[Ambre] Intervention - code 7 - 14/289.16

[Galathée]

Harold hocha la tête, pensif. Est-ce que Ranoss pouvait être Ragnos ? Un reflet dans une ombre voisine ? Après tout, il était probable que les cataclysmes qui affectaient ce monde étaient présents, à des degrés divers, dans tous les mondes voisins, en cascade, jusqu'à s'estomper complètement. Mais jusqu'ici les ouragans, glissements de terrain, inondations et éruptions volcaniques lui avaient paru relativement "normaux", pas de nature à ouvrir des passages entre les ombres.
Il divaguait. Peut-être une sorte de mal du pays. Ce n'était pas son genre, pourtant ; il n'était pas sentimental.
" Est-ce que tu es sûre que c'est Ranoss ? Pas Ragnos ?"

[Vel Cheran]

J'sais pas, j'ai toujours dit Ranoss, répondit la fillette en haussant les épaules. Mais c'est pareil, non ?

Nora s'approcha du duo.

On est prêts à décoller, chef, il ne manque plus que vous deux. Edgar m'a dit qu'on allait peut-être faire un détour avant de rentrer, on va dans quel coin ?

[Galathée]

" Je ne sais pas, dit-il. On n'a pas la place de prendre les adultes, de toute façon..."
Il pinça les lèvres, fit quelques pas.
" Quelle est notre autonomie ? Niveau bouffe, niveau carburant ? Est-ce qu'on a le temps et les moyens de faire une escale qui pourrait durer ?"

[Vel Cheran]

On n'a pas de quoi tenir un siège. S'il n'y avait que nous, en se rationnant un peu, on pourrait tenir sans doute une semaine, mais avec tous ces gosses affamés, on ne tiendrait pas plus d'une journée. Pour le carburant, je vais demander à Flavian, ajouta-t-elle avant de remonter dans l'hélicoptère pour s'entretenir avec le pilote.

Elle revint rapidement vers Harold.

Niveau carburant, "ça va", d'après Flavian. Tu le connais, chez lui, "ça va" signifie qu'on peut faire un assez gros détour en économisant pas mal et tomber en panne d'essence juste après avoir atterri à la base. De toute façon, si tu veux mon avis, il vaut mieux faire un aller-retour pour déposer les gosses à la base, quitte à laisser deux-trois personnes sur place - où que soit ce "sur place" - et retourner les chercher plus tard. Les gamins ont besoin de soins médicaux, pas besoin de s'appeler Sam pour s'en rendre compte.

[Galathée]

" Oui, alors faisons ce détour..."
Harold haussa les épaules.
" Ça ne coûte pas grand chose de nous déposer..."
Il hésitait en réalité à rester seul sur place. S'il y avait vraiment un glissement entre les ombres, il n'était pas certain qu'il soit opportun d'y exposer ses équipiers. C'était difficile d'imaginer l'effet que ce type de découverte pourrait avoir sur un esprit ordinaire et il n'avait pas envie qu'ils y laissent leur santé mentale. D'un autre côté, il était plus ou moins persuadé qu'il serait impossible de les convaincre... Peut-être juste garder Sam et Edgar, leur confier un semblant de base, et partir seul en exploration. Nora allait adorer.
Il n'ajouta cependant rien et rejoignit l'hélicoptère. Il serait temps d'en discuter quand ils arriveraient à auteur de Ragnos.

[Vel Cheran]

L'hélicoptère décolla et gagna un peu d'altitude, avant de mettre le cap sur les montagnes proches, en direction de Ragnos. Même si l'hélicoptère était prévu pour rapatrier des civils, la quinzaine d'enfants occupait bien l'espace disponible. Sam, Hécate et Gwyn s'étaient d'eux-mêmes désignés pour rester auprès d'eux, tandis que Nora était à l'avant, non loin d'Edgar - tous deux n'avaient jamais été très à l'aise avec les gosses.

Ce dernier étudiait les environs en silence, jetant de temps à autre un regard interrogatif à Harold. Manifestement, il attendait que celui-ci leur donne sa décision quant à la suite des événements, sans pour autant montrer de signe d'impatience - comme à son habitude. Nora, elle, tuait le temps en discutant avec Flavian.

