[Ambre] Le Lac Saimaa

[Vel Cheran]

L'Atout était froid au toucher. Le paysage féerique du lac Saimaa commença à s'animer et un léger craquement de glace se fit entendre. L'image se brouilla un instant, avant de révéler un paysage à couper le souffle - si toutefois Luonto n'y était pas déjà habituée. Le lac Saimaa était divisé en une multitude de bassins, séparés par des îles plus ou moins grandes et reliés par d'étroits canaux, ce qui lui donnait un aspect unique en son genre. L'hiver s'y était manifestement installé, car la surface était recouverte d'une couche de glace et les conifères parsemant l'île représentée par l'Atout étaient entièrement enneigés.

Arantol émit un léger sifflement d'approbation.

Eh bien, voilà une solution bien préférable à un périple dans une rivière souterraine en furie...

Luonto fit un pas en avant, et sa grotte disparut, ses dangers météorologiques avec elle. Elle se tenait sur un petit ponton en bois, partiellement pris dans la glace, au bord d'un îlot sauvage, loin de la civilisation. Le silence, seulement entrecoupé par le léger chant d'un mésangeai imitateur, avait remplacé la violence de l'orage. Pas de doute, Luonto et ses deux passagers étaient à l'endroit voulu.



HRP : et pour ceux qui se demanderaient à quoi ressemblent le chant d'un mésangeai imitateur, cliquez ici.

[Féérune]

Luonto se sentit légère, comme si un poids immense venait de la quitter. Se peut-il que ma grotte m’angoisse désormais*? Sur son épaule, Missou lança des cris de joie éperdue.

- Hé*! Mon oreille*!
- Ah mais je suis si content*!
- Oui, je comprends, mais mon oreille l’est moins*! Calme-toi.
- Regarde*! Une famille de phoques*!

La princesse regarda dans la direction indiquée par l’oiseau et vit les phoques tachetés typiques du lac Saimaa. Au loin, un joli bateau de tourisme semblait venir vers eux.

- Des touristes qui viennent admirer les phoques, sans doute…

[HRP : XXIème siècle, donc]

[Vel Cheran]

Le bateau à vapeur s'arrêta cependant à distance respectable : la partie gelée du lac l'empêchait en effet de s'approcher davantage. Arantol bondit à terre et partit se rouler dans la neige.

Il y avait longtemps que je n'avais plus connu ça. Merci pour le transport, et à la prochaine !

L'écureuil s'éloigna en quelques bonds, grimpa dans un conifère et s'élança dans les airs, déployant ses membres pour planer entre les arbres. En quelques vols planés, il se déroba à la vue de Luonto et Missou.

[Féérune]

Missou, furieux de tant de désinvolture, vola dans les airs et finit par repérer l’écureuil.

- Hé*! Tu pars comme ça, sans dire pourquoi tu étais venu*? C’est… Très incorrect*!
- Missou a un peu raison… Pourquoi pars-tu si vite*?

Luonto chuchota cette phrase pour elle-même. Allons*! Il faut s’occuper de nous… Il fait froid, si le soleil se couche tôt, il faudrait que nous ayons trouvé un abri avant.

Elle n’entreprit pas de contourner le lac. Luonto savait d’expérience qu’il n’était pas possible de contourner le lac Saimaa sans une carte détaillée, le lac ayant pour particularité de se perdre en mille détours, formant ça et là des étangs isolés par des îlots boisés. Elle tenta de repérer les lieux*: peut-être était-elle sur un des bords du lac, peut-être sur un des îlots*: neige et glace rendaient le paysage confus. Mon seul espoir est que je sois sur une île assez grande pour que son propriétaire y ait installé sa cabane de pêche et son sauna.

Luonto tourna le dos au lac et pénétra sous le couvert des arbres, marchant péniblement dans la neige.

