[Ambre] Le Lac Saimaa

[Vel Cheran]

Les corneilles sont des oiseaux susceptibles et agressifs, ce que Missou put aisément démontrer : celles-ci réagirent au quart de tour aux invectives du petit oiseau et s'envolèrent immédiatement de leur perchoir en sa direction, frôlant de près la tête des trois individus, dont l'un cria de surprise en se baissant. Luonto, partie en courant, entendit quelques coups de feu derrière elle, et si les premiers étaient peut-être à destination des corvidés, les suivantes étaient assurément pour elles, puisqu'une vitre de voiture explosa à sa droite.

Manifestement, ses agresseurs ne s'étaient pas attendus à une réaction aussi immédiate, et ils tentaient désormais de couper à travers le parking pour la rejoindre, mais la princesse d'Ambre avait mis plusieurs véhicules d'écart entre eux, ce qui la protégeait temporairement.

Malgré les coups de feu, la ville devant elle semblait inerte : aucun habitant ne sortit en courant, ni même un visage ne se pressa à un carreau. Aussi fut-il surprenant de voir soudain jaillir un pick-up, pilant devant Luonto. À son volant se tenait la silhouette hirsute de Juuso.

[Féérune]

- Juuso*! Vite*!

Luonto ouvrit précipitamment la portière et sauta dans le pick-up, puis descendit frénétiquement la vitre à mi-course.

- Je suis poursuivie, pourquoi ça je l’ignore… Ces hommes sont armés, je n’ai pas attendu qu’ils utilisent leurs armes*! Heureusement que vous n’étiez pas loin*!

Un tintamarre infernal monta soudain à l’assaut du véhicule*; Missou se précipita vers eux, repéra vivement la vitre ouverte et entra. La princesse d’Ambre remonta la vitre, qu’une corneille furieuse venait de heurter.

- Missou, Juuso, vous m’avez sauvé la vie…

Luonto dut lutter pour ne pas se laisser aller à son émotion. Elle respira profondément et articula lentement*:

- Je ne comprends pas… Pourquoi le village semble t-il quasi désert*? Le savez-vous*?

[Vel Cheran]

"C'est quoi ce merdier", grommela Juuso, toute bonne humeur effacée de son visage.

Il jeta un oeil aux hommes armés qui approchaient, hésita, puis enfonça l'accélérateur et sortit du parking, s'engageant sur la route principale du village en faisant crisser ses pneus. Il jeta un coup d'oeil dans le rétroviseur, pour constater que les trois hommes étaient montés dans leur 4x4 et manœuvraient pour sortir de leur place.

"Vous connaissez ces gens ? Vous avez pu voir leur visage ?"

[Féérune]

Luonto ne répondit pas tout de suite. Elle caressait Missou, dont le petit coeur battait la chamade.

- Je ne sais pas… Cela s’est passé si vite…

Sa réponse manquait de conviction. Elle réfléchissait, cherchant une attitude, un regard particulier qui aurait pu l’orienter sur une personnalité ambrienne. Rien. Rien, vraiment*?

La princesse jeta un coup d’oeil à Juuso. Jusqu’à quel point puis-je lui faire confiance*? Et Arantol, où est-il donc ? Il faudra le retrouver*! Son esprit brièvement distrait passa sur un souvenir ancien*: un serviteur qu’elle avait tancé autrefois, pour une histoire de chien nourri en retard.

- L’oeil noir*!

Elle s’était raidie d’un coup, fit un effort pour parvenir à détendre ses muscles soudain contractés.

- Oh*! Euh, je veux dire, auriez-vous vu le petit écureuil qui nous accompagnait*?



HRP : hop ! comme je ne sais pas où tu veux m'emmener, je lance des perches *

* du lac Saimaa, pas du Nil

[Vel Cheran]

"Non, je ne l'ai pas vu", répondit Juuso. "Il a peut-être été effrayé par les coups de feu et est allé se réfugier dans les bois. Ça détale vite, ces bêtes-là."

Juuso ne cessait d'accélérer petit à petit, tout en jetant des coups d’œil à ses rétroviseurs. Il sortirent rapidement de la petite bourgade et se retrouvèrent sur une petite route en relatif bon état, le pick-up de Juuso passant sans encombre les quelques nids de poule parsemant le bitume.

