[Lieu] Une fonderie bien cachée

[Voyageuse]

" Mais... pourquoi vous nous avez dit qu'il était parti ? s'exclama, étonné, l'un des deux hommes. Il va falloir vous expliquer !"
L'autre, cependant, s'avançait d'un pas rapide vers Kmir.
" Vous ! Pas un mot, pas un geste ! Gardez les mains en évidence !"
Tandis qu'il parlait, Kmir vit le corps de la sorcière se redresser, et peut-être même grandir légèrement, tandis que sa peau s'assombrissait et que ses mains se modifiaient. Elle lui faisait face, tournant le dos aux deux hommes, et ses yeux brûlaient de haine et de rage.

[Kmir Tailleroc]

Cette fois, il n’y avait plus à hésiter. La sorcière avait décidée de se dévoiler. Kmir, qui sentit ses entrailles se nouer, s’adressa aux miliciens d’une voix tendue :
« Prenez gardes ! Cette vieille femme n’est pas ce qu’elle semble être ! Vous êtes en danger ! »
Il s’aplatit contre le mur, juste à côté de la porte. Il ne devait pas bouger, sauf si la sorcière continuait de s’approcher de lui. Il ne devait pas distraire les miliciens. Le gnome était incapable de se défendre, ils étaient sa seule chance !

[Voyageuse]

Il y eut un instant de flottement, puis la sorcière commença à incanter, un rictus méprisant sur les lèvres.
Réagissant enfin, l'un des présumés gardes bondit sur elle en l'entendant psalmodier dans une langue inconnue. Elle lui tournait le dos, et peut-être n'avait-il pas vraiment pris conscience du danger qu'elle représentait, car il n'avait pas dégainé son épée, imaginant peut-être la maîtriser à mains nues. Mais la sorcière se retourna, et, faisant preuve d'une force et d'une souplesse inattendue, elle esquiva l'attaque, attrapa son poignet et l'envoya valdinguer au sol en direction de Kmir. Et continua, imperturbable, à incanter.

Son comparse, comprenant enfin la gravité de la situation, tira sa lame du fourreau et se précipita à son tour. Un rayon d'énergie sombre jaillit du doigt de la vieille femme -qui ne ressemblait plus vraiment à une vieille femme, plutôt à une créature humanoïde difforme à la peau sombre et aux membres griffus. Frappé en plein poitrail, l'homme parut déstabilisé, mais il poursuivit son mouvement et l'épée s'abattit sur la sorcière. La force du choc la déséquilibra légèrement, mais aucune goutte de sang ne jaillit, et elle ne poussa aucun cri de douleur. La lame ne lui avait pas causé la moindre égratignure.

[Kmir Tailleroc]

Et bien, le moment semblait bien choisi pour disparaître.
Les deux hommes n’avaient pas la moindre chance contre un tel monstre et Kmir n’avait pas les moyens de faire tourner l’affrontement en leur faveur. Il profita de ces quelques secondes où plus personne ne le regardait pour commencer à s’éclipser. Il estimait ses chances d’y parvenir proche de zéro. Le combat ne durerait très probablement pas assez longtemps pour qu’il puisse assez s’éloigner. Et dans son état de faiblesse, il ne pouvait pas courir. Ses seuls atouts, c’était qu’il savait être très discret et que n’ayant présentement aucun vêtement, son épiderme couleur roche pouvait se fondre dans le décor rocailleux.
Quoi qu’il en soit, la fuite était la seule chose sensée qui lui venait à l’esprit. Il ne réfléchit pas à la direction, il se contenta d’aller là où il pourrait le plus vite s’évanouir dans la nature.

