[Commerce] La Taverne de la Bienveillance

[Galathée]

" Je suis Luménien, oui. Depuis au moins trois générations. Mais je n'ai jamais entendu parler de votre ville natale, dit le jeune homme avec une grimace. Cojum, vous dites ? C'est très différent de Manost ? Je pensais que c'était une sorte d'Empire... que tout le monde... était du même genre."

[Althéa]

"Oh non pitié, pas plusieurs Manost. Une seule suffit !"

Amélie s'aperçut que cette pensée lui faisait horreur. Elle n'aurait pas supporté de voir sa ville natale à l'heure manostienne.

"Les villes qui jouxtent Manost ont sans doute adopté les coutumes et les obligations qui vont avec. Mais l'éloignement a fait que Cojum a laissé de coté certaines des prérogatives de son aînée."

Sans quoi, elle n'aurait jamais pu devenir maître-verrier, ni même exercer en tant que barde.

"Cojum n'est pas une très grande ville par rapport à Manost. Mais je pense que la vie là-bas est beaucoup moins codifiée et plus ... simple."

[Galathée]

Le jeune homme fronça les sourcils.
" Pourquoi est-ce que vous êtes allée vivre à Manost, si Cojum était une ville plus sympathique ? On dirait ces types d'Antelucas ou de Lunaros qui débarquent ici et qui trouvent que rien n'est aussi bien que chez eux : les tartes, la musique, la bière, la propreté des rues et la moralité des hommes politiques. C'est quand même bizarre, quand on vit dans un endroit formidable, d'aller se perdre dans la capitale, puis de trouver ça désolant. Enfin. Peut-être que Cojum était ennuyeuse comme la pluie. C'est le problème avec les cités provinciales. C'est tranquille, mais tranquille, c'est le contraire d'excitant."

[Althéa]

Amélie avait souri à l'analogie et la comprenait quelque part. Elle était très attachée à sa cité d'origine où elle avait son cœur et ses racines. Morgan était la principale raison mais elle n'avait pas envie de parler d'elle devant un parfait inconnu. Aussi évoqua-t-elle celle qui coulait de source, tout du moins pour elle.

"Non, Cojum n'est pas ennuyeuse, au contraire. Culturellement, elle est beaucoup plus évoluée que Manost. Je trouve Manost tellement grise par rapport à elle. Toute cette uniformité, tout ce contrôle qui pèse sur les gens comme une chape de plomb. Au début, je ne savais pas que c'était à ce point-là. Je me suis installée dans la ville pour apprendre d'autres techniques dans l'élaboration des vitraux. Les artisans ont développé une technique différente dans l'élaboration du matériau. C'est ce qui me retient là-bas, du moins pour le moment."

Et encore, elle avait failli ne rien apprendre du tout vu qu'elle était une femme. Mais elle ne le précisa pas.

[Galathée]

" Ah, vous êtes dans le verre, dit-il. Je n'aurais pas imaginé que les Manostiens coloraient leurs vitres... La couleur, ce n'est pas très helmite."
Il sourit.
" Mais si vous êtes venue jusqu'ici pour le boulot, vous allez être servie : les artisans luméniens sont spécialistes de cinquante nuances de jaune. Ils s'en tirent pas mal dans le orange aussi, et le rose bien sûr. Un peu le bleu, mais pas tous, et un peu de violet. Pas de vert. Si vous voulez du vert, il va falloir monter vers le nord."

[Althéa]

Amélie avait souri à la boutade sur les manostiens et leurs vitres colorées et plus largement quand il avait évoqué les couleurs luméniennes. S'il ne plaisantait pas totalement, il avait l'air de maîtriser son sujet.

"Ce qui est particulier à Manost, c'est que les vitres donnant sur l'extérieur ne sont jamais colorées. C'est parfois à l'intérieur qu'on trouve des verres teintés pour orner une porte. Et encore, c'est assez rare. On dirait que les gens sont fâchés avec les couleurs. C'est pour cela que venir à Luménis est tellement revigorant. Surtout si vous me parlez de toutes ces teintes. C'est justement des pigments que je suis venue chercher. Et vous, vous êtes dans le verre, vous aussi ?"

[Galathée]

" Ce serait une sacrée coïncidence, non ? s'exclama-t-il avec un sourire hilare. Mais non. Pas du tout. Je ne suis pas dans le verre. Cela dit, j'ai un voisin qui forge des armatures de vitraux et mon oncle est dans les carreaux de sol. Et puis je marche dans la ville, alors je connais un peu ce qui existe comme couleurs, sur les murs, les fenêtres et les toits."

