[Quête] Ce que les vagues ne sauraient effacer

[Chandara]

La réaction du garçon l'avait un peu rassurée mais elle ne comprenait pas ce qui pouvait expliquer l'état endormi de Quentin. Elle s'apprêtait à renouveler sa tentative avec davantage d'insistance quand elle sentit un frisson lui parcourir le dos. Pouvait-elle se fier à ses sens ? Son instinct avait-il parlé ? Elle ne pouvait pas l'ignorer et elle tourna finalement la tête vers l'origine du bruit et tâcha de tendre l'oreille.

[Taliesin]

Elle n'avait pas d'idée exacte quant à l'origine du son : il lui semblait juste qu'il était provenu de l'extérieur de la cabine, quoiqu'elle ne puisse en avoir la certitude - il avait été si ténu...
D'ailleurs, une première minute passa sans qu'elle ne perçoive rien de particulier.
Puis une deuxième.
Mais alors qu'elle s'apprêtait à se retourner vers Quentin, elle l'entendit à nouveau, ce murmure, porté à travers la porte par un courant d'air glacé.
Et la coque du navire choisit ce moment pour craquer, grincer de manière sinistre...

[Chandara]

L'endroit ne semblait soudain plus du tout aussi sûr qu'à leur arrivée. Même sans accorder trop d'importance à ce qui pouvait être un reflet de son imagination, il semblait que la charpente du navire ait plus souffert qu'il n'en donnait l'impression. Dès lors, son devoir était limpide : la paladine se pencha à nouveau vers son jeune protégé avec l'intention de le déplacer aussi délicatement que possible. Elle ne pouvait pas le laisser en arrière alors que son intention était désormais de quitter la cabine.

[Taliesin]

Quentin dans les bras, Chandara quitta la chambre pour retrouver la coursive.
Le murmure se fit alors plus net.
Les murmures, plutôt.
Car oui, il y en avait plusieurs. Et la plupart, sinon la totalité, semblaient provenir de la salle des officiers devant laquelle elle n'allait pas tarder à passer...

[Chandara]

Voilà qui était tout à fait inquiétant. Bien sûr, une paladine ne reculait pas devant le danger mais Chandara redoutait ce qui pourrait arriver au jeune garçon inconscient qu'elle portait dans ses bras en cas de mauvaise rencontre. A fortiori ce qui la taraudait le plus était l'incertitude : ce navire avait semblé vide de tout occupant - jusqu'à sa rencontre avec les défunts bien conservés - mais il semblait finalement qu'ils n'aient pas été seuls. Tout en vérifiant si son arme était bien ajustée dans son fourreau, Chandara tâcha de tendre l'oreille pour tenter de discerner ce que pouvaient bien raconter ces murmures impromptus. Evaluer la menace n'était jamais une mauvaise idée, même quand on se targuait de courage : elle avait eu bien des occasions d'en retenir la leçon.

[Taliesin]

Elle tendit donc l'oreille.
Se focalisa sur les murmures qui, peu à peu, devinrent intelligibles...
-...finalement fonctionné, capitaine.
- En doutiez vous ? Homme de peu de foi : la question n'a jamais été de savoir si cela fonctionnerait, mais quand cela fonctionnerait.
- Avez-vous une idée du temps qui s'est écoulé ?
- Aucune. Mais nous ne tarderons pas à le découvrir. Comme nous ne tarderons pas à découvrir l'identité de celui ou de ceux qui nous ont réveillés...

[Chandara]

A l'angoisse concernant l'état de Quentin succéda une profonde incompréhension et un sentiment d'alerte. Le jeune garçon dans ses bras restreignait considérablement ses possibilités de mouvement mais elle se réjouissait malgré tout qu'il ne soit pas tombé, seul, sur les inconnus. Ce navire n'était plus aussi désert que prévu et la paladine ne se faisait pas d'illusion sur les intentions pas forcément honorables de ceux ayant choisi d'investir un endroit aussi isolé et inacessible. En tout état de cause, il semblait évident qu'il valait mieux les éviter que de satisfaire sa curiosité à leur propos. La jeune femme chercha donc un endroit où elle pourrait se cacher avec son protégé ou, mieux encore, quitter discrètement cette partie du navire et retourner sur le pont.