Missou s'échappa des mains protectrices de Luonto pour aller se percher sur son épaule, et lui glisser quelques pépiements à l'oreille.

"Je sens encore du danger, on n'est pas tirés d'affaire !"

À cet instant, Juuso jura et fit un écart pour croiser un cabriolet décapoté roulant à toute allure. La vitesse des deux véhicules ne permit à Luonto que d'apercevoir qu'il était conduit par une femme aux longs cheveux blonds.

Que ce fût en réaction ou non à cet incident, Juuso vira alors vers la gauche pour emprunter un chemin de terre, faisant crisser les pneus sur la chaussée.

Quelques instants plus tard, Luonto sentit un picotement derrière la nuque, sensation typique d'une tentative de contact par Atout.

[Féérune]

La voiture décapotable… C’est un des tueurs… Non… Une femme blonde, une Finlandaise très centainement… Donc pas une Ambrienne… Oh, je ne sais plus…

Luonto soupira, jeta un coup d’oeil vers Juuso concentré sur la conduite périlleuse en ce chemin cahoteux, et accepta le contact. Missou frémit doucement dans sa main.

Que va t-il se passer*? C’est cette femme, sûrement… Pas un des agresseurs…

Sentant l’angoisse de sa maîtresse, Missou frémit davantage et lança un son plaintif.

[Vel Cheran]

Une image étrange apparut sous les yeux de Luonto, lui donnant l'impression de reculer à toute vitesse alors même que le véhicule de Juuso roulait à vive allure. Après quelques secondes d'ajustement, elle comprit qu'elle voyait l'arrière d'une voiture en mouvement. Le décor ressemblait très fortement à celui qu'elle venait de quitter.

Le décor bascula soudain vers l'avant, dans un mouvement manquant de lui donner le mal de mer, et l'arrière d'une voiture apparue, manifestement la décapotable qu'ils venaient de croiser. La tête d'Arantol apparut dans le cadre.

"Ça y est, j'ai établi le contact !" sembla-t-il annoncer à une personne hors-champs, avant de reporter son attention sur Luonto. "Altesse, où êtes-vous ? Pouvez-vous me rejoindre ?"

À l'évocation de son titre de noblesse, elle entendit un petit rire qui lui sembla familier.

[Féérune]

Luonto maintint de sa main Missou sur son coeur puis, sans réfléchir, se concentra en direction d’Arantol.

Dans son esprit, mille pensées se précipitaient. Il lui sembla que tout pouvait basculer en un instant, que tout pouvait s’évanouir autour d’elle. Comme si rien de tout cela n’avait existé, comme si la fuite près du lac Saimaa n’avait été qu’un rêve, un désir fou d’échapper à la mort par noyade qu’ils avaient failli subir. Puis son esprit se calma d’un coup, la réalité revint.

J’espère que Juuso ne sera pas trop surpris… Enfin, c’est le lot des simples humains, d’être surpris par les princes d’Ambre*!

[Vel Cheran]

Alors que Luonto saisissait la patte d'Arantol pour le rejoindre, elle sentit Juuso lui saisir le bras. Cela n'interrompit pas le transfert, et ils se retrouvèrent tous deux projetés sur la banquette arrière de la décapotable, alors même que celle-ci venait de s'arrêter en pilant.

Tout d'abord, Luonto ne vit qu'une banquette en cuir rouge. Se relevant sur une main, elle tomba nez-à-nez avec un visage très familier, celui d'une femme aux longs cheveux blonds, coupés en frange au-dessus de ses yeux : Flora, princesse d'Ambre. Sa propre mère.

Mais le regard de Flora n'était pas tourné vers elle : elle bondit sur Juuso, le poussant hors de la voiture.

[Féérune]

Luonto saisit le bras de sa mère.

- Doucement*! Juuso m’a sauvé la vie, très probablement*!

Elle ouvrit la portière de la décapotable et invita le Finlandais à descendre. Missou, outré de la façon dont on traitait l’homme, pépiait furieusement*:

- On ne fait pas ça*! Un humain si gentil*! Non mais enfin*! Je suis choqué*! Choqué*!

