[Ville] Erhedun

[Galathée]

" Oh, vous ne devez pas vous en faire : je trouverai quelqu'un à Athrey ou dans les bourgs voisins. C'est juste que... vous devrez me dire quand vous n'avez plus besoin de moi. Je peux poireauter un jour ou deux, mais au-delà, je devrai partir, si vous ne savez pas me dire... Sinon, tant que vous me payez les jours que vous me gardez, ça me convient très bien."
Il sourit.
" C'est un beau coin mais il va faire très humide. J'espère que vous avez de quoi vous équiper."

[Taliesin]

-J'avais envisagé la possibilité d'un automne aussi précoce que pluvieux et nous disposons donc de bonnes tenues de voyage.
Il sourit.
-Mais donc, si cela vous convient, l'affaire est entendue. Si vous désirez une avance, je vous la verse sur l'heure.
Pourquoi aller voir ailleurs, puisque ce cocher-là lui plaisait ?

[Galathée]

" Si vous pouviez me donner, disons, dix pièces d'argent, ça me permettrait d'aller déjà acheter du grain pour les chevaux et un peu de ravitaillement. Ce serait parfait. Le grain est un peu moins cher à Eredhun, c'est mieux de le prendre ici."
Il sourit.
" Vous pensez que vous voudrez dormir dans le chariot de manière permanente, ou bien que vous voudrez dormir à l'auberge ou chez l'habitant, en gardant le chariot comme plan de secours ?"

[Taliesin]

-J'avoue ne pas y avoir encore réfléchi...
Il se tourna vers les garçons.
-Vous avez une préférence ?
Après tout, dormir dans un chariot les amuserait peut-être. Sans compter qu'ainsi, il y aurait la possibilité de faire halte sur des sites intéressants...

[Galathée]

Pris au dépourvu, ils ne parurent pas plus décidés que le barde et lui retournèrent des regards outrés, comme s'ils estimaient qu'il se dédouanait de son rôle d'adulte en leur refilant la patate chaude. Victor grimaça et haussa les épaules, Baptiste se fendit d'un long "heeeeuuuuu" avant de répondre.
" Un peu des deux ?"
Kostia rit joyeusement.
" C'est sans doute le plus sage. Quand et où voulez-vous que je passe vous chercher ?"

[Taliesin]

-Nous logeons au Saule Rieur et j'aimerais pouvoir partir en début de matinée : quant à l'heure précise... comme ça vous arange. Et oui, je pense que le mieux est de considérer qu'il nous arrivera parfois de dormir dans le chariot, surtout s'il y a des sites intéressants sur le parcours et que camper en pleine nature ne vous dérange pas.
Et si l'automne ne se faisait point trop pressant, bien sûr.

[Galathée]

" J'ai l'habitude, ce n'est pas un souci. Les Eredhins ont une certaine affinité avec l'eau, vous vous en doutez."
Il sourit.
" Bon, mais très bien, je passerai vous chercher au Saule Rieur demain. Il y a une petite trotte jusqu'à Athrey, et c'est sans doute mieux de profiter du beau temps tant qu'il dure."

[Taliesin]

-Oui, et espérons qu'il dure longtemps !
Il sortit sa bourse et versa à Kolia la somme demandée.
-Eh bien, ne nous reste plus qu'à aller terminer notre visite d'Eredhun. En tout cas, merci d'avoir accepté de nous convoyer : je suis certain que nous ferons un excellent voyage en votre compagnie.

[Galathée]

" Moi de même, dit le jeune homme. Je vous souhaite une bonne visite... vous avez de la chance avec le temps, aujourd'hui ! Et je vous dis à demain."
Sur ces entrefaites, il retourna vers l'intérieur de la petite maison, laissant ses trois clients reprendre leurs activités.
" On va où, du coup ? demanda Victor. Chez Oghma et compagnie ? Tu as des énigmes ?"