[Voyageuse]

Le chemin le plus simple à prendre, celui qu'il suivit tout naturellement, fut le sentier qui redescendait dans la vallée. Prendre le large chemin ascendant aurait nécessité de contourner le combat, et, surtout, lui aurait coûté un effort physique supplémentaire : descendre était nettement plus facile.
Il vit le second garde attaquer à son tour, mais cette fois-ci son coup porta. Il entendit incanter la sorcière. Puis il ne distingua plus grand-chose : descendre le sentier escarpé, au milieu des broussailles qui s'accrochaient au rocher, nécessitait toute sa concentration. Et dans son état de fatigue, il n'en avait guère. Il se prit les pieds dans une racine, tituba, se rattrapa à un arbuste dont la branche cassa. Derrière lui, le combat se poursuivait, pour le moment du moins. Il se souvenait que la pente était raide et que le sentier qui y serpentait lui avait paru interminable à l'aller. Mais il était relativement facile de s'écarter du sentier pour tenter de se dissimuler dans la rocaille.

[Kmir Tailleroc]

Kmir n’hésita guère. Il s’écarta du chemin. Le combat n’allait pas durer, il en était persuadé. Il devait disparaitre, se fondre dans les rochers.
Fichtre, s’il se sortait vivant de cette histoire, il se ferait prêtre de Tymora. Il pria fort la dame de la chance tout en progressant laborieusement. Il n’était peut-être plus si improbable qu’il parvienne à s’évanouir dans la nature. Le terrain était à son avantage, et sa nature de svirfnebelin empêchait la sorcière de le localiser par magie si jamais elle maîtrisait de tels sorts. Mais il faudrait un miracle pour qu’il ne finisse par mourir de faim, d’épuisement, de froid. À moins qu’une bête sauvage ne vienne lui régler son compte. Ce serait toujours mieux que de connaître le destin que lui réservait la sorcière.
Kmir, désormais, privilégiait la prudence. Il ne devait pas ajouter à la longue liste de ses problème une blessure. Et dès qu’il percevrait un bruit de pas, il se planquerait.

[Voyageuse]

Cheminer à flanc de coteaux n'avait rien d'évident dans son état de faiblesse. il avançait lentement, et devait surveiller le sol sous ses pieds pour ne pas risquer de trébucher ou de se tordre une cheville sur une pierre branlante. Il pouvait utiliser la végétation pour sécuriser son équilibre, mais chaque branchage cassé marquait son passage de façon visible pour quelqu'un qui serait habitué à lire ce genre d'indice dans la nature.
Il s'était éloigné de quelques toises seulement quand il entendit un bruit de pas précipités dévalant le sentier. Il eut le temps de se plaquer au sol, à demi dissimulé derrière un buisson. Les pas poursuivirent leur route sans ralentir, et se perdirent en contrebas. Il lui sembla avoir distingué deux silhouettes. Mais les deux hommes étaient trop pressés de fuir pour le remarquer.

[Kmir Tailleroc]

Que fallait-il en conclure ? La sorcière était-elle morte ? Mais dans ce cas, pourquoi fuyaient-ils ? Il était bien plus probable que la sorcière ait pris le dessus, sans pour autant avoir pu tuer l’un des deux supposés miliciens. Kmir décida donc de reprendre sa prudente progression. Il allait tenter, dans la mesure du possible, de ne plus se servir des végétaux, même s’il fallait pour cela progresser à quatre pattes. Il n’avait aucune envie de pouvoir être pisté. Inutile d’aller loin. Il fallait juste se volatiliser.
Après, ce serait quand même bien d’arriver quelque part.

[Voyageuse]

Il entendit, pendant plusieurs minutes, la cavalcade des deux hommes en contrebas. Ils ne cherchaient pas à être discret, juste à fuir le plus vite possible. Il devina, par moment, des cris de douleur étouffés : l'un d'eux au moins devait être blessé.
Il lui était impossible de savoir si la sorcière s'était lancée à leur poursuite : si elle les suivait, les bruits de ses pas se confondaient avec les leurs. Mais peut-être privilégiait-elle la discrétion à la rapidité. Il était possible, également, qu'elle préfère partir à la recherche d'un gnome affaibli que de deux gardes armés, et qu'elle soit en train de le pister. Quoiqu'il en soit, il n'entendait aucun son indiquant sa présence.