Il voletait en tournicotant autour de Juuso. Luonto finit par l’attraper et le glisser dans ses cheveux.

- Juuso, ne vous inquiétez pas… Ne résistez pas*! Nous nous reverrons, plus tard, peut-être beaucoup plus tard… Ne craignez rien. Merci pour tout*!

Maintenant, gérer la colère certaine de Flora… Pourquoi ai-je donc une mère*? La princesse d’Ambre était légitimement inquiète. Missou s’était mis à frémir d’inquiétude.

HRP : désolée pour les ratés... Piler, c'est à peine si je comprends, je n'ai pas de voiture et quasiment pas le vocabulaire qui va avec...

[Vel Cheran]

Flora haussa un sourcil agacé et se tourna vers Arantol.

"C'est vrai ?"

"Je ne sais pas, mais je le connais, Votre Altesse, et il n'était pas menaçant aux dernières nouvelles", répondit Arantol d'un air penaud.

"Je peux savoir ce qu'il se passe ?" demanda brusquement Juuso, toute aménité disparue.

"Une autre fois, peut-être", répliqua Flora en le jaugeant du regard, "nous sommes pressés."

Mais un bruit de moteur au loin lui fit tourner la tête : le 4x4 des trois agresseurs de Luonto arrivait à toute allure.

"Ce sont eux, Votre Altesse, ils arrivent !" lança Arantol.

"Bon, les courses-poursuites, ça va cinq minutes", lança Flora en se dirigeant vers le coffre de sa voiture, qu'elle ouvrit d'un coup sec. Elle en sortit un fusil à pompe, qu'elle arma d'un claquement, avant de faire un signe de tête à Luonto. "Sers-toi, il va y avoir du grabuge."

[Féérune]

HRP : Juuso n'est donc pas descendu de voiture ? Mon post laissait entendre que si, donc il faudrait que tu précises s'il reste ou est sur le point de quitter l'auto ?

Des armes. Ô combien Luonto les détestait*! Elle saisit la plus légère qu’elle puisse trouver parmi l’arsenal de Flora et sélectionna un vieux Colt digne d’un western. Allons-y… Son soupir se perdit dans le fracas des coups de feu. Sa main tremblait, mais elle parvint tout de même à viser et tirer assez proprement – du moins le croyait-elle. Missou, terrifié, avait quitté ses cheveux pour se glisser au plus près de son coeur. Luonto sentait l’oiseau frémir contre elle et il lui parut même gémir de frayeur.

Elle faillit jeter un coup d’oeil pour voir si Juuso était en danger, mais inutile de se déconcentrer*; elle se contenta de crier*:

- Juuso*! Mettez-vous à l’abri*!

Que diable, cet homme n’est certainement pas aussi protégé de la mort que nous autres Ambriens…

[Vel Cheran]

HRP : il est sorti mais la voiture est à l'arrêt, donc il ne s'est pas encore éloigné.

Les premières balles tirées par Luonto manquèrent de peu le 4x4 lancé à vive allure, mais Flora eut plus de réussite : elle mit son fusil à pompe en joue et tira par deux fois, touchant le capot - et donc probablement le moteur - de la voiture avant d'en éclater un pneu. Celle-ci, déséquilibrée, partit en zigzags avant de virer vers le bord droit de la route. Dommage pour eux : celui-ci donnait sur une pente qui descendait jusqu'à une petite plage.

Flora traversa la route en trottinant pour suivre des yeux le véhicule partir en tonneaux et s'immobiliser sur le toit.

[Féérune]

Luonto, admirative, regarda sa mère.

- Superbe tir. Allons voir…

Mais déjà Flora s’éloignait en direction de la voiture accidentée. Missou s’agita et sortit de sa cachette. Manqua étouffer de son petit rire d’oiseau. Que c’est ridicule, ces humains forcés de courir à tout petits pas à cause d’une robe trop longue et serrée en bas des pattes*!

Luonto avança à son tour, en plus grandes enjambées, mais aussi prudente que sa mère.

- Missou*! Arrête*! Un peu de respect envers une princesse d’Ambre… Hé*!

La princesse fixa la scène devant elle. Crut sentir le souffle de Juuso. Missou frémit, fit mine de retourner se cacher, et finalement se contenta de se blottir dans le cou de sa maîtresse.