[Taliesin]

-Allons voir les librairies, pour Baptiste. S'il met longtemps à trouver ton bonheur et que tu t'ennuies, nous irons nous promener ailleurs et nous nous donnerons rendez-vous à notre auberge, pour le repas. Quant à l'après-midi... Oui, je peux préparer de nouvelles énigmes, si ça vous dit, pour pimenter nos dernières visites.
Autant profiter un maximum du beau temps : ils ne savaient pas si cela durerait...

[Galathée]

Ils remontèrent donc vers le nord de la cité, empruntant un bac pour traverser la rivière car il n'y avait pas de pont de ce côté de la ville. Ils atteignirent rapidement le quartier des artistes, où musiciens de rue et peintures ambulants s'étaient arrogé les rues, et on ne pouvait faire dix mètres sans croiser un acrobate ou un illusionniste. Il y avait des galeries et des fournisseurs de matériel, des tavernes et quelques librairies. Baptiste fut cependant pris d'une angoisse : il ne savait pas à quoi ressemblait la bibliothèque de son père et craignait de rapporter quelque chose qu'il possédait déjà.
" On avait aussi dit qu'on lui apporterait quelque chose, non ? Ou alors j'ai rêvé ?"
Il n'était nul besoin de se soucier de Victor : il y avait suffisamment d'animations en rue pour ravir n'importe quel gosse.

[Taliesin]

[color=#FFFFF66]-On en a sans doute parlé, si... Après, ne le connaissant pas, je n'ai aucune idée de ce qui pourrait lui faire plaisir. Si par contre tu en as une, tu ne dois pas hésiter. Et pour les livres... L'idée était d'en trouver au moins un parlant de l'espèce à laquelle appartient le lézard de Victor : si d'aventure ton père l'avait, nous pourrions toujours le remporter...[/color]

[Galathée]

" Ah oui, le lézard... mais regarde : Victor s'en fiche."
Victor regardait, avec d'autres badauds, deux acrobates — des frères jumeaux ou alors ils étaient drôlement bien grimés — qui jonglaient tout en effectuant des figures synchronisées.
" C'est difficile de savoir quoi faire : il me faut des bouquins, c'est vital... et en même temps, il en a peut-être plein."
Il pinça les lèvres.
" C'est bête que tu n'aies pas pensé à lui poser la question."

[Taliesin]

En même temps, il ne voyait pas trop comment il aurait pu la caser dans leur bref échange épistolaire : ç'aurait été pour le moins incongru.
-Honnêtement, Baptiste, prends deux ou trois livres qui te plaisent : quel importance, s'il les a déjà ? Au pire, si vraiment ça t'ennuie, je les garderai, et puis voilà. répondit-il, tranquille.
Il lui sourit.
-Et prends-en quand même un sur les lézards.

[Galathée]

" D'accord." dit-il.
Et il s'engouffra dans la première librairie qu'il croisa.
Il ne lui fallut qu'une petite heure pour trouver ce qu'il cherchait — des romans, principalement — ainsi que le bouquin sur les lézards que voulait Taliesin. Ils auraient tout le loisir de l'examiner à leur retour à l'auberge. Ils rentrèrent en profitant des animations de rue, puis terminèrent au Parc des Roseaux. Celui-ci était sous eaux, mais cela n'empêcha ni Victor ni Baptiste d'y improviser un jeu bien crado, au grand dam de leur aubergiste. Victor profita de leur escapade dans les marais pour capturer des insectes à destination de sa bestiole et, à son retour dans leur chambre, en sous-vêtements humides, il ouvrit immédiatement le couvercle de sa boîte. Il crut d'abord que la créature avait disparu, avant de réaliser qu'elle avait pris une teinte grise, indiscernable de la bordure de la boîte.
" Est-ce que tu crois qu'on peut le toucher ? Ou alors sa peau est venimeuse ?
— C'est pas une grenouille, alors ça devrait aller." dit Baptiste, en tournant rapidement les pages du livre.

[Taliesin]

-Je suis plutôt de l'avis de Baptiste. Mais juste au cas où, autant attendre qu'il ait trouvé le chapitre consacré à cette race précise.
Sans doute était-ce faire preuve de trop de prudence. Mais c'était, aussi, une façon d'apprendre à Victor à se montrer précautionneux - quoiqu'en l'occurrence, il l'avait été, posant la question avant de toucher son petit protégé.