On arrive dans cinq minutes, annonça le pilote à la cantonade.

[Galathée]

Harold s'approcha de l'un des hublots et jeta un oeil en dessous d'eux. Il se retourna ensuite, cherchant Anaïs du regard.
" Viens un peu, petite. Je voudrais que tu regardes dehors et que tu me dises si tu reconnais quelque chose."
Tandis qu'elle s'approchait, il haussa le ton.
" Flavian, on va se poser dans Ragnos. Essaie de trouver une zone encore stable, peut-être à hauteur de la place principale."

[Vel Cheran]

Ouah, on est vachement haut, non ? C'est difficile de reconnaître d'ici. On a suivi une route après avoir quitté nos parents.

Elle colla son nez au hublot, concentrée.

Je pense que ça peut être celle-là, parce qu'on est passés dans une rivière et elle aussi passe dans une rivière, dit-elle en montrant du doigt un large chemin de terre. Celui-ci débouchait sur un carrefour en T, dont l'un des embranchements partait vers Ragnos.

Euh, t'as eu des nouvelles récentes du bled où on va, Edgar ? demanda Flavian d'un ton dubitatif. Parce qu'à vue de nez, y a plus un bâtiment debout.

[Galathée]

Harold ne répondit pas, laissant Edgar annoncer les mauvaises nouvelles. A sa connaissance, effectivement, il n'y avait plus âme qui vive à Ragnos, et ce depuis un certain temps. Mais la gamine ne s'y était peut-être pas rendue récemment et il était possible que ce mystérieux village ait miraculeusement tenu le coup alors que le reste de la région s'effondrait autour de lui. Les gosses n'avaient pas paru particulièrement surpris d'être secourus, ils avaient fui une catastrophe, tout cela se tenait.
" Pose-toi où tu peux. Hors des décombres au besoin."

[Vel Cheran]

Il y a eu une série de séismes dans la région, effectivement. La plupart des principales villes n'ont pas tenu le coup, répondit Edgar.

Je me demande si on n'a pas des réfugiés de Ragnos chez nous, d'ailleurs, ce nom me dit quelque chose, ajouta Nora, pensive.

Flavian indiqua à Latone un endroit où se poser, et la pilote prit les commandes pour l'atterrissage. Ils étaient à l'extérieur de Ragnos, sur une zone herbeuse en bordure du chemin de terre repéré plus tôt. Les environs témoignaient d'un séisme plus ou moins récent : si les bâtiments de la ville et les grands arbres alentours étaient au sol, de la végétation avait commencé à pousser dans les fissures et les glissements de terrain.

Edgar descendit pour repérer les alentours, et Farid en profita pour le suivre. Regardant autour de lui, il pointa ce qui, vu d'ici, ressemblait à un plateau montagneux.

Nini, c'est chez nous, là-bas, hein ?

Haussant les sourcils, Anaïs le suivit et regarda dans la direction pointée du doigt par son ami.

Oui, on dirait, ça ressemblait à ça quand on est partis. Mais tu le sais mieux que moi parce que tu regardais tout le temps en arrière ! le taquina-t-elle, manifestement plus détendue à l'idée d'avoir un espoir de sauver leurs parents.

[Galathée]

Comment ce gosse avait-il fait pour se faufiler dehors sans autorisation ? Harold ravala une remarque. Il n'avait pas l'habitude que les gens sous sa responsabilité agissent n'importe comment. Il n'était pas sûr d'aimer ça.
" En route, alors." dit-il en s'effaçant pour les laisser remonter dans l'hélicoptère.
Il savait que Flavian ou Latone l'avertirait s'ils manquaient de carburant.
" Une fois là-bas, tout le monde reste à bord, dit-il à l'intention des enfants, y compris Anaïs et Farid qui semblaient du genre à prendre des libertés. Nous ne savons pas dans quel état est la zone, si l'air est respirable, si le sol est stable. Edgar et moi irons devant. C'est important que vous restiez..."
Parler avec des gamins, ce n'était vraiment pas son truc.
" ... tranquilles. Nous viendrons vous chercher au besoin."
Il croisa les doigts intérieurement pour qu'ils ne tombent pas sur un charnier.