La progression était malaisée : il avait quitté le sentier et devait se glisser le long d'une pente rocailleuse particulièrement raide. Descendre était plus facile que monter, mais il manquait de prises solides, et, s'il voulait ne laisser aucune marque, il était contraint d'avancer à quatre pattes, ou parfois de se laisser glisser sur les fesses, en évitant les ronces et les arêtes tranchantes, pour ne pas s'écorcher et laisser de traces de sang.
Il n'y avait pas vraiment de cachette apparente, hormis de nombreux buissons derrière lesquels il pouvait s'accroupir. Il ne voyait pas de grotte ni de rocher suffisamment imposant pour le dissimuler.

[Kmir Tailleroc]

Il fallait s’éloigner mais surtout, il fallait demeurer invisible.
La distance était secondaire, il était bien trop lent pour espérer prendre de vitesse la sorcière. S’il voulait avoir la moindre chance de lui échapper, c’était en évitant qu’elle ne retrouve sa trace.
Kmir progressait donc avec lenteur et méthode. Ne pas se blesser, ne pas être vu. Pour ce dernier point, il comptait davantage sur le fait qu’il se fondait dans le paysage et ne progressait que courber, ou à quatre pattes, que sur des cachettes puisqu’il n’y en avait pas.
Mais est-ce que tout ceci menait à quelque chose ? Fuir une mort pour mourir autrement… Il se sentait si lasse…

[Voyageuse]

Il aboutit, au bout de quelques minutes, à un espace plus dégagé, lui offrant une vue imprenable sur la vallée en contrebas. Il distingua nettement le sentier qu'il avait emprunté en suivant la sorcière, quelques temps plus tôt (quelques jours peut-être). Il descendait en serpentant dans la garrigue, et il y aperçut les deux gardes qui progressaient rapidement : ils étaient parvenus au creux de la vallée et avaient obliqué pour se diriger vers l'intérieur des terres, en longeant la rivière, tournant le dos à la mer dont Kmir devinait la présence toute proche.
La sorcière, en revanche, demeurait invisible.

Devant lui s'étendait un éboulis, une étendue de cailloux sans végétation ni de rochers derrière lesquels se dissimuler. Même s'il était particulièrement doué pour se dissimuler dans ce genre d'environnement, une silhouette en mouvement était facilement visible. Et la pente, particulièrement raide, rendait la traversée de l'éboulis délicate. Mais au-delà de l'éboulis, un peu en contrebas, il devinait l'amorce d'un sentier, à peine tracé, qui descendait peu à peu vers la vallée.
Un bruit se fit entendre subitement : celui de pierres roulant sous les pas, quelque part derrière lui, un peu plus haut cependant que sa position actuelle.

[Kmir Tailleroc]

Kmir hésita…
Ses pensées s’embrouillaient de nouveau. Décider quelque chose devenait difficile. Il finit quand même par se convaincre de ne pas traverser tout de suite l’éboulis. Il risquai d’être vu en le faisant. Ce qui comptait, encore une fois, ce n’était pas la distance, c’était de disparaître. La sorcière était proche, supposait-il. Alors, il se décala légèrement, et demeura parfaitement immobile. Il reprendrait son trajet quand la sorcière serait plus loin… Ou quand il se réveillerait car il risquait fort de sombrer en ne restant plus actif.

[Voyageuse]

C'était certainement la décision la plus sage, compte tenu de sa fatigue et de son état de faiblesse générale. Il sentait qu'il avait l'estomac dramatiquement vide, et que ses nerfs et sa volonté suppléaient totalement ses muscles depuis le début de sa fuite. Rester immobile, outre la discrétion, lui permettait de se reposer et de reprendre son souffle, et peut-être quelques forces.
Le soleil baissait à l'horizon, lentement. Il entendit, à nouveau, le discret roulement de quelques pierres, plus proche, mais toujours au-dessus de sa position. Il était resté à l'abri de la végétation et profitait du couvert de quelques buissons de garrigue, qui gardaient leurs feuilles même en ce début d'automne. Si la sorcière était bien à l'endroit d'où venait le bruit, elle ne pouvait pas l'apercevoir tant qu'il restait immobile.
Lui, en revanche, l'entendait, et, même si sa perception était un peu floue à cause de son épuisement, il devina qu'elle dépassait sa position, à quelques toises seulement au-dessus de lui. Ses pas commencèrent à s'éloigner, très lentement. Ses oreilles bourdonnaient, et il avait du mal à les distinguer. Puis il lui sembla ne plus rien entendre, mais il sursauta en réalisant qu'il était simplement en train de sombrer dans une torpeur dangereuse. Ce qui n'avait rien d'étonnant compte tenu du froid environnant, ajouté au manque de nourriture. Il frissonna, mais pas seulement de froid : la fièvre montait lentement dans son organisme, heureusement moins forte que les jours précédents.

