[Ambre] Tir-Na-Nog'th

[Vel Cheran]

En provenance d'ici

L'ascension fut longue, et l'escalier semblait ne jamais devoir finir. Des paliers venaient régulièrement interrompre la progression, et permettaient à Eleina de reprendre son souffle. Elle remarqua lors d'une de ces pauses que, si elle fixait du regard une marche un peu trop longtemps, celle-ci semblait perdre de sa substance et elle pouvait apercevoir la mer, très loin en contrebas.

Au bout d'une longue ascension, elle atteignit la Grande Arche d'Ambre, délimitant l'entrée dans l'enceinte du palais. Coïncidence ou non, sa nuque commença à la picoter à cet instant précis.

[Voyageuse]

Elle tendit machinalement sa main vers sa nuque, avant de suspendre son geste en se souvenant de la signification de ce picotement. Son père avait dit qu'elle devait "ouvrir son esprit"... et elle ignorait totalement ce que ça signifiait. Peut-être fallait-il juste se concentrer sur ce qu'elle ressentait ?
Malgré sa curiosité, elle renonça à observer plus en détail l'arche et le palais au-delà -elle aurait d'autres occasions-, et s'efforça de se concentrer pour ressentir et écouter le contact qui s'établissait.

[Vel Cheran]

Le contact s'établit aussitôt : Eleina vit flotter devant elle Bleys, nimbé d'un halo aux couleurs de l'arc-en-ciel. Il s'était rassis sur la nappe de pique-nique et avait son verre de vin à la main.

"Bon, tu es en haut, très bien. Continue vers le palais, traverse la cour et entre par la porte principale."

[Voyageuse]

Eleina nota que son père ne se privait pas de bonnes choses en son absence. Mais elle ne fit pas de commentaire et obéit, franchissant l'arc avec une sorte de circonspection, et observant avec curiosité ce palais à l'architecture si différente de ce qu'elle connaissait. Elle songea qu'il était magnifique, si gracieux et si majestueux qu'il semblait tiré tout droit d'un conte de fées de son enfance.
En Utopia, en effet, ce genre de bâtiment avait disparu depuis longtemps dans les oubliettes de l'histoire, symboles de temps moins égalitaires ou de riches aristocrates régnaient sur des serfs pauvres et soumis. Et ici, cela existait encore. Cela voulait-il dire que ce monde était archaïque ? Ils maîtrisaient pourtant de tels pouvoirs...
Et cela voulait-il dire... quelle était une riche aristocrate régnant sur une armée de serviteurs ? Elle grimaça intérieurement. Ce genre d'idée était contraire à tout ce pour quoi elle se battait depuis quelques décennies. Et cette prespective ne lui plaisait pas du tout. Non. Jamais elle ne serait une aristocrate.
Mais elle chassa ces pensées perturbantes. Eelle devait se concentrer sur son objectif : la marelle...

[Vel Cheran]

L'atmosphère changea une fois l'arche franchie : elle n'était plus seule. Des personnes tout ce qu'il y a de plus humain parcouraient la cour, discutaient entre elles, montaient la garde... Deux particularités notables, cependant, indiquaient qu'il ne s'agissait pas d'une foule ordinaire : ils étaient tous, de la tête au pied, de la même pâleur que les rayons de lune qui formaient cet endroit ; et Eleina ne pouvait entendre le moindre son qu'ils émettaient.

Ici, un artiste inspiré peignait sur une toile l'une des tours du palais. Là, une fillette courait à en perdre haleine pour distancer ses parents. Plus loin, deux adolescentes s'exerçaient à l'escrime avec des cannes. Une certaine insouciance se dégageait de ce tableau, confirmant la vie aisée qui se déroulait en ces lieux.

En face d'elle, derrière une volée de marches, les portes du palais étaient grandes ouvertes, révélant une entrée richement décorée surplombée par un escalier double. Celui-ci s'enroulait de part et d'autre d'une porte à double battant en bois sculpté, parsemé de dorures.

"Il faut passer par la salle du trône, c'est tout droit."

