[Lieu] Lunaros

[Manfred]

« Ha oui, c’est dont ça », répondit Gildas, semblant percuter avec certains souvenirs de discussions passées.
Il laissa ce sujet de côté, préférant porter son regard vers l’extrémité de la jetée. Il tendit son doigt dans cette direction.
« La plage s’arrête. Plus loin, des rochers, une falaise, un chemin un peu périlleux. On croirait pouvoir assurer que le royaume des nageurs s’achève et pourtant, il ne fait en vérité que débuter. »
Son bras balaya la plage.
« Elle est belle, hein ? Oui, mais un peu trop domptée, trop disciplinée. »
Voilà le chemin, longeant une falaise qui allait croissante. Gildas conseilla juste de se tenir à distance du bord. Il allait d’un pas assuré, mu par l’habitude. Autour des deux jeunes gents, un écrin de nature commençait à s’inviter sous une lune décidément superbe. Les limites de la ville ne devaient pas être loin.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur suivit scrupuleusement les consignes de son compagnon, veillant à ne pas trop s'approcher du bord. Il avait le souvenir d'une nuit en Dorrandin où un esprit avait failli le faire basculer d'une falaise et n'avait aucune intention de réitérer l'expérience, d'autant qu'il n'y aurait pas de Chandara pour le sauver, cette fois-ci. L'air de l'océan, frais après toute cette chaleur, l'emplit à nouveau de félicité, puis il songea, un instant, qu'ils s'éloignaient peut-être un peu trop, qu'ils n'avaient averti personne de leur escapade, qu'on allait s'inquiéter de leur absence, qu'il avait de nouveau pris la tangente sans en référer à ses supérieurs, qu'au final, ce n'était peut-être pas si prudent de suivre un inconnu, dans une ville tout aussi inconnue, en pleine nuit, vers nulle part.
Cela ne dura pas longtemps. Le ciel était magnifique, il avait envie de se baigner et il hâta le pas.

[Manfred]

« Ha, le voici ! Le sentier Casse-gueule ! » déclara Gildas après quelques minutes de prudente progression au bord de la falaise.
Il désigna une pente qu’il était aisée de deviner traitresse. Elle permettait de descendre de la falaise, en longeant son flanc, jusqu’à un petit morceau de plage coincé entre des rochers et une végétation audacieuse.
« C’est ma sœur qui l’a baptisée ainsi, ça doit faire maintenant presque 15 ans. Et croyez-moi, le nom est bien choisi. Mais le jeu en vaut la chandelle, vous verrez en bas. Tâchez juste d’arriver en un seul morceau. »
Sur ce Gildas s’engagea sur la pente. Il le fit en se retournant, quasiment comme s’il se mettait en position d’escalade. Ainsi, en cas de glissade, il ne basculerait pas tête la première dans une chute assurément dangereuse, peut-être même mortelle. Heureusement, si la pente était périlleuse, elle était aussi relativement courte et bientôt Gildas arrivait en bas, dans son petit coin secret. Lorsqu’Arthur l’eut rejoint, il eut effectivement l’impression d’être dans un lieu spécial. Cela tenait au fait, assurément, de se savoir à l’abri des regards. Coincé entre arbustes verdoyants et rochers, la plage ici se faisait intimiste. L’océan, s’offrait, à peu de distance, avec ses vagues vivaces couronnées d’écume. Une tortue de mer, dans un coin, demeurait dans une immobilité pensive.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur n'en demandait pas tant : la plage normale lui aurait suffi, il avait juste envie de mettre les pieds dans l'eau (et le reste, éventuellement). Il se demandait un peu pourquoi Gildas, qu'il ne connaissait pas une heure auparavant, avait tenu à l'emmener d'emblée dans son recoin secret. Mais bon, les lieux étaient magnifiques, il fallait l'avouer, et c'était plutôt gentil de lui faire un tel cadeau de bienvenue.
" Wouah, répéta donc le jeune paladin. C'est vraiment superbe."
Il était un peu intimidé, et puis il ne voulait pas déranger la tortue, aussi resta-t-il planté là, à regarder la mer enténébrée, sans oser prendre l'initiative. Evidemment, si Gildas montrait l'exemple, il s'empresserait de se déshabiller pour aller rencontrer les vagues...