[Althéa]

"C'est vrai que ça aurait été une sacrée coïncidence." admit Amélie, se sentant un peu idiote sur le coup.

Elle enviait aussi le jeune homme de déambuler au milieu de toutes ces couleurs. Si elle avait été à sa place, elle aussi les aurait observées, noté les nuances. Demain, elle prendrait le temps. Car à Manost, c'était leur absence qui lui pesait tant.

"Vous avez l'air d'avoir une magnifique gamme de couleurs dans votre cité. Le rêve des artisans du vitrail. J'ai l'impression que je vais me plaire ici."

[Galathée]

" C'est sûr que si vous cherchez de la couleur, vous n'êtes pas trop mal tombée. Mais vous devriez songer à déambuler dans la nuit : les vitraux sont magnifiques, éclairés de l'intérieur... En journée, avec le soleil, il faut parvenir à s'introduire dans les bâtiments. C'est possible dans les temples, voire les lieux publics, comme le Palais de Justice... mais pour le reste, vous serez condamnée à observer les vitraux de l'extérieur... pas terrible."
Il eut un sourire.
" La nuit luménienne n'est pas trop mal famée. Vu que vous avez un chaperon manostien, ça devrait se passer sans difficultés."

[Althéa]

Et il avait raison. Il n' y avait pas de meilleures façons d'observer les vitraux que lorsqu'ils étaient éclairés. C'était toujours ainsi qu'elle contrôlait son travail : les rideaux tirés et une bougie allumée, elle se rendait compte du rendu final. C'est ainsi qu'elle voyait transparaître la véritable couleur mais aussi toutes les imperfections ...

"C'est une très bonne idée, oui. Il va falloir que je convainque mon chaperon alors. Merci du conseil."

Si le jeune homme n'avait pas été un inconnu dans une ville inconnue, elle lui aurait proposé de partir à la recherche des vitraux sans attendre.

[Galathée]

Il lui sourit, un peu mutin.
" Il n'existe pas ce chaperon, si ? Ou alors il est déjà allé dormir. Ce qui en fait, pardonnez-moi, un très mauvais chaperon."

[Althéa]

Amélie ne put s'empêcher de lui rendre son sourire et répondit sur la même tonalité.

"Si, il existe. Mais peut-être qu'il n'est pas vraiment mon chaperon. Ou qu'il l'est d'une certaine manière sans s'en rendre compte. Du moins pas officiellement."

Quoi qu'elle fut, Angèle prenait à cœur de veiller sur elle. Elle reprit.

"Et quel vitrail me conseilleriez-vous d'aller voir en priorité ?"

[Galathée]

" Ceux du Temple de Lathandre, bien évidemment. Ce sont les plus beaux de la ville, sans aucun conteste. Enfin... si on est sensible au jaune. Et qu'on aime le magnifique mais sobre. Ceux du Temple de Sunie sont assez beaux, eux aussi, mais ils sont beaucoup plus moins faciles à voir, surtout avec un chaperon manostien. Il faut oser s'enfoncer profondément dans le Temple, voyez-vous... A vos risques et périls."
Il eut un sourire.
" Il y a de beaux vitraux au Palais Présidentiel, sinon, ainsi qu'à la capitainerie et dans le hall de certaines guildes. Et pour les balades de nuit, beaucoup de riches marchands de ce quartier et du quartier sud en ont sur leurs façades. Mais malheureusement, on a perdu des vitraux magnifiques pendant la guerre civile. Le Palais de Justice, notamment, a été complètement dévasté. Il y en avait aussi à l'amphithéâtre, mais ils n'ont pas eu les fonds pour les reconstruire. Bref, pour répondre à votre question, je commencerais par le Temple de Lathandre."
Il fronça les sourcils.
" C'était une vraie question, en fait ? Vous vous demandiez vraiment où vous pouviez au mieux voir le jeu de la lumière ? Vous êtes une comique."

[Althéa]

"Une comique" ...La remarque passa à mille lieux de l'esprit d'Amélie, contente d'avoir ses informations. Elle avait pris l'habitude que sa passion la fasse paraître étrange ou comique aux yeux des autres. Elle savait maintenant où trouver l'inspiration pour son futur vitrail.