[Vel Cheran]

L'hélicoptère redécolla et vola en direction du promontoire rocheux.

Ok, m'sieur, répondit Farid d'un air penaud.

De toute façon, on pourrait pas vous aider, on n'est pas assez forts pour enlever les cailloux, répondit Anaïs en haussant les épaules.

Nora se rapprocha de Harold pour lui parler. Assez près.

Tu veux que je vienne vérifier la solidité de la roche, histoire de ne pas prendre de risques ? lui demanda-t-elle à l'oreille, au lieu d'utiliser l'intercom.

[Galathée]

" Je ne sais pas. J'imaginais une reconnaissance rapide avant de rentrer. Nous pouvons revenir plus tard."
Il s'offrit quelques secondes de réflexion. Si Nora, Sam et Edgar venaient avec lui, cela ferait seulement quatre personnes pour accompagner les gosses au retour. S'ils restaient calmes, ce ne sera pas problématique, et Gwyn était de toute façon leur meilleur psy. Et quoi qu'il arrive, une fois de retour à la base, les services d'accueil des réfugiés prendraient le relais.
" Bon. Nora, Sam et Edgar, on débarque si c'est possible."

[Vel Cheran]

Edgar et Sam répondirent par l'affirmative, et Nora avec un clin d’œil.

L'hélicoptère, pendant ce temps, avait avalé les kilomètres le long du chemin reliant Ragnos au plateau rocheux indiqué par Farid, et il arriva bientôt en bas d'une pente. En haut de la côte, après un peu moins d'un kilomètre de montée, le chemin semblait se perdre dans la roche.

Je vais vous déposer là, annonça Flavian, je ne vois pas de terrain plat plus haut. On vous attend ou on fait un aller-retour pour déposer les gosses avant de vous rejoindre ?

[Galathée]

Harold regarda le point d'atterrissage proposé par Flavian au travers des vitres.
" C'est parfait. Ramenez les enfants à la cité et suivez la procédure habituelle de prise en charge. On reste en contact radio, c'est Nora qui fait la liaison. On va prendre de l'oxygène et des rations et de quoi monter le camp de base. On avise en fonction de ce qu'on trouve. Ne revenez pas avant d'avoir un premier contact : on aura peut-être besoin de matériel spécifique et d'un backup médical et transport."

[Vel Cheran]

Ça marche, faisons comme ça.

Alors que l'hélicoptère se posait, Gwyn rassura Harold sur leur capacité à gérer les enfants, la plupart étant simplement fatigués et donc peu agités ; Hécate lui fit un signe de tête affirmatif. Une fois posés, Flavian leva son pouce à l'attention de Harold, tandis que Latone lui lança un regard indéfinissable, ponctué d'un petit sourire.

Les quatre débarquèrent avec le matériel nécessaire, avant que l'hélicoptère ne reprenne de la hauteur puis la direction de la base. Chacun prit sa part de barda et se dirigea vers le chemin.

[Galathée]

Même si Edgar aimait jouer les gros bras (avec de bonnes raisons), Harold se débrouilla pour attraper les premières choses lourdes qui lui tombèrent sous la main. Vu les gabarits respectifs de Sam et de Nora, personne ne s'en offusquerait et il lui suffirait de ralentir le pas et de souffler régulièrement pour faire illusion. Il laissa Edgar prendre la tête et surveilla leurs arrières tandis qu'ils cheminaient sur les cailloux.
Il essaya de se remémorer leur carte des zones à risques, punaisée dans leur mess, à gauche de la machine à café, dans leur base. Ragnos n'était plus habitée depuis un moment, ce n'était pas une de leurs régions d'intervention privilégiées, mais il lui semblait que la situation y était relativement stable (à l'échelle des bouleversements en cours, c'est à dire quand même beaucoup trop dangereuse pour qu'on tente de s'y réimplanter). Il pouvait se tromper, cependant : la cartographie n'était pas sa spécialité et c'étaient surtout les pilotes qui aimaient planter des punaises multicolores sur les planisphères. Au fond de lui, il ne pouvait s'empêcher de penser que tout cela était inutile : ce monde était condamné et les contours de ses pays et de ses continents allaient se déliter petit à petit, jusqu'à ce qu'il n'en reste rien.