[Voyageuse]

Eleina se posa mille et une question sur ces silhouette translucides, sur ces fantômes qui semblaient ne pas la voir. S'agissait-il d'un reflet de personnes du présent ? Ou du passé peut-être ? S'agissait-il de cousins à elle, ou de ses ancêtres ? La scène était plutôt paisible, et elle se surprit à ralentir un peu le pas pour savourer cette étrange vision.
La voix de son père la rappela à la réalité : elle devait entrer dans le palais, avancer tout droit... Ce qu'elle fit, d'un pas alerte.
Bien sûr, elle continua à jeter autour d'elle des regards étonnés, mi-admiratifs, mi-réprobateurs : tant de richesse étalée quand, certainement, d'autres manquaient de l'essentiel... mais après tout, peut-être dans ce royaume-ci n'y avait-il pas de miséreux ?
Elle se demandait s'il y aurait un roi dans la salle du trône, songeant qu'elle ne saurait même pas reconnaître s'il s'agissait du roi actuel...

[Vel Cheran]

Aucun majordome ne vint l'accueillir, aucun garde ne vint la controler : l'entrée était déserte, et elle put s'avancer sur le splendide tapis qui recouvrait le sol, dont les motifs ivoires représentaient une licorne tournée vers la dextre et chargeant vers une forêt menaçante. Alors qu'Eleina approchait de la porte à double battant, celle-ci s'ouvrit pour laisser voir une grande salle tout en longueur, bordée d'une foule de courtisans. Au bout de la salle, le trône était vacant, et un groupe de gens, à sa droite, avaient une discussion semblant animée, pour autant qu'elle pût en juger.

"Le chemin le plus court vers la Marelle est de tourner à gauche, près du trône : tu accéderas à la salle à manger. Prend alors tout de suite à droite, dans un couloir obscur donnant sur un escalier en colimaçon qui descend. Une fois en bas, je te guiderai pour trouver la Marelle."

Parmi le groupe de gens qui discutaient près du trône, la plupart des visages lui étaient inconnus, mis à part celui de sa tante Fiona. Bien que plus petite que tout le monde, elle semblait tenir tête à ses interlocuteurs, ce qui n'était guère surprenant pour qui la connaissait un peu.

[Voyageuse]

Eleina ralentit son pas en apercevant sa tante. Personne ici ne pouvait la voir, et tout cela n'avait peut-être aucune signification, simple rêve, peut-être reflet du passé ou du présent... -ou de l'avenir ?- mais elle était curieuse de nature : elle voulait savoir.
" Je peux prendre juste une seconde pour observer ce qui se passe ici ?"
Elle avait baissé la voix, comme si on pouvait l'entendre.
Sans attendre la permission, elle s'approcha du trône, regardant attentivement la discussion animée à sa droite. Elle savait qu'elle ne devait pas perdre trop de temps, que tout risquait de s'effacer si le moindre nuage apparaissait. Mais quelques secondes, ça n'était rien.

[Vel Cheran]

Sans même regarder Bleys, elle crut entendre son haussement d'épaules.

"N'oublie pas que ce ne sont que des illusions."

Un homme particulièrement grand et mince se tenait en face de Fiona et avait un air inflexible, lèvres scellées. Sa main gauche reposait sur la garde de son épée, tandis que son bras droit s'interrompait au niveau du coude. À ses côtés, un homme trapu semblait prendre son parti. À la droite de Fiona, une femme aux cheveux tressés secouait la tête d'un air absent, apparemment dépitée par la tournure de la discussion ; de l'autre côté de sa tante, un homme en tenue de chasse s'exprimait avec un sourire moqueur.

Soudain, l'assemblée se retourna d'un bloc vers l'entrée. S'ils réagissaient à une annonce, Eleina ne l'avait pas entendue. Une femme, habillée d'une tenue régalienne, s'avança au milieu de l'assemblée d'un pas calme. Arrivée près d'Eleina, elle salua de la tête le groupe qui avait interrompu son débat pour se tourner vers elle, et prit place sur le trône.

[Voyageuse]

Eleina observait la scène avec des yeux écarquillés. Fiona semblait accusée de quelque chose, mais de quoi ? Le meurtre ? Était-ce le présent, le passé, le futur ?
Cette dame bien habillée devait être la reine. Les autres, elle ne les connaissait pas. Elle se souvenait de l'existence d'un oncle toujours habillé en tenue de chasse, que Fiona lui avait montré sur ses atouts, une éternité auparavant.Mais elle était incapable de dire s'il s'agissait du même homme. Y avait-il un manchot dans la famille ? Elle ne s'en souvenait pas... Elle n'avait pas assez écouté à l'époque, tant tout cela lui paraissait lointain et un peu irréel.
Elle se recula légèrement, dans la direction où était censée se trouver la Marelle. Mais elle demeura attentive à ce qui se passait dans la salle du trône.