[Vel Cheran]

Alors que Luonto et Missou s'enfonçaient dans le bois, les branches d'un conifère s'agitèrent, faisant tomber une importante quantité de neige, et Arantol en surgit, les pattes chargées de cônes de pin.

On m'a appelé ? Désolé, j'étais occupé à préparer le repas. Enfin, je ne sais pas trop si on mange la même chose, mais je suis prêt à partager.

Il posa son butin au sol et entrepris de grignoter un cône.

Je pensais vous laisser seuls, maintenant que vous avez échappé à l'orage, mais si vous le souhaitez, je peux rester dans les parages.

Pour l'instant, le bois de conifères était suffisamment dense pour empêcher Luonto de voir très loin ; aucune cabane n'était à proximité, en tous cas.



HRP : Luonto a oublié où se situe le paysage qu'elle a dessiné sur son Atout ? Si elle ne l'a pas utilisé depuis longtemps, ça ne me paraît pas impensable, cela dit.

[Féérune]

Luonto sourit. Enfin, le bonheur n’est-il pas d’être entouré d’animaux aimants dans une nature magnifique*? Elle se sentit soudain le coeur léger, comme si le froid ne l’angoissait pas, comme si la difficulté à reconnaître les lieux sous le manteau blanc de la neige et du givre ne la tourmentait pas.

Elle resta un instant immobile, comprenant soudain la raison de sa confiance. Elle regarda Aratol, ses jolies pattes soyeuses pleines de cônes de pin, se pencha vers lui et le toucha délicatement du bout de l'index.

- Aratol, tu es un amour. Mon régime n’inclut pas les cônes de pins crus, mais ce sera certainement délicieux*! Missou*! Sois gentil*!

Le petit oiseau, revenu dans la chevelure de sa maîtresse, venait de lui tirer un cheveu.

- C’est si bon que ça, les cônes*? Ce n’est pas comme les pignons… La chance que nous avons, c’est que ce n’est pas l’hiver.
- Non. Le printemps arrive, même s’il fait encore froid. La fonte des glaces n’est pas loin, nous devrons être prudents*; la glace au bord du lac s’amincit vite.

Beaucoup plus vite qu’autrefois… Qu’a donc cette Ombre, pour que la nature y semble changer si rapidement*? La princesse songeait aux hivers interminables qu’elle avait connus il y a trois décennies.

[Vel Cheran]

Une légère brise animait les branches des conifères. Au loin, on entendait un bruit régulier, peut-être le choc d'une hache contre un tronc, ou bien un pic-vert ? Cette seconde hypothèse était néanmoins peu probable sous ces latitudes.

Cette Ombre m'a l'air fort agréable. A-t-elle un nom à votre connaissance ? s'enquit Arantol en terminant son cône d'un coup d'incisives frénétique.




HRP : désolé d'avoir tant tardé pour te répondre.

[Féérune]

- C’est le lac Saimaa, en Finlande… Un pays de forêts et d’eau, de marais aussi… Mais les humains ont beaucoup construit… Parfois assez vilainement. Le lac est immense, part dans des recoins inattendus, découpe la terre et s’est doté d’une foultitude d’îles grandes et petites. La terre ici s’élève, depuis des temps reculés, et a isolé quelques familles de phoques qui ont évolué en une espèce distincte de l’espèce d’origine.

Tout en parlant, Luonto avançait lentement vers le bruit qu’elle entendait dans le lointain.

- Je crois qu’il y a quelqu’un, là-bas… Quelqu’un qui doit travailler le bois. C’est l’époque où l'on commence à vérifier ce que l’hiver a abîmé. Peut-être un homme qui retape son sauna, bien que ce soit un peu tôt…

Missou sortit son petit visage d’oiseau des cheveux de sa maîtresse.

- Une ombre humaine, là, je crois*!
- Avançons.