[Taliesin]

Les cachettes potentielles ne manquaient pas, pour peu qu'elle rentre dans l'une des cabines jouxtant la coursive. Mais pour gagner le pont, il n'y avait d'autre choix que de remonter celle-ci et donc, de passer devant le carré des officiers, l'endroit même d'où provenaient les voix. Restait cependant une autre solution : opter pour le grand plongeon depuis l'une des fenêtres de la dunette.
Cependant, quoi que choisisse la paladine, sans doute valait-il mieux qu'elle le fasse vite...

[Chandara]

Foncer vers la sortie la plus évidente sans se soucier des conséquences avait souvent provoquer des catastrophes encore fermement ancrée dans les souvenirs - et les regrets - de la paladine. Cette sagesse durement acquise l'incita à faire montre de davantage de prudence, d'autant qu'elle se savait ralentuie et impuissante à se défendre. Chandara opta donc pour une des cabines en espérant pouvoir s'y dissimuler avec Quentin jusqu'à ce que ce dernier reprenne connaissance. Cela lui permettrait peut-être aussi de guetter une opportunité pour s'esquiver sans avoir à affronter les propriétaires des voix mystérieuses. Ce n'était pas très glorieux mais son premier devoir, supplantant tous les autres, était de faire le nécessaire pour protéger Quentin.

[Taliesin]

Elle recula donc et s'engouffra dans la première cabine venue.
Du moins, la première après celle du capitaine.
C'était une pièce plus petite, moins luxueusement meublée que cette dernière, mais sans doute, malgré tout, autrement plus confortable que les quartiers dévolus aux simples membres d'équipage. Les cachettes n'y étaient malheureusement pas légion, mais une fenêtre donnant sur les flots paisibles offrait une échappatoire en cas de besoin.
Et peut-être le besoin ne tarderait-il pas à s'en faire sentir, à en croire les bruits de pas que perçut bientôt la paladine, accompagnant désormais le murmure des conversations...

[Chandara]

La jeune femme n'était pas de nature à éviter les affrontements ou fuir ses responsabilités mais elle avait bien conscience d'être l'intruse en la circonstance et il y avait encore bien trop d'inconnues pour se faire une idée claire de la situation. Chandara opta donc pour l'approche qui lui permettrait peut-être de gagner assez de temps pour réunir des indices et surtout pour mettre Quentin à l'abri : tout d'abord, elle détermina si la fenêtre pouvait être assez grande pour les laisser s'échapper en cas de besoin et, ensuite, elle chercha un objet susceptible de bloquer la porte qui menait à leur refuge bien précaire.

[Taliesin]

Pour éviter les mauvaises surprises par gros temps, le mobilier était fixé au plancher ou aux cloisons et les rares autres objets que vit la paladine n'étaient guère susceptibles de maintenir close la porte de la cabine. En revanche, la fenêtre était suffisamment large pour que Chandara et Quentin s'y faufilent. C'était déja ça.
Quant aux pas, ils semblaient désormais avoir gagné la coursive. Et si ce n'était pas encore le cas, cela ne tarderait plus...

[Chandara]

Sauter par la fenêtre étroite en tenant Quentin dans ses bras promettait d'être une opération difficile. La paladine vérifia donc une dernière fois si l'étrange inconscience du garçon pouvait être vaincue. Mais, vu l'urgence de leur situation et même dans le cas contraire, elle devrait se résoudre à le faire passer en premier et sauter à sa suite. Si la profondeur de fond de ce côté du navire semblait le permettre pour qu'il ne risque pas de se blesser. Beaucoup de si et si peu de temps pour agir...

[Taliesin]

Des pas dans le couloir, plus proches que jamais.
Le grincement de la fenêtre en train de s'ouvrir.
Le bruit d'éclaboussure des eaux engloutissant Quentin.
Puis remplissant les oreilles de Chandara s'y enfonçant à son tour.
Succession d'images, de sons, de mouvements. En seulement quelques instants.
Et à présent, la paladine remontait à la surface, tout comme le jeune musicien, apparemment ranimé par son plongeon.
-Hé, pourquoi avez-vous fait ça ? s'exclama-t-il, l'air totalement abasourdi. Nous étions quittes !

[Chandara]

Le soulagement remplaça immédiatement l'angoisse comme si un torrent avait lavé ses émotions négatives. Entendre Quentin qui venait de reprendre connaissance dénoua les noeuds qui s'étaient formés dans ses trippes et Chandara ne put s'empêcher de rire de la remarque du garçon même si celle-ci se voulait probablement sérieuse. Avant de lui répondre, elle l'entraîna vers le bord du bassin et - l'espérait-elle - à l'abri des regards :

- Je suis vraiment désolée - tu auras le droit de prendre ta juste revanche plus tard - mais c'était un cas de force majeure. Nous n'étions plus seuls sur le navire et il fallait nous échapper. Mais avant tout, est-ce que tu vas bien ?

