[Lieu] La ferme Desmoulins

[Taliesin]

Le barde le laissa faire et s'adossa tranquillement au tronc.
Ils n'étaient nullement pressés et pouvaient donc attendre le probable passage du brasseur. Si d'ici une demi-heure, ils n'avaient rien vu venir, il serait toujours temps de se raviser. Mais il se fiait aux informations de Guilhem et avait donc bon espoir qu'ils en aient terminé, ou peu s'en faut, avec la marche à pied.

[Galathée]

La brasseur surgit peu après, avec sa charrette et sa paire de boeufs placides. Il s'immobilisa sous l'arbre et Victor en sauta lestement.
" M'est avis qu'en voici trois qui cherchent un moyen de gagner la ville sans user leurs semelles, remarqua Grégoire d'un ton placide. Allez, en route, vagabonds. Y'a de la place à l'arrière, vu que j'ai que trois tonneaux.
— On peut goûter ? demanda Victor.
— Toi certainement pas, vaurien. J'ai d'ailleurs un oeuf à peler avec toi au sujet de certaines sauterelles.
— Ah... Lila vous en a parlé...
— Bien sûr qu'elle m'en a parlé !"
Il leva les yeux sur Taliesin.
" M'sire, vous devriez expliquer à votre gamin comment qu'on s'y prend avec les filles. C'est pas un grand seigneur, ça c'est sûr."

HRP : transition vers la campagne quand tu veux, si ça se met...

[Taliesin]

-Je lui en toucherai un mot, promis. Mais je suis certain que les filles lui enseigneront cette leçon mieux que moi.
S'étant assuré que les deux garçons avaient embarqué, il le fit à son tour.
-En tout cas, merci beaucoup d'accepter de nous prendre à votre bord. Cela nous rend grandement service.
Et, déjà, ils reprenaient leur progression dans la campagne luménienne...

[Galathée]

Taliesin, Baptiste et Victor atteignirent la Ferme après plus d’une veille de voyage, par monts et par vaux. Ils étaient fatigués mais heureux d’être rentrés, et ils reçurent un accueil à la mesure du poids de leur absence. L’automne était désormais bien avancé, la nature livrait ses trésors avec largesse, et, avertis de leur arrivée par un courrier envoyé quelques jours plus tôt, les habitants de la Ferme avaient préparé un festin. Les enfants retrouvèrent leurs camarades, les petits Merlus en tête, mais aussi Titus le faune et la petite Fanny qui, comme Galathée l’avait prévu, avait rejeté ses nippes de petit garçon pour récupérer son identité première. Il ne fallut pas compter sur eux pour aider aux dernières touches du repas : ils filèrent à l’extérieur, en une ribambelle désordonnée, laissant les adultes derrière eux.

La grande et heureuse nouvelle était que Baptiste restait parmi eux, et il n’y eut personne pour s’en plaindre, bien que les circonstances soient douloureuses. Galathée se promit d’en parler avec lui, car elle connaissait bien son humeur fragile, mais ce n’était pas le plus urgent et elle préféra confier une paire de jumeaux braillards à leur père, histoire qu’il soit tout de suite mis au parfum. Héloïse et Tristan avaient encore grandi et l’elfe eut la certitude qu’ils lui faisaient la tête, scandalisés qu’il ait pu les abandonner pour courir la campagne. Mais il lui suffit de fredonner une chanson au petit garçon et de laisser ses cheveux en gage à la demoiselle pour qu’ils lui pardonnent. Le barde fut bien incapable, lui aussi, de donner un coup de main.
La pluie s’invita dans la danse, ramenant les gamins au bercail, juste à temps pour passer à table.
Adroitement, les adultes orientèrent la conversation autour de ce qui s’était passé à la Ferme en leur absence, plutôt que sur les événements difficiles survenus à Averlande, et les enfants, toujours innocents, n’y virent que du feu. Baptiste et Victor, bien sûr, n’étaient pas dupes, mais le premier était reconnaissant de la diversion et le second parvint, petit miracle, à tenir sa langue. Il fut question de la réfection du manoir où Guillhem et sa marmaille déménageraient bientôt, des nouvelles cultures et des futures acquisitions en matériel, des petites nouvelles du village voisin. Les enfants étaient doués pour transformer de menus épisodes en épopées formidables et, désireux d’impressionner Victor et Baptiste, ils rivalisèrent d’inventivité pour monopoliser le crachoir. Taliesin dut disputer sa pitance à ses jumeaux voraces, qui disposaient d’un accès à son assiette bien plus direct que lui.
La nuit se joignit à l’averse, et la fatigue eut raison des uns et des autres. Taliesin et Galathée bordèrent les enfants dans le désordre, petits, grands, garçons, filles, humains, demi-elfes et faunes, puis se réfugièrent dans leur antre, tranquilles pour quelques heures.

Après des chants révolutionnaires, des épopées tragiques et des complaintes sinistres, peut-être Taliesin allait-il pouvoir composer la symphonie de quelques années de capharnaüm enchanté.