[Galathée]

Baptiste trouva rapidement des gravures qui représentaient la bestiole, ou quelque chose d'approchant.
" C'est un fulcifer, annonça-t-il. Qui peut changer de couleur selon son environnement... et aussi son humeur..."
Son doigt fila sur la page.
" Il mange des insectes, donc ça c'est bon."
Victor avait disposé son butin sur la soucoupe : deux libellules, une dizaine de moustiques, trois grosses mouches noires. La créature avait viré au vert et s'approchait de son étrange démarche dandinante.
" Fulcifer. J'aime bien. Je vais l'appeler comme ça.
— Mais c'est comme d'appeler un chat, Chat, ou un cheval, Cheval.
— C'est d'autant plus comique."

[Taliesin]

-Tu as encore le temps d'y réfléchir. Mais c'est vrai que c'est comique et que ça sonne bien.
Le mystère était levé quant au lézard : c'était une bonne chose, d'autant qu'il n'y avait rien à craindre de lui et, donc, aucune raison d'en priver Victor.
Sur cette pensée, l'elfe fit mentalement la liste des choses qui restaient à faire ce jour-là. Et elle était pour le moins brève : hormis envoyer les garçons à la salle de bain, ils n'avaient plus aucune obligation et, sitôt récupérée l'ultime lessive, ils pourraient boucler leurs sacs.
Ils étaient parés au départ, en somme et, par conséquent, pouvaient tranquillement profiter de leurs dernières heures pour se détendre.

[Galathée]

Il ne se passa rien de spécial durant la fin de journée. Victor s'éternisa dans son bain, Baptiste beaucoup plus rapide, car il avait commencé un des romans qu'il s'était acheté en patientant devant la porte et il était désormais pris par l'intrigue. Avant le souper, une fois les sacs bouclés, Victor observa Fulcifer en essayant de déterminer ce qu'il préférait parmi les insectes qu'il lui avait rapportés et tentant de l'apprivoiser par des gestes (le moindre mouvement provoquait un changement de couleur outré chez l'animal) et des bruits de gorge, avant d'essayer de chanter (il se ramassa alors un commentaire excédé et désobligeant de son frère). Il s'amusa à rouler des yeux et à imiter sa démarche incertaine d'avant en arrière, mais prit soin de l'attirer jusqu'à sa boîte avant de descendre dîner. Baptiste, lui, lut jusqu'à s'en rougir les yeux.
Après le souper, ils eurent du mal à s'endormir, excités (ou stressés) par le départ du lendemain, et Taliesin fut forcé de monter la garde un moment pour les réduire au calme et au silence. Quand ils s'endormirent enfin, il était déjà fort tard...

[Taliesin]

Le barde décida de descendre dans la salle commune pour boire un verre et, surtout, remercier leur hôte : il craignait, en effet, que celui-ci soit par trop occupé au moment du départ pour qu'ils puissent avoir, ensemble, ce petit échange. Toutefois, il ne s'attarderait guère : autant profiter d'un bon lit tant qu'il en avait un à sa disposition. Et puis, mieux valait être en forme le lendemain.

[Galathée]

Vint le petit matin. Leur guide apparut pendant qu'ils petit-déjeunaient, leurs affaires prêtes à être embarquées. Les deux garçons avaient trop peu dormi, mais Victor était de bonne humeur. Baptiste, lui, était beaucoup plus silencieu, comme s'il avait subitement réalisé pourquoi ils partaient et où ils allaient. Il ne paraissait pas vraiment déprimé, juste un peu désorienté. C'était peut-être la fatigue. Kolia les incita à déjeuner à leur aise tandis qu'il chargeait le chariot. Il voulait juste être certain qu'il n'y avait rien de fragile dans leur matériel, qui nécessiterait un empaquetage particulier. Une partie voyagerait sur le toit, le reste dans le coffre arrière, mais il y avait la place d'emporter des choses directement dans la cabine.