[Kmir Tailleroc]

Il fallait se remettre en route…
Kmir, mollement, se remua. Il devait franchir l’éboulis, atteindre l’amorce de sentier…
Il fallait poursuivre temps qu’il le pouvait…
Il voulait toujours y croire, mais désormais, il lui fallait un miracle…
Il lui fallait de la nourriture, il lui fallait des vêtements, il lui fallait un refuge… Il lui fallait des tas de choses mais ce n’était pas au milieu de nulle part qu’il pourrait les trouver. Peut-être juste le refuge, mais sans le reste, il deviendrait sa tombe. Trop faible, il ne pouvait plus faire usage de ses dons de voleur. Et avec son apparence, les chances de bénéficier de l’hospitalité de personnes croisées au hasard frôlait dangereusement le néant… Il ressemblait à un gobelin, ou à une gargouille, nu, c’était encore plus criant. Il espérait le miracle, mais une bonne partie de son esprit pragmatique lui affirmait que c’était la fin.
Peu importait, il allait continuer, jusqu’au bout.

[Voyageuse]

Il traversa l'éboulis avec mille précautions, manqua glisser une fois ou deux, et ne put empêcher quelques cailloux de rouler sous ses pas alors qu'il se rattrapait de justesse sur les genoux. La sorcière avait pu l'entendre... ou peut-être pas. Il ignorait où elle se trouvait.

Le sentier qui repartait, de l'autre côté de l'éboulis, était plus praticable que le flanc de coteaux qu'il venait de traverser. Avancer lui demandait moins d'effort. Et, cadeau de Tymora, il trouva, au bout de quelques dizaines de toises, un noisetier, ainsi que des ronces où poussaient quelques mûres, rescapées de la fin de l'été. Certes, cela ne valait pas un vrai repas, mais les fruits sucrés lui donnèrent l'énergie de poursuivre sa route.
Le sentier descendait peu à peu vers le fond de la vallée, en longeant le flanc de la montagne. Il aperçut, un peu au-dessus de lui, quelques renfoncement qui pouvaient être des entrées de cavernes, ou pouvaient tout au moins offrir un semblant d'abri. Un peu plus bas, la garrigue laissait place à des herbages parsemés de petits bouquets d'arbres. Il lui sembla reconnaître la silhouette d'un pommier sauvage au milieu des prés, au bord de la rivière. Quelque part dans le lointain, les bêlements d'un troupeau de moutons annonçaient une présence humaine, qu'il était bien trop épuisé pour rejoindre ce soir.

[Kmir Tailleroc]

Ce pouvait-il qu’il y ait un espoir ? Les noisettes et les mûres avaient un peu sorti Kmir de ses sombres perspectives. Pour autant, il était très loin d’être sorti d’affaire. Il décida de se rendre vers le pommier sauvage. S’il pouvait y trouver des fruits, il pourrait retrouver de précieuses forces. Il pourrait également boire à la rivière et peut-être ainsi mieux se purger des drogues de la sorcière.
Les renfoncements repérés lui procureraient un refuge pour la nuit, mais il devait trouver de quoi se couvrir pour se protéger du froid. Un amas de feuilles peut-être…
Voilà le plan. Ne restait plus qu’à l’exécuter.