[Vel Cheran]

La petite troupe s'avança à travers les bois et la neige. Luonto n'était pas équipée pour un tel environnement, et ses pieds et le bas de sa robe furent rapidement trempés. Arantol la suivait en s'efforçant de ne pas laisser tomber son butin, faisant régulièrement de petites pauses pour en grignoter un bout.

Chemin faisant, ils se rapprochèrent des bruits entendus plus tôt, et purent constater que la supposition de la princesse d'Ambre était correcte : un individu aux cheveux et à la barbe aussi blonds que hirsutes abattait sa hache sur un tronc. Derrière lui, un chalet ainsi qu'une petite cabane - sans doute un sauna - se dressaient face au lac partiellement gelé.

[Féérune]

Luonto leva les bras et les agita au-dessus de sa tête, avec précaution pour ne pas bousculer les petits animaux.

- Ohé*! Ohé*!

Le fracas de la hache contre le bois couvrait les sons. La princesse d’Ambre se rapprocha et renouvela son appel. Missou l’aida d’un cri puissant et prolongé.

- POUITIPOUITIPOUITIPOUITIPOUITI...
- Bon, il a dû entendre. Missou, c’est bon*!

Mais le petit oiseau continua à crier, curieux d’entendre son cri aigu comme adouci par la neige des arbres*: ça ne résonne pas comme d’habitude, pensait-il.

Cependant un effet encore plus curieux se produisit*: un amas de neige tomba de l’arbre sous lequel ils passaient, suivi d’un autre… Luonto fut à demi transformée en bonne femme de neige. Un éclair furieux traversa son regard, de quoi impressionner l’homme qui relevait sa hache - du moins l’espérait-elle.

[Vel Cheran]

Le bûcheron leva la tête de son travail et agita une main en signe d'excuse.

Hei, désolé pour la neige, je ne vous avais pas vue arriver ! lança-t-il en finnois.

Remarquant l'habillement de Luonto, il haussa un sourcil et poursuivit en anglais.

Vous n'avez pas froid avec cette tenue ? Vous êtes descendue d'un bateau de tourisme ?




HRP : je suppose que Luonto parle finnois ?

[Féérune]

HRP*: évidemment que Luonto parle finnois*! Onko uskomaton kysymys*! [quelle question incroyable!]

Luonto considéra l’homme un instant avant de continuer en finnois*:

- Nous sommes arrivés ici… Par hasard, mes animaux et moi-même… Je ne saurais à dire vrai pas comment vous expliquer… Bateau de tourisme, sans doute… J’espère que le manque d’explications précises ne vous trouble pas…

Histoire de ponctuer utilement les dires de la princesse, Missou jugea fort à propos de se lancer dans un gazouillage poli mais joyeux. Luonto y distingua une avalanche d’amabilités aviaires*:
«*cher monsieur, nous sommes ravis de vous trouver il fait un peu frais pour la saison n’est ce pas mais bon ce n’est que le début du printemps trouve t-on déjà quelques fleurs mais non quelle idée il est beaucoup trop tôt je crois que la récolte de fraises sera bonne cet été c’est toujours ce qu’on dit quand la froidure se maintient au début du printemps et c’est pareil pour les framboises arctiques je pense qu’en pensez-vous et un abri pour ma maîtresse ce petit écureuil ma foi bien aimable et pour moi à manger vous auriez ça à manger…*»

- Oui, Missou, on a compris*! Excusez mon charmant petit oiseau, il aime bavarder. Et vous demande un abri, si possible… Autre chose, sauriez-vous s’il est possible de joindre Jyväskylä ou une autre ville, d’ici*?

[Vel Cheran]

Le Finlandais haussa son second sourcil lorsque Luonto sous-entendit qu'elle comprenait le gazouillis de Missou, mais il préféra hausser les épaules en supposant qu'il avait mal entendu.

Si vous cherchez un abri, j'ai un peu de place chez moi, ça pourrait vous dépanner, reprit-il en finnois après avoir constaté que Luonto parlait cette langue aussi bien que lui.