[Taliesin]

Ainsi en irait-il, sans doute, du lézard de Victor, de quelques livres, du jeu de cartes et de ce que lui-même préférait garder à portée de main, à commencer par ses armes - on n'était jamais trop prudent. Mais rien de plus : s'ils voulaient voyager confortablement, il leur fallait de la place et le toit comme le coffre conviendraient parfaitement pour le reste de leurs affaires.
Telles furent ses réflexions tandis qu'il terminait de manger. Il s'assura aussi, mentalement, qu'ils n'avaient rien oublié de faire ou de prendre. Mais tout était bon, de ce côté-là.
Bref, ils étaient bel et bien parés !

[Galathée]

HRP : désolée, grosses journées IRL, mais je suis de retour.

Les enfants entraînèrent Taliesin au dehors pour aller observer leur véhicule. C'était un chariot de belle taille, pourvu d'une cabine centrale en bois, avec un toit mais aussi des fenêtres et des sièges intérieurs. Il y avait un coffre et le siège du cocher était positionné assez haut, et on y accédait via une petite échelle à trois barreaux. Le tout était tracté par deux chevaux de trait gris pommelé, qui laissèrent Victor les caresser sans que Kolia n'y voit le moindre inconvénient. Ils s'appelaient Bourrasque et Embrun. Baptiste prit possession de l'intérieur, s'installa confortablement dans la banquette qui tournait le dos à la route, comme s'il allait s'y rendormir.
Le jeune cocher se tourna vers Taliesin.
" Je ne sais pas si vous voulez qu'on discute un peu de l'itinéraire avant de partir, ou si vous préférez qu'on se mette en route tout de suite, on quitte Eredhun, on avance un peu, et on profite de la pause de midi pour aviser ? En fonction de vos desiderata en matière de haltes, il faudra qu'on aille au ravitaillement mais il y a tout ce qu'il faut en route."

[Taliesin]

HRP : Aucun souci.

-Très bien. Concernant votre question, et à moins bien sûr que vous n'ayez une préférence pour l'autre solution, je serais d'avis de partir sans trop tarder et de discuter de l'itinéraire lors d'une pause.
Concernant ledit itinéraire, il comptait s'en remettre à l'avis de Kolia, autrement mieux placé que lui pour savoir quelle route il convenait de prendre. Toutefois, s'il lui indiquait des sites intéressants se trouvant non loin de celle-ci, il n'hésiterait pas à proposer de faire de petits détours pour les visiter : ils n'étaient pas à quelques heures, voire quelques jours près.

[Galathée]

" Parfait. En route, alors."
Les deux garçons s'attribuèrent les places attendues : Baptiste était installé, Victor se glissa aux côtés de Kolia. Ce dernier ne parut pas dérangé par cette compagnie et dès que Taliesin ait rejoint l'intérieur du chariot, il siffla pour mettre son attelage en marche. Baptiste, enfoncé dans les coussins, sourit au barde.
" C'est plutôt confortable, jusqu'ici." remarqua-t-il.
Les sabots des chevaux claquaient sur le pavé et ils descendirent vers le sud de la ville. Sans doute traverseraient-ils l'esplanade puis le pont, avant de rallier la sortie sud-ouest de la cité, qui les mènerait sur la route de Rohan et les portes de la Trouée.

[Taliesin]

-Oui. Et pour l'instant, je suis pleinement satisfait par notre choix.
Dans l'immédiat, il comptait observer, par la vitre, la cité puis la campagne environnante. Mais sans nul doute finirait-il par emprunter un livre à Baptiste : cela ferait passer le temps plus vite - quoiqu'en vérité, il n'était pas particulièrement pressé d'arriver au terme de ce périple.