[Voyageuse]

Lorsqu'il atteignit le pommier, le soleil avait disparu à l'horizon et le froid s'intensifiait, le faisant frissonner. A moins que ce ne fut la fièvre, c'était difficile à estimer.
L'arbre se révéla vieux et rabougri, ne portant que quelques fruits acides et dévorés par les vers et les oiseaux, mais c'était mieux que rien. Il put étancher sa soif dans la rivière, et, même si l'eau était glaciale, boire lui fit du bien. Il y avait quelques branchages et des feuilles mortes sur le sol, de quoi se constituer un tapis confortable ou même se recouvrir le corps pour s'isoler du froid. Mais maintenant qu'il avait achevé sa descente, les deux abris sous roches lui paraissaient désespérément loin, presque inaccessibles, et il lui faudrait faire plusieurs voyages s'il voulait emmener suffisamment de feuilles. Il pouvait également se dissimuler dans les buissons, en espérant que le temps ne tournerait pas à la pluie.

[Kmir Tailleroc]

Considérant la distance qui le séparait des potentiels refuges, et les plusieurs trajets qu’il allait devoir effectuer pour y amener assez de feuilles mortes afin de se couvrir, Kmir changea de plan. Il allait rester ici et se dissimuler là où ce serait le plus agréable, le plus sûr également. Il pourrait du coup amasser plus de branches, plus de feuilles, et ainsi mieux s’isoler du froid.
Pourvu qu’il ne pleuve pas…
Timora occupait ses pensées. Les noisettes, les mûres, les pommes, l’eau, sans cela, il serait déjà sans doute tombé d’épuisement. Sans cela, ce serait sans doute déjà terminé. Mais s’il pouvait passer cette nuit sans encombre, si à l’aube il ne souffrait que d’une légère fièvre, alors tout redevenait possible et ce serait à Timora qu’il le devrait. Trop de fois, la chance était été de son côté.

[Voyageuse]

Il réussit à se fabriquer une sorte de nid, au creux d'un buisson, à peu près confortable mais pas vraiment chaud. Mais l'effort l'avait épuisé et il s'endormit sans la moindre difficulté, en quelques instants seulement, malgré le caractère plus que rudimentaire de son abri.
Le froid le réveilla avant l'aube, alors que les premier pépiements d'oiseaux se faisaient entendre. Les feuillages sur lesquels il s'était allongé, tout comme ceux qui le recouvraient, étaient humides, collants, et sentaient le moisi à plein nez. Une brume légère avait envahi la vallée, nappant le paysage de myriades de gouttelettes d'eau. Il entendait, pas très loin de lui, ce qui ressemblait au grattement d'un rongeur. Mais il n'y avait aucun autre bruit.
Et, comble de chance, sa fièvre avait baissé. Elle n'était pas totalement tombée, cependant, et il en gardait quelques stigmates : il était trempé d'une sueur glacée, il tremblait de froid, et mourrait de soif.

[Kmir Tailleroc]

Il était encore en vie !
Hier, durant une bonne partie de sa fuite, il aurait juré ne jamais avoir cette chance. Mais il respirait encore et son état n’était pas désespéré. Kmir se redressa et tâcha en premier lieu de se réchauffer par un peu d’activité physique.
Il alla boire dans la rivière, chercha une dernière pomme pour la route. Puis il se mettrait en marche sans tarder.
Il devait rejoindre un lieu plus peuplé pendant qu’il était encore en mesure de profiter des opportunités. Comment allait-il procéder une fois sur place ? Chaque chose en son temps. Déjà, il fallait s’y rendre et demeurer vigilant. La sorcière avait-elle laissée tomber ? Bientôt, elle serait le cadet de ses soucis.

[Voyageuse]

Il put étancher sa soif, trouva une ou deux pommes, mais il se sentait encore extrêmement faible. Il était probable qu'en remontant la rivière et en s'enfonçant dans les terres, il finisse par aboutir à des lieux plus peuplés. Il n'en avait pas la certitude, mais il avait entendu des bêlement la veille. La seule autre option qui s'offrait à lui était de grimper sur l'une des falaises qui bordaient la gorge profonde où il se trouvait, même s'il valait mieux éviter la paroi de droite où se trouvait la grotte de la sorcière. De là-haut, il aurait une meilleure vue... Mais grimper nécessitait des forces qu'il n'avait guère : les quelques pas qu'il avait déjà faits lui coûtaient un effort prodigieux.
Quoiqu'il en soit, il pouvait, pour une petite heure encore, bénéficier de l'obscurité, et, à en juger par le silence, d'une certaine tranquillité.