[Vel Cheran]

"Merci, ma chérie. Tu as l'air de manquer d'entraînement, il faudra que je m'occupe de ça un de ces jours. Je sais que tu n'aimes pas les armes à feu, mais tu vois bien, c'est quand même utile..."

Maintenant que le danger semblait écarté, Flora retrouvait sa gaieté habituelle.

Elle fit tout de même un signe de prudence à Luonto avant de descendre le talus vers le véhicule immobilisé. L'un des assaillants avait été projeté hors de la voiture et ne bougeait plus. Le conducteur dépassait de la fenêtre, inerte, tandis que le troisième avait traversé le pare-brise et ne paraissait pas en meilleur état. La princesse d'Ambre jura.

"J'aurais préféré en attraper un vivant, histoire de savoir qui les a envoyés. Enfin, on pourra peut-être déterminer quelle Ombre les a crachés en examinant leurs cadavres. J'imagine que tu ne les avais jamais vus avant ?"

[Féérune]

Luonto se plongea dans la réflexion, cherchant le moindre indice qui pourrait la mener sur la révélation de l’identité de ses agresseurs. Un petit détail parasitait sa concentration*: quand ai-je déjà entendu ma mère m’appeler «*chérie*»*? Elle m’aime davantage que je ne le pense, au fond…
Missou, fidèle à son caractère, trépignait.

- Mais si ces types on les connaît mais si je t’assure enfin je veux dire on a les mêmes sales types à la maison en Ambre mais si mais si…
- Missou*! On ne parle pas ici des corneilles*!
- Tu es sûre*? Demande à Flora.
- Non, je ne vois vraiment pas*! Je ne me souviens d’aucun d’eux comme quelqu’un que j’aurais déjà rencontré. Juuso*? Juuso sait peut-être d’où ils sortent*!

En son for intérieur, Luonto en doutait. Ces types sont là pour tuer, je ne me connais aucun ennemi en Finlande… Des gens qui me trouvent bizarre, certainement, mais pas au point de me désigner comme leur ennemie*! J’évite les réseaux sociaux, personne ne peut me désigner comme personne à abattre*! Et les ennemis sur internet sont marginaux, à l’exception des groupes structurés…

- Vraiment, je ne vois pas. Désolée.
- Tu vas voir que c’est moi qui ait raison bien sûr que les corneilles aident ces humains méchants si si si j’en suis sûr mais pourquoi tu ne me crois pas je ne comprends pas pourquoi mais…
- Missou, mon coeur, calme-toi. Excuse-le, il a eu très peur.

La princesse leva les yeux vers sa mère et sourit.

- Fouillons donc ces types, nous trouverons probablement des indices. Enfin, je l’espère*!

[Vel Cheran]

Flora lança un sourire attendri à l'oiseau, ce qui n'aurait pas paru incongru si elle ne tenait pas un fusil à pompe à la main.

"Ce cher Missou, toujours aussi attentif et inquiet ! Je n'ai pas vu de corneilles, mais j'ouvrirai l'oeil. Et si nous ne trouvons pas d'indice, nous pourrons toujours demander à ton ami."

Elle fit une moue dubitative.

"Mais je t'avoue qu'il avait l'air totalement déboussolé... Bon, eh bien allons voir ce qu'ils ont dans le ventre. Je te laisse celui-ci", lança-t-elle en désignant celui qui avait été éjecté, "je me charge des deux autres."

Sans attendre de réponse, elle s'avança vers la voiture renversée et se baissa pour en inspecter le conducteur.

[Féérune]

Luonto s’approcha de l’homme à terre. Elle crut le voir bouger faiblement. Il est blessé, peut-être… Elle faillit prendre son poignet pour tâter le pouls, mais se retint. Après tout, si un bandit meurt, quelle importance*? Elle sentit Missou qui, perché sur son épaule, se penchait en caressant sa joue.

- Il n’est pas bien vif…
- Non. Je fouille ses poches. Un briquet, un paquet de cigarettes russes… L’autre poche… Là*! Un billet d’entrée du Kiasma Museo… Une petite flasque argentée…

Luonto dévissa le bouchon de métal et huma le liquide.