"Vous avez l'air de connaître votre cité comme votre poche. Et il y a tellement à voir ... Dans tous les cas, merci de m'avoir aiguillée. Le temple de Lathandre, alors. Et en dehors des vitraux, que me conseilleriez-vous de visiter ?"

[Galathée]

HRP :attention, vu le score de constitution d'Amélie et l'heure tardive, elle devra faire la grasse matinée le lendemain...

" Il y a tout à voir. Je n'en sais rien. C'est vous qui devez savoir ce qui vous plait. C'est une ville immense, Luménis : on y trouve de tout, et pour tous les goûts. On a même un vieux temple de Helm et un Fort, si vous avez le mal du pays. Mais on ne peut pas le visiter, le Fort. Et puis vous êtes de Cojum, j'oubliais. Pour le reste..."
Il haussa les épaules.
" Vous êtes là pour longtemps ? Une veille, deux ?"

[Althéa]

Hrp : fichtre oui, tu as raison. D'ailleurs, je ne vais pas tarder à l'emmener dormir.


"Deux veilles, peut-être plus."

Tout déprendrait de comment se passerait son séjour. Ses parents lui avaient enjoint de prendre le temps qu'elle voudrait pour découvrir la ville. Mais elle avait peur d'avoir le mal du pays et de ce qu'elle allait apprendre au sujet de Brandon Devlin. Déjà, elle était heureuse qu'Angèle ait pu l'accompagner. Ce n'était peut-être pas le meilleur chaperon qui fut mais elle était une présence amie qui la rassurait.

Il était tard et elle sentit la fatigue reprendre ses droits. Elle sourit à l'inconnu avant de poursuivre.


"Merci pour toutes vos indications. Grâce à vous, je serai moins perdue. Par contre, il commence à se faire tard, ou tôt. Je vais monter rejoindre mon chaperon. Nous aurons peut-être l'occasion de nous revoir par ici."

[Galathée]

" A votre guise. Bonne nuit Damoiselle de Verre."
Et Amélie n'eut plus qu'à monter les escaliers pour aller retrouver Angèle qui, de son côté, dormait déjà depuis un moment. Les bruits de la salle s'atténuèrent au fur et à mesure qu'elle grimpait les marches, pour finalement se réduire à un bruissement presque inaudible lorsqu'elle atteignit la chambre 19. L'auberge était finement construite, pour offrir un confort adapté à sa réputation...

[Althéa]

Amélie se fit aussi discrète que possible pour enlever ses vêtements et passer sa chemise de nuit. Elle observa quelques instants sa compagne de chambrée. Angèle, même dans son sommeil gardait la marque de ses soucis. Elle tenait les poings fermés autour de son oreiller comme si elle se cramponnait. Elle avait des soucis et plusieurs fois, elle avait failli parler. C'était sûrement quelque chose à lui dire, quelque chose qui ne lui ferait pas plaisir. Alors elle se préparait en espérant que son amie se décide. Elle avait le temps de s'imaginer n'importe quoi.

Peut-être Brandon Devlin était-il mort et elle ne savait pas comment lui annoncer. Elle aurait dû demander à l'inconnu s'il le connaissait. Elle s'était sentie trop lâche pour le faire. Demain, elle demanderait, quoi qu'il en coûte.

Sans lutter, elle s'enfonça dans les méandres d'un sommeil tourmenté.

[Galathée]

Le lendemain matin, Angèle s'éveilla la première, dans un rayon de soleil. Elle perçut au dehors le murmure de la ville, les conversations des passants, le chant des oiseaux, le claquement de sabots sur les pavés ou le grondement d'un chariot. Un chien aboyait quelque part et des pigeons roucoulaient sur la corniche. Il y avait une mouche solitaire dans la chambre, qui tournoyait près du plafond. Dans le couloir, aussi, il y avait du mouvement, discret, signe que l'aube était passée depuis un moment et que certains voyageurs étaient en train de descendre pour petit-déjeuner ou même de quitter les lieux.
Amélie, elle, dormait encore profondément, signe qu'elle était sans doute aller se coucher tard et qu'elle avait besoin de récupérer...

[Althéa]

Machinalement, Angèle remonta le drap sur l'épaule de sa protégée qui remua et prononça quelques mots incompréhensibles sans ouvrir les yeux avant de replonger dans le sommeil. Elle devait avoir veillé tard. Quelque part tant mieux. Cela voulait dire que l'ambiance de la Bienveillance lui avait plu. Et cela éloignait encore la conversation qu'elle devraient avoir. En attendant, elle pourrait préparer ses mots. Elle s'habilla rapidement en prenant grand soin de ne pas faire de bruit.