[Vel Cheran]

Après un moment de flottement, la reine adressa un signe de tête à l'assemblée, et les discussions reprirent. La souveraine promena son regard sur la salle, avant de s'arrêter sur Eleina. Ses yeux entièrement blancs ne laissaient aucun doute possible : elle était aveugle. Et pourtant, elle regardait dans la direction d'Eleina comme si elle était capable de la voir, ce qui n'était le cas d'aucun autre spectre depuis son entrée à Tir-Na-Nog'th.

Elle lui adressa alors un signe de main, en direction d'un jeune homme appuyé contre un pilier. Il était seul, et il sembla à Eleina qu'il n'était pas là l'instant d'avant. Il était vêtu d'une chemise noire à col ouvert, sous un gilet de cuir. Il semblait absent à tout ce qui l'entourait.

[Voyageuse]

Eleina était davantage intriguée par l'attitude de la reine, qui semblait la voir alors que nul autre n'avait conscience de sa présence, que par l'apparition de l'inconnu. Elle décida d'obéir à l'injonction, mue par la curiosité bien plus que par une quelconque soumission à l'autorité. Elle remercia la souveraine de son attention par un bref signe de tête. Elle se sentait un peu ridicule en agissant ainsi, mais puisqu'elle semblait la voir, autant ne pas l'ignorer... Puis elle s'approcha du jeune homme, en se demandant qui il était et ce qu'elle était censé faire.
Elle tourna brièvement la tête vers la Reine pour exprimer son interrogation à voix haute, au cas où celle-ci puisse l'entendre en plus de la voir.
" Qui est ce jeune homme ?"

[Vel Cheran]

"Qui ça ?" demanda Bleys.

Un battement de paupière, et le jeune homme avait disparu, de même que la reine. Seule restait une assemblée de courtisans, qui ne faisaient pas attention à elle.

"Si tu parles de Julian, en habit de chasse à côté de Fiona, ce n'est sûrement pas un jeune homme."

[Voyageuse]

" Non. Pas lui. Un jeune... mais il a disparu. Il portait une chemise noire, un gilet de cuir. La reine me le montrait... Je n'ai pas eu le temps de beaucoup le détailler."
Elle haussa les épaules.
" Tout a disparu. Je n'ai plus qu'à rejoindre la marelle, je suppose..."
Elle commença à se diriger vers la gauche du trône, là où devait se trouver la suite de l'itinéraire.

[Vel Cheran]

Eleina ne rencontra pas âme qui vive dans la salle à manger, ni dans le couloir sombre qui en partait pour mener à un escalier en colimaçon particulièrement escarpé. Des torches étaient alignées le long des marches, projetant une lueur lunaire étrange sur la structure.

[Voyageuse]

Elle traversa le salon à grandes enjambées, en continuant à s'interroger sur ce qu'elle avait vu. Pourquoi la Reine semblait avoir eu conscience de sa présence ? Pourquoi lui avoir montré le jeune homme ? Était-ce celui qui avait été tué ? Cela avait-il un rapport avec la présence de Fiona que les autres semblaient accuser de quelque chose ? Etait-elle accusée de l'assassinat ? A tort ou à raison ? Elle avait naturellement tendance à avoir confiance en sa tante, qui avait été son seul contact avec le monde ambrien pendant des années. Elle l'imaginait mal commettre un meurtre, même si ce genre de chose semblait une tendance familiale.
Bien sûr, elle n'avait aucun moyen de trouver le moindre début de réponse à ces interrogations, surtout en n'ayant reconnu personne.
Elle cessa de se tourmenter et s'engouffra dans l'escalier en colimaçon, décidée à se concentrer sur le présent : l'épreuve de la Marelle.... qui devait se trouver tout en bas de cet escalier trop raide dont elle avalait les marches d'une démarche légère, presque insouciante.

[Vel Cheran]

La descente parut à la fois interminable et rapide, le temps semblant fluctuer bizarrement dans cet escalier aux parois et marches parfaitement uniformes. Il était donc assez difficile pour Eleina de savoir si elle était redescendu à l'altitude où se trouvait Bleys ou non. Sans qu'aucun indice ne la prévienne, l'escalier se termina brutalement, manquant de la faire trébucher. Il débouchait sur une petite salle puis sur un embranchement, l'un menant à un couloir maçonné, l'autre à ce qui ressemblait plutôt à des galeries naturellement creusées dans la roche, chemin que Bleys lui indiqua comme étant le bon.