- De la vodka.
- Là, c’est quoi*?
- Où*?

Missou voleta au-dessus de l’homme, au niveau de sa poitrine. La princesse aperçut une ligne fine à l’intérieur du veston.

- On dirait une poche intérieure, particulièrement bien dissimulée… Bravo, mon Missou, tu as l’oeil*!

La princesse glissa ses doigts dans la poche, qui semblait plus profonde qu’une poche ordinaire.

HRP : j'ai lancé des pistes et me suis permis des trouvailles triviales... j'espère que ça te va ! le Kiasma est un musée de Helsinki, les cigarettes russes peuvent être éventuellement achetées à Viipuri (Vyborg, ville récupérée par les Russes à l'issue de la Guerre de Continuation et où les Finlandais vont volontiers faire leurs courses genre boissons et clopes, moins chères là-bas).

[Vel Cheran]

HRP : je préfère que tu me dises ce que tu recherches, et je te dirai alors ce que tu trouves : j'ai une idée bien précise de ce vers quoi je veux aller Mais c'est pas grave, on va continuer là-dessus, ça fonctionne quand même

Si Luonto s'attendait à trouver des papiers d'identité, ce ne fut pas le cas : elle sentit sous ses doigts ce qui semblait être du verre. Elle sentit soudain une douleur dans la main et, après l'avoir retirée brusquement de la poche, elle constata qu'un éclat de cristal vert y était planté. À y regarder de plus prêt, cela ressemblait en fait à de l'émeraude.

Au même moment, elle entendit Flora pousser un juron.

[Féérune]

- Que se passe t-il*?

Luonto espéra que sa coupure n’était pas profonde. Un coup d’oeil la rassura. Elle plaqua un mouchoir propre trouvé dans la poche de pantalon de l’homme sur sa main.

L’homme avait-il remué*? Décidément, l’émotion me joue des tours stupides… Ou est-il vraiment vivant*?

Missou pépiait de toute la force de ses petits poumons.

- Mais attention*! c’est une émeraude, hein, hein, c’est une pierre précieuse, ça coûte beaucoup de sacs de graines, sûrement, mais si*! Et les corneilles aiment ce qui brille, comme les pies, comme moi*! Tu me la donneras, si c’est une émeraude*? Je la mettrai dans mon nid, elle décorera bien…
- Chut, Missou*!

HRP*: je ne sais pas, je lance des pistes et tu en fais ce que tu veux et ce qui sert au mieux le RP en cours*!

[Vel Cheran]

Sans se retourner, Flora lança à sa fille :

"Compte les phalanges du tien, et dis-moi combien tu en trouves. Tant que tu y es, inspecte le dos de leur main, au cas où tu verrais quelque chose d'anormal."

Tout en parlant, elle s'était mise à inspecter l'intérieur de la bouche du cadavre.

[Féérune]

Attrapant la main de l’homme, Luonto faillit se blesser. Missou se mit à crier, plus excité que jamais.

- Oh le drôle de type, attention*! Il n’est pas humain*! Regarde sa peau*!

La princesse tira lentement la manche de l’être et constata que la peau était grisâtre et luisait étrangement.

- Attention aux griffes*!
- Oui, je vois… Regarde comme la main est étrange… Une articulation de plus*! Je me demande bien…

Elle leva la tête et interpella Flora*:

- Mère*! Ce n’est pas un homme, il a la peau grise et comme visqueuse, des doigts nantis de quatre phalanges et les mains surmontées de griffes. J’ai failli m’y écorcher.

Luonto reprit son examen.

- Il est évanoui… Ou mort, je ne sens pas son coeur… A moins que le coeur ne soit pas au même endroit que chez les humains…

[Vel Cheran]

"Le mien aussi."

Tandis que Luonto examinait le cadavre, Flora avait semble-t-il terminé son inspection et était revenue près de sa fille.

"Et si tu comptes ses dents, je parie qu'il en a quarante-quatre, plus longues et plus aiguisées que les nôtres."

Une ombre lasse passa sur son visage.

"J'ai l'impression que ma vie n'est qu'un cycle qui ne fait que recommencer encore et encore... Prenons un corps avec nous et filons. Je t'expliquerai en chemin."