Puis, elle descendit dans la salle commune. Un peu de thé l'aiderait grandement.

[Galathée]

La salle commune était à moitié remplie de convives qui petit-déjeunaient. Une serveuse en pleine forme, manifestement matinale, guida Angèle jusqu'à une table tranquille, près du mur du fond, et lui apporta le thé demandé — ils avaient un choix impressionnant à disposition — ainsi que du pain, de la confiture, du miel et un assortiment de fruits frais au yaourt. Elle pouvait sans problème commander du gruau, de la charcuterie, même un oeuf, si cela la tentait : la cuisine de l'auberge tournait déjà à plein régime.

[Althéa]

Angèle n'avait pas faim du tout mais pour se donner bonne conscience, elle commanda tout de même du pain et du beurre pour accompagner son thé. Dans son souvenir, elle l'avait trouvé très bon lors de sa première venue. Si elle était moins triste qu'alors, elle n'était pas plus sereine.

Elle se sentait aussi stressée qu'avant une plaidoirie lors de procès difficiles sauf qu'elle n'avait personne à défendre, seulement donner des explications et attendre la suite. L'esprit vagabondant dans des pensées amères, elle laissa son regard errer dans la salle.

[Galathée]

Les Luméniens étaient généralement curieux, ouverts et chaleureux, mais pas au point d'aller déranger une femme seule en train de petit-déjeuner, et ce à jeun, dès l'aube. Aussi Angèle put-elle détailler les lieux sans que personne ne l'importune. On bavardait avec animation à une table sur la gauche, quatre jeunes gens, deux filles, deux garçons, manifestement déjà plein d'énergie. On fixait le vide d'un air à moitié endormi à la table près de la fenêtre, un couple d'âge mur, un homme, une femme, habillés de manière presque identique. On tentait de canaliser la bonne humeur d'un petit garçon joyeux à la table voisine, une jeune femme seule, manifestement excédée. Il y avait trois marchands un peu plus loin, deux hommes — peut-être des mages — juste à côté, un groupe d'étudiants, puis un autre couple, plus jeune, et encore une famille de cinq, calme celle-là, un vieil homme, deux vieilles dames, encore des marchands, bref toute une faune plutôt tranquille, préoccupée par ses propres histoires, indifférente.

[Althéa]

De la vie dans cette taverne cosmopolite, loin du calme policé de Manost. C'était appréciable, même pour une personne aspirant d'ordinaire au calme. Il y avait de la vie, partout. A Manost, tout semblait ralenti et morose. Même au Loyal Paladin, Titoeil tentait de maintenir une ambiance joviale mais le cœur n'y était pas. Depuis la fin de la guerre, la légèreté semblait avoir été proscrite. A Luménis, Angèle n'avait plus cette impression d'étouffement qu'elle ressentait dans sa ville natale. Elle but une gorgée de thé qu'elle trouva délicieux puis goûta au pain qu'elle savoura également.

La famille nombreuse lui fit penser aux sœurs Novembre et à leur ribambelle d'enfants. Amélie, fille unique qui souffrait de ce statut se retrouvait avec pléthore de cousins. Si tout allait bien, elle les rencontrerait bientôt. En attendant, elle devait attendre qu'elle émerge.

Vu comme elle dormait, elle allait mettre du temps à émerger. Elle allait donc devoir attendre un certain temps. Elle n'avait pas envie de se promener en ville, du moins pas maintenant. Alors, elle commanda de nouveau du thé, puis monta chercher le livre - un traité sur la civilisation des Lunepierre acheté à Cojum - sans réveiller sa compagne de chambrée et redescendit aussitôt.

Deux théières, deux nombreuses pages et quelques heures plus tard, Amélie apparut. Elle était encore un peu endormie mais un bon déjeuner disperserait les dernières brumes du sommeil. Elle sourit à Angèle et se dirigea directement à sa table. En même temps, elle parcourut la salle des yeux histoire de voir si son interlocuteur de la veille était là, même si elle n'y croyait pas vraiment.