[Vel Cheran]

Ses équipiers ne firent aucun commentaire, soit qu'ils étaient habitués à voir Harold (sembler) se charger plus que de raison, soit qu'ils étaient bien contents de ne pas avoir à grimper la côte en étant surchargés. Ou peut-être n'y prêtèrent-ils tout simplement pas attention. Quoi qu'il en soit, chacun prit son barda et entama la marche.

Le soleil avait lentement entamé sa descente vers l'horizon, mais la chaleur se faisait encore ressentir, due à un effet de serre devenu depuis longtemps incontrôlable. Il n'y avait presque aucune ombre sur le sentier, aussi quelques pauses furent nécessaire pour l'équipe pourtant entraînée. La marche en elle-même n'était pas spécialement difficile pour eux : Edgar avait estimé que la pente était d'une trentaine de pourcents, ce que lui confirma son bloc de poignet. Après avoir grimpé les deux tiers du chemin, Nora réclama une petite pause. Elle semblait cependant moins fatiguée que Sam, qui souffrait un peu de la chaleur.

Ça tape dur, hein ? lança-t-elle après avoir bu une gorgée d'eau.

Oui, cette région souffre plus de la chaleur que par chez nous, répondit Sam d'un air préoccupé, tout en se désaltérant abondamment. Les enfants t'ont dit si les adultes avaient des provisions avec eux, Harold ? Et de l'eau, surtout...

[Galathée]

" Je n'ai pas posé la question, répondit Harold en regardant autour d'eux. J'imagine que s'ils ont survécu aussi longtemps dans le coin, c'est qu'il y a ce qu'il faut. Ou du moins, qu'il y avait le nécessaire jusqu'il y a peu."
Il refusa la gourde qu'on lui tendait. Ils avaient emmené de quoi tenir un certain temps, mais dans ce domaine, jouer la comédie était stupide. Une seconde, il songea à sa enfance, à l'omniprésence de l'eau, partout autour de lui, tout le temps. Jamais, à l'époque, il n'aurait pu imaginer qu'un jour, il se retrouverait à marcher en plein soleil, sur une terre brûlée et mourante. L'eau ne lui manquait pas, cependant. Il en avait vu assez pour un siècle, au moins, et il en était encore loin.
" On avisera, je suppose."

[Vel Cheran]

S'ils s'étaient équipés pour quitter définitivement leur village, il y a fort à parier qu'ils ont emmené de quoi manger et boire, réfléchit Sam à voix haute. Sinon, je crains qu'on ne trouve pas grand-monde à sauver... Enfin, nous verrons bien, comme tu dis.

Edgar acquiesça en silence. Comme à son habitude, il s'était ravitaillé de manière méthodique : une gorgée d'eau, une bouchée de ration énergétique. On aurait parfois dit une machine : jamais une plainte, jamais un faux-pas, jamais une absence de logique. Si Harold était le fondateur et la clef de voûte du commando, on aurait pu dire qu'Edgar en était le pilier - si on voulait continuer dans les analogies du bâtiment.

Après avoir jeté un œil au reste de la troupe pour s'assurer que tout le monde s'était reposé, il fit un signe pour annoncer le départ et tous se remirent en marche. Peu à peu, le sommet se rapprocha, et ils finirent par arriver au pied d'une falaise, dans laquelle une grotte avait été creusée de main d'homme - des étais en bois pouvaient en attester. Le chemin qu'ils avaient suivi jusque là donnait directement sur l'ouverture, il n'y avait donc aucune ambiguïté sur le chemin à suivre.

Ça m'a l'air à peu près solide, constata Edgar en examinant les poutres.