Il désigna le chalet d'un mouvement de tête.

J'ai un canapé-lit si vous souhaitez passer la nuit ici. J'ai l'habitude de loger des randonneurs, même si c'est plus fréquent l'été. Par contre, je ne sais pas trop où loger votre petit oiseau...

Il se frotta la barbe avant de poursuivre.

Quant à votre dernière question, Jyväskylä n'est pas la porte à côté, mais vous devriez pouvoir trouver un bus pour y aller depuis Lappeenranta. Et pour rejoindre Lappeenranta d'ici, le mieux est encore d'aller jusqu'à Vehkataipale en bateau. Je peux vous y emmener, si vous voulez. Et là-bas, vous pourrez trouver des navettes jusqu'à Lappeenranta. Ou bien je vous emmène en voiture, il faut que j'aille y faire un tour pour acheter quelques courses.

[Féérune]

Luonto faillit laisser échapper un soupir de soulagement. C’était davantage qu’elle avait espéré, l’homme était très correct. Gentil, même.

- Le soir tombe… Je vais accepter votre aimable invitation. Lappeenranta, ce sera parfait.

Elle faillit même sourire, tenta de retenir les coins de sa bouche qui remontaient en une courbe polie. Le résultat fut une curieuse petite moue, qui ne manqua pas d’intriguer Missou. L’oiseau se glissa le long de sa joue et pinça doucement sa lèvre inférieure.

- Hé*! Missou*!

Son sourire parut enfin. La princesse, qui jugeait que le sourire et les amabilités étaient les armes des faibles, dut condescendre à penser qu’il fallait parfois savoir en user. Elle reprit, à l’adresse du Finlandais*:

- Pour loger mes animaux, ne vous en faites pas. Ils dormiront près de moi. En tous cas Missou, qui a l’habitude de se blottir dans mes cheveux.

Ai-je au moins un peu d’argent sur moi*? Sinon, j’ai mes talents de chamane…

- Voulez-vous un dédommagement*? Je n’ai guère d’argent sur moi, mais sachez que j’ai le savoir ancien des guérisseurs, si cela peut vous être utile.

[Vel Cheran]

Décidément, il était tombé sur une originale : le "savoir ancien des guérisseurs" ? Quoique, en y réfléchissant, le Finlandais se souvint d'un couple d'auto-stoppeurs "new age" qui lui avaient parlé de ce genre de pratiques, quelques années auparavant. Après tout, peut-être était-ce lui qui était un peu trop coupé du monde pour être au courant des nouvelles modes. Il haussa les épaules.

J'ai une philosophie de vie qui est simple : aider les autres, et être aidé à mon tour quand j'en aurai besoin. Je me dis que répandre un peu de bonté autour de moi ne peut que pousser les autres à faire de même à l'occasion. Alors, pas besoin de paiements, je ne tiens pas les comptes ou quoi que ce soit. Si on se croise un jour à l'avenir et que j'aurai besoin d'un coup de main, je suppose que la petite graine d'altruisme que j'aurai instillée en vous vous poussera à m'aider sans arrière-pensée !

Il tendit la main vers Luonto, fronça les sourcils en s'apercevant que sa main était encore moite de ses travaux de bûcheronnage, se l'essuya méticuleusement contre son pantalon avant de la tendre de nouveau.

Je m'appelle Juuso, bienvenue chez moi !

[Féérune]

La princesse retint un soupir. Un de ces naïfs qui veut à toute force ignorer à quel point le monde est cruel… Faut-il le laisser dans son ignorance*? Certainement, si cela fait son bonheur… Mais quelle idée de donner sa petite leçon de philosophie de comptoir… Enfin*! Elle attendit que l’homme ait fini de s’essuyer et tendit sa main délicate.

- Enchantée, Juuso. Un bien beau nom, si je puis me permettre. Mon nom est Luonto. Un nom très finnois, vous en conviendrez*! Je vous aiderai si vous le souhaitez, bien sûr. Voici mon oiseau Missou, qui vit avec moi, et Arantol, un charmant écureuil qui nous a suivis jusqu’ici.