[Galathée]

Taliesin vit ainsi défiler les rues d'Eredhun, encore peu peuplées à cette heure matinale, puis le chariot ralentit en approchant les portes de la ville. Ce ne fut que l'affaire d'une dizaine de minutes, cependant. Baptiste était déjà plongé dans son livre et Taliesin percevait le murmure de la conversation entre Kolia et Victor, qui ne manquait jamais une occasion de socialiser. Des vendeurs ambulants proposaient des rafraîchissements et autres douceurs aux voyageurs, mais la hauteur du chariot les découragea. Une jeune femme accorte — sans doute une prostituée*— fit un petit signe à l'elfe, puis lui envoya un baiser. Leur véhicule se remit en branle, ils passèrent devant une paire de gardes en livrée arc-en-ciel, puis ils débouchèrent hors les murs, dans la campagne.

[Hubert de Maleval]

Quête Solo : Des Racines et des Ailes

Hubert n’était venu qu’une fois à Erhedun, pour dormir avant de filer vers le nord, aveuglé par sa fureur, et n’en avait aucun souvenir particulier. Il connaissait la ville de réputation, bien sûr, c’était le plus grand centre religieux de l’île, avec « mille temples » selon la légende. Cheminant dans le flot désormais plus dense de visiteurs, il nota que les clercs en composaient bien la moitié. La file aux portes étaient presque à l’arrêt et il avait le loisir de regarder les uns et les autres sans trop se faire remarquer. Il y avait un trio de Tyrites à cheval un peu plus loin devant eux, une Tymoranne et deux novices juste sur leur gauche et un Sylvanite solitaire sur un âne un peu plus loin derrière. Les quatre nains devant eux, à pied, arboraient tous une botte brune sur le dos de leur tunique, qui devait sûrement symboliser une divinité, mais il ne savait pas laquelle. Et il était certain que la robe vaporeuse, blanche, que portait l’elfe qui montait le cheval blanc sur leur droite, signalait son appartenance à un culte. Albérich suivit son regard.
« Angharradh, déclara-t-il.
— A tes souhaits, répondit Hubert.
— C’est la Triple Déesse des elfes. Son domaine recouvre en partie celui de Lathandre : le printemps, la naissance… Je suis surpris que tu ne le saches pas.
— J’étais nul en religion. Mais ça m’a l’air d’être plutôt Chauntéa.
— C’est l’union de trois déesses elfes. Mais le tout est davantage que la somme des parties… »
Hubert écarquilla les yeux et Albérich rit doucement.
« Je crois que je ne vais pas te faire de cours de théologie.
— C’est juste que je suis un peu fatigué… » protesta le paladin.
Son compagnon continua à en rire et avança dans la file. Il leur fallut encore un bon moment avant d’atteindre le poste de garde où on leur demanda de mettre pied à terre. L’un comme l’autre affichaient clairement leur allégeance, mais cela ne les dispensait pas des formalités.
« Nom, fonction, intentions, déclama un jeune garde qui en avait manifestement sa dose pour la journée.
— Albérich Megrall, prêtre de Lathandre, je me rends au Temple à la demande de l’aubemestre.
— Hubert de Maleval, paladin de l’Aster, je suis son garde du corps. »
Albérich leva un sourcil mais eut le bon sens de ne rien dire. Le jeune soldat parut ne rien en penser, les fit signer, puis leur libéra le passage et ils pénétrèrent directement dans la ville. Hubert leva d’emblée les yeux, repérant sans mal l’imposant Temple de Lathandre, en contre-haut d’une colline mi-construite, mi-boisée.
« C’est comme à Solarcis… Il va falloir grimper.
— C’est la Butte Céleste. Plus près du ciel… »
Le prêtre sourit.
« Viens, je connais le meilleur chemin.
— Le meilleur ?
— Celui avec la plus belle vue. »
Ils dirigèrent les chevaux vers l’ouest puis bifurquèrent sur une allée qui montait à flanc de coteau. Ils mirent pied à terre car il y avait un certain nombre d’autres personnes autour d’eux, la plupart qui descendaient. Hubert repéra à nouveau de nombreuses aubes jaunes, bleues, roses, blanches, parmi elles un certain nombre de Lathandrites.
« Oh oh, dit Albérich.
— Quoi ?
— Il y en a un qui vient de rebrousser chemin au pas de course. Nous avons été repérés. »
Hubert se fendit d’un large sourire.
« Tu veux dire : tu as été repéré.
— Je pense que c’est une conséquence de ton allure, en fait. Tu attires le regard et par association…
— Ça va être de ma faute, maintenant. »
Ils dépassèrent un petit temple coloré sur le perron duquel une foule de halfelins bavardaient. L’édifice, curieusement, semblait ne pas avoir de toit. Vu la proximité des fidèles, Hubert évita de faire le moindre commentaire. La ville commençait à rapetisser sous leurs pieds : ils virent la rivière, à nouveau, qui brillait entre les bâtiments.
« Je te ferai visiter un autre jour. » dit Albérich d’un ton tranquille.
Hubert se détourna du panorama pour découvrir qu'un clerc hors d’haleine, plié en deux, venait de s’immobiliser devant eux.
« Maître Megrall, souffla-t-il.
— Bonjour Rémiel. »
L’autre sourit. Il avait sans doute une dizaine d’années de moins qu’Albérich, les yeux clairs, l’aube jaune poussin.
« L’aubemestre veut te voir. Maintenant. »
Hubert fronça les sourcils et échangea un regard avec son compagnon. Il en devina toute la tension : dans les épaules, la mâchoire, le sourire crispé.
« Bien sûr. » répondit le prêtre avec un flegme feint.
Le dénommé Rémiel acquiesça avec soulagement et détala aussitôt vers le temple. Hubert posa une main sur l’épaule de son compagnon.
« Il vaut mieux battre le fer quand il est encore chaud. »
Albérich rit en secouant la tête.
« Merci, maître forgeron, voilà qui est très réconfortant. »
Mais, comme promis, ils reprirent leur route vers le Temple, sans plus s’attarder sur les beautés d’Eredhun dans le soleil couchant.

