[Ambre] Mont Kolvir

[Voyageuse]

En provenance d'ici

Eleina s'efforça de réfléchir à cette histoire de meurtre, sans succès. Elle ne voyait aucune logique là-derrière. Ni aucun lien avec la créature qu'ils avaient ramenée, sauf à imaginer que la personne à l'origine de tout ça veuille s'en prendre à tous les jeunes de la famille... ce qui pouvait bien être le cas, à la réflexion. Mais pourquoi auraient-il opté pour une prise d'otage dans son ombre ?
Elle fut tirée de sa réflexion par l'arrivée des chevaux, et s'étira. Si on lui donnait le choix, elle opterait sans hésiter pour l'option cavalcade dans la nature... ou ce qui faisait office de nature par ici. Mais ne connaissant ni les lieux, ni les possibilités de transport, elle se plierait bien sûr aux décisions qui seraient prises.
Quoique, à la réflexion, c'était sûrement ce qui était prévu, puisqu'il n'y avait que 2 chevaux sellés.

[Vel Cheran]

"Bon, c'est ici qu'on se sépare", annonça Bleys.

Fiona descendit et l'aida à harnacher les deux chevaux non-sellés au chariot, avant de monter à la place du conducteur. Bleys ouvrit la bouche pour protester, mais le regard de Fiona coupa court à toute protestation.

"Nous sommes proches d'Ambre", expliqua Fiona aux Danvers et à Eleina, "et le système de propulsion de la navette ne fonctionne pas ici. Matthieu, Hélène, je vous emmène dans un manoir que j'ai non loin d'ici. Personne d'autre que Bleys n'en connaît l'existence, vous y serez donc en sécurité en attendant qu'on en sache un peu plus. Eleina, tu vas être soumise à l'épreuve de la Marelle. Bleys t'y préparera. Nous verrons ensuite ce qu'il conviendra de faire."

"Tu sais monter à cheval ?"

[Voyageuse]

" Heu... Oui, oui."
Elle avait appris, bien sûr, et s'entraînait de temps en temps, sachant que c'était un mode de transport fréquent en Ambre. Mais pour l'heure, son esprit avait cessé de fonctionner en entendant mots "épreuve de la marelle". Elle savait ce que c'était... très vaguement. En réalité, non, elle n'en savait rien, sauf que cela devait lui donner les pouvoirs ambriens qu'elle n'avait pas. Fiona avait toujours éludé ses questions sur la nature des épreuves en question, et elle savait juste qu'il y avait quelque chose à traverser. Et que ce n'était pas facile.
Elle grimpa en selle, souplement, mais n'osa poser aucune question, intimidée à la fois par la perspective de cette épreuve et par le fait de se retrouver seule avec son père jusque-là.

[Vel Cheran]

"Faites attention", leur dit Fiona, d'un ton qui tenait plus de l'ordre que du conseil.

Bleys hocha la tête d'un air grave et tourna bride vers le sous-bois.

"Nous allons prendre un raccourci, pour éviter les questions gênantes", expliqua-t-il à Eleina en mettant son cheval au pas. "Je profiterai du chemin pour te préparer à la traversée de la Marelle. C'est une épreuve que tu devras affronter seule, mais ne t'inquiète pas, nous sommes génétiquement programmés pour la réussir."

La forêt était dense, mais pas suffisamment pour gêner leur progression. Autour d'eux, les bruits d'animaux divers - certains familiers à Eleina, d'autres non - résonnaient dans une musique printanière.

"Il est peu probable que tu échoues."

[Voyageuse]

Eleina s'efforçait, malgré la végétation, de se maintenir à la hauteur de son père pour discuter.
" Peu probable, peu probable... A quel point ? Est-ce que c'est déjà arrivé, que des gens de notre famille échouent ?"
Malgré son questionnement, elle était confiante : pourquoi elle -précisément elle- devrait-elle échouer ? Elle valait sûrement aussi bien que les autres...
" Et qu'est-ce qu'on risque, si on échoue ?"

[Vel Cheran]

"Personne n'a jamais échoué, dans notre famille", répondit-il d'un ton rassurant. "Cela étant, il ne faut pas que tu prennes cela à la légère : l'échec est toujours possible, même pour moi."

Ils progressaient toujours à travers bois, sans en apercevoir la fin.