[Manfred]

Gildas semblait être quelqu’un d’assez franc et spontané. À le voir observer en coin Arthur, sourire à sa réaction, il était possible de deviner qu’il aimait faire plaisir. Il s’assit finalement sur une pierre et tourna son regard vers le large. Il ne donna pas l’exemple directement, mais demanda :
« Alors, toujours partant pour une baignade ? »
Constatant que c’était le cas, il ôta bottes, côte de mailles, tunique... nu, il s’avança vers les vagues. Son corps sculpté par l’exercice mais néanmoins toujours gracieux n’aurait pas déplu à un adepte de sunie.
« Et bien, Arthur, bienvenue à Lunaros ! » déclara-t-il, un rire dans la voix.
Et il pénétra dans l’océan.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur n'était pas du genre à faire étalage de son anatomie mais il n'était pas prude non plus, et se trouver nu en présence d'un pair était d'une banalité crasse quand on était paladin. Les pudibonds pouvaient aussi bien changer de métier dès le troisième jour. Aussi se déshabilla-t-il rapidement, abandonnant ses vêtements en un tas informe sur le sable, avant de rejoindre Gildas dans l'océan... probablement glacé, mais c'était le propre de l'océan. Nager, faire la planche et regarder les étoiles... C'était la quintessence de la félicité estivale.

[Manfred]

Gildas, qui trajet durant, avait été assez prolixe, ne dit mot ou presque durant ces instants paisibles. Il n’y avait que l’océan et le ciel nocturne, les étoiles et le plaisir présent. Le temps, malicieux, en profita comme toujours pour filer plus vite. La fraicheur de l’au le rappela à Arthur qui, peu à peu, se sentit frissonner. Il constata alors que Gildas avait regagné la plage. Debout, les poings sur les hanches, il fixait en ruisselant la tortue qui semblait désireuse d’aller à son tour nager.
« Alors, finit-il par dire, un rire dans la voix, Arthur, vous préférez mon petit coin ou le repas avec tout le gratin de la commanderie ? »

[Arthur de Faisanlys]

Arthur le rejoignit sur la plage. Le ciel était magnifique mais il manquait le soleil pour les sécher rapidement. C'était une chance que même la nuit soit tiède, et de toute façon, les paladins ne tombaient pas malades.
" Ce n'est pas vraiment une question, si ?" demanda-t-il simplement.
Aucun garçon de leur âge ne pouvait s'intéresser aux discussions soporifiques des vétérans. Surtout quand la nourriture était bonne.

[Arthur de Faisanlys]

[RP Solo] : titre à définir


Trois coups frappés à la porte.
Il lui avait fallu rassembler pas mal de courage pour en arriver là. Carrer les épaules. Avaler sa salive. Répéter ce qu’il avait à dire. Prendre une profonde inspiration. Tout ça. D’autres seraient peut-être entrés sans s’inquiéter de déranger. Ce n’était pas son genre. Une preuve supplémentaire de ce qui le hantait.
« Entrez ! » répondit une voix, depuis l’autre côté.
Une seconde, il sentit son cœur manquer un battement. Mais c’était ridicule. Il entra donc.
Othon de Lunaros, immense et tranquille, était assis derrière une table, face à plusieurs piles de parchemin. Ses sourcils broussailleux étaient froncés, mais son visage se para d’un sourire quand il croisa le regard de son visiteur.
« Ah ! Sauvé ! Arthur ! Tu as failli être avocat, pas vrai, mon garçon ? »
Mon garçon, songea Arthur. J’ai plus de vingt ans.
Une preuve de plus.
« Failli, oui. Un souci ?
— Je déteste la paperasserie. C’est une question de principe. Je pense que par défaut, je n’y comprends rien. Viens jeter un œil, tu veux ? »
Il s’exécuta.
« Qu’est-ce que ça veut dire, ce petit paragraphe ?
— Qu’il n’y a pas de garantie sur la qualité du fer.
— Comment ça pas de garantie ?
— Ils rejettent la responsabilité sur les nains qui les ont fournis.
— Quoi ? Mais ce sont eux les armuriers, non ?
— Oui, mais ils ne peuvent pas garantir la qualité du matériau d’origine.
— Pfff. N’importe quoi. »
Le grand paladin repoussa le document et s’étira.
« Mais ce n’est pas pour m’aider avec toutes ces foutaises que tu es venu. »
Arthur se redressa, brusquement tendu. Pendant un instant, il avait baissé sa garde. Il chercha une seconde chaise du regard, mais il n’y en avait pas, et il ne pouvait pas s’asseoir sur le lit.
« Non, effectivement. » souffla-t-il, contraint à rester debout.
En vérité, même assis, Othon avait l’air plus grand que lui. Pourtant, ils étaient pratiquement de la même taille, mais le Lunaron occupait les lieux, toujours, d’une présence qui dépassait sa seule réalité.
« J’ai réfléchi. »
Au haussement de sourcils d’Othon, Arthur devina que son aîné ne voyait pas la chose très positivement, ou qu’il s’en inquiétait.
« Je vais partir… en errance. »
Il s’éclaircit la gorge.
« Je me pose beaucoup de questions sur ma vocation… Trop, sans doute. Depuis la guerre… Je crois que je dois… prendre du recul. »
Othon ne dit rien. Arthur esquissa un semblant de sourire, embarrassé. Il s’était attendu au tonnerre, pas au silence.
« J’ai écrit à Armand. Pour lui expliquer ma décision. Je pense que… c’est la meilleure chose à faire. Pour l’instant, je suis comme poussé par derrière, sans jamais d’espace pour… penser. »
Othon croisa les bras.
« Je ne suis pas partisan de « penser », en général, dit-il finalement. Un homme se révèle dans ses actes, pas dans ses… ruminations. Et tu t’es déjà révélé plus d’une fois, malgré cette propension à ne pas vouloir le reconnaître. En même temps, je suis conscient — Armand l’est aussi — qu’il faut que tu fasses taire toi-même cette voix qui te fait douter. Il savait que nous en viendrions à ça. Pour tout te dire, c’est une des raisons qui l’a mené à t’envoyer jusqu’ici. Un bon point de départ. »
Il soupira.
« J’avais espéré que tu te reprendrais sans ce… détour, personnellement. Mais il te connait mieux que moi. »
Il haussa les épaules.
« Donc, oui. Prends ton cheval et va-t’en, Arthur. Et ton armure et une bonne épée. Les Landes ne sont pas un endroit propice à la promenade. »