Y a une bonne épaisseur de roche au-dessus, mais la pierre a l'air stable, nota Nora. Soyons prudents quand même, si ce que les mômes ont dit est vrai, il a dû y avoir un séisme plus récent qu'à Ragnos de ce côté-ci.

[Galathée]

" Hum." dit simplement Harold.
Il n'aimait pas l'idée d'engager toute l'équipe dans une grotte sans savoir où elle menait, encore moins si elle risquait de s'effondrer. Il poussa un bref soupir, observa le trio qui attendait sa décision, puis refit face à la gueule noire du tunnel.
" Nora et Sam, vous restez là. Edgar et moi allons voir où ce conduit nous mène... On reste en contact radio."

[Vel Cheran]

Il n'y eut pas de protestations.

"Ok, Sam et moi allons monter le camp de base en attendant. Ne vous encombrez pas avec du matériel qui ne vous servira à rien là-dedans", répondit Nora en posant ses sacs au sol.

Edgar et Sam acquiescèrent et firent de même, le premier ne conservant qu'un sac à dos contenant, outre du ravitaillement, du matériel d'escalade et de quoi creuser sommairement la roche. Après s'être assuré que Harold le suivait, il s'engagea dans le tunnel rocheux, allumant sa lampe frontale. Le passage était assez large pour laisser passer deux personnes de front. L'ouvrage semblait assez ancien mais plutôt bien entretenu, et la progression était pour l'instant plutôt aisée.

[Galathée]

Harold se fiait complètement à Edgar. Il les avait déjà sortis de situations critiques, où ils auraient pu tous y rester, et à plus d'une reprise. Bien sûr, il y avait eu des pertes, au fil des années, c'était inévitable. Certains étaient morts, d'autres avaient terminé estropiés ou vaccinés à tout jamais contre ce type d'entreprise. Y penser chagrinait Harold sans le dévaster. Il savait qu'il manquait un rien d'émotivité pour paraître tout à fait normal. Parfois il pensait que c'était lié à son sang ambrien. Parfois que c'était simplement sa manière d'être. Parfois, il pensait que c'était d'avoir grandi sous l'eau et que son âme s'était imprégnée de ces profondeurs obscures, troubles et glacées.
En réalité, la plupart du temps, il ne s'en souciait guère. Quelles que soient les causes secrètes de son tempérament, il fallait de toute façon faire avec.
Edgar était jeune, un membre relativement récent de l'équipe, mais il y avait déjà une place indispensable. Il avait remplacé un ancien militaire, plus dissipé, qui avait fini par perdre une jambe dans une explosion de gaz, lors d'une intervention dans une ville en feu. C'était quatre ans plus tôt. On lui envoyait une message pour son anniversaire. Il prenait des nouvelles.
Harold relâcha sa respiration.
Combien de temps encore avant que tout n'explose et qu'il ne reste rien, ni rescapés, ni sauveteurs, ni vestiges ?

[Vel Cheran]

Le duo s'avança dans les profondeurs du tunnel. Ils ne pouvaient voir très loin devant eux en raison du caractère tortueux du boyau. L'air sentait un peu le renfermé, mais aucune odeur de moisi ne les assaillit, sans doute en raison de l'aridité du climat environnant. Il faisait relativement chaud, la roche n'ayant manifestement qu'assez peu joué son rôle d'isolant thermique.

Cependant, au bout de quelques minutes de marche et après avoir pris un virage serré, Edgar s'arrêta et se retourna vers Harold.

"Je sens un courant d'air frais", annonça-t-il. "Ça peut indiquer qu'on approche d'une sortie, mais il est plus probable que ça soit une sorte de cheminée d'aération."

Deux détours plus loin, de l'humus apparut sur le sol et l'air se fit un peu plus humide.

"Les enfants ne t'ont pas dit s'ils avaient marché longtemps pour sortir d'ici, j'imagine..."

