait l'inventaire exhaustif de ce qu'il a ramené. On sait ce qu'on cherche, donc on saura tout de suite, en consultant ses papiers, s'il est resté quelque chose ici..."
Il sourit.
" Allons-y, Monsieur Longpioche. Je me chargerai de nous trouver des montures. Ah... et vous pouvez m'appeler Bruno..."

[Kmir Tailleroc]

« Très bien, Bruno. Mais je vous préviens, je vais avoir du mal à ne pas laisser filtrer un Monsieur Desplaces de temps en temps. L’habitude professionnelle, sans doute. »
Kmir commença à rebrousser chemin. Il se demandait confusément s’il s’était inventé un prénom pour accompagner ce patronyme fictif de Longpioche. D’habitude, il se souvenait de ce genre de détail, mais là, il était un peu chamboulé. Jamais il n’avait été sous le coup d’une malédiction divine. Une malédiction plus classique, il savait gérer, payer un clerc ce n’était pas sorcier, du moment qu’il y en avait un dans les parages.
« Vous, vous pouvez m’appeler Kmir. »
Il donnait son vrai prénom. Au moins, lui, il allait s’en souvenir.
« Et je voulais dire... je ne veux pas vous donner de faux espoir, mais une pétrification classique n’est pas mortelle du moment que la statue n’est pas brisée. Même si votre beau frère se pétrifie totalement, il restera une possibilité de le sauver en levant la malédiction. Après, je ne jure de rien, la pétrification est tout sauf classique. »

[Voyageuse]

Le visage de Bruno s'illumina.
" Oh... Vous ne pouvez savoir à quel point cela me soulage. Enfin, si vous ne vous trompez pas... mais je suis sûr que vous avez raison. Je dirai à ma soeur de garder espoir jusqu'à ce qu'on en ait fini avec cette statue..."
Ils ne tardèrent guère à se retrouver dans la salle principale, d'où ils franchirent l'arche qui les ramena dans la pièce où ils avaient trouvé les objets et d'où partaient les marches d'escalier. Ils rouvrirent la porte secrète qui menait à l'extérieur, et l'arche se referma simultanément derrière eux. Il ne leur restait plus qu'à quitter la falaise et retrouver les ruines, puis refermer la première porte, ce à quoi s'employa Bruno.

[Kmir Tailleroc]

« Oui, si je ne me trompe pas », répondit Kmir avec son calme retrouvé.
Or, ce qui était valable pour le beau-frère, ce l’était aussi pour eux. Du moment qu’ils parvenaient à atteindre Lumenis et à avertir les mages de là-bas, et en admettant qu’ils veuillent bien prendre en charge cette affaire, Desplaces et Tailleroc pouvaient finir par être statufiés, il y aurait une chance pour qu’ils s’en sortent. Mais le gnome avait beau souvent prier Tymora, il préférait s’assurer lui-même de la bonne marche des opérations.
Quoi qu’il en soit, tout indiquait que le programme était maintenant au voyage. Il ne parlait jamais vraiment beaucoup en de telles moments.

[Voyageuse]

Ils eurent la surprise, en quittant la grotte dans la falaise, de découvrir que le temps avait filé incroyablement vite sous terre. Le soleil déclinait déjà.
" Ce sera le crépuscule dans deux bonnes heures, constata Bruno. Le temps de redescendre à notre bivouac de la nuit précédente, il nous restera guère plus d'une heure. Juste le temps de sortir de la forêt maudite... C'est une bonne chose : on dormira davantage en sécurité à l'orée des bois."
Tout en parlant, il suivait en sens inverse l'itinéraire complexe qui les avait amenés sur les lieux. La forêt était toujours aussi sombre et inhospitalière, le couvert végétal trop dense et les ronces trop nombreuses, mais les morts-vivants étaient rares en journée et ils ne croisèrent nulle menace.