[Kmir Tailleroc]

Kmir ne fut pas long à choisir. Il décida de remonter la rivière, de s’enfoncer dans les terres. Il y avait eu les bêlements de la veille, il y avait aussi le désire de continuer de s’éloigner de l’antre de la sorcière. Temps que la nuit persistait, il pouvait progresser relativement tranquillement, mais dès que viendrait la lumière du jour, il devrait prendre garde à rester hors de vue.
Et si en chemin il pouvait trouver d’autres choses à manger, des pommes sauvages, des noisettes, des mûres, il en profiterait. Il n’avait pas l’intention de faire de détour ou de chercher spécifiquement, juste que s’il tombait dessus, il ne passerait pas à côté.

[Voyageuse]

Il chemina donc le long de la rivière, suivant un sentier étroit qui devait être régulièrement fréquenté, à en juger par l'absence de ronces, branchages ou autres obstacles. Il distinguait même quelques empreintes, sans savoir si elles dataient de la nuit même ou de deux ou trois jours.
Il était loin d'être remis de son refroidissement. Il n'avait plus qu'une légère fièvre, mais il marchait plus lentement que d'habitude, et devait s'arrêter fréquemment pour reprendre son souffle et boire un peu d'eau. Sans compter la faim qui commençait à le tenailler, signe de rémission. Il trouva quelques mûres sur un buisson, mais rien d'autre. La rivière était poissonneuse, cependant, et il pouvait prendre le temps de pêcher.
Les falaises, des deux côtés de la vallée, devenaient moins haute au fur et à mesure de son avancée, mais se rapprochaient de la rivière, refermant à demi la vallée. Celle-ci se transformait en gorges, peu profondes, mais étroites. Heureusement, à cette période de l'année, le niveau de l'eau ne présentait aucun danger et il pouvait continuer à suivre le sentier qui longeait le cours d'eau, au fond des gorges. Cependant, puisque ces gorges étaient la seule issue de la vallée, hormis la mer en aval, il était possible que les hommes qui le recherchaient soient eux aussi passés par là. Il était possible, aussi, qu'on l'y attende.
Le ciel s'éclaircit et il entendit, au-delà des gorges, un premier bêlement, tout proche, saluant l'aube. La civilisation semblait toute proche, juste au-delà du couloir de roche.

[Kmir Tailleroc]

Kmir estima que le moment était bien choisi pour commencer à progresser à couvert. Il se sentait encore faible, mais plus au point que cela nuise à ses facultés de discrétion qui demandait surtout de l’attention et de l’habilité, pas vraiment d’effort physique.
Il était possible qu’on l’attende, certes, mais ce n’était qu’une supposition. Et même si on l’attendait vraiment, il était possible qu’il puisse en profiter. Il avançait non plus vers quelque part, mais vers une opportunité. Il avait besoin de tout : d’argent, de vêtements, d’une arme, de repos, de nourriture… restait à savoir comment il allait se les procurer. Par la ruse ? Par le vol ? Par le meurtre ? Cette dernière solution, il la réservait qu’en dernier recours, ou justement pour aux personnes qui le poursuivaient. Il n’avait aucun scrupule à éliminer des ennemis.

[Voyageuse]

Progresser à couvert n'avait rien d'évident. Dans ces gorges étroites, la végétation était réduite à quelques touffes d'herbes sèches et quelques buissons rachitiques. Il y avait des rochers de toute forme et de toute taille, et Kmir savait se dissimuler dans ce genre d'environnement, mais il était difficile de se dissimuler efficacement des regards qui se trouveraient en hauteur, perchés sur la falaise.
Il se coula de rochers en rochers, aussi discrètement qu'il le pouvait. Mais alors qu'il quittait un abri pour traverser une petite zone exposée, une flèche vint se planter à ses pieds.
" Ne bougez plus!" lança une voix masculine au-dessus de lui.
Il devina une silhouette à contre-jour, sur la falaise, qui, à cet endroit, mesurait guère plus de deux toises de hauteur.

