[Lieu] L'étrange bosquet des docks

[Voyageuse]

Personne ne le dérangea tandis qu'il essorait, puis étalait ses vêtements pour les faire sécher. Il s'était enfoncé aussi profondément que possible dans le bosquet, et le silence était complet. Pas très loin de lui, il apercevait ce qui devait être un autel, aménagé au pied d'un chêne, dédié certainement à une divinité de la nature.
Peu à peu, les petits bruissements habituels du sous-bois reprenaient. Puis ils cessèrent à nouveau. Des pas approchaient, en provenance de la mer. A priori, il s'agissait d'une seule personne, qui avançait d'un pas décidé. A moins qu'elle n'ait décidé de rejoindre le petit sanctuaire en pleine nuit, il était probable qu'elle ne fasse que traverser le bois.

[Kmir Tailleroc]

Kmir, qui depuis qu’il avait étendu ses affaires, ne bougeait guère, devint totalement silencieux. Par précaution, il s’éloigna un peu du sanctuaire, il ignorait qu’il y en avait un ici. Que l’inconnu passe et il serait heureux. Au pire, son épée et son arbalète de poing étaient à portée de mains, seulement laisser des cadavres derrière lui n’était pas vraiment un bon plan. Il estimait déjà avoir versé largement assez de sang.

[Voyageuse]

L'inconnue était une femme. Une jeune demi-elfe, qui ne semblait pas s'inquiéter outre mesure de traverser seule un petit bois en pleine nuit. Malgré sa silhouette gracile, sa démarche évoquait celle d'un félin, et elle portait une épée à la ceinture.
Elle bifurqua de sa trajectoire, s'approchant dangereusement de Kmir. Elle s'arrêta cependant avant de l'avoir vu, près de l'autel devant lequel elle s'agenouilla quelques instants. Elle reprit ensuite son chemin mais fit halte presque aussitôt, fronçant les sourcils : elle venait d'apercevoir les vêtements de Kmir. Elle s'en approcha avec circonspection, sa main crispée sur son épée trahissant sa nervosité. Puis elle fit subitement demi-tour, décidant apparemment qu'il n'était pas utile d'en savoir davantage, et s'éloigna d'un pas rapide.
Et Kmir l'entendit chuter lourdement, une dizaine de toises plus loin.
" Hey ! Ça va pas ?"
C'était une voix masculine, un peu traînante, à laquelle répondit la demi-elfe.
- Désolée... Je ne vous avais pas vu... J'aurais dû m'y attendre en voyant vos vêtements...
- Quels vêtements ?"

[Kmir Tailleroc]

Bon sang ! Il était maudit ! Quand est-ce que ça allait s’arrêter ?
Kmir porta une main à son visage, cherchant à toute vitesse la bonne marche à suivre. Qui était le propriétaire de la voix masculine ? Quelqu’un de petite taille peut-être, sans quoi la demi-elfe n’aurait pas pu associer les vêtements à cette personne. Tout du moins pas si elle avait regardé assez longtemps. Mais peu importait, au fond.
Le guet allait mener une enquête, il y avait eu des morts dans le bateau. Le gnome ne voulait pas qu’on puisse remonter à lui. Or, si on le voyait, là,, il deviendrait possible d’établir un lien. Un étrange inconnu, au physique fort singulier, faisait sécher ses vêtements, comme s’il avait sauté tout habillé dans la mer.
Il prit sa décision.
Il récupéra ses affaires, en silence, et entreprit de s’éloigner. Il comptait retourner à la plage, retourner à la mer, passer le mur de la ville. Il reviendrait demain, par la porte, en se faisant passer pour quelqu’un d’autre.

[Voyageuse]

Le bosquet était très petit, et il ne lui fallut que quelques secondes pour en atteindre la bordure. Derrière lui, il entendait les deux inconnus échanger quelques mots, et s'étonner de la disparition des vêtements en question. Mais ils ne cherchèrent pas davantage, concluant avec raison que le propriétaire des vêtements avait filé. La jeune femme se disait pressée de rentrer chez elle.
- Bonne nuit, lança celui qu'elle avait réveillé. Maintenant que vous avez gâché la mienne..."
Il n'entendit pas ce qu'elle répondit.
Il apercevait, en revanche, la silhouette à la voix masculine : il s'agissait d'un nain, à la barbe fournie et à l'air bourru, qui n'avait pas la moindre ressemblance avec Kmir en terme de carrure. Il disparu derrière un fourré, là où il se trouvait en train de dormir un peu plus tôt.
Devant lui, sur la plage, les deux amoureux avaient été rejoints par un autre couple et discutaient paisiblement, face à la mer. Kmir pouvait se dissimuler derrières les barques pour regagner la mer, mais la lune s'était levée et on le verrait nager : mieux valait attendre le départ de ces quatre jeunes gens s'il décidait de quitter la ville ainsi. Il pouvait aussi retraverser le bosquet, en évitant le nain, pour rejoindre la zone des entrepôts. Il pouvait même décider de dormir dans le bosquet... avec le risque, faible mais pas inexistant, d'être dérangé. Ou à l'abri d'une barque renversée, en espérant qu'un pêcheur ne la reprenne pas avant l'aube.