Une atmosphère irréelle semblait flotter dans les lieux et, bien qu'il n'y ait pas de source de lumière, la clarté de la Lune éclairait suffisamment pour que l'Ambrienne sût où elle posait les pieds.

[Voyageuse]

Il était assez étrange, pour Eleina, de se retrouver dans des galeries souterraines tout en étant éclairée par la lune. Le palais semblait suffisamment réel pour qu'elle en oublie parfois qu'il n'était que mirage... mais il il laissait passer la lumière, pourtant. Rien ne pouvait la voir ou l'atteindre, et pourtant elle pouvait traverser la Marelle avec les mêmes effets que s'il s'était agi de la véritable Marelle. C'était suffisamment incompréhensible pour qu'elle renonce à se triturer les méninges.
Elle avait hâte de voir à quoi ressemblait la fameuse Marelle, hâte de la franchir pour obtenir les mêmes pouvoirs que les autres ambriens, et elle poursuivit son chemin d'un pas alerte, confiante et intriguée, observant avec curiosité tout ce qui l'entourait.

[Vel Cheran]

HRP : ça faisait longtemps, un peu de musique d'ambiance


Bleys la guida à travers les galeries, laissant un certain nombre d'embranchements derrière elle. De toute évidence, il connaissait le chemin par cœur et, de toute évidence également, Eleina aurait du mal à le retenir du premier coup.

Néanmoins, alors qu'elle approchait de sa destination, il lui sembla réaliser qu'elle entendait un murmure, comme un chœur composé d'une multitude de voix céleste, qui enflait à mesure qu'elle progressait, sans toutefois jamais dépasser le stade du murmure, donnant l'impression d'une étrange illusion auditive.

[Voyageuse]

Eleina se demanda si le son existait réellement ou s'il était un produit de son imagination, ou de son inconscient... ou même... de ses gènes entrant en résonance avec la magie de l'endroit ? Un non-ambrien entendrait-il la musique ? Celle-ci signifiait-elle qu'elle était, en quelque sorte, attendue ? Bienvenue ?
Elle sentit son coeur battre plus fort, malgré tout son entraînement de sportive et d'apprentie-révolutionnaire habituée à garder son sang-froid en toutes circonstances.
Elle accéléra insensiblement l'allure. Avec davantage d'enthousiasme que d'appréhension.

[Vel Cheran]

"C'est juste à gauche", lui indiqua finalement Bleys. "La clef pour ouvrir la porte est accrochée au mur."

Sur sa gauche, un petit couloir menait à une lourde porte en bois. Une grosse clef était effectivement suspendue à un clou, et une lumière blanchâtre - plus marquée que celle qui baignait déjà ces lieux - exsudait à travers l'huis. Le chœur de voix paraissait s'amplifier à mesure qu'Eleina s'en approchait.

[Voyageuse]

Eleina s'empara de la clef avec une certaine exaltation.
" C'est étrange que cet endroit ne soit pas gardé..., s'interrogea-t-elle à voix haute en l'introduisant dans la serrure. N'importe qui peut y venir, non ? Vous ne craignez pas qu'il y ait des personnes malintentionnées ? Ou est-ce qu'il y a des sortilèges qui empêchent les non-ambriens de venir jusque-là ?"
Elle attendit la réponse avant de tourner la clé.

[Vel Cheran]

"Comme tu peux le constater, le chemin pour y venir est labyrinthique, et il serait compliqué de mettre un garde en faction dans une cité éphémère. En Ambre, ce n'est pas la même histoire bien évidemment : l'endroit est surveillé. C'est la raison pour laquelle nous n'y sommes pas allés."

[Voyageuse]

" D'accord. Je comprends", acquiesça Eleina.

Cela lui semblait tout de même un pari risqué. L'existence de ce reflet d'Ambre n'était certainement pas un secret, et n'importe qui pouvait décider de passer ses soirées à explorer les lieux jusqu'à trouver la fameuse marelle. Et ensuite, ce n'importe qui pouvait la traverser et acquérir des pouvoirs... sauf si vraiment leur héritage génétique les réservait aux ambriens ? Mais même dans ce cas, il y avait sûrement des choses que pouvait faire une personne malintentionnée en parvenant ici. Monter une embuscade pour capturer un ambrien... Ou ensorceler la porte... Ou même jeter un sort puissant à la marelle. Elle devait néanmoins admettre qu'elle n'en savait rien : peut-être la marelle était-elle totalement indestructible et insensible à tout sortilège. Il faudrait qu'elle se renseigne...

Elle tourna la clé dans la serrure, le coeur battant, et poussa la lourde porte de bois.

[Vel Cheran]

La porte s'ouvrit sans bruit, et laissa place à une vaste salle. Au sol, un tracé fantastique brillait sur la pierre, dessinant des arabesques semblables à des constellations. Elle projetait dans toutes les directions des lumières tourbillonnantes, évoquant par moment des flammes ou des vagues.

"Voilà", annonça Bleys après avoir laissé à Eleina quelques instants de contemplation. "Tu es devant la Grande Marelle d'Ambre - ou, du moins, son reflet."

La Marelle était comme incrustée dans la roche lisse comme du verre : on aurait presque cru la voir en transparence sous une pellicule de glace. À droite d'Eleina, une cinquantaine de mètres plus loin, le début du tracé semblait briller davantage que le reste, comme une invitation.

"Quand tu seras prête, pose le pied sur le début du tracé, et ne t'arrête plus de marcher jusqu'à en avoir atteint le centre. La progression se fera de plus en plus difficile à mesure que tu avanceras, en particulier lorsqu'il te faudra franchir les trois Voiles et la Grande Courbe."

[Voyageuse]

Eleina s'avança lentement vers le début du tracé, le coeur battant. L'endroit était impressionnant. Son esprit rationnel ne comprenait pas vraiment comment un tracé sur le sol pouvait être difficile à suivre, mais puisque son père le disait, c'était certainement la vérité. Et puis, elle avait bien conscience qu'en Ambre, la rationalité était un concept tout à fait relatif... et cela restait extrêmement déstabilisant pour elle qui avait toujours vécu dans un monde sans magie, sans pouvoirs, sans ombres, entièrement gouverné par la Science.
" Une fois que j'aurai posé le pied sur le tracé, on ne sera plus en contact, c'est ça ?"

[Vel Cheran]

"Tu seras bien trop occupée pour discuter..." répondit Bleys.

Alors qu'Eleina s'approchait, la Marelle lui envoya une flammèche bleu pâle, seul éclat de couleur dans ce monde blanc. On aurait presque pu y déceler de l'impatience.

[Voyageuse]

Répondant à l'impatience présumée de la Marelle, et avant tout à sa propre curiosité, Eleina s'avança d'un pas décidé et posa le pied sur le début du tracé.
Puis elle prit une profonde inspiration et avança d'un pas. Puis d'un autre.
Elle gardait les yeux fixés sur le tracé, bien décidée à ne pas s'en éloigner d'un centimètre -tout en se demandant ce qui se passerait si elle s'avisait de poser le pied hors du tracé : risquait-elle vraiment la mort ? Même pour un seul pied posé juste à côté du chemin ? Même à quelques centimètres ? Même à moitié ?
Elle n'était toutefois pas assez téméraire pour tenter de vérifier précisément quel était le seuil de tolérance du tracé magique, et elle s'appliqua à le suivre scrupuleusement, pleine d'énergie et de volonté, n'envisageant pas un sel instant l'échec. Suivre un chemin, c'était facile, non ? Comment pourrait-on échouer, ou même éprouver des difficultés ?

[Vel Cheran]

Dès son premier pas sur le tracé, des étincelles indolores montèrent autour de sa cheville. La progression était pour l'instant aisée. Eleina sentit un léger courant la traverser, une sensation plutôt étrange qu'elle n'avait jamais expérimentée auparavant - comme tout ce qui l'entourait, en définitive.

Après une dizaine de pas, elle sentit une résistance, comme une substance qui la repoussait alors qu'elle tentait d'avancer. Elle sentit ses cheveux se hérisser. C'était le Premier Voile.

[Voyageuse]

Elle fronça les sourcils, un peu interloquée par la sensation, et elle ralentit sa progression, tendant les deux mains vers l'avant pour tâter l'air devant elle, aussi ridicule que ce geste machinal puisse paraitre.
" Hey ! Laisse-moi passer...", fit-elle à voix basse.
Elle se souvint qu'elle ne devait pas s'arrêter, et força le passage, faisant appel à la force de sa volonté pour ne pas se laisser freiner par cette étrange sensation. Elle devait passer, elle en était capable puisqu'elle était ambrienne, et elle ne comptait pas se laisser impressionner par cette puissance magique qui lui résistait.