[Galathée]

Harold fronça les sourcils tout en poursuivant son chemin.
" Il me semble qu'ils ont parlé de quatre jours. Quatre jours de marche dans les tunnels. Mais ensuite, ils ont encore été jusqu'à la grotte... Ce qui doit allonger leur temps de trajet. C'est bizarre qu'ils ne soient pas directement descendus à Ragnos, en y réfléchissant. L'air y est nettement plus respirable que dans le coin où ils ont débouché, et même si la ville est en ruines, ils auraient pu y dénicher quelques vieilles boîtes de conserve... du matériel..."
Il pinça les lèvres.
" Et il me semble qu'il s'y trouve au moins deux balises... mais c'est possible qu'ils ne le savaient pas."
Les gens n'étaient pas toujours aussi bien informés qu'on pouvait l'espérer, compte tenu des circonstances. Lui-même n'aurait jamais imaginé qu'il puisse rester un village habité dans les environs. S'il se trouvait bien dans les environs.

[Vel Cheran]

"Quatre jours dans les tunnels ? Ça change tout ! Même si c'étaient des enfants, il nous faudra au moins deux jours pour y arriver, à moins qu'ils se soient perdus en route - ce qui peut aussi nous arriver."

Edgar continuait de progresser tout en parlant, malgré sa surprise. Deux virages plus loin, il s'arrêta.

"Remarque, si les tunnels ressemblent à ça tout du long, ça ne me surprend pas", commenta-t-il alors que Harold le rejoignait.

Devant eux, la végétation s'était brusquement intensifiée en même temps que le couloir s'était élargi : ils ne voyaient plus les parois, recouvertes d'une végétation dense. Des branches et des lianes pendaient en travers du chemin, et les plantes au sol leur arrivait presque à la taille.

"D'un autre côté, s'ils ont autant de verdure ici, ça expliquerait pourquoi ils ont pu survivre aussi longtemps après que le reste du coin ait été rasé..."

[Galathée]

" Ça n'explique pas pourquoi ils sont partis."
Il était stupéfait. Il n'existait, à sa connaissance, plus qu'une poignée d'endroits où poussait de la végétation sur toute la planète.
" Si j'avais vécu dans un tel environnement, je serais resté chez moi."
Ce qui n'était pas tout à fait vrai, vu ce qu'il était en réalité, mais cela servait son propos.
" Si tu penses que c'est le tunnel qui mène directement chez eux, nous ferions peut-être mieux d'appeler Sam et Nora."
Il pinça les lèvres.
" Nous aurions dû survoler le site, pour avoir au moins une idée. Ces gosses n'ont pas dit qu'ils vivaient sous terre. Je n'avais pas vraiment imaginé que nous devrions retracer leur parcours comme des... piétons."

[Vel Cheran]

Edgar hocha la tête et activa son intercom.

"Nora, on a pas mal avancé et on pense être sur le bon chemin, mais difficile d'en être sûr. Vous en êtes où, de votre côté ?"

Il fronça les sourcils en attendant la réponse.

"Je ne reçois que des parasites. Peut-être qu'on est trop loin sous la roche, ou bien que la composition de ce caillou bloque les ondes électromagnétiques. Le tien fonctionne ?"

[Galathée]

HRP : difficile de répondre sans savoir mais je vais supputer que ça ne marche pas non plus !

Harold testa son propre canal, sans succès. Il resta silencieux une seconde, le temps de rassembler ses pensées. Oui, la roche bloquait peut-être leurs communications. Mais c'était quand même peu vraisemblable : ils avaient un matériel calibré pour des conditions compliquées.
" Faisons demi-tour. Nous ne pouvons pas nous permettre de les perdre pendant des jours entiers."
Il se promit de faire encore plus attention à l'environnement pendant leur chemin de retour. Il y avait quelque chose d'improbable dans les lieux qu'ils arpentaient et il devait parvenir à en faire sens.

[Vel Cheran]

HRP : oui, désolé



Edgar hocha la tête et repartit sur ses pas. Il s'arrêta presque aussitôt et se retourna, une expression d'incrédulité sur le visage que Harold ne lui connaissait pas.

"Attends, c'est moi qui deviens fou ou ça ne ressemblait pas à ça il y a cinq minutes ?"

Devant eux, le couloir qu'ils venaient de quitter était lui aussi rempli d'une végétation dense.