L’idée de passer un jour ou deux avec l’homme l’inquiétait quelque peu. Il est à mille lieues d’un prince d’Ambre… Bah, on s’y fera. J’espère juste qu’il ne demandera pas que je lui coupe du bois ou l’aide à rénover son sauna…

Missou, qui semblait suivre par télépathie le fil des pensées de sa maîtresse, ne put s’empêcher de s’exclamer*:

- Oui*! Tu vas bricoler*! Oh ce sera d’un drôle*!

Son gazouillis léger agaça quelque peu Luonto, qui fronça les sourcils.

[HRP : luonto = la nature]

[Vel Cheran]

Juuso sourit devant le compliment, avant de balayer d'un geste de la main l'éventualité que Luonto participe à ses travaux.

Ne vous inquiétez pas, j'avais fini de travailler pour aujourd'hui de toute façon. Je vais aller m'occuper du dîner.

Sans attendre de réponse, il pris les bûches précédemment coupées, les rangea dans une réserve et pénétra dans sa maison.

Vous aimez le kalakukko, j'espère ? lança-t-il depuis l'intérieur.

[Féérune]

- J’aime beaucoup le kalakukko*! Et cela fait si longtemps que je n’en ai mangé… Ce sera un grand plaisir, vraiment.

Intérieurement Luonto espéra que le plat ne serait pas trop chargé en graisse de porc, bien que la saison fut idéale pour un plat si roboratif.

Elle le suivit à l’intérieur de la maison et s’arrêta dans l’entrée pour retirer ses chaussures. La maison lambrissée semblait bien tenue et une bonne odeur flottait dans l’air.

- Où est Arantol*?
- Sûrement pas loin… Dis, j’aime bien le kalakukko, tu n’oublieras pas de m’en donner. Je mange de tout, moi*!

Missou mordilla l’oreille de sa maîtresse, avec une affection un peu trop marquée.

- Aïe*! Doucement*! Tu ne feras pas ça à Juuso, promets-moi*!
- Ah mais c’est que vous autres humains êtes si sensibles*! On n’y croit pas, de grandes bêtes comme vous*!

Le rire cristallin de l’oiseau retentit.

[Vel Cheran]

Alors, c'est parfait ! répondit Juuso depuis la cuisine.

L'intérieur n'était pas gigantesque mais minutieusement aménagé afin d'optimiser l'espace disponible. Un coin salon avec canapé et fauteuils, table basse et bibliothèque, un coin salle à manger avec une grande table en bois massif devant une cuisine ouverte d'où s'échappaient des odeurs de cuisson. Son hôte s'accouda brièvement au comptoir qui faisait office de séparation.

J'espère que ça n'a pas l'air trop rustique, j'ai bricolé la plupart des meubles moi-mêmes avec du bois local. Installez-vous, n'hésitez pas.

[Féérune]

La soirée fut plutôt agréable, à la surprise de la princesse qui pensait s’ennuyer ferme face à un homme rustique. En fait, l’homme n’était pas que bon cuisinier et généreux, mais avait des connaissances dans de nombreux domaines.

Elle dormit bien, Missou lui-même se montra calme quasiment toute la nuit. Il ne se réveilla qu’une fois, justement parce que sa chère maîtresse s’était elle-même réveillée. Un bref cri, adouci mais interrogatif, manifesta son réveil. Luonto lui chuchota un mot tendre et il se rendormit, tranquillisé.