[Galathée]

Dans la salle, les premiers convives de la mi-journée étaient en train d'arriver, désireux d'entamer leur repas par un apéritif prolongé... On avait ouvert les fenêtres, il y avait un courant d'air — un peu plus de bruit aussi, car la rue était animée — mais il faisait quand même chaud, déjà. Aucune trace du jeune homme de la veille mais c'était un habitué : si Amélie était curieuse, il lui suffirait sans doute d'interroger l'aubergiste.
Pour le reste, Angèle l'attendait, et la serveuse lui apporterait certainement une sorte de brunch...

[Althéa]

Amélie sourit en direction de la paladine qui lui répondit par un demi-sourire avant de glisser son signet entre deux pages. Elle n'alla pas la rejoindre tout de suite car effectivement, elle était de nature curieuse et l'inconnu de la veille l'avait intriguée. Elle gagna donc le comptoir, se demandant comment elle allait tourner sa question afin qu'elle n'apparaisse pas totalement saugrenue et se lança.

"Bonjour, je suis arrivée à la Bienveillance hier soir. Après le récital, j'ai discuté avec une personne qui m'a parlé de Luménis et de ses vitraux. Il m'a dit qu'il venait souvent ici. Il a une vingtaine d'année, le nez pointu, les cheveux blonds et les yeux clairs. Je me demandais qui il est."

hrp : pas très inspirée sur ce coup-ci, désolée.

[Galathée]

HRP : tu ne dois pas hésiter à écrire les conversations entre tes deux PJs, puisqu'elles ont manifestement des choses à se raconter... mais je ne te sens effectivement pas en mode très RP ces temps-ci...

Le tenancier fronça les sourcils puis sourit.
" Vous parlez de Joshua. J'espère qu'il ne vous a pas importunée, dame. C'est un gentil garçon. Mais c'est la manière luménienne, je le crains : les jeunes gens d'ici sont plutôt curieux et volontiers... peut-être un peu indiscrets, j'imagine, selon les seuils de tolérance... et quand on vient de Manost, c'est sans doute toujours un peu surprenant."

[Althéa]

Amélie avait souri et secoué la tête.


"Non, il ne m'a pas importunée du tout, ne vous en faites pas. Pour le reste, je ne suis pas manostienne, du moins pas vraiment. Cela fait du bien de voir des gens parler sans crainte, rire, s'amuser et de pouvoir écouter de la musique. C'est une vraie bouffée d'oxygène. En tout cas, je vous remercie de m'avoir renseignée."

Freinée par une angoisse sourde, elle n'avait posé aucune question sur Brandon Devlin. Avant de gagner la table d'Angèle, elle commanda un petit déjeuner complet, histoire de reculer un peu l'échéance. Puis après un chaleureux "Bonjour" à sa comparse, elle se lança.

"Si Brandon Devlin était mort, je crois que tu me l'aurais dit avant notre départ. Donc ce n'est pas ça. Mais tu sais, depuis que nous sommes parties, je vois que tu te fais du soucis et moi je fais comme si je n'avais rien vu. Mais là, je ne tiens plus et j'ai l'impression que tu ne tiens pas non plus. Donc tu peux me parler comme tu veux. Je me doute que ce n'est pas pour rien qu'il n'a pas répondu. Mais tu vois, j'ai besoin de savoir, d'avancer avec ça. Parce que tu vois, pendant que j'étais avec Marvin dans sa famille, il ... m'a demandé en mariage. J'ai dit oui, mais ..."

... Elle était partie avec elle à Luménis au lieu de rester avec lui ou de l'emmener avec elle en voyage. Une sorte de fuite déguisée. Ce qui expliquait les larmes dans ses yeux au lieu de la joie qu'elle aurait dû ressentir.

"Je ne peux pas avancer sans savoir. Morgan est partie avec tous ses secrets et tu ne peux pas savoir à quel point je lui en veux pour cela. Pendant vingt ans, j'ai fait semblant de croire que je ressemblais à mes parents, je me suis bercée d'illusion jusqu'à ce qu'elle vienne. Elle a gardé le silence sur tout et moi, je m'en suis contentée. Mais moi, je ne supporte plus le silence. Alors je chante, je créée. Je remplis les espaces vides. Mais ça ne suffit plus."

Elle parlait doucement, d'une voix érodée par les larmes.

"Alors, s'il-te plaît, dis-moi"


Alors Angèle parla. Elle raconta comment elle était arrivée à Luménis, guidée par son chagrin, comment elle avait rencontré les sœurs de Morgan puis sa rencontre avec Brandon Devlin.