[Kmir Tailleroc]

Kmir avait paré dans le cas où on chercherait à le trouver. Mais, visiblement, ce n’était pas le cas. Sortir de la ville ne semblait plus nécessaire. Il décida donc de rester dans le bosquet, de remettre en place ses vêtements, quoi qu’à un endroit différent, puis d’attendre, toujours en silence. Dès que ses vêtements seraient assez secs, il pourrait prendre la direction de la Bienveillance.

[Voyageuse]

La nuit, même à la fin de l'été, n'était pas le moment idéal pour faire sécher des vêtements. Il avait beau les avoir essorés au maximum, il lui faudrait attendre plusieurs heures avant qu'ils soient suffisamment secs pour ne pas éveiller l'attention. Probablement jusqu'à la fin de la nuit. Circuler avec des vêtements mouillés était risqué, si l'alerte avait déjà été donnée, ou même, simplement, s'il y avait une enquête un peu poussée plus tard.
Mais il était tranquille ici. Les quatre jeunes gens de la plage finirent par se décider à repartir, tard dans la nuit, et traversèrent le bosquet sans soupçonner un seul instant sa présence, ni celle du nain qui dormait un peu plus loin. Ses vêtements étaient toujours mouillés et le petit matin encore lointain. Tout était calme : même la légère rumeur montant de la ville toute proche semblait avoir disparu. Les citadins, pour la plupart, dormaient.

[Kmir Tailleroc]

Kmir, lui, n’avait pas l’intention de dormir. C’était trop risqué, il ne se sentait pas en sécurité ici. S’il avait l’habitude de ne fermer qu’un seul œil lors de ses expéditions, il craignait que même un réveil hâtif en cas de bruit suspect ne puisse lui permettre de remédier au fait qu’on ne devait surtout pas le voir. On ne devait pas le voir sécher ses habits. Il ignorait également comment on réagirait à la vue qu’il offrait, dans le plus simple appareil, avec une couleur de peau si singulière. Il s’observa longuement, il n’avait que cela à faire, cela et songer à la suite.

[Voyageuse]

Dans la pénombre du sous-bois, même avec sa vue particulièrement acérée, il était difficile de percevoir les nuances de couleur. Mais même ainsi, sa peau lui apparaissait différente de l'ordinaire. Il n'aurait pas pu distinguer si elle brillait comme l'or, mais sa couleur avait été altérée, c'était visible. Il notait, également, qu'il n'éprouvait pas la moindre sensation de froid -mais l'air n'étant pas glacial en été, cela ne voulait peut-être rien dire. Autre fait notable : son entaille au bras s'était déjà refermée, et la cicatrice était plus lisse que d'habitude, moins visible. Mais tous ces petits détails passeraient inaperçus pour un étranger. Seule la couleur de peau était problématique, et encore : les lumeniens devaient avoir une certaine habitude de races exotiques plus ou moins métissées, et on pouvait imaginer un croisement entre un gnome et un elfe doré... avec beaucoup d'imagination.

Il ne se passa rien de notable jusqu'à la fin de la nuit. Le ciel commençait tout juste à pâlir lorsqu'il jugea que ses vêtements étaient enfin secs. En-dehors du bosquet, le vie s'apprêtait à reprendre son cours : il entendait déjà les sabots d'un cheval sur les pavés d'une rue, toute proche.

[Kmir Tailleroc]

Durant la nuit, le gnome, après s’être observé, nettoya minutieusement son épée ainsi que sa dague. Voilà l’aube et il était bien fatigué. Il renfila ses vêtements, rechaussa ses souliers, remit en place bijoux et armes. Il quitta le bosquet avec force discrétion, il n’avait pas oublié le nain qui dormait peut-être encore par ici. Une fois engagé dans les ruelles, il ne se cacherait plus vraiment. Pour autant, même au naturel, il n’était pas du genre à se faire remarquer. Direction la Bienveillance. Bruno devait être inquiet, ainsi que son confrère.

[Voyageuse]

Alors qu'il se dirigeait vers l'est du bosquet, il entendit des bruits de sabot se rapprocher. Et il vit, à travers la haie formant la lisière du petit bois, deux gardes mettre pied à terre. Ils pénétrèrent dans les fourrés non loin de lui, sans le voir. Il faisait sombre et, même si l'un d'eux semblait avoir du sang elfique dans les veines et n'était pas gêné par le manque de lumière, Kmir était suffisamment discret pour se fondre dans l'ombre des arbres.
Ils avancèrent quelques instants en silence, puis se séparèrent, comme s'ils comptaient fouiller le bois. Heureusement, le secteur des entrepôts, qui bordait le bosquet de ce côté-ci, ne manquait pas de cachettes, et était encore désert à cette heure matinale. Kmir put donc s'éclipser sans être repéré.

HRP : tu peux répondre puis poster à la Bienveillance juste après, je te répondrai là-bas.

[Kmir Tailleroc]

La garde avait dû apprendre que des vêtements avaient été vu, de ce côté, des vêtements en train de sécher. Kmir n’aimait pas cela. Une fois suffisamment éloigné du bosquet, il dénicha un endroit discret où, chose impensable d’ordinaire, se délester de tous les bijoux qu’il avait pris dans le bateau, tous sauf bien sûr le rubis maudit.
Ce serait au moins ça qui ne jouerait pas en sa défaveur s’il était fouillé par les gardes à un moment donné. Puis, il reprit la route vers la Bienveillance.