Elle chargea le cadavre sur son épaule comme un sac de pommes de terre, sans difficulté malgré sa fine silhouette, et toutes deux remontèrent le talus en direction de la voiture. Là, Flora vida les armes qui encombraient le coffre et balança le cadavre à la place. Elle s'installa au volant, fit signe à Luonto, Missou et Arantol de prendre place, tourna la clef de contact, fit demi-tour et s'élança sur la route à vive allure.

"Alors, dis-moi, à quoi ressemble ta vie en ce moment ?"

[Féérune]

A rien. Luonto frémit. A quoi ressemble ma vie, sinon à celle d’une ermite inutile*? Ou d’une chamane aux arts dépassés dans la Finlande du XXIème siècle*? Même pas capable d’honorer une invitation au restaurant avec l’homme qui nous a sauvés, les animaux et moi…

- A rien.

Elle se reprit, sourit. Missou se serra un peu plus fort contre son cou, cramponné à son col.

- Enfin… J’ai vécu comme j’aime, en solitaire dans ma grotte… De temps à autre, je viens ici et utilise mes talents de guérisseuse. J’ai bien tenté une formation de chamane, mais c’était tellement bidon*! Pour touristes*! J’ai suivi les Sames pour le rassemblement des troupeaux de rennes et là, là seulement j’ai commencé à apprendre quelque chose.

Luonto soupira, serra les lèvres et continua*:

- Tu sais, je ne sais pas où vont ces fichus humains… Tu te rends compte, ici… Attention, un élan*!

La voiture fit une embardée et la princesse reprit*:

- Ici on respectait encore les chamanes il y a une centaine d’années. Maintenant le same réunit ses bêtes en motoneige et appelle son collègue sur son portable pour lui donner rendez-vous au bar local*! Où est le charme du traîneau, celui du chant traditionnel, le son du tambour sacré*?

Missou la pinça doucement.

- Oui, je sais… Missou me le dit tout le temps, on ne peut pas passer son temps à regretter le siècle précédent… Mais quand on voit le désastre que causent tous ces appareils, la débauche d’énergie, le gâchis… Et on n’est qu’en Finlande, c’est bien pire dans les pays d’Asie, en Amérique du Nord…

Luonto regarda derrière, dans le fol espoir de voir Juuso les suivre par quelque miracle. Hé là*! Il n’aurait pas pu faire se matérialiser une autre voiture… Il n’est pas Ambrien*! Elle soupira de nouveau.

[Vel Cheran]

HRP : comme un gros idiot, j'ai édité mon message précédent en voulant le citer pour récupérer la couleur de Flora. Du coup, je croise les doigts pour que nos gentils admins retrouvent l'original, sinon je devrai le réécrire de mémoire...
Edit : c'est bon, j'ai trouvé, on n'a rien vu.


Luonto réalisa alors qu'elle n'avait pas vu Juuso lorsqu'elles étaient revenues à la voiture. Il semblait être parti sans demander son reste.

Regardant de nouveau devant elle, elle constata que le paysage avait changé : les bords de route étaient fleuris, et les arbres étaient verts et remplis d'oiseaux.

"J'essaie aussi de garder un semblant de tradition en Ombre-Terre, mais que veux-tu, même une princesse d'Ambre ne peut pas tout faire... Je pourrais décider de prendre le pouvoir de manière autoritaire et imposer ma loi ici, mais cette ombre y perdrait sans doute tout son charme."

L'herbe avait viré au rouge, tandis que le tronc des arbres adoptait des reflets métalliques.

"Tu as toujours aimé vivre dans la nature, c'est vrai... Moi, je crois que la société me manquerait trop, je ne pourrais pas vivre parmi les rennes ou les arbres plus de quelques jours."

Ils roulaient maintenant dans un désert de sel, bien que la température soit restée agréable. Une famille de flamants roses les survola, dans la lumière d'un petit matin d'automne. Au détour d'un virage, une maison sembla jaillir de terre, et Flora gara la voiture devant le porche. On aurait dit une villa coloniale, immaculée et soutenue par des colonnades.

Flora descendit et prit le cadavre dans le coffre, avant de faire signe à Luonto de la suivre à l'intérieur.