[Galathée]

Leur objectif était le Temple de Sunie mais ils n’étaient pas complètement stupides : c’était l’aube, à trois jours du solstice : la quasi totalité des habitants d’Erhedun dormaient encore. Comme les Sunites étaient traditionnellement parmi les derniers à se lever, ils n’étaient pas pressés, et ils descendirent de la Butte à pas mesurés. Hubert avait remis sa cape mais n’avait emporté ni son épée, ni son armure. Albérich était en civil, sans aube, mais arborant le symbole rosé de son dieu. Il savait qu’il devrait revenir aux vêtements religieux, mais il voulait profiter, encore un rien, d’une relative liberté.
« C’est un gros temple, remarqua Hubert une fois qu’ils furent un peu plus bas.
— Quarante-huit clercs, soixante-deux novices, dont sept qui seront ordonnés pendant l’été.
— L’aubemestre est aussi membre du conseil, n’est-ce pas ? »
Albérich sourit.
« Oui. Je n’ai aucune idée de qui y siège. En fait, je n’ai aucune idée de rien, dans cette ville.
— Thibault pourra sans doute te mettre au parfum. »
Le clerc s’immobilisa et se retourna vers son partenaire.
« Oh diable. Hubert. Ne me dis pas que… tu t’inquiètes de ça ? »
Il faisait plus que s’inquiéter, ça se voyait sur son visage. Albérich conserva une mine sérieuse alors qu’il avait envie de rire.
« Il ne faut pas que tu t’inquiètes. Je veux dire… tu vas être tout seul avec… Guillermo… Edgar… Etienne ! »
Hubert ouvrit des yeux stupéfaits.
« Mais ça n’a rien à voir ! »
Albérich rit joyeusement en reprenant sa route.
« Bien sûr que si ! »
Il reprit son sérieux.
« Nous devons nous faire confiance. Je te fais confiance, moi.
— Moi aussi, je te fais confiance. C’est à Thibault, que je ne fais pas confiance.
— Je suis encore doué d’un certain libre arbitre, jusqu’à nouvel ordre !
— Mais il pourrait… t’ensorceler ! User d’un de ces sortilèges de Sunite… Tu vois le genre…
— Et je resterais de marbre. Et Thibault ne ferait jamais une chose pareille. Parce qu’il est sunite, justement. En fait, entre nous, je pense que dès qu’il apprendra que je vais rester à Eredhun, il fera ses valises. Il pourrait justement décider de rentrer à Clairétoile. Et là, ce sera à moi de m’inquiéter.
— T’inquiéter de quoi ? De moi et Thibault ?
— Pourquoi pas ?
— Ce n’est vraiment pas mon genre. »
Ils avaient atteint le bas de la Butte. Il commençait à y avoir quelques personnes dans la rue, des habitants de la ville qui ouvraient leurs échoppes, nettoyaient le pas de leur porte ou arpentaient les rues dans des buts multiples et inconnus. Ils atteignirent une artère plus large, remontèrent vers le nord. Bientôt ils arrivèrent à l’un des ponts sur la Sereine. La rivière était grosse mais le sol était sec : les crues printanières étaient venues et reparties. Ils s’arrêtèrent à mi-parcours pour la regarder bouillonner contre les piles du pont et s’écouler ensuite. Deux bateaux se laissaient emporter par les flots, vers la mer. Quelques barques remontaient le courant, à la force de leurs rameurs. De l’autre côté, les quais s’ouvraient sur une esplanade déjà très fréquentée.