"Et il m'a parlé d'une malédiction jetée par une prêtresse de Sunie alors qu'adolescent, il s'était moqué de Morgan. Du jour au lendemain, il s'est réveillé éperdument amoureux d'elle. Elle a essayé de l'aider et puis s'est résolue à quitter Luménis. Peut-être qu'elle ne savait pas qu'elle t'attendait ou peut-être n'a-t-elle rien dit pour ne pas resserrer les liens."

Durant tout le récit, Amélie était restée muette, la tête légèrement inclinée pour l'écouter, les yeux quelques peu hagards.

"La malédiction a été levée ?
- Après de nombreuses années. Je l'ai aidé."

Amélie eut un petit raire sans joie, comme si elle essayait de saisir l'ironie de la situation.

"Donc il a vécu en portant le poids de son amour pendant des années. Et quand toi, tu lui enlèves enfin, il apprend qu'il a une fille. Si on réfléchit bien, je suis le prolongement de sa malédiction. Tu m'étonnes qu'il ne veuille pas me voir.
- Amélie ...
- C'est bon, c'est mieux que tu me l'aies dit. Au moins, je sais. Ce n'est pas agréable à entendre mais il fallait que ce soit dit. Et je ne t'en veux pas, pas à toi."

Elle se leva doucement.

"Je crois que je vais aller faire un tour pour respirer un peu.
- Tu veux que je t'accompagne ?"

Elle secoua la tête avec un ombre de sourire et monta rapidement prendre son luth - peut-être trouverait-elle un endroit où elle pourrait jouer un peu pour se calmer un peu - et sortit rapidement de la taverne pour qu'Angèle ne voie pas les larmes qui coulaient déjà.
Laissée seule, Angèle demeura à sa table. Son livre d'astronomie lui parût soudain insignifiant et son thé imbuvable. Elle maudit Morgan et ses secrets et cette malédiction qui avait frappé. Elle se maudit elle-même de n'avoir parlé plus tôt et de ne pas avoir trouvé les mots pour apaiser.

hrp : Et voilà Je fais filer Amélie.

[Galathée]

C'est deux bonnes heures plus tard au bas mot que la porte s'ouvrit sur un homme de grande taille, les cheveux châtains et le regard vert prairie, vêtu en tout et pour tout d'une sorte d'étoffe nouée expertement autour des hanches, et ne descendant pas plus bas que mi-cuisse. C'était une sorte de.. pagne, peut-être, ou la tenue qu'aurait portée un homme sortant du bain, réalisant qu'on lui a chipé sa serviette et se rabattant sur un torchon qui traînait là. La température n'était évidemment pas un problème pour le nouveau venu : l'été était généreux, à l'intérieur comme à l'extérieur.
Il jeta un regard circulaire la salle, à la recherche d'Angèle. Il était parfaitement possible qu'elle ait décampé, depuis le temps que sa Chaperonnée l'avait abandonnée, mais c'était à tenter...
L'aubergiste grimaça en croisant son regard mais Soren lui sourit, mutin. Il était comme il était, et Luménis s'en accommodait depuis longtemps.

[Althéa]

Hrp : Désolée, je n'avais pas vu que tu avais posté ici. Trop bien.

Angèle après le départ d'Amélie était restée assise à sa table, assommée par le départ d'Amélie. Elle l'aurait bien poursuivi mais son amie avait besoin de rester seule. Alors, elle était restée avec sa tristesse et son inquiétude. Une vieille dame sourde d'oreille pensant avoir trouvé une oreille attentive pour son babillage s'était assise à sa table. Au bout d'une demi-heure ponctués de "hum" polis et de regards dans le vide, elle avait renoncé. Alors, la paladine pour ne pas attirer de nouveaux moulins à parole avait recommandé du thé et surtout avait repris son livre.

Au bout de deux heures, elle n'en avait pas levé le nez bien qu'elle avait à peine lu quatre pages faute de pouvoir se concentrer assez pour comprendre quoi que ce fut. Espérant le retour d'Amélie, elle releva brièvement le nez du volume mais ne le replongea pas. Il était là, magnifique comme à son habitude. Et en tenue ... plutôt minimaliste même pour la saison. Elle écarquilla les yeux et se leva, faisant tomber son livre sans même s'en rendre compte.

Rêvait-elle où était-il vraiment là ? Et pourquoi était-il là d'ailleurs ? Il ne pouvait pas être venu pour elle, non ? Malgré toutes ses interrogations, elle sourit sans s'en rendre compte.