Au matin, après un solide petit déjeuner, ils se préparèrent pour le voyage vers Lappeenranta. La princesse d’Ambre interrogea Arantol, inquiète de son sort*:

- Cher petit Arantol, que veux-tu faire*? Nous allons en ville, un endroit peu fait pour les écureuils… Mais j’aimerais ne pas te laisser ici, les hivers sont bien froids, près du lac Saimaa…

[Vel Cheran]

Ne vous inquiétez pas pour moi, Votre Altesse, je sais me débrouiller ! répondit Arantol en grimpant sur le dossier d'un fauteuil pour se rapprocher de Luonto. Je vous accompagnerai un moment, ensuite nous verrons, selon le déroulé des événements.

Un bruit de moteur interrompit leur conversation : Juuso avait démarré son bateau et attendait ses passagers. Une fois que tout le monde eût pris place dans la petite embarcation, le Finlandais manœuvra pour s'éloigner du ponton et prendre la direction de Vehkataipale, à travers les étendues d'eau du lac Saimaa. Certaines parties du lac étaient encore gelées, mais Juuso connaissait son affaire et les évita sans s'inquiéter, laissant tout loisir à ses passagers de contempler le paysage.



HRP : il ne se passera rien pendant la traversée en bateau donc tu peux résumer jusqu'à l'accostage si tu le souhaites, sinon je m'en chargerai.

[Féérune]

Vraiment la Finlande est un rêve sur la Terre, pensait Luonto. Où peut-on voir d’aussi beaux paysages*? Missou lui becqueta l’oreille.

- Que veux-tu, mon cher petit ami*?
- Que tu arrêtes de traîner Arantol partout*! Et moi*! Et moi, je ne compte plus pour toi*? Tu ne m’aimes pas assez, je l’ai toujours pensé*!

Allons bon, pensa la princesse, Missou nous refait une crise de jalousie. C’était probablement son unique défaut, mais il l’avait dans les grandes largeurs. Comment lui faire comprendre qu’il n’est pas seul au monde, mais le seul chéri à ce point dans mon coeur*? C’est peine perdue*! Luonto se contenta donc de le prendre au creux de sa main pour le bercer et l’embrasser. Le petit oiseau se détendit et parut s’endormir, un sourire au coin de son bec.

Le bateau tangua légèrement et Juuso dut prendre sa gaffe pour pousser un bloc de glace qui s’aventurait près du bateau. Luonto faillit proposer son aide, mais l’homme avait une telle habitude qu’il réussit du premier coup. Elle se rassit sur le banc du bateau, caressant doucement du pouce Missou endormi dans sa main et s’adressa à l’écureuil*:

- Arantol, comment sais-tu ce que je suis*?

[Vel Cheran]

Le petit écureuil lissa son pelage avant de répondre. Il avait l'air un peu mal à l'aise, si tant est que l'on puisse déceler une telle attitude chez un rongeur.

Eh bien... Vous n'êtes pas une inconnue. Tout le monde connaît la famille royale d'Ambre. Dans beaucoup d'Ombres. Chez moi aussi.

Son explication semblait un peu bricolée à la hâte. Cependant, Luonto n'eut pas le temps de le questionner plus avant.

On arrive, annonça Juuso en ralentissant le moteur.

En effet, le rivage était en vue depuis un certain temps déjà, et ils se rapprochaient d'un ponton jouxtant une petite ville. Juuso arrêta l'embarcation le plus près possible de la structure en bois, sauta dessus avec souplesse - il était évident que ce n'était pas la première fois - et attacha solidement son bateau à l'aide d'un cordage.

Besoin d'aide pour descendre ?

[Féérune]

Luonto faillit sourire, puis se ravisa et descendit du bateau d’un pas assuré. Comme si une princesse d’Ambre avait besoin d’aide d’un simple humain*! Se rappelant à temps qu’elle s’était promis de montrer une certaine amabilité, elle finit par sourire et remercia Juuso. Puis elle posa délicatement l’écureuil à terre, l’ayant pris dans la main au moment de l’accostage.

Missou, quant à lui, voleta jusqu’à Arantol.

- C’est ma maîtresse, hein*! Et comment connais-tu Ambre*? Et d’où viens-tu*? Je veux savoir, je dois protéger ma princesse autant que je l’aime*!