« C’est le marché aux poissons, expliqua Albérich. Premier sur place, premier servi. »
Ils le longèrent sans s’y engager et remontèrent une allée commerçante qui s’éveillait peu à peu, jusqu’à une vaste place. Hubert s’y arrêta un moment, regardant les façades. Le bâtiment du fond était coiffé d’oriflammes qui claquaient au vent. L’un d’entre eux était placé plus haut que les autres : bleu roi, il était marqué de sept étoiles.
« Mystra ? demanda Hubert, interloqué.
— Cela signifie que les Mystrans président le conseil ce mois-ci. Ensuite, ce seront les Oghmans, puis les Sunites… Il suffit de suivre l’ordre dans lequel ils sont suspendus.
— Misère. Diriger la ville avec des Sunites, des Mystrans, des Oghmans et… des Tempusiens ! Quel courage !
— Les Sylvanites sont costauds aussi, dans leur genre. Mais dans les faits, on dirige ce qu’on peut. L’assemblée laïque a davantage de pouvoir.
— Mais tu vas adorer ça !
— On verra où trouver des convergences. »
Le paladin se détourna et partit vers la fontaine. Il s’assit sur le rebord, veillant à ne pas tremper sa cape.
« Tu es décidé, n’est-ce pas ? »
Albérich pinça les lèvres.
« Tu trouves que j’ai tort ?
— Non. Bien sûr que non. C’est juste… »
Il leva les yeux vers le ciel bleu.
« Je dois m’habituer. A cette idée. Je ne réalise pas, tout se passe trop vite. J’avais l’idée… »
Il s’interrompit. Albérich s’approcha de lui. L’endroit n’était pas idéal pour échanger un geste d’affection, mais il se plaça aussi près que possible.
« … que nous serions ensemble… jusqu’à la fin…
— Et nous le serons. Nos voies divergent… un temps. Mais elles ne seront jamais complètement distinctes. Et je suis certain qu'elles se rejoindront plus tôt que tard. »
Le paladin acquiesça, prit une profonde inspiration, et quitta son perchoir. Ils marchèrent un moment en silence, côte à côte. La ville s’emplissait à une vitesse stupéfiante, de toutes sortes de gens, humains, nains, elfes, hommes et femmes, jeunes et vieux, clercs et laïcs. Quand ils atteignirent l’Avenue des Bonheurs, la vaste artère commerçante et artistique d’Eredhun, on pouvait déjà parler de foule. Hubert paraissait légèrement déstabilisé, mais l’avantage était qu’ils passaient nettement plus inaperçus. Albérich était dans son élément, la ville, parmi ses semblables, les gens, d’où qu’ils soient et où qu’ils aillent. Il n’y avait plus en lui la moindre trace d’inquiétude. Si l’ombre était tapie quelque part, et elle l’était immanquablement, il n’en avait pas peur.
Ils passèrent devant le théâtre, puis entre plusieurs temples, celui de Lliira, de Milil, de Dénéir, de Gond et d’Oghma, avant de remonter vers le nord.
« Ce qui me rassure, dit finalement Hubert, d’un ton dégagé, c’est que c’est à l’autre bout de la ville. Le Temple de Sunie. »
Albérich rit et lui flanqua une bourrade.
« Tu es bête. »
Mais ils y étaient, au Temple de la Déesse aux Cheveux de Feu.