L'âne était là où ils l'avaient laissé, dans la clairière, en train de brouter paisiblement. Leurs bagages étaient intacts -l'endroit était suffisamment bien caché pour n'être jamais dévalisé. Bruno ne perdit pas de temps pour charger à nouveau leur paquetage et se remettre en route, dans des bois de moins en moins sombres et de plus en plus accueillants.
Ils furent accueillis à l'orée des bois par un magnifique coucher de soleil.
" Voulez-vous marcher jusqu'à ce qu'il fasse nuit noire ou cherchons-nous un lieu de bivouac tout de suite ? Il faudra nous reposer tôt ou tard..."

[Kmir Tailleroc]

« C’est vous le rôdeur, Bruno, je voyage certes beaucoup mais je n’aurais pas la prétention d’avoir de conseil à vous donner en des lieux que vous connaissez bien mieux que moi. Je suivrai donc vos préconisations. »
Il ne ferait pas non plus l’injure à son compagnon de lui rappeler qu’ils étaient pressés. Monsieur Desplaces l’était même plus que Kmir, étant maudit depuis plus longtemps que lui. Le gnome était endurant, habitué aux longs trajets, il tiendrait les rythmes qui s’imposeraient.
Songeant à Lumenis, il accorda au coucher de soleil un regard admiratif, mais il n’était pas en condition pour vraiment l’apprécier à sa juste valeur.

[Voyageuse]

Ils marchèrent encore une demi-heure, le temps que l'obscurité gagne peu à peu sur le jour. Bruno donna le signal du bivouac lorsque le manque de lumière devint trop gênant pour lui. Kmir, bien sûr, aurait peu marcher encore des heures sans être incommodé. Mais il leur fallait dormir, tôt ou tard.
Ils se trouvaient encore loin de toute civilisation, dans un secteur vallonné où poussaient essentiellement des buissons rabougris. Ils avaient atteint un col et la vue portait loin, dévoilant un sentier sinueux totalement déserté.
" On voit loin, mais on nous voit de loin également, expliqua Bruno. On va donc plutôt s'installer dans une petite caverne que je connais, juste en-dessous de ce replat que vous voyez là-bas. On y sera un peu serrés mais en sécurité : je peux mettre une alarme à l'entrée qui nous éviteront d'être surpris en pleine nuit. Ainsi, on n'aura pas besoin de tour de garde, on pourra dormir et récupérer... Mais faites bien le plein d'eau au prochain ruisseau, il n'y a rien là-bas."
La caverne, effectivement, était petite, et Bruno décida de laisser leur monture au-dehors, près du feu, pour qu'ils aient davantage d'espace pour dormir. Les doigts engourdis, il peina à allumer son feu mais s'obstina et refusa toute aide.
Ils avaient des provisions en abondance, et Bruno savait cuisiner. Bientôt, l'odeur de la viande grillée envahit l'atmosphère, leur rappelant qu'ils n'avaient pas vraiment pris le temps de manger à midi..

[Kmir Tailleroc]

Kmir mangea en silence, perdu dans ses pensées. Il songeait tantôt aux coffres qu’il avait vu dans le temple profané, tantôt à la statue vu au même endroit. La richesse et la malédiction. Le succès ou l’échec. Avait-il vraiment fait une bonne affaire de se jeter dans cette histoire ? Certes, il était toujours facile d’avoir un avis à postériori, mais bon.

S’il discuta, ce fut uniquement de banalité. Il comptait dormir sans tarder en prévision d’une journée de voyage. Atteindre Lumenis le plus vite possible, une absolue priorité.

[Voyageuse]

Bruno n'avait pas davantage envie de bavarder. Ses pensées devaient être tout aussi sombres, voire davantage, que celles de Kmir. Ils se couchèrent tous deux de bonne heure, bien décidés à reprendre des forces.

Le petit déjeuner du lendemain fut tout aussi silencieux, et ils ne tardèrent pas à reprendre la route. Le temps se maintenait au beau fixe, et l'âne avançait d'un bon pas. Mais il leur fallait cependant quelques heures de marche pour rejoindre le village -dont Bruno précisa qu'il s'appelait Gardon.



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