[Arthur de Faisanlys]

Arthur partit dès le lendemain matin. Avec l’autorisation d’Othon, les portes s’étaient ouvertes : il avait pu s’équiper correctement en nourriture, en vêtements, en matériel de randonnée. Après plusieurs veilles à l’écurie, Phénix était ravi de reprendre la route et il piaffait sous la selle avec beaucoup plus d’impatience que son cavalier. Comme de coutume, Arthur n’était pas certain qu’il n’était pas en train de commettre une monstrueuse erreur, mais il était persuadé, dans le même temps, qu’on ne pouvait pas être paladin sans en avoir la conviction profonde, et quand il cherchait en lui, il ne trouvait que le brouillard. Il pensait à Chandara, qui avait toujours eu ce feu, inextinguible, même quand son dieu s’était évaporé dans le rien. Il ne partageait pas cet élan. Les dernières années avaient été trop chaotiques sur le plan personnel pour qu’il puisse continuer sans heurts. C’était peut-être un signe, là aussi, ce fait qu’il ne parvienne pas à se détacher de ses propres soucis pour poursuivre son idéal. Il aurait dû avoir foi, point à la ligne. C’était loin d’être le cas.

C’était l’automne, désormais, et il promettait d’être pluvieux. Les routes étaient déjà boueuses et encombrées, reflet de l’intensité des échanges commerciaux dans la Trouée. Contrairement à ce qu’avait imaginé Othon, Arthur n’avait nulle intention de se rendre dans les Landes. Il avait prévu d’aller jusqu’à la route de Loth Imharil, à l’ouest, puis de prendre des chemins de traverse vers le nord, pour rejoindre la Vallée du Nirvana sans entrer dans la Lorien. C’était une région qu’il ne connaissait pas — il n’avait jamais voyagé en Hélonna — mais on en parlait comme d’un endroit magique et dangereux, lumineux et secret, et il l’imaginait propice aux révélations. La grisaille des Landes ne le tentait pas : il ne pensait pas pouvoir se découvrir en traquant le mort-vivant jour et nuit.
La circulation des chariots, des cavaliers et des piétons était trop dense dans les premières lieues pour que le jeune paladin puisse offrir un galop à sa monture, mais dès qu’ils eurent quitté les abords de Lunaros, il mena Phénix hors de la route, dans la steppe herbeuse qui la bordait jusqu’à Rohan et claqua la langue, juste une fois. Le jeune destrier comprit le signal et s’élança, du pas au grand galop en une seule foulée. Ce n’était peut-être pas très sérieux, ou pas très digne, ni noble, ni respectable, mais c’était divinement bon.