[Galathée]

HRP : very private joke

Le lendemain, ils ressortirent dans les rues d’Erhedun, pour goûter à leurs derniers instants de liberté. Albérich devait mémoriser les textes de la cérémonie, et il y consacrerait une partie de l’après-midi, mais il avait toujours eu une excellente mémoire de ce genre de choses, et il savait que malgré toute l’émotion associée, il serait au point en deux heures. Ni lui, ni Hubert ne le mesuraient vraiment, mais Albérich serait bientôt prisonnier de sa charge, sans plus la latitude de musarder. C’était une étrange conclusion à leurs errances, prématurée, abrupte et difficile à appréhender. Aussi le prêtre et le paladin se promenèrent-ils en ville, côte à côte, la sillonnant du Temple de Tymora à celui de Mystra, et des portes sud aux portes nord, à pied ou dans une barque de passage. Albérich prit du plaisir à montrer les lieux à Hubert, et ce dernier, bon joueur, l’écouta sans se plaindre, posant même de temps en temps une question. Parfois, un homme ou une femme en aube les saluait et Albérich reconnaissait quelqu’un d’autrefois, avec qui il échangeait quelques mots avant de reprendre sa route.
Ils terminèrent leur promenade à la terrasse d’une auberge qui surplombait la Sereine, le Poulpe Médusé, pour un repas léger sous le soleil. Ils optèrent pour un vin blanc de Fondor, du poisson (bien sûr) et Albérich contempla, silencieux un moment, la rivière et, au-delà, les canaux qui s’enfonçaient dans le quartier ouest.
« Je peux te poser une question… demanda Hubert, alors qu’ils terminaient.
— Bien sûr.
— C’est bête, mais… est-ce qu’on dit Erhedun ou Eredhun ? J’ai l’impression que ce n’est pas clair… Les gens d’ici disent Erhedun… la plupart, du moins… Mais toi, tu dis volontiers Eredhun… La différence est subtile, mais quand même…
— Ah… Oui, effectivement. En fait, c’est discuté… et polémique. Les Luméniens disent souvent Eredhun… C’est surtout une question d’accent. Les natifs disent Erhedun. Comme les Luméniens, par la force des choses, sont très nombreux, même ici, la prononciation Eredhun est fréquente, même si erronée… Si tu écoutes bien, certaines personnes disent Heredun, et d’autres Eredun. C’est chaque fois lié à l’origine.
— Je ne vois pas en quoi c’est polémique. Si c’est Erhedun, c’est Erhedun. Les Luméniens devraient faire un effort.
— C’est parce qu’en fonction de la manière dont tu le prononces, et l’écris, le nom pourrait revêtir des significations distinctes. Autrefois, la région à l’est d’Eredhun faisait partie de la Lorien et il est probable qu’Eredhun en elle-même ait été érigée sur une ancienne cité elfique… Le nom pourrait être elfique, donc. Ou alors dater d’avant… du peuple antérieur.
— Ah… Je pensais que les elfes étaient natifs.
— Les elfes ne sont pas plus natifs que les humains, quoi qu’ils en disent. Ils sont arrivés avant nous, bien avant nous, mais ce n’est pas le peuple premier.
— Et ça veut dire quoi, alors ?
— Je dois avouer que je n’en sais rien. Je prononce Eredhun parce que je trouve que ça sonne mieux. »
Hubert éclata de rire.
« Tu vas devoir faire un effort, maintenant que tu vis ici.
— Mon accent luménien s’est déjà atténué. Je finirai par prendre celui d’Eredhun.
— Erhedun, Albérich.
— Erhedun. Pardon. »