[Taliesin]

-Aussi bien qu'un malheureux innocent qu'on vient de jeter cruellement par-dessus bord, dirais-je... répondit-il, mutin.
Tout en continuant à nager, il jeta un regard derrière lui
-Nous n'étions plus seuls à bord, disiez-vous ? Pourtant, le bateau avait l'air désert et je n'ai pas eu l'impression que nous ayons été suivis dans les grottes.

[Chandara]

Tout en progressant également vers la berge, la paladine jeta plusieurs regards en dircetion du bateau : les avait-on repérés quand ils avaient quitté la cabine en hâte ? Leur plongeon n'avait pas été des plus discrets et les inquiétants occupants du navire semblaient chercher ceux qui les avaient tiré de leur sommeil... Une fois hors de l'eau, elle prendrait le temps de répondre à Quentin - il était important qu'il soit informé de la situation :

- Tu avais un comportement étrange tout à l'heure, puis je t'ai retrouvé inconscient. Est-ce que tu te souviens de quelque-chose d'inhabituel ? Pour ma part, j'ai croisé les squelettes d'anciens membres de l'équipage de ce navire étrangement bien conservés. Puis j'ai entendu des voix.

Elle aurait certainement pu prendre le temps de se montrer plus subtile mais le temps pressait. Autant qu'elle pouvait en juger en l'état en tous cas.

[Taliesin]

-Oh...
Encore quelques brasses et Quentin reprenait :
-Tout cela est très étrange. Mon dernier souvenir, c'est le moment où, sur le pont, je vous ai... Enfin, le moment où j'ai malencontreusement trébuché, puis où je vous ai accidentellement bousculée, ce qui a amené votre chute malheureuse par-dessus bord. Après ça, plus rien, si ce n'est mon propre plongeon. Qui n'avait rien d'accidentel, celui-là.
Ayant atteint la berge, il commença à s'y hisser tandis que, derrière eux, il semblait bien y avoir de discrets mouvements, sur le bâtiment...

[Chandara]

Ce garçon ne manquait décidément pas de culot pour présenter les faits à son avantage ! Il avait immanquablement les qualités d'un barde et une paladine n'était pas armée pour rivaliser sur ce terrain. Elle se hissa à son tour sur la berge et chercha des yeux une cachette qui leur permettrait de ne pas se faire repérer par les occupants du vaisseau tout en continuant à observer leurs mouvements.

- Tu avais un comportement étrange... J'ai d'abord cru que tu me faisais une blague mais cela ne te ressemblais pas. Comme si tu étais possédé. Ce lieu est vraiment étrange. Tu es sûr que tu n'as rien trouvé dans les cabines ? C'est là que j'ai fini par te retrouver évanoui.

[Taliesin]

Le jeune musicien fit la grimace.
-J'ai vraiment fait autant de trucs que ça ? Pourtant, je n'en ai pas le moindre souvenir... On dirait un peu du somnambulisme mais en pire, j'ai l'impression... Et je suis pas sû d'aimer ça.
Autour d'eux, les rochers derrière lesquels se dissimuler n'étaient pas exactement ce qui manquait.

[Chandara]

La paladine attira son jeune compagnon derrière l'un d'entre eux : il était primordial de récupérer un peu de leurs émotions et peut-être de réfléchir à ce qui les attendait avant de prendre l'initiative de retourner enquêter sur le navire fantôme.

- Oui, du somnambulisme pourrait expliquer une partie de ton comportement. Même si tu ne semblais pas inconscient quand tu me chantais des chansons étranges. Juste pas toi-même. Et puis il y avait un autre coffret dans la cabine où je t'ai trouvé. Il semblait du même style que le médaillon que nous avons découvert dans l'autre grotte.

[Taliesin]

Oh... Et avez-vous pu l'ouvrir, ce coffret ?
Il hésita un instant puis ajouta :
-Quant aux chansons étranges... Ce n'est pas vrai que j'en ai chanté, n'est-ce pas ? Vous me faites marcher...

[Chandara]

Chandara conservait son air grave en songeant au coffret et aux autres événements inexpliqués qui avaient émaillés les dernières minutes :

- C'est ce qu'il y a de plus étrange : le coffret était déjà ouvert. C'est étonnant parce que j'avais gardé précieusement le médaillon dans mon sac de voyage. Mais il était sur toi quand je t'ai retrouvé.