[Kmir Tailleroc]

Ben merde…
Il aurait préféré voir sans être vu, pas se faire choper comme ça.
Mais rien de désespéré. Kmir fut une fraction de seconde tenté de plonger à couvert. Si l’archer était seul, il lui faudrait du temps pour préparer une nouvelle flèche. Mais il n’était peut-être pas seul. Le gnome préféra donc s’immobiliser docilement et attendre la suite avec cette placidité apparente qu’il arborait à loisir. Tout ce qu’il espérait, c’était qu’il n’avait pas affaire à tout un groupe.

[Voyageuse]

L'inconnu sembla hésiter un instant.
" Vous avancez d'une trentaine de pas, puis vous prenez le sentier à gauche pour monter me rejoindre", reprit-il, autoritaire.
Kmir ne distinguait aucune autre silhouette. Si l'inconnu avait un comparse, celui-ci n'était pas visible. Peut-être était-il seul.
Les falaises devant lui se rapprochaient encore de la rivière, verticales, infranchissables, et le cours d'eau bifurquait légèrement vers la gauche : étant donné la configuration des lieux, s'il avançait comme on le lui ordonnait, il serait à l'abri des flèches et même des regards pendant au moins quelques toises. Il pouvait également revenir en arrière : il n'avait pas vu de sentier rejoignant le haut des falaises depuis un bon moment, donc l'inconnu ne pourrait pas descendre ; et il savait pouvoir rester à couvert sur une certaine distance.

[Kmir Tailleroc]

Trois questions trottaient dans la tête de Kmir. L’inconnu était-il un amateur ? L’inconnu était-il seul ? Et, le plus important, l’inconnu était-il lié à ceux qui le poursuivaient ? Il semblait possible de fuir, mais était-ce ce que voulait le gnome ? Après tout, il avait rencontré quelqu’un et il était dans le besoin. Il devait faire évoluer sa situation, il fallait être audacieux.
Sans un mot, avec cette troublante tranquillité, Kmir décida d’obtempérer. Il reprit sa progression d’une démarche fluide et silencieuse. Il était prudent, il ne voulait pas être surpris par une seconde personne et d’ailleurs, dès qu’il serait hors de vue, il s’autoriserait une franche observation des environs. S’il avait bien à faire à quelqu’un de seul, il pouvait gérer. Il pouvait au besoin rendre aveugle cette personne si cela tournait mal. S’ils étaient deux, c’était déjà une tout autre affaire.

[Voyageuse]

Il fut rapidement hors de vue de l'inconnu, et put observer les lieux. Un mouvement au-dessus de lui, sur sa droite, l'avertit de la présence d'une autre personne, de l'autre côté du ravin. Si le premier ne pouvait plus le voir, il en allait autrement du second qui gardait les yeux fixés sur lui, et l'arbalète armée.
La situation présentait cependant un avantage : il n'y avait pas de pont apparent entre les deux falaises. Ceux qui voulaient passer d'un côté à l'autre n'avaient pas d'autre choix que de descendre vers la rivière et de la traverser à gué. Ainsi, si Kmir montait en suivant le sentier de gauche, comme on le lui ordonnait, et si les choses tournaient mal, il n'aurait qu'un adversaire à affronter dans l'immédiat. A condition de se trouver hors de portée de l'arbalète, évidemment.

[Kmir Tailleroc]

Intéressant…
Kmir poursuivit tranquillement son trajet, la démarche régulière et paisible. Savoir si ces gens avaient un rapport avec ses poursuivants seraient probablement assez facile, ne serait-ce qu’en observant la réaction de celui qui allait pouvoir le voir de près. Se retrouver face à un svirfnebelin, qui plus est dans le plus simple appareil, était très loin d’être quelque chose de commun pour des humains de la surface.
La seule précaution qu’il allait prendre une fois sur la falaise, ce serait de se positionner, l’air de rien, de manière à ce que l’archer se trouve entre lui et l’arbalétrier. La suite dépendait de ces humains.