"La Marelle est un tracé gigantesque, qu'il faut parcourir de bout en bout pour accéder aux pouvoirs qu'elle confère. Il ne faut jamais mettre un pied en-dehors du tracé, sous peine d'être annihilé. Il ne faut jamais s'arrêter de marcher, sous peine de ne pas réussir à s'arracher à son inertie pour repartir."

Bien que leur vue soit bouchée par la densité du sous-bois, Bleys semblait parfaitement savoir où il allait car il les fit tourner à gauche sans plus d'explication.

"Certains passages sont plus difficiles que d'autres : c'est le cas des trois Voiles et de la Grande Courbe, qui présentent une résistance accrue à notre progression sur le tracé. Même si on y a la sensation de ne pas avancer, il faut toujours continuer et rester concentré."

[Voyageuse]

" C'est comme... un labyrinthe, c'est ça ? Mais comment un simple chemin pourrait s'opposer à notre progression ? J'ai du mal à visualiser..."
Eleina essayait sans succès de se représenter les choses. Elle haussa les épaules.
" Si faut juste suivre le chemin... ça ne doit pas être bien sorcier, résuma-t-elle avec désinvolture. Et ça apporte quoi, de suivre ce chemin ? De pouvoir utiliser les atouts, c'est ça ? Est-ce qu'il y a autre chose ?"

[Vel Cheran]

"C'est bien le plus surprenant avec la Marelle : ce n'est qu'un bête tracé, quand on y pense. Même pas un labyrinthe : il n'y a qu'un seule chemin possible. Mais c'est bien plus qu'un tracé, en vérité. Tes doutes s'évanouiront lorsque tu lui feras face."

Ils s'approchaient maintenant d'un chemin ombragé qui semblait gravir un flanc de montagne en sinuant. Bleys s'arrêta quelques instants, semblant guetter quelque chose, avant de donner le signal de repartir.

"La Marelle est à l'origine de toute réalité en ce monde. Avant sa création, tout n'était que chaos. Son schéma coule dans nos veines, est imprimé dans la moindre de nos cellules, car nous sommes de la lignée royale d'Ambre. C'est elle qui fait de nous des êtres à part."

Leurs montures ne semblaient pas fatiguer, et ils continuèrent l'ascension sans s'arrêter. Par endroit, le chemin se découvrait, et Bleys empruntait alors un détour, en amont ou en aval du chemin, afin de rester systématiquement masqué par la végétation.

"N'importe qui peut apprendre à utiliser des Atouts. En revanche, la Marelle nous confère le pouvoir de nous déplacer en Ombre. Ça peut paraître anodin, mais du point de vue d'un Ambrien, c'est un peu comme si tu étais tétraplégique actuellement : incapable de te déplacer par toi-même. Tu vois ce que je veux dire ?"

[Voyageuse]

Eleina hocha la tête.
" Oui, oui, je vois... Même si j'imagine mal comment on fait pour se déplacer en ombre. Je veux dire... je vois bien que c'est possible, je vois ce que vous faites, Fiona ou toi, mais j'ai du mal à imaginer comment je vais pouvoir le faire. Je suppose que ça s'éclairera après cette traversée de la marelle", conclut-elle en haussant les épaules.
Elle veillait à parler à voix presque basse, consciente que son père semblait craindre quelque chose.
" En tout cas, ça n'a pas l'air si simple... On ne peut pas se déplacer instantanément jusqu'en Ambre ? On ne peut pas se créer un chemin sûr ? Tu as l'air de surveiller les alentours... comme si l'endroit était dangereux."

[Vel Cheran]

"Disons que le climat actuel porte à la prudence."

Leur ascension se fit plus marquée, et, par moment, Eleina put voir à travers les arbres qu'ils avaient atteint une altitude relativement élevée. En contrebas, elle aperçut ce qui semblait être un lac.

"Alors que nous étions tous - ou presque - réunis en Ambre, le fils de Benedict est assassiné. Pour quelqu'un qui se trimballait un bouclier indestructible et formé par le plus grand escrimeur jamais vu, c'était plutôt louche, déjà. Mais, en plus, il a été tué par une arme à feu, dans une ombre où la poudre noire n'explose pas, et par exactement le même genre de créatures que nous avons combattu en Utopia - créatures que nous n'avions jusqu'alors vu qu'en compagnie de notre frère Corwin. Sachant que Corwin lui-même se fait très discret depuis qu'il a tracé sa propre Marelle, il y a déjà un certain nombre d'années de cela."

Leur chemin sembla s'approcher de l'orée des bois. Au loin, il semblait s'achever au bout d'un promontoire herbeux, comme une invitation à se jeter dans le vide. Bleys arrêta sa monture et mit pied à terre.

"Notre famille a connu de nombreuses dissensions par le passé, alors nous sommes d'un naturel méfiant. J'aurais préféré garder ton existence secrète plus longtemps, mais je crois que je me suis voilé la face : il est temps que tu embrasses ton héritage. Ça ne m'empêchera pas d'essayer de ne pas rendre publique ton arrivée ici."

[Voyageuse]

Eleina haussa les épaules.
" Je peux être en Ambre tout en restant cachée, non ? Tu as besoin de dévoiler que je suis ta fille ? Je pourrais être une ambrienne anonyme... Enfin... peut-être qu'une ambrienne anonyme ne pourrait pas rejoindre la marelle..."
Elle haussa les épaules.
" Mais concrètement... pourquoi tu préfères me garder cachée ? Tu penses qu'on pourrait aussi s'en prendre à moi ? "

[Vel Cheran]

Bleys eut un petit rire.

"Très honnêtement, tu ressembles beaucoup trop à Fiona et moi pour que l'on puisse croire que tu n'es pas de la famille. Et... il n'y a pas vraiment d'ambrien anonyme, tu sais. Notre famille est grande, mais pas tant que ça."

Il fouilla dans les fontes de sa selle et en sortit une nappe, qu'il étala sur le sol.

"Je pense que si ces créatures s'en sont prises à Matthieu et non à toi, il y a une chance pour que la personne qui est derrière tout ça ne soit pas au courant de ton existence, ou en tous cas ne fasse que la soupçonner. Ils ont sans doute établi un lien entre Matthieu et moi, mais guère plus, espérons-le. Cela étant, ne prenons pas trop de risques."

Ses fontes contenaient de quoi faire un pique-nique, et il se mit à disposer les victuailles sur la nappe.

"On va donc passer par une voie discrète pour te faire parcourir la Marelle, et vu que ça ne peut que se passer de nuit, ça nous laisse le temps pour manger un morceau et nous reposer."

[Voyageuse]

Eleina n'était pas vraiment convaincue par le raisonnement. Les créatures ne s'en étaient pas prises à Mathieu, lui semblait-il, mais plutôt aux instances dirigeantes de l'ombre où elle vivait, peut-être dans le but de la localiser, elle. Mathieu n'avait été qu'un otage anonyme parmi d'autres. Il était fort possible que leur cible soit elle-même. Et si le fils de Benedict -son cousin, donc, réalisa-t-elle- avait été tué, malgré un bon bouclier et certainement un bon entraînement martial, elle n'aurait aucune chance face aux mêmes adversaires.
Mais la fin des explications de son père lui fit perdre le cours de ses inquiétudes.
" De nuit ? Pourquoi ça ?"

[Vel Cheran]

Bleys répondit la bouche pleine.

"La Marelle se situe dans les sous-sols du palais d'Ambre, au sommet de la montagne où nous sommes. Mais l'accès y est surveillé, ce qui complique nos envies de discrétion. Cela étant, il existe deux reflets du palais, et tous deux contiennent un reflet de la Marelle, qui fonctionne exactement comme l'originale. L'un de ces reflets est Rebma, une cité sous-marine dans le lac, là-bas", expliqua-t-il en désignant l'étendue d'eau aperçue un peu plus tôt.

"Notre arrivée à Rebma ne passerait pas plus inaperçue qu'au palais d'Ambre. Nous allons donc opter pour le deuxième reflet, Tir Na Nog'th, qui n'apparaît que de nuit sous les rayons de la lune. Et on y accédera par ici", ajouta-t-il en désignant le promontoire au bout du chemin.

[Voyageuse]

Eleina n'était pas sûre de comprendre grand-chose à ces explications. L'idée qu'il y ait des reflets du Palais était un concept un peu flou pour elle. Et que ces reflets puissent avoir les mêmes pouvoirs que la Marelle réelle lui paraissait assez inconcevable. Mais sa tante Fiona avait déjà employé ces termes-là avec elle, et elle ne voulait pas paraître totalement ignare, aussi préféra-t-elle ne pas poser trop de questions. Elle se contenta de commenter l'explication.
" C'est bizarre de se dire qu'un reflet puisse faire la même chose que la Marelle réelle. Surtout un reflet qui n'est là que la nuit..."
Elle haussa les épaules, et mordit à son tour à belles dents dans un sandwich.
" Et quand tu dis que je dois y aller seule... Toi, tu restes à proximité ? Tu peux me donner des conseils si ça devient difficile ? Ou je dois vraiment être seule?

[Vel Cheran]

Bleys se servit un gobelet de vin - ces fontes étaient décidément bien grandes - avant de répondre avec un sourire.

"La réalité est bien plus complexe que ce qu'Utopia pouvait te laisser penser. La Marelle recèle des pouvoirs que tu ne peux imaginer, et je n'en connais moi non plus pas toutes les facettes. Tir-Na-Nog'th est un peu spéciale : elle est projetée par le clair de lune, et se dissipe si des nuages la masquent. Il faudra donc que je reste sur la terre ferme, en contact permanent avec toi, pour te rappeler près de moi si la cité commençait à s'estomper."

Il sortit son jeu d'Atout, le parcourut rapidement et en sortit une lame qu'il mit de côté. Sur la carte, on pouvait voir Eleina, devant le manoir Danvers ; sa tenue et sa coupe de cheveux indiquait qu'elle était alors dans sa vingtaine.

"J'aurai du mal à communiquer avec toi une fois le parcours de la Marelle débuté, par contre, d'autant plus que je risquerais de te déconcentrer. Oh, j'allais oublier : la cité dans le ciel est peuplée de... comment dirais-je... d'apparitions fantomatiques. Certains y attachent une signification prophétique, d'autres pensent qu'il s'agit de projections inconscientes, comme un rêve. Ils ne pourront pas te voir, donc ne t'en inquiète pas trop."

[Voyageuse]

" Des fantômes ?"
Eleina sourit, plus amusée qu'inquiète.
" Ça doit être une expérience intéressante... Mais ça m'inquiète un peu, ton histoire de cité qui s'estompe... Si tu as du mal à communiquer avec moi, tu ne pourras pas me rappeler... Et puis, je croyais qu'il ne fallait pas s'arrêter une fois qu'on a commencé ?"
Elle leva un regard inquiet vers le ciel.
" J'espère qu'il va faire dégagé..."

[Vel Cheran]

"S'il y a une chose que je n'ai jamais vu, ici, c'est l'estompement de la Marelle dans le ciel une fois le parcours commencé. Je crois que Dworkin a une théorie là-dessus, impliquant que la véritable Marelle utilise son énergie pour solidifier sa projection lunaire, mais je ne me souviens plus des détails. Il est parfois difficile à suivre."

Bleys engloutit un morceau de fromage entre deux tranches de pain, avant de se reprendre.

"Euh, pardon, Dworkin est notre grand-père, au fait. Il a plus ou moins dessiné la Marelle. Non, en fait, il l'a complètement dessinée, je ne sais pas pourquoi je mets des nuances..."

Le soleil avait dépassé l'horizon, et projetait des rayons orangés à travers le ciel. On aurait dit une carte postale d'un magasin de souvenirs d'Utopia - sauf que le ciel n'avait, là-bas, jamais une teinte pareille.

[Voyageuse]

" Dworkin est... mon arrière-grand-père, c'est ça ?", demanda Eleina d'une voix un peu altérée.
Elle se tut un instant, observant le magnifique coucher de soleil. Elle avait donc un arrière-grand-père, puisque Bleys n'en parlait pas au passé. C'était une sensation étrange. En Utopia, rares étaient les gens à connaître leurs arrières-grands-parents... Mais ce n'était pas seulement ça. Avoir toute une famille, une vraie, qu'elle ne connaissait pas, lui faisait une drôle d'impression.
" J'aimerais bien le connaître.... Et le reste de la famille. Et... ma mère, aussi," lâcha-t-elle après une brève hésitation.

[Vel Cheran]

Bleys se tut, et, tout en mangeant, il suivit du regard la course du soleil, jusqu'à ce qu'il ait complètement disparu sous l'horizon.

Une légère brise agita les branches des arbres, rafraîchissant l'air ambiant. Quelques oiseaux lançaient encore des trilles joyeuses, mais, peu à peu, la forêt se couchait elle aussi. Alors, la lune apparut dans le ciel, et, partant du tertre leur faisant face, une structure blanchâtre prit forme sous leurs yeux. Alors qu'elle gagnait en consistance, Eleina réalisa qu'il s'agissait d'un escalier, et que ce qu'elle avait pris pour un promontoire en constituait les premières marches. Les marches s'élevaient, interminables, jusqu'à atteindre une forteresse formidable, dont les contours encore flous se précisaient à chaque seconde.

Une grande inspiration, en provenance de Bleys, coupa le silence.

"Nous verrons ça plus tard", répondit Bleys d'une voix enjouée, mais Eleina crut y déceler un tremblement. "D'ici quelques minutes, Tir-Na-Nog'th sera praticable, il n'y a donc pas un instant à perdre."

Il se leva et se dirigea à grands pas vers l'escalier, qu'il tâta du bout du pied : sa botte s'enfonça légèrement, comme si le sol était mou.

"Encore quelques instants de patience."

[Voyageuse]

Eleina avait espéré qu'il en dirait plus. Au moins un petit peu plus. Son silence la frustra, et la peina. Elle n'osa pas insister, ouvrit une fois ou deux la bouche, et renonça, se promettant d'y revenir dès que l'occasion se présenterait.
Cependant, le ton de sa voix, lorsqu'il reprit la parole, lui fit envisager qu'il y avait peut-être là un secret douloureux. Elle insisterait, oui, une autre fois, mais avec douceur.

Elle se leva et s'approcha à son tour de l'escalier, soudain un peu anxieuse. Non, ce n'était pas vraiment de l'anxiété : plutôt une forme de trac. Comme avant la première épreuve d'une compétition.
" Si tu ne peux pas communiquer avec moi... tu m'attends à la sortie du labyrinthe ? Ou est-ce qu'on revient au point de départ ?"

[Vel Cheran]

"Une fois atteint le centre de la Marelle, tu pourras lui demander de te transporter où tu le désires. Le plus simple est que tu décides de revenir à mes côtés, mais ce sera à toi de voir."

Il tâta une nouvelle fois la première marche, et son pied rencontra une surface parfaitement solide.

"C'est bon, tu peux commencer à monter. Je t'appellerai par ton Atout : tu ressentiras un picotement derrière la nuque, et il te suffira d'ouvrir ton esprit pour accepter la communication. Ça peut paraître un peu abstrait, dit comme ça, mais ça te semblera évident le moment venu. Un conseil, néanmoins : un contact par Atout peut être utilisé à des fins malveillantes, donc reste sur tes gardes les autres fois où cela arrivera, même si je pense être le seul en possession d'une image de toi."

[Voyageuse]

Elle pouvait aller... où elle voulait ? Eleina songea aussitôt à une demi-douzaine d'endroits agréables. Mais hélas, ils se trouvaient tous en Utopia, et c'était certainement impossible. Elle ne connaissait rien dans ce monde-ci.
Puis une idée lui vint à l'esprit : la marelle pourrait-elle la transporter auprès de sa mère ? Pouvait-elle lui demander ça ? Bon, ça ne se faisait peut-être pas, de surgir comme ça dans la vie d'une inconnue... et puis, elle était peut-être morte, vu la réaction de son père. Et si elle la trouvait... comment reviendrait-elle ?

" Heu... J'ai une question... Est-ce que... je pourrais avoir un atout de toi ? Au cas où je me retrouve par inadvertance à un endroit dangereux ? Et tu pourrais me dire comment m'en servir en quelques mots ?"
Elle tenta d'avoir un air aussi innocent que possible. Mais sa propension naturelle à se fourrer dans les ennuis avait dû être rapportée à Bleys.

[Vel Cheran]

Surpris, Bleys acquiesça.

"Tu as raison, j'aurais dû y penser."

Il sortit de son jeu l'Atout le représentant et le donna à sa fille. Si le style graphique du croquis qu'il avait réalisé en Utopia était similaire à l'Atout qui la représentait, celui-ci était d'une toute autre facture, et n'avait donc vraisemblablement pas été dessiné par Bleys.

"C'est très simple à utiliser : tu regardes la carte et tu te concentres sur le sujet : l'image s'animera et le contact sera établi. Ensuite, il suffira que l'on se donne la main et que l'un de nous deux fasse un pas en avant pour rejoindre l'autre."

[Voyageuse]

Eleina prit l'atout, et l'observa un instant avec une émotion indéfinissable avant de le glisser dans sa poche, avec soin, comme si c'était un objet extrêmement précieux. Après tout, sa vie pouvait en dépendre. Mais c'était aussi la première fois que son père lui donnait quelque chose de personnel, quelque chose qui lui soit lié -au sens propre en l'occurrence.
" Merci... C'est juste au cas où, bien sûr."
Elle sourit à son père.
" Allons-y, cette fois je suis prête ! Je te suis..."

[Vel Cheran]

Bleys eut un éclat de rire.

"Ah non, tu ne me suis pas, tu y vas seule et je t'attends ici !"

Il désigna l'escalier blanchâtre qui s'élevait dans le ciel.

"Ne te précipite pas trop pour grimper, ça demande un peu de souffle. Mais je ne m'inquiète pas trop pour ça."

[Voyageuse]

Eleina rit, joyeusement.
" Non, faut pas t'inquiéter !"
Et elle s'élança dans l'escalier d'un pas enthousiaste, certainement plus rapide que ce qu'on lui avait conseillé. Elle avait une bonne forme physique et n'allait tout de même pas se laisser impressionner par une volée de marches, fussent-elles très étranges et fantomatiques. Bien sûr, grimper ainsi sur un escalier qui n'existait pas quelques instants plus tôt était un peu irréel. mais les marches semblaient fermes sous ses pieds et elle avait confiance : si Bleys disait qu'elle pouvait avancer, c'était que tout irait bien. Elle se demandait juste ce qui l'attendait en haut. Elle n'arrivait pas à imaginer à quoi cela pouvait ressembler...


HRP : Suite ici

[Vel Cheran]

Réapparaissant dans le sous-bois, près de leurs chevaux, Eleina constata que son père Bleys était dissimulé derrière un bosquet, surveillant le chemin qu'ils avaient emprunté pour venir. Les arbres masquaient le clair de lune, compliquant toute recherche.

L'Ambrienne entendit les bruits de sabots prévus, qui semblaient approcher de leur position. Ils étaient manifestement une demi-douzaine, et passèrent au pas à quelques mètres d'eux sans s'arrêter. Sortant du couvert des arbres, ils furent illuminés par la lune, ce qui permit de les détailler : ils étaient cinq, et de toute évidence des soldats escortant une tête couronnée. En effet, au milieu des hommes d'armes, une dame au maintien régalien tendait l'oreille, immobile. Eleina la reconnut pour l'avoir vue à Tir-Na-Nog'th, assise sur le trône royal.

[Voyageuse]

Eleina observa le petit groupe avec attention, la tête pleine de questions. Que faisait la reine ici ? Savait-elle qu'elle se trouvait dans le palais de brume quelques minutes plus tôt ? Ou bien avait-elle vu un reflet totalement indépendant de la personnalité réelle de la reine ?
Quoiqu'il en soit, le groupe de cavalier ne présentait manifestement pas un danger. Indécise quant à la conduite à tenir, elle resta en retrait, décidée à calquer son attitude sur celle de son père. Après tout, celui-ci avait décidé de venir ici dans le plus grand secret et ne souhaitait pas dévoiler la présence de sa fille. Elle ne savait pas si cette discrétion s'appliquait aussi face à la reine.

[Vel Cheran]

HRP : vraiment désolé pour le retard, t'as droit à un long message pour la peine.


À la vue de la reine, Bleys avait eu comme un léger mouvement de surprise - mais il était difficile d'en être certain, surtout dans cette obscurité.

Celle-ci tourna sa monture vers le sous-bois et lança d'une voix à la fois douce et ferme :

"Bleys, je vous en prie, venez me rejoindre. Vous et votre protégé n'avez rien à craindre."

Le père d'Eleina étouffa un juron, avant de se redresser. Il fit un léger signe à Eleina de rester cachée, puis s'avança à découvert.

"Votre Majesté ne devrait pas sortir en pleine nuit, elle risquerait d'attraper froid", répondit-il avec son ironie coutumière. "J'espère que ces soldats ne sont pas là pour moi."

La reine ne réagit pas à la plaisanterie, comme si elle ne l'avait pas entendue ou qu'elle y était habituée.

"Une reine ne saurait se déplacer sans escorte, par les temps qui courent, même si je le déplore." Tournant ses yeux aveugles vers le sous-bois, elle ajouta : "Je vous assure que vous et la personne qui vous accompagne êtes en parfaite sécurité en Ambre."

"Je suis curieux de savoir comment vous m'avez trouvé", éluda Bleys.