Elle fouilla alors distraitement dans son sac comme pour vérifier qu'il ne manquait rien d'autre mais un sourire se dessina sur son visage alors qu'une réplique lui venait en tête :

- Si je me souviens bien, après que je sois "tombée par accident" dans l'eau, j'ai entendu des paroles du genre "-Plouf, quand vot' palouf fait plouf..." ou encore "C'est palouf qui prend la mer...". Oui je crois que c'était ça !

[Taliesin]

Quentin en resta littéralement bouche bée.
-Mais c'est plus qu'irrévérencieux, comme chansons ! finit-il par lâcher d'un ton indigné. Et pour le coffret, vous voulez dire que le l'aurais ouvert moi-même, après avoir volé le médaillon dans vos affaires ?
Il secoua la tête.
-Vous me faites marcher, je ne vois que ça. Parce que je ne suis pas du genre à insulter les gens, encore moins à les voler.

[Chandara]

Chandara se rendit compte qu'elle y était allé un peu fort : la gêne de Quentin semblait tout à fait sincère et il semblait marquer le coup. Elle tâcha donc de le rasséréner sans pour autant démentir ce qui venait de se produire et dont elle ne revenait toujours pas :

- Je sais bien que cela ne te correspond pas de faire ce genre de choses. Mais il semble que l'amulette ait une sorte de pouvoir ici : tu n'étais vraiment pas toi-même mais ne t'en fais pas, je n'ai aucune raison de t'en vouloir. Cela dit, je ferais mieux de garder l'objet : les paladins sont résistants à certains effets de ce genre.

[Taliesin]

Quentin secoua la tête.
-Vous savez, je n'ai vraiment pas envie d'y retoucher, à cette amulette. Me remettre à dire et à faire des choses qui ne me ressemblent pas et ça, sans m'en rendre compte et sans m'en souvenir ensuite, ça ne me tente pas vraiment.
Il soupira.
-J'espère que je n'ai pas déclenché une trop grosse catastrophe en ouvrant ce coffret... Mais ça n'est pas très engageant de savoir que, juste après, il y a eu du monde sur le navire.

[Chandara]

La paladine posa une main compatissante sur son épaule et lui adressa un de ses sourires qui chassaient immanquablement les nuages et rendait espoir même aux plus insensibles :

- Ne t'en fais, ce n'est pas ta faute : c'est moi qui nous ai amené ici sans anticiper ce genre de désagréments. Mais nous affronterons ce qui nous attend ici ensemble. Nous devons simplement tâcher d'en savoir plus et nous mettre à l'abri en attendant. Voyons, réfléchissons déjà à ce que nous savons : le coffret ne contenait aucun objet sinon je l'aurais sans doute retrouvé avec toi. Nous possédons toujours l'amulette qui semble être une clé. Nous aurons certainement à nous en resservir pour le refermer. Mais nous nous sommes échappé de justesse tout à l'heure : il va nous falloir un plan pour retourner sur le bateau en sécurité...

[Taliesin]

-Pas vident, ça. A moins d'attendre que ceux qui s'y trouvent soient repartis ou endormis. Ou de réussir à se faire passer pour deux d'entre eux. Mais bon ça, ça me paraît carrément impossible...
Il coula un nouveau regard en direction du navire. Faisant de même, Chandara constata qu'on était en train de mettre une chaloupe à la mer...

[Chandara]

Le sentiment de danger et d'urgence ne s'en fit que davantage ressentir : si ce n'était une coïncidence fortuite, il y avait de gros risque que les pirates se soient mis à la recherche de ceux qui les avaient réveillés. Peut-être les avaient-ils même déjà repérés ? Il semblait donc exclu de mener une opération téméraire dans l'immédiat et Chandara préféra donc entraîner Quentin vers la paroi qui leur permettrait d'atteindre le complexe de grottes où il serait plus aisé de se cacher et de chercher à en apprendre davantage en s'exposant au minimum.

[Taliesin]

Les cherchait-on toujours ? Les avait-on déjà repérés ?
Aucun moyen de le savoir.
Mais c'est sans encombre qu'ils parvinrent au pied du surplomb où commençait le tunnel : seuls les en séparait encore quelques mètres d'escalade.
C'est à ce moment là que des bruits leur parvinrent de plus loin dans la grotte.
Ce tournant dans cette direction, ils remarquèrent des silhouettes debout sur l'amoncellement de rochers fermant la caverne du côté de la mer. Manifestement, elles y maniaient la pioche...