Le petit oiseau gazouillait vivement en sautillant face à Arantol. Juuso doit me penser fou, mais tant pis, même s’il est vraiment charmant avec ma Luonto…

La princesse décida de ne pas intervenir entre les deux animaux. Tant que Missou reste à peu près calme… Elle se tourna vers l’aimable Finlandais.

- Juuso, je vous remercie pour votre aide précieuse… Indispensable, je n’aurais peut-être pas bien résisté au froid, perdue sur l’îlot… Voulez-vous que je vous aide, pour vos courses*?

Trop tard, c’était dit. Elle se mordit les lèvres, puis sourit franchement. Après tout, je n’ai pas grand-chose à faire actuellement… La vie à la finlandaise, c’est bien agréable… Et sans chichis…

A terre, Missou continuait à insister pour avoir le fin mot de l’arrivée d’Arantol parmi eux.

[Vel Cheran]

C'est bien aimable à vous, répondit Juuso, mais je ne vais pas vous infliger ça, ce n'est pas une activité très passionnante que d'aller acheter une boîte de clous ou de la tuyauterie en cuivre. Si vous voulez que je vous dépose à Lappeenranta, ma voiture est par là, sinon vous pourrez trouver des navettes à la sortie du patelin.

Tout en parlant, le Finlandais avait débarqué une caisse en bois, manifestement vide vue la facilité avec laquelle il l'avait soulevée, avant de se diriger vers un parking non loin. Il n'avait manifestement prêté aucune attention au babillage de Missou, ne comprenant vraisemblablement pas le thari.

J'ai été... en contact avec des Ambriens. Pour me confier diverses missions. Je suis petit, furtif, je peux porter des messages et surveiller des gens sans me faire repérer, répondit Arantol à l'oiseau, en prenant de l'assurance au fur et à mesure de son explication. Quant à d'où je viens, cela fait si longtemps... Honnêtement, je n'ai jamais su le nom que portait cet endroit, mais c'était une grande forêt remplie de hêtres, d'érables et de peupliers. Très agréable, mais je m'y sentirais vite à l'étroit maintenant que je connais l'immensité des Ombres.

[Féérune]

Luonto se pencha pour récupérer Missou, qui semblait sautiller de fureur assez peu contenue.

- Mais moi aussi je porte des messages moi aussi je sais surveiller je sais faire tout ça et c’est ma princesse chérie à moi c’est moi à qui elle doit confier ses missions et moi je l’aime depuis si longtemps c’est ma princesse chérie à moi rien qu’à moi…

- Viens ici et arrête de râler. Hop*!

Missou, surpris, cessa de crier. Un léger baiser sur sa jolie tête le calma.

- Cher Arantol, si tu veux continuer un peu avec nous*?

Elle tendit son autre main à l’écureuil. Missou, de nouveau contrarié, pinça légèrement sa maîtresse. Luonto haussa imperceptiblement les épaules et fouilla son sac. Deux billets de cent euros, pas de monnaie… Le conducteur du bus risque de refuser un billet de cette valeur… Et la carte de crédit, je ne sais pas s’il la prendrait…

- Aïe*! Eh bien Juuso, je vais accepter votre aide une nouvelle fois… Si cela ne vous embête pas*! Et je peux vous proposer de vous offrir le repas de midi, une fois à Lappeenranta. Le Lalo, dans Valtakatu, est très bien. On y sert de délicieuses brochettes grillées*! A moins que vous n’ayez un restaurant favori, bien sûr.

[Vel Cheran]

Arantol profita de l'intervention de Luonto pour grimper sur sa main et ainsi interrompre ses explications.

"Affaire conclue !" répondit Juuso avec sa bonhomie habituelle.

Il s'approchèrent du parking, plutôt rempli pour une ville de cette taille. Deux cars de tourisme semblaient indiquer que des croisières sur le lac partaient d'ici. Une petite office du tourisme ainsi qu'une poignée de boutiques de souvenirs jouxtaient la route qui s'éloignait du rivage. Le coin était très calme, et rien ne semblait indiquer que ce fait fût spécialement extraordinaire ici : il semblait qu'en-dehors des quelques touristes, l'activité y tournait au ralenti. Un groupe de trois personnes vêtues de manteaux discutait près d'un 4x4 dont le moteur tournait encore.

En arrivant sur le parking, Juuso haussa un sourcil et s'arrêta un instant, avant de se tourner vers Luonto.

"Je vais déposer ça", dit-il en désignant sa caisse du menton, "attendez-moi là."

Et, avant qu'elle n'ait eu le temps de réagir, il s'était éloigné à grandes enjambées, la laissant sur place.

Un curieux pressentiment se fit jour chez Missou.

[Féérune]

L’oiseau, perché sur l’épaule de sa maîtresse, s’agita brusquement.

- Il faut partir*! Il faut courir*! Par là*! Si si, je vous assure, il y a un danger… Les types, là, ils ne sont pas clairs*!

Le regard de Luonto se porta sur trois corneilles perchées sur un muret, qui devisaient âprement.

- Ah… Missou, tranquillise-toi… Je suis plus inquiète du départ soudain de Juuso*!

Arantol frémit doucement et le petit oiseau fixa soudain un autre groupe de trois*: les trois humains près de l’auto ronronnante. Pourquoi ils discutent, ceux-là*? Luonto, intriguée, tendit l’oreille. Ils parlent un curieux finnois, ces gens… Est-ce du finnois, d’ailleurs*? Pas sûr…
Elle s’approcha lentement l’air de rien, tentant de reconnaître la langue parlée.


[HRP : j'espère que tu ne m'en veux pas d'avoir fait (tout petitement) agir Arantol]

[Vel Cheran]

HRP : pas de souci pour Arantol. Je vais le faire agir plus franchement, d'ailleurs.


Soudain, l'écureuil leva la tête, oreilles dressées, comme pour écouter quelque chose. Puis il lança à l'adresse de Missou et Luonto :

Missou a raison, planquez-vous ! Je reviens !

Sans attendre, il bondit de la main de Luonto et se précipita aussi vite que possible entre les voitures, en direction de la ville.

Comme pressenti par Missou, les trois individus à l'air louche se tournèrent vers Luonto et s'approchèrent. Dans leur main était apparu un revolver. Luonto réalisa alors, mais un peu tard, que le curieux finnois qu'ils utilisaient pour discuter entre eux était en fait du thari, langue d'Ambre et du Chaos.

[Féérune]

Luonto estima ses chances d’un coup d’oeil rapide. Pas le temps de jeter ma dague sur l’un d’entre eux, un autre me tirerait dessus… Les cars de tourisme… Si je m’enfuis derrière l’un d’eux, ils me prendront en tenaille, un de chaque côté… Je n’ai pas le temps pour tenter un Atout…

Missou, de son côté, réfléchit rapidement*: Si j’énerve ces affreux types à la voix atroce, ils me fonceront dessus… Et s’ils me foncent dessus, je pourrais m’envoler vers ces humains qui menacent ma princesse et les sales types leur fonceront dessus à ma suite*! Les corneilles, c’est grand, suffisamment pour bousculer un humain en tous cas*! On y va*!
Il se dressa et lança d’une voix stridente quelques injures bien senties à l’intention des corneilles, qui suivaient la scène des humains avec un intérêt non feint.

Luonto décida de s'enfuir vers la ville si les "types" qui inquiétaient tant Missou réagissaient comme prévu. Le tout pour le tout ! en courant en zigzag, je limiterai les risques d'être atteinte par une balle... Sans compter qu'ils n'oseront peut-être pas tirer, il y a tout de même un peu de monde